Titre : Mahabharata
Auteur : Krishna Dvaipayana Veda Vyasa Recueil : Le Mahâbhârata, 1863
Vaîçampâyana dit:
« Le fils de Soubala, le roi Douryodhana, Douççâsana et Kama se mirent à concerter un dessein criminel.
Ayant arraché à Dhrilarâshtra, l’auguste rejeton de Rourou, son consentement à l’exil des Pândouides, ils conçurent la pensée de brûler Kountî avec ses fils.
Vidoura, qui possédait la vue de la vérité et devinait leurs sentiments à leurs gestes, entrevit à l’air de ces âmes méchantes quel était leur dessein.
Vidoura, connaissant l’essence elle-même de ce qui peut être connu, l’irréprochable Vidoura, qui trouvait son plaisir dans le bien des Pândouides, appliqua sa pensée à sauver Kountî avec les fils de Pândou.
Ensuite, quand il eut fait construire une barque solide, pavoisée, munie de ses rames et de son gouvernail, en état de supporter le vent et capable de résister aux vagues, il tint ce langage à Kountî:
« Ce Dhritarâshtra, l’âme circonvenue, est devenu le destructeur de la race et de la gloire de cette famille; il abandonne la justice éternelle.
» Voici un navire convenable pour suivre la route des eaux, capable de résister à la fureur des vagues et du vent: avec lui, noble dame, tu échapperas, toi et tes fils, au lasso de la mort! »
Ces paroles entendues, l’illustre Kountî monta désolée dans le navire avec ses fils et s’avança, puissant Bharatide, sur les eaux du Gange.
Les Pândouides abandonnent le bâtiment à la parole de Vidoura; et, chargés des richesses, que leur a données la victoire, invulnérable monarque, ils entrent dans une forêt.
Une femme Nishâdî, accompagnée de cinq fils, vint les trouver dans leur maison de laque pour une certaine affaire; elle y fut brûlée avec ses fils par l’irréprochable Youddhishthira.
Le méchant Pourotchana, le plus vil des barbares, y périt consumé. Les Dhristarâshtrides aux âmes scélérates et leurs suivants échouèrent ainsi dans leurs desseins.
Les magnanimes fils de Kountî et leur mère échappèrent donc au danger sans blessures à l’insu du monde, grâce aux conseils de Vidoura.
Ensuite, les habitants de la ville, affligés en voyant la maison de laque devenue la proie des flammes dans la cité de Vâranâvata, s’abandonnèrent aux regrets.
Ils envoyèrent annoncer au monarque circonstanciellement la chose: « Il t’est survenu un grand bonheur: tu as brûlé les fils de Pândou.
» Sois au comble de tes vœux, rejeton de Kourou; jouis du royaume avec tes fils! » À cette nouvelle, Dhritarâshtra de se livrer avec ses fils à des regrets simulés.
Lui, et sa famille, et Kshattri, et Bhishma, le plus vertueux des enfants de Kourou, s’empressent de célébrer les cérémonies funèbres en l’honneur des Pândouides. »
Djanamédjaya dit:
« J’ai le désir d’entendre une seconde fois, mais avec étendue, ô le meilleur des brahmes, l’incendie de la maison de laque et la délivrance des Pândouides.
« Raconte-moi avec détail, — ma curiosité est extrême! — l’acte bien destructeur, imaginé pour leur perte d’une âme cruelle. »
« Écoute donc avec détail de ma bouche, roi, fléau des ennemis, l’incendie de la maison de laque et cette délivrance des Pândouides.
Douryodhana sentit le feu de l’envie consumer son esprit méchant, lorsqu’il vit Bhîmaséna doué d’une force supérieure et Dhanandjaya possédant une science complète. Alors Karna, surnommé Valkarttana, et Çaikouni, le fils de Soubala, mirent en jeu plus d’un moyen pour tuer les Pândouides.
Mais ceux-ci, fermes dans les opinions de Vidoura, sans commettre aucune négligence, contre-barraient tout de la manière que les choses arrivaient.
Voyant les fils de Pândou s’élever de plus en plus vers le sommet des qualités, les citadins se mirent à s’entretenir d’elles, auguste Bharatide, au milieu de leurs assemblées.
Réunis dans les cours et dans les salles: « Le fils ainé de Pândou est arrivé, disaient-ils, à l’âge de monter sur le trône.
» Dhritarâshtra, qui est notre souverain aujourd’hui, n’est pas d’abord parvenu à l’empire, tout doué qu’il fût des yeux de la science, parce qu’il était aveugle de naissance; comment pourrait-il occuper le trône maintenant que nous avons un prince en âge de tenir le sceptre?
» Bhîshma, le fils de Çântanou, a jadis refusé la couronne: homme aux grands vœux, enchaîné aux lois de la vérité, il ne consentira jamais à la recevoir!
» Eh bien! sacrons aujourd’hui même l’aîné des Pândouides: c’est un jeune homme, bien doué pour la guerre; il sait compatir aux peines; il connaît la vérité!
» Ce prince vertueux saura vénérer Bhîshma, le rejeton de Çântanou, Dhritarâshtra avec ses fils, et les combler de biens divers. »
À peine Douryodhana eut-il entendu ces paroles, que l’amour d’Youddhishthira inspirait aux habitants de la ville, son âme dépravée en ressentit aussitôt une brûlante jalousie.
Rongé de chagrin, son esprit méchant ne put supporter ce langage des citadins, et, consumé d’envie, il courut chez Dhritarâshtra.
Il vit son père délaissé, lui rendit ses hommages, et, furieux de voir l’inclination du peuple se tourner vers les Pândouides, lui parla en ces termes:
» J’ai recueilli, mon père, des paroles fâcheuses dans les entretiens des habitants de cette ville: sans aucun égard, ni pour Bhîshma, ni pour toi-même, ils veulent pour maître un fils de Pândou.
» L’opinion de Bhîshnia est connue; il ne désire pas ceindre la couronne: c’est donc nous-mêmes, que les gens de la ville prétendent abattre sans retour.
» Pândou autrefois dut le trône à ses avantages personnels: le droit d’aînesse te l’aurait adjugé; mais tu l’as perdu à cause de la cécité, dont tu portais la triste infirmité.
» Si le Pândouide obtient ce royaume comme un héritage de Pândou, son fils le recueillera infailliblement après lui; ensuite, un fils de celui-ci; puis, un autre de ce dernier, et ainsi de suite.
» Quant à nous, souverain du monde, exclus avec nos fils de l’hérédité au trône, nous serons en butte au mépris des hommes.
» Suis une marche telle, sire, que nos mânes, précipités à jamais dans les enfers, n’attendent pas des autres l’offrande du gâteau funèbre.
» Si l’on peut dire un jour que tu as obtenu et conservé le trône, il est certain que nous l’occuperons également, sire, nous-mêmes, quoi que fasse le peuple. »
Après qu’il eut ouï son fils parler ainsi, l’âme du monarque aveugle, éclairé par la science, qui avait déjà écouté entièrement les discours de son ministre Kanika, fut partagée en deux sentiments et donnée en proie au chagrin.
Douryodhana, Kama, Douççâsana et Çakouni, le fils de Soubala, délibérèrent tous les quatre en commun.
À la suite du conseil, le roi Douryodhana de parler en ces termes à Dhritarâshtra: « Pour nous mettre à couvert des Pândouides, que ta majesté les envoie habiter la ville de Vâranâvata. »
Celui-ci, dès qu’il eut ouï ces mots, lancés par son fils, réfléchit un instant et tint ce langage à Douryodhana:
« Pândou fut toujours invariable dans le devoir: le devoir était sa principale rêgle envers tous ses parents et moi en particulier.
» Il ne sentit pas la moindre envie de poursuivre les jouissances des sens et, ferme dans ses vœux, il proclamait toujours que la couronne était mon droit.
» Son fils est, comme était Pândou, adonné à la vertu; il est rempli de bonnes qualités, célèbre dans le monde, estimé des citadins.
» Comment pourrions-nous le chasser d’ici par la force? Comment lui ôter le royaume de son père et desesayeux, surtout quand il est soutenu par ce peuple?
» En effet Pândou a nourri les ministres, il a nourri continuellement l’armée, il a nourri surtout leurs fils et petit-fils.
» Les habitants de cette ville ont éprouvé jadis les bons traitements de Pândou; comment pourraient-ils ne pas nous sacrifier, nous et nos familles, à Youddhisthira? »
« Tous les sujets, reprit Douryodhana, honorés pour l’opulence et la dignité, aussitôt vu qu’il est contraire à leur intérêt de penser comme tu dis, mon père, se hâteront de faire alliance avec nous, à commencer par les chefs. La classe riche avec les ministres a déjà embrassé mon parti, souverain de la terre.
» Que ta majesté veuille donc bien, à l’aide même d’un moyen doux, envoyer au plus vite les Pândouides en exil dans la ville de Vâranâvata.
» Une fois que la couronne sera bien assurée, auguste Bharatide, sur ma tête, Kountî reviendra avec ses fils. »
Dhritarâshtra lui répondit:
« Cette pensée roule aussi dans mon esprit, Douryodhana; mais je la repousse à cause de la cruauté du moyen.
» Ni Bhîshma, ni Drona, ni Kshattri, ni le Gautamide n’auront jamais le désir que les fils de Kountî vivent dans l’exil.
» Eux et nous en effet nous sommes égaux parmi les enfants de Kourou: il est impossible que ces hommes sages et liés au devoir désirent qu’il y ait entre ses rejetons une inégalité.
» Cette conduite coupable ne nous rendrait-elle pas, mon fils, dignes de mort aux yeux des Kourouides, de ces magnanimes et du monde? »
» Bhîshma garde toujours la neutralité, reprit Douryodhana; le fils de Drona est de mon côté, et Drona, on n’en saurait douter, se rangera du parti où il verra son fils.
» Kripa le Çaradvatide soutiendra la cause, pour laquelle combattront ces derniers: il n’abandonnera jamais Drona et le fils de sa sœur.
» L’intérêt attache à nous Vidoura; il tient également aux autres; mais seul il ne peut déranger nos plans au sujet des Pândouides.
» Envoie donc en toute assurance les fils de Pândou et leur mère habiter loin d’ici: agis de telle sorte qu’ils s’en aillent aujourd’hui même à Vâranâvata.
» Que cet acte de vigueur éteigne le feu du chagrin, qui s’est allumé en moi: il ressemble à un horrible dard, lancé dans mon cœur pour la destruction de mon sommeil.
À la suite de cette conférence, Douryodhana et ses frères puinés de séduire tous les sujets en leur distribuant des biens et des honneurs.
Ensuite cçrtains brahraes, conseillers habiles, souillés par Dhritarâshtra, se mirent à répéter que Vâranâvata était une ville délicieuse.
« Voici le temps, où se tient, en l’honneur de Paçoupati, une grande bien assemblée, la plus charmante, qu’on voie sur la terre, dans la ville de Vâranâvata;
Il Cette région pleine de toutes les pierreries et qui enchante les hommes! » Telles étaient ces paroles, qu’ils redisaient la voix de Dhritarâshtra.
Comme ils entendaient vanter l&s agréments de cette ville, la pensée de faire un voyage à Vâranâvata naquit alors, sire, aux fils de Pândou.
Aussitôt que le fils d’Ambikâ put se dire: « La curiosité leur est venue! » le monarque de parler en ces termes à ces enfants de Pândou:
« J’entends ces hommes me répéter sans cesse à chaque instant du jour: « La cité de Vâranâvata est ce qu’il y a de plus charmant au monde, »
» Si vous désirez, mes enfants, voir la fête à Vâranâvata, allez-y avec votre suite, avec vos familles, et divertissez-vous là comme des Dieux!
» Distribuez tout à fait selon votre bon plaisir, comme des Immortels, éclatants de splendeur, des pierreries aux brahmes et aux chanteurs.
» Alors que vous vous serez divertis là un peu de temps et que vous y aurez goûté une joie suprême, vous reviendrez satisfaits dans cette ville d’Hastinapoura. »
Youddhishthira, qui avait découvert, continua le narrarateur, quel était le désir de Dhritarâshtra et qui se savait lui-même abandonné de ses adhérents, lui répondit: « Qu’il en soit ainsi! »
Il dit ensuite d’un visage contristé lentement ces paroles à Bhishma, fils de Çântanou, à Vidoura, le sage à la grande intelligence, à Drona, à Vâlhika lui-même, à Somadatta, rejeton de Kourou, à Kripa, au fils d’Atchârya, à Bhoûriçravasa, aux brahmanes riches de pénitences, aux prêtres de famille, aux habitants de la cité et à l’illustre Gandhârî:
« Nous irons avec notre suite, comme Dhritarâshtra nous l’ordonne, à la charmante et populeuse ville de Vâranâvata.
» Versez tous d’une âme sereine vos paroles saintes sur nous: le crime ne pourra nous vaincre, comblés de vos bénédictions. »
À ces mots du fils de Pândou, tous les Kourouides, ayant purifié leurs bouches, accomplirent ce que demandaient les rejetons de Pândou:
« Que le bonheur vienne complètement à vous de tous les êtres dans ce voyage; qu’il ne s’y présente à vous rien de malheureux nulle part, fils de Pândou! »
Aussitôt les oraisons faites pour obtenir un bon voyage, les jeunes seigneurs, ayant terminé toutes leurs affaires, prirent le chemin de Vâranâvata.
Après que le monarque eut parlé de cette manière, fils de Bharata, aux rejetons de Pândou, le cruel Douryodhana ressentit la joie la plus vive.
Il prit la main droite de Pourotchana, le conduisit à part, noble Bharatide, et lui tint ce langage:
« Cette terre pleine de richesses est à moi, Pourotchana; elle est à toi, comme elle est à moi: veuille donc l’assurer dans nos mains.
» Il n’est personne, en qui j’aie mis plus de confiance qu’en toi; je n’ai pas un autre compagnon, avec qui je puisse délibérer comme avec toi sur des intérêts communs.
» Garde cette délibération dans le secret, arrache la racine de mes ennemis, exécute d’une adroite manière ce que je vais te dire.
» Dhritarâshtra envoie les fils de Pândou à Vâranâvata; ils vont se divertir à la fête suivant son ordre.
» Fais en sorte d’arriver aujourd’hui même à Vâranâvata sur un char à la course rapide, attelé d’ânes.
» Aussitôt venu, fais construire là une maison de grande richesse, bien cachée, à quatre salles, dans le voisinage de la ville.
» Fais mettre là du chanvre, de la résine et les autres choses, quelles qu’elles soient là, faciles à s’enflammer.
» Détrempe l’argile avec du beurre fondu, de l’huile de sésame, de la graisse mêlée à beaucoup de laque, et fais maçonner les murs avec ce mortier.
» Jette de tous les côtés dans cette maison toutes les matières dangereuses: le beurre fondu, le chanvre, l’huile de sésame et la laque.
» Mais de telle sorte que les Pândouides n’en voient rien de leurs yeux les plus attentifs, et que les autres hommes ne puissent dire: « Voilà une chose facile à s’enflammer! »
» Comble de tes respects les Pândouides arrivés dans le pays et fais-les habiter avec Kountî et leurs amis dans cette maison ainsi construite.
» Il faut disposer là pour les fils de Pândou des chars, des lits, des sièges d’une beauté céleste, afin que mon père soit content.
» Il faut tout préparer, tandis que s’opère la révolution du temps, avec un tel soin qu’on n’en sache rien dans la ville même de Vâranâvata.
» Puis, une nuit que tu les auras vu s’endormir pleins de confiance, en toute sécurité, mets le feu aux portes de cette maison.
» Ils ont péri, dira le monde, brûlés dans l’incendie de leur maison! » et jamais aucun reproche ne tombera sur nous au sujet des fils de Pândou. »
» Je ferai ainsi! » promit au rejeton de Kourou le méchant Pourotchana; et, montant sur un char à la course rapide, attelé d’ânes, il partit.
Arrivé en toute hâte, sire, Pourotchana, sans dévier des sentiments de Douryodhana, accomplit tout comme l’avait recommandé ce fils du roi.
Les Pândouides, ayant attelé à leurs chars de bons chevaux, semblables au vent, y montèrent, après qu’ils eurent embrassé avec tristesse les pieds de Bhîshma, Du roi Dhritarâshtra, du magnanime Drona et des autres vieillards, de Kripa et de Vidoura.
Ces princes aux vœux inébranlables saluent ainsi tous les vieillards nés de Kourou, embrassent leurs égaux et sont eux-mêmes salués par les enfants.
Ils font leurs adieux à toutes les mères, décrivent un pradakshina en l’honneur de toutes les parties constituantes du gouvernement royal et s’acheminent vers la cité de Vâranâvata.
Vidoura à la grande science, les autres chefs des Kourouides et les citadins accompagnèrent, accablés de chagrin ces jeunes princes, les plus éminents des hommes. Là, tous les brahmes dans une extrême douleur, disaient alors sans crainte, à la vue des fds de Pândou plongés dans une profonde affliction:
« Ce monarque issu de Kourou, ce Dhritarâshtra à l’intelligence étroite de toutes les manières, il voit bien les embarras d’une situation; mais il ne distingue pas le devoir.
» Ni le Pândouide aîné à l’âme innocente, ni Bhîma le plus fort des hommes forts, ni Dhanandjaya, fils de Kountî, ne trouveront jamais de plaisir à faire le mal.
» Combien moins en trouveraient les deux magnanimes fils de Mâdrî! Et Dhritarâshtra, lui! ne souffle pas qu’ils montent sur le trône de leurs pères!
» Comment Bhîshma permet-il qu’ils soient exilés dans une ville sauvage et peut-il approuver une si révoltante injustice?
» Nous avons eu jadis comme un père dans le roi Vitchitravîrya, fils de Çântanou: il en fut ainsi de Pândou, le saint roi, honneur du sang de Kourou.
» Depuis que ce tigre de l’espèce humaine s’en est allé au ciel revêtir la nature des Dieux, Dhritarâshtra ne peut supporter ces enfants, les fils de ce roi.
» Nous, qui n’approuvons pas une telle conduite, abandonnons tous nos maisons; et, sortant de cette métropole, suivons Youddhishthira aux lieux, où il va. »
Aux citadins, que la douleur faisait parler ainsi, Youddhishthira, le fils de Dharmarâdja, appliquant sa pensée à la réflexion et pénétré de chagrin, tint alors ce langage:
« On doit estimer un père comme le plus grand des gourous, il nous faut donc accomplir sans balancer ce qu’a dit le monarque de la terre: c’est là notre plus saint devoir.
» Vous, qui êtes nos amis, honorez-nous d’un pradakshina; et, nous saluant de vos bénédictions, retournez dans vos maisons, comme vous en êtes venus.
» Quand vos seigneuries nous auront accordé cette chose, vous aurez fait pour nous l’agréable et l’utile. » Les citadins à ces mois décrivent autour d’eux un pradakshina, et, leur adressant pour adieux des bénédictions, s’en retournent à la ville.
Une fois les habitants de la cité partis, Vidoura, versé dans tous les devoirs, tint ce langage à l’aîné des Pândouides afin de l’éclairer;
Vidoura, l’homme de science, qui savait l’art de cacher un sens dans un non-sens apparent, lui adressa donc ce discours énigmatique; et tint, savant au savant, lui, qui n’ignorait pas l’art d’embrouiller un sens à l’homme, qui n’ignorait pas l’ait de le débrouiller, ces paroles, où le sens était enveloppé d’un voile:
« L’homme, auquel est connue la science de son ennemi, fondée sur les Traités de politique, agit de telle sorte en ce monde, grâce à cette connaissance, qu’il échappe à l’infortune.
» Un ennemi ne réussit pas à tuer l’homme, qui sait qu’une flèche sans fer peut trancher de sa pointe aiguë dans tout le circuit du corps, parce qu’il sait mettre en pratique l’art de s’en garantir.
» Le feu, qui dévore les broussailles, ne peut brûler dans l’incendie d’un grand bois sec, dit un adage, les reptiles, qui habitent dans les trous! » Qui veille sur soi-même conserve sa vie.
» L’aveugle ne connaît pas sa route, l’aveugle ne sait pas discerner les points du ciel; la légèreté n’acquiert pas la sagesse: averti, sache appliquer Ion attention.
» L’homme reçoit un trait sans rouille donné par des gens, qui ne peuvent le manier. Que le porc-épic, retiré dans son repaire, s’y tienne en garde du feu!
» Le voyageur distingue ses routes, il connaît les points du ciel par les constellations. Qui sacrifie de lui-même les cinq de soi-même n’est point ensuite immolé. »
À ces mots de Vidoura, le plus éminent des hommes savants, le fils d’Yama imputé à Pândou, Youddhishthira lui répondit: « Je comprends! »
Après qu’il eut averti, accompagné, honoré d’un pradakshina les fils de Pândou, Vidoura leur donna congé et retourna vers la ville.
Vidoura, et Bhîshma, et les gens de la cité partis, Kountî s’approcha de son fils Adjâtaçatrou, et lui parla en ces termes:
« Nous ne comprenons pas ces paroles, que Kshattri a dites, comme s’il parlait indirectement au milieu du monde, et qui ont reçu de toi cette réponse: « C’est ainsi! »
» S’il est possible pour nous de les connaître, et si la grandeur ne commet pas une faute de les dire, j’ai le désir d’entendre toute cette conversation de lui et de toi. «.
« Vidoura m’a dit, lui répondit Youddhishthira: « Il faut penser à tirer le feu de la maison. Aucune route quelconque, ajouta le sage, ne doit être inconnue.
» Celui, qui a vaincu ses organes des sens, obtiendra la terre; » m’a-t-il dit encore, et j’ai répondu à Vidoura: « Je sais tout cela! »
Le huitième jour du mois Phâlgouna, reprit Vaîçampâyana, dans l’astérisme de Rohinî, les voyageurs, étant arrivés non loin de Vâranâvata, aperçurent les gens de la ville.
Ensuite, à la nouvelle de l’arrivée des fils de Pândou, à cette nouvelle, qui les remplit d’une joie suprême, tous les sujets sortirent à la hâte par milliers, sur d’innombrables chars, de la ville de Vâranâvata et marchèrent au-devant d’eux, portant toutes les choses de bon augure indiquées dans les Castras.
Tous les Vâranâvatains s’approchent, répandent sur les fils de Kountî leurs bénédictions de victoire et se tiennent, faisant un cercle autour d’eux.
Environné par cette foule, Youddhishthira, le plus distingué des hommes, Dharmarâdja même en personne, brillait tel que le Dieu au bras armé de la foudre, environné des Immortels.
Salués par les citadins et les saluant eux-mêmes, les Pândouides entrent dans Vâranâvata, remplie de monde et bien décorée. Entrés là, ils s’empressent de visiter, monarque sans péché, les maisons des brahmes, qui se plaisent dans leurs fonctions.
Ces jeunes princes vont dans les maisons des opulents [] chefs de la ville; ils vont dans les maisons des vaîçyas et des çoûdras eux-mêmes.
À la suite de ces choses, éminent Bharatide, les fils de Pândou, que précédait Pourotchana, se rendirent à la maison, qui leur était destinée, au milieu des hommages des citadins.
Le traître leur donna des mets, des breuvages, de splendides couches et des sièges royaux.
Honorés par lui, bien fournis de meubles et de vaisselle du plus haut prix, ils habitèrent là, servis par les habitants de la ville.
Mais la dixième nuit de leur séjour à Vâranâvata, cet homme leur parla de la maison appelée maison de la Félicité, et qu’on aurait plus justement nommée la maison de la Calamité.
Sur l’invitation de Pourotchana, les jeunes princes entrèrent dans ce palais avec leur suite comme les Couhyakas dans les grottes du mont Kaîlâça.
Youddhisthira, la plus forte de toutes les colonnes, qui soutiennent la vertu, dit à Bhîmaséna, quand il eut examiné cette demeure: « C’est fait pour brûler! »
» Nous sentons, continua-t-il, une odeur de graisse et de laque mêlées au beurre fondu: évidemment, fléau des ennemis, cette maison est vouée aux flammes.
« Le moundja, le valvadja, le roseau et pareilles choses, arrosées de beurre fondu furent ici employées habilement par de bons ouvriers, instruits dans l’art de bâtir, qui ont mêlé évidemment à cette construction du chanvre et de la résine.
» Abusant de ma confiance, le traître Pourotchana veut donc me brûler! car ce misérable est à la dévotion de Douryodhana.
» Vidoura à la haute intelligence avait deviné cette coupable trame; et c’est pour cela, fils de Prithâ, qu’il m’a naguère donné cet avis déguisé.
» Avertis par cet homme, qu’anime sans cesse le désir de notre bien, comme par un plus jeune père, que son amour inspire, nous avons pénétré que des ouvriers scélérats, dévoués à la volonté du cruel Douryodhana, avaient construit cette maison funeste. »
« Si ta grandeur pense, lui répondit Bhîmaséna, que cette maison fut disposée pour un incendie, eh bien! retournons, comme nous sommes venus, dans la maison, où nous habitions auparavant. »
« Il nous faut continuer d’habiter ici, répondit Youddhishthira, nous tenant sur nos gardes, déployant nos efforts contre le danger, sans jamais en laisser rien paraître, et sans cesse occupés à trouver la voie sûre et désirée, qui peut nous tirer d’ici: tel est mon sentiment.
» Car, si le moindre signe dévoilait à Pourotchana nos pensées, alors, se hâtant d’accomplir son projet, il nous brûlerait, dût-il employer la violence.
» Ce lâche n’a peur, ni du blâme, ni du crime, tant il est soumis à la volonté de Souyodhana!
» De plus, nous, une fois brûlés, que ferait Bhîsma, notre grand-oncle? Pourquoi souleverait-il stérilement la colère des Kourouides?
» Cependant, si nous étions brûlés dans cette maison, notre grand-oncle Bhîshma pousserait encore le cri JUSTICE! et les autres chefs des Kourouides en seraient nécessairement irrités.
» Si nous fuyons par la crainte de l’incendie, Souyodhana, que presse l’avidité du trône, nous fera tous mourir de maladies, causées par le poison.
Il nous fera périr infailliblement de toutes manières, lui, qui possède un grand trésor, nous, à qui un trésor manque; lui, qui a l’appui d’un parti, nous, qu’un parti ne défend pas; lui, qui a le pied sur un terrain solide, nous, de qui le pied vacille sur un sol mouvant.
» Il nous faut donc, trompant ce perfide et méchant Souyodhana, habiter, n’importe où, une demeure cachée.
» Ici, adonnés à la chasse, parcourons cette terre; et les chemins propres à la fuite nous seront parfaitement connus.
» Creusons une caverne souterraine bien dérobée aux yeux, où le feu ne pourra nous atteindre, cachés et respirants.
» II nous faut exécuter ce travail sans paresse et de manière que ni Pourotchana ni un habitant quelconque de la ville ne s’aperçoive que nous demeurons là. »
Vaîçampâyana reprit:
Un mineur, homme habile, ami de Vidoura, vint dire en secret, sire, aux Pândouides ces paroles:
« Je suis un adroit mineur, que Vidoura vous envoie: « Fais, m’a-t-il dit, ce qui sera agréable aux fils de Pândou! » Que ferai-je donc pour vous?
« Justifie notre confiance et procure leur salut aux Pândouides, » m’a dit en confidence Vidoura. Que ferai-je donc pour vous?
» Dans la quinzaine obscure de ce mois, à la quatorzième nuit, Pourotchana doit mettre le feu à la porte de ton palais, Youddhishthira.
« Il faut que les princes fils de Pândou soient brûlés avec leur mère! » C’est là une résolution fixe de cet insensé Dhritavâshtride.
» Vidoura t’en a dit quelque chose en langue barbare; et tu lui as répondu: « C’est ainsi! » Je le répété ces mots, fils de Pândou, comme un signe de la conliance, que tu peux mettre en moi. »
Youddhishthira, le fils de Kountî, ferme comme la vérité, lui répondit: « Je reconnais en toi, mon cher, on ami de Vidoura,
» Intègre, capable, bienveillant et de qui le dévouement sera toujours inébranlable. Il n’existe aucun projet au monde, que ce poète ne sache pénétrer.
» Ce que tu es pour lui, tu l’es également pour nous; nous ne faisons aucune distinction entre lui et toi; ce que nous espérons de lui, nous l’espérons de toi: sauve-nous comme le sage nous sauverait!
» Cette maison fut construite de matières combustibles pour me détruire: telle est mon opinion. Pourotchana, en la disposant ainsi, a suivi les ordres du fils de Dhritarâshtra.
» Le cruel insensé, qui a des trésors, qui a des alliés, qui est la scélératesse en personne, ne laisse pas s’écouler un seul jour sans nous persécuter.
» Que ton art nous garantisse de cet incendie par tous ses efforts: en effet, nous brûlés dans cette maison, Douryodhana parvient au comble de ses vœux!
» Cette demeure est le riche arsenal de sa méchanceté; c’est un rempart haut, inexpugnable, qu’il a bâti pour elle.
» Heureusement Vidoura sut deviner l’action criminelle, qu’il se proposait de faire, et nous en informa d’avance.
» Le voici arrivé ce malheur, qu’avait pressenti Vidoura: veuille donc nous en garantir à l’insu de Pourotchana! »
« Oui! » promit le mineur, qui, déployant ses efforts, ouvrit d’abord un fossé et creusa ensuite une grande cave.
Il pratiqua au milieu de cette maison, fils de Bharata, un vaste souterrain, muni d’une porte invisible et de niveau avec la terre;
Issue, dont il déroba l’ouverture avec soin par la crainte de Pourotchana.
Il se tenait sans cesse à la porte secrète de cette caverne, la pensée attentive aux alarmes; et tous les Pândouides s’y retiraient la nuit, sire, munis de toutes leurs armes.
Le jour, ils erraient à la chasse de forêt en forêt; et, tandis qu’ils étaient dans la défiance, ils trompaient Pourotchana par les apparences de la sécurité.
Tristes avec un air joyeux, mais pleins d’une extrême attention, ils continuèrent d’habiter ce palais; et nul des habitants de la ville, si ce n’est le vertueux mineur, conseiller de Vidoura, ne pénétra ce qu’ils pensaient.
Ayant vu qu’ils avaient habité là une année entière avec les apparences de la satisfaction et de la sécurité, Pourotchana en ressentit du plaisir.
Tandis qu’il se réjouissait ainsi, le fils de Kountî, Youddhishthira, qui savait le devoir, tint ce langage à Bhîmaséna, à Dhanandjaya et aux deux jumeaux:
« Le méchant Pourotchana s’imagine que nous sommes pleins de confiance; nous avons su tromper cet homme à l’âme cruelle: je pense que c’est le moment de fuir.
» Après que nous aurons mis le feu à ce palais, brûlé Pourotchana lui-même et déposé six cadavres ici, qui sembleront les nôtres, sauvons-nous, sans être vus. »
Ensuite, reprit Vaîçampâyana, Kountî, sous prétexte d’exercer l’aumône, prépara des mets pour les brahmanes; et leurs épouses, puissant monarque, se rendirent chez elle pendant la nuit.
Là, après qu’elles se furent diverties, qu’elles eurent mangé, qu’elles eurent bu au gré de leurs désirs, elles dirent adieu à Mâdhavî et s’en retournèrent la nuit à leurs maisons.
Mais une Nishâdi, mère de cinq fils, excitée par la faim et poussée par la mort, était venue, Bharatide, au festin avec ses enfants, d’un mouvement spontané.
Ivre avec ses fils des liqueurs spiritueuses, qu’ils avaient bues, et troublée par l’ivresse, elle s’endormit avec eux, sire, dans cette maison, ayant perdu toute connaissance et pareille à une morte. Tandis que le monde dormait dans une nuit, où le vent déchaînait ses mugissements, Bhîmaséna mit d’abord le feu à la chambre, où Pourotchana était couché; ensuite, le Pândouide incendia les portes de la maison de laque.
Puis, il répandit de tous côtés les flammes dans cette demeure; mais les fils de Pândou, avertis que la maison brûlait,
Se hâtèrent, triomphants de leurs ennemis, d’entrer avec leur mère dans la galerie souterraine.
L’incendie alors d’éclater en une immense lumière et un vaste bruit, qui réveillèrent à la ronde les multitudes des hommes; et les citadins, voyant la maison dévorée par le feu, de s’écrier:
« C’est l’agent scélérat de Douryodhana, qui, dans son intelligence bornée, a fait construire et incendier cette maison pour sa perte elle-même!
» Oh! honni soit Dhritarâshtra! Sa pensée était peu conforme à la vertu, quand il fit brûler comme des ennemis les vertueux héritiers de Pândou!
« Mais, ô bonheur! le voici consumé lui-même ce grand insensé à l’âme criminelle, qui fit mourir par le feu les plus vertueux des hommes, eux qui vivaient irréprochables dans une pleine confiance! »
Ainsi les Vâranâvatains se lamentaient; ils restèrent là toute cette nuit, environnant de toutes parts la maison.
Les cinq fils de Pândou, plongés dans une grande affliction, sortirent avec leur mère par la voie souterraine et s’enfuirent en courant, sans qu’on les vît.
Mais, troublés par le sommeil et la peur, les Pândouides, victorieux de leur ennemi, ne pouvaient marcher bien vite avec leur mère.
Alors Bhîmaséna d’une force et d’une vitesse épouvantables, se chargea de Kountî, roi des rois, et s’avança, portant tous ses frères avec elle.
Il fit monter sa mère sur ses épaules et les jumeaux sur ses hanches; il prit dans ses mains les deux Prithides et, brisant les arbres avec sa poitrine, creusant la terre sous ses pieds, le robuste et vigoureux Vrikaudara à la bien grande force chemina légèrement avec la rapidité du vent.
Or, dans ce même temps, le sage Vidoura envoya dans la forêt, où ils s’étaient réfugiés, un homme sûr quant à la confiance.
Celui-ci arrivé, rejeton de Kourou, dans le pays, qu’on lui avait désigné, vit les Pândouides avec leur mère occupés dans ces bois à sonder la profondeur des eaux du fleuve.
Le magnanime Vidoura à la haute intelligence avait appris d’un espion toute la conduite du traître à l’âme criminelle.
Il avait donc envoyé cet homme intelligent aux fils de Prithâ. Le messager leur fit voir sur la rive favorable du Gange une barque construite par des ouvriers affidés, munie de ses agrès, ornée de sa banderolle, capable de résister à tous les vents, aussi légère que Maroute ou la pensée.
Il se fit reconnaître d’eux en répétant les paroles, que leur oncle avait prononcées jadis: « Youddhisthira, écoute pour signe de confiance ces mots, que le sage t’adressa:
« Le feu, qui dévore les broussailles, ne brûle pas au sein des grandes forêts incendiées les reptiles, qui vivent dans les trous. Qui se tient sur ses gardes, conserve sa vie! »
» Sache donc que Vidoura m’a envoyé, moi homme, en qui l’on peut se fier, avec ces paroles de crédit. Vidoura, le fils de la femme esclave, sagace en toutes choses, m’a chargé encore de ces mots:
« Fils de Kountî, tu sortiras du combat, victorieux de Karna, de Douryodhana, soutenu par ses frères, et de Çakouni: il n’y a là-dessus aucun doute! »
» Cette barque, propre à voyager sur les routes de fonde et qui marche facilement sur les eaux, vous sauvera de ce pays; il n’y a là-dessus aucun doute! »
Ayant vu ces princes agités par la crainte avec leur mère, il les fit monter dans la barque et leur dit encore au moment qu’ils s’en allaient sur le Gange:
« Vidoura vous baise sur le front, vous serre dans ses bras et vous répète mainte et mainte fois: « Allez, sans crainte, et puisse la bonne fortune vous accompagner dans vos routes! »
Ces paroles dites aux héros, l’homme envoyé par Vidoura fit traverser le Gange dans sa barque, Indra des rois, à ces taureaux du troupeau des hommes.
Ce fleuve traversé, les passagers débarqués sur la rive ultérieure, il versa de tous côtés sur eux des bénédictions de victoire et s’en alla comme il était venu.
Les magnanimes Pândouides, sur la rive ultérieure du Gange, le chargèrent de commissions pour le sage Vidoura et s’en allèrent furtivement, sans avoir été vus.
Ensuite, quand la nuit se fut écoulée, le peuple entier de la ville accourut à la maison, attiré par l’envie de voir les restes des fils de Pândou.
Alors, éteignant la flamme, les citadins virent consumés la maison de laque et Pourotchana, le perfide conseiller.
« Assurément, s’écriait-on, l’auteur du mal ici, c’est Douroydhana aux actions criminelles! Il a fait cela pour détruire les fils de Pândou.
» Le fils de Dhritarâshtra sans doute a fait périr les Pândouides par le feu à la connaissance de son père, puisque celui-ci n’a pas su l’empêcher.
» Bhîshma, pour sûr, n’a point suivi les pas de la justice en cette affaire, ni Drona, ni Vidoura, ni Kripa, ni les autres chefs des Rourouides.
» Envoyons donc, nous! porter ces mots au cruel Dhritarâshtra: « Ton désir le plus cher est accompli! tu as brûlé les fils de Pândou! »
Et, parlant ainsi, ils écartent, ils éteignent le feu pour chercher ce qui restait encore des Pândouides; ils voient la Nishâdî aux cinq fils et s’imaginent qu’ils sont la vertueuse mère et ses nobles enfants.
Mais aucun de ces hommes ne vit la caverne, dont le mineur avait caché l’ouverture avec un amas de poussière, en balayant cette maison.
Les citadins ensuite d’informer Dhritarâshtra que le feu avait consumé les cinq Pândouides et son conseiller Pourotchana.
Dès qu’il eut ouï la perte des fils de Pândou, immense catastrophe, le roi Dhritarâshtra gémit dans une profonde douleur:
« En ce jour que ces héros ont été brûlés jusqu’au dernier avec leur mère, le roi Pândou, mon frère à la vaste renommée, est mort véritablement!
» Que des hommes s’en aillent promptement à la cité de Vâranâvata! Qu’ils rendent les derniers honneurs à ces héros et à la fille du roi de Kountî!
» Qu’on célèbre des funérailles grandes, pompeuses, dignes de leur famille! Que ceux, qui furent leurs amis, se rendent vers les victimes de ce malheur!
« Qu’on prenne sur mes richesses pour accomplir dans ce triste événement tout ce qu’il est en mon pouvoir de célébrer à l’honneur des Pândouides et de Kountî! »
Ces paroles dites, Dhritarâshtra, le fils d’Ambikâ, de célébrer, environné de ses parents, la cérémonie de l’eau en l’honneur des fils de Pândou.
Tous, s’abandonnant à la plus vive douleur, ils pleuraient de compagnie. «Hélas! Youddhishthira, fils de Kourou!» disaient les uns. « Hélas! Bhîma! » s’écriaient ceux-ci.
« Hélas! Phâlgouna! » gémissaient les autres; « Hélas, vous! les deux jumeaux! » soupiraient ceux-là. Pleins de tristesse, ils déploraient le sort de Kountî et célébraient la cérémonie de l’eau.
Le reste des citadins regrettait ainsi les fils de Pândou; mais Vidoura ne fit pas éclater une très-vive douleur, car il savait sur le fond de cette chose plus que n’en savaient les autres.
Sortis de la cité de Vâranâvata, les cinq vigoureux fils de Pândou et leur mère, qui était la sixième, avaient donc atteint le fleuve du Gange.
Secondés par la force de leurs dix bras, la vitesse du courant et la fougue du vent, ils eurent touché bientôt à la rive ultérieure.
Là, abandonnant leur barque, ils s’avancèrent vers la plage méridionale, reconnaissant au milieu de la nuit leur chemin indiqué par les groupes des constellations.
À grande peine ils parvinrent sur l’orée d’un bois épais, où, épuisés de fatigue, tourmentés par la soif, aveuglés par le sommeil, les fils de Pândou.