Titre : L'école de l'ivresse
Auteur : Jean de Bosschère
Sous le géant soleil de mes jeunes ans de gloire
de paons fastueux et encore de soleil aventure d'or
d'école buissonnière brûlant crime adorable
de pintades et de greniers temples solitaires complices
enfant de candides dupes royales
je cueillais avec nausée l'odeur de lange
sur la manche de laine du cuistre
et le réthoricien accompagnait ses œuvres
sept simiesques générés dans l'ennui
quand le dimanche, raide tatillon
il escortait la bouffonne mappemonde
rejeton fille d'un large pédant quinteux
vingt chevrons et tout étoiles
Je te connaissais mon
Dieu
que louaient les corolles et les ailes
tu n'étais pas procréateur de maîtres
ni de leurs travaux d'éleveurs responsables
tu étais l'ineffable, le misanthrope
comme moi l'ennemi des hommes prolifères
comme j'étais le contempteur des matricules
des identiques aux relents quotidiens
de pupitre d'encre rouge, de lessives napolitaines
Tu étais l'ineffable
où chantaient pour toi seul le merle et la grive
et tout ce que j'aimais
avait été créé pour toi
pour ta joie d'exilé
que je comprenais dans mon cœur naissant
tu ne portais ni chaîne ni férule
c'est ta noble tendresse pour moi seul
pour moi seul
qui me guidait dans les sentiers, les plaines sans pistes
mystères dévoilés à l'ouïe de l'âme
confidences comme le vol diurne
de l'oiseau muet, chouette de la nuit
et c'est aussi ta vénération
qui tendrement portait l'oiseau de sagesse
sur la soie des ailes silencieuses
de l'école d'ivresse, l'école buissonnière
Je savais que c'était toi
qui m'enseignais de repousser la main du pion
qui me bénissais quand dans d'autres ans
je quittais, bondissant équestre, la ville
n'y revenait que toute bourse tarie
Tu haïssais le binocle et la bave oratoire
et tous ces traîtres qui m'enfermaient
avec des singes, des poux, un
Christ en croix
qu'ils proposaient impudemment
à mon supplice d'écolier
Et maintenant mon
Esprit d'oraison
je sais que c'était toi
qui infiniment d'un remède innommable
gonflait mon cœur de sérénité
et moi debout j'étais le prototype de l'espoir
dans les taillis enchantés
de mon idéal accessible, de mes rêves de victoire
de ma rébellion, enfant des dieux du combat
de mon immortelle école buissonnière
Je mettais en ta beauté
la représentation de mon univers concevable
les lis d'enfance dont nul jamais
n'illustra tes images impérieuses adorables
et j'ignorais vos cathèdres d'architecture
ô gentils oints des douces superstitions
et cette eau lustrale qui vous sépare des maux
je mettais en ta beauté les lis d'enfance
Sous terre je creusais une tanière
je l'ai dit, c'était un enfant de dupes candides
je prévoyais les souterrains où se cache la lumière
l'humus tonique, les larves et les feux
qui bâtissent l'esprit dressé vivant
Il est vrai l'armure était de bronze encore
à volutes et ciselures il est vrai
dans mes ans de primevères triomphales
Je connaissais peut-être alors les âmes
dans mes jeunes ans défiant falaises, précipices
déjà peut-être je connaissais
les roses rouges de l'hallucination
l'aigle et la vipère des promesses
les âmes qui éclosent dans l'enfer
jettent l'huile et le fagot sur l'incendie
Le pur vaste espoir
avait les dimensions des deux et des planètes
qui du front se touchaient dans mon cœur
Et pourtant, certainement pourtant
une arène de hautes flammes
protégeait mes lis d'enfance
Je sais maintenant que c'était toi
qui t'avançais à ma rencontre ,
compagnon, présence indéfectible
Février 1949