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Titre : Petit poème des poissons de la mer

Auteur : Antonin Artaud

Je me suis penché sur la mer Pour communiquer mon message Aux poissons : « Voilà ce que je cherche et que je veux savoir. » Les petits poissons argentés Du fond des mers sont remontés Répondre à ce que je voulais. La réponse des petits poissons était : « Nous ne pouvons pas vous le dire Monsieur PARCE QUE » Là la mer les a arrêtés. Alors j’ai écarté la mer Pour les mieux fixer au visage Et leur ai redit mon message : « Vaut-il mieux être que d’obéir ? » Je le leur redis une fois, je leur dis une seconde Mais j’eus beau crier à la ronde Ils n’ont pas voulu entendre raison ! Je pris une bouilloire neuve Excellente pour cette épreuve Où la mer allait obéir. Mon cœur fit hamp, mon cœur fit hump Pendant que j’actionnais la pompe À eau douce, pour les punir. Un, qui mit la tête dehors Me dit : « Les petits poissons sont tous morts. » « C’est pour voir si tu les réveilles, Lui criai-je en plein dans l’oreille, Va rejoindre le fond de la mer. » Dodu Mafflu haussa la voix jusqu’à hurler en déclamant ces trois derniers vers, et Alice pensa avec un frisson : « Pour rien au monde je n’aurai voulu être ce messager ! » Celui qui n’est pas ne sait pas L’obéissant ne souffre pas. C’est à celui qui est à savoir Pourquoi l’obéissance entière Est ce qui n’a jamais souffert Lorsque l’être est ce qui s’effrite Comme la masse de la mer. Jamais plus tu ne seras quitte, Ils vont au but et tu t’agites. Ton destin est le plus amer. Les poissons de la mer sont morts Parce qu’ils ont préféré à être D’aller au but sans rien connaître De ce que tu appelles obéir. Dieu seul est ce qui n’obéit pas, Tous les autres êtres ne sont pas Encore, et ils souffrent. Ils souffrent ni vivants ni morts. Pourquoi ? Mais enfin les obéissants vivent, On ne peut pas dire qu’ils ne sont pas. Ils vivent et n’existent pas. Pourquoi ? Pourquoi ? Il faut faire tomber la porte Qui sépare l’Être d’obéir ! L’Être est celui qui s’imagine être Être assez pour se dispenser D’apprendre ce que veut la mer… Mais tout petit poisson le sait ! Il y eut une longue pause. « Est-ce là tout ? » demanda Alice timidement.