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Titre : Une larme

Auteur : Antoine de Latour Recueil : La vie intime, 1833

Quand sous les lèvres de ta mère Ton front, ô jeune fille, est venu se placer, J'ai vu languissamment tes longs cils s'abaisser, Et même j'ai cru voir une larme glisser Et luire au bord de ta paupière. Le jour à ton chaste sommeil A-t-il ravi trop tôt quelque merveilleux songe ?... Oh ! ne le pleure pas ; en eux tout est mensonge ; Eh ! quel songe, dis-moi, vaut l'extase où te plonge Le premier rayon du soleil ? Lorsque l'on est et jeune et belle, Est-il, au sein des nuits, rêves si séduisants Qu'ils puissent égaler ces mondes rayonnants Qu'en sa fraîche pensée une vierge à seize ans Voit se dérouler devant elle ? Non, ce n'est pas encore cela ; C'est donc qu'en t'éveillant une glace infidèle A tes propres regards t'aura faite moins belle ? Elle mentait !... D'ailleurs qu'importe la rebelle ? Ton bien-aimé n'était pas là. Hier soir sans doute, en silence, Tu lisais à l'écart quelque récit d'amour, Et ta lampe, soudain s'éteignant, jusqu'au jour T'aura laissée hélas ! tremblante tour-à-tour Entre la crainte et l'espérance ? Peut-être à ton chant virginal Refusant de s'unir, ton âme vive et tendre Sur tes lèvres n'a pu monter et se répandre ? Mais le génie est roi ; parfois il fait attendre Longtemps l'harmonieux signal. L'inspiration a son heure : Impétueuse et libre, elle ne souffre pas Qu'un maître la mesure et lui compte ses pas : Attends-la fièrement, bientôt tu sentiras Vibrer la corde intérieure. — « Non, ma lampe, toute la nuit, A brûlé sans s'éteindre, et ma glace est discrète ; La harpe sous mes doigts n'a pas été muette, Et mon calme sommeil n'a pas rêvé de fête Qu'un jaloux réveil ait détruit. Si le sourire m'abandonne, Si pâle maintenant et triste tu me vois, C'est que j'eus sur la terre une amie autrefois, Et la mort la surprit lorsqu'ainsi dans les bois Tombaient les feuilles de l'automne. »