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Titre : Capharnaüm ou le mimétisme de la métamorphose

Auteur : Léopold Partisan

Ne serai-je toujours que ce rêveur au cœur de fiel ou alors atteindrai-je un jour peut-être, la célébrité des Tueurs de la lune de miel ? Ah si papa ne m’avait pas arraché les ailes, tandis que maman grouillait comme toujours en furetant dans les décolletés des gamines abandonnées à notre charité : comme mon destin en aurait été métamorphosé, transfiguré. « Non je ne suis plus ta jolie libellule ! » ai-je souvent gémi dans son giron ! Il voulait un garçon, pas d’une demi-lune, se croyant tout à la fois ange et papillon. « Mais regarde donc ces horribles cicatrices : on dirait qu’il m’a greffé dans le dos deux horribles mille-pattes baveux et morveux ! » Était-ce l’automne passé ou y a-t-il déjà quelques années ? Chez nous les éphémères, le temps a parfois de ces variations. En tout cas ce fut lors de la dernière fête des maïs, à laquelle je pus participer, qu’à la douce et tendre Abigail, je dérobai bien involontairement la virginité. Comment aurais-je pu savoir, idiot de charançon, crétin dytique, que cette molle corolle n’avait rien à voir avec la chrysalide dont je voulus libérer la nymphe avec mes patauds élytres. Lorsqu’après des heures et des heures de recherches forcenées, les hommes du village m’eurent retrouvé, ils jugèrent que me livrer à mon père serait une punition bien plus sévère que la maison de correction. Papa eut alors beau me fouetter comme un damné, jamais je ne retirai l’anathème que j’avais prononcé dès qu’il m’eut attaché à un arbre, la bouche ensanglantée, les deux yeux pochés, entouré de mes inséparables phalènes réelles ou virtuelles… et par lequel je lui annonçais qu’à l’aube du cinquième jour, il s’en irait pourrir sous la terre, où moi et mes semblables ferions un festin de son immonde carcasse… C’est sans doute une question de phéromone, mais j’ai toujours tenu parole. Faut dire aussi que Maman toujours aussi silencieuse et effacée l’avait, depuis bien longtemps déjà, infecté et rongé. Toujours est-il que le jour prédit, à peine arrivé à la rivière, où il allait toujours pisser après nous avoir brisés ou violés, il fut littéralement assailli et happé par une colonie de scolopendres, aussi venimeux que monstrueux. Il hurla longtemps, en s’enfonçant très lentement dans la vase fangeuse. Il beugla, vociféra et éructa. Il conjura, implora et supplia. Je me contentai seulement de le fixer de mes yeux globuleux et d’imiter la cigale amoureuse. Pour ce faire, je frottais comme un damné, mes excroissances dorsales contre la branche qu’il tentait vainement d’agripper. Je renforçais ainsi par cette chaleur torride, la dramaturgie malsaine de mon Œdipe dégénéré où parfois à l’ombre de ces palétuviers, les taux d’humidité de mes orgasmes dépassaient allègrement les cent pour cent. Il aurait dû savoir, ce sombre idiot, que jamais mon destin ne serait celui d’un Grégoire Samsa*. *Franz Kafka : la métamorphose