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Titre : Chant de la mer

Auteur : Jean-Claude Renard

Il faut avoir touché la mer ardente, pris vraiment la mer avec un corps nu, senti l'épaisseur du sel et du sang peser sur la chair comme un arbre blanc pour savoir où sont les pays perdus, pour ne pas cesser de brûler d'attente. Tous ceux qui n'auront pas aimé la mer. qui n'auront pas baigné dans sa rumeur, sucé la nuit, l'eau large et capitale, les grands raisins de la noce natale, ne pourront pas entrer dans la ferveur, seront passés près des départs ouverts. La masse d'or, la fureur de terrasses qui tend ici ses voyages poignants, ses durs soleils et ses paradis calmes, ses soirs puissants et frais comme des palmes. rend leurs secrets aux légendes d'enfants, guérit le mal qui désole ma race. Il fallait bien que la mer fût cruelle pour nous purifier de tant de morts, qu'elle eût des yeux gonflés par la colère, de longues mains d'algues et de lumière pour nous laver des anciens remords et résorber la faute originelle. J'ai vu la mer chanter comme une femme, la mer qui dit que nous sommes venus pour une paix pareille aux violences, pour une guerre où naîtra l'innocence, où mûriront des pardons inconnus, des corps nouveaux et des pays en flammes. Ô les plateaux, ô les matins des caps, les vastes fleurs de la mer solennelle emporteront les mal-aimés ailleurs, les étrangers couchés dans la douleur, assouviront la soif essentielle, les anges roux, les brises, les ressacs! Nous referons de profondes croisières, nous descendrons dans les pays troublants pour retrouver la formule du feu, la trace et l'odeur sauvage du dieu qui délivrera les derniers absents, l'amour infini qui dort dans la terre. Les bienheureux seuls comprendront la mer, la miséricorde et la pauvreté, ceux qui s'en iront dans d'autres pays. ceux qui auront cru dans la joie du Christ avec un désir doux comme l'été, qui se mêleront au mystère amer...