Titre : Dans la cabine des vaisseaux en mer
Auteur : Walt Whitman
Dans la cabine des vaisseaux en mer,
L’infini du bleu expansivement de tous côtés,
Vents sifflants, vagues musicales, immenses vagues impérieuses,
Ou peut-être à bord d’une barque solitaire balançant sur l’épaisseur marine,
Emplie de foi joyeuse, déployant ses voiles blanches,
Epousant l’éther dans l’étincellement d’écume du jour, ou sous la foule des
étoiles nocturnes,
Par des marins jeunes ou vieux je serai lu, réminiscence de la terre,
Dans la perfection des rapports, enfin.
Voici nos pensées de voyageurs,
Voici que la terre seule la terre ferme n’apparaît plus, diront-ils alors,
Voici que le ciel tend son arc sur nos têtes, nous sentons le vacillement du
pont sous nos pieds,
Nous sentons les longues pulsations, le flux et le reflux du mouvement infini,
Les tonalités du mystère invisible, les vastes vagues suggestions de la salure
liquide, des syllabes fluides et liquides,
Le parfum, le craquement léger des cordages, le rythme mélancolique,
L’horizon sans bornes, l’horizon brumeux lointain, tout nous accompagne,
Et voici devant nous le poème de l’océan.
Ne faiblis pas mon Livre, accomplis ton destin,
Toi qui n’es pas réminiscence de la terre seule,
Toi qui navigues telle la barque solitaire sillonnant le ciel, barque de but
inconnu et cependant de foi totale ,
Va de conserve avec tous les vaisseaux, va vogue !
Porte-leur le pli de mon amour (chers marins, je vous le plie dans le pli de
chaque feuille) ;
Accélère, mon Livre ! déploie tes voiles blanches ma petite barque à travers les
vagues impérieuses,
Musique, fais voile, emporte apporte au-delà de l’infini du bleu à toutes les
mers,
Ce chant que je destine aux marins et leurs vaisseaux.