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Titre : Lettre d’amour

Auteur : Sylvia Plath Recueil : Sylvia Plath: Arbres d’hiver précédé de La Traversée, 1999

Pas facile de formuler ce que tu as changé pour moi Si je suis en vie maintenant, j’étais morte alors, Bien que, comme une pierre, sans que cela ne m’inquiète, Et je restais là sans bouger selon mon habitude. Tu ne m’as pas simplement un peu poussée du pied, non – Ni même laissée régler mon petit œil nu A nouveau vers le ciel, sans espoir, évidemment, De pouvoir appréhender le bleu, ou les étoiles. Ce n’était pas cà. Je dormais, disons : un serpent Masqué parmi les roches noires telle une roche noire Se trouvant au milieu du hiatus blanc de l’hiver – Tout comme mes voisines, ne prenant aucun plaisir A ce million de joues parfaitement ciselées Qui se posaient à tout moment afin d’attendrir Ma joue de basalte. Et elles se transformaient en larmes, Anges versant des pleurs sur des natures sans relief, Mais je n’étais pas convaincue. Ces larmes gelaient. Chaque tête morte avait une visière de glace. Et je continuais de dormir, repliée sur moi-même. La première chose que j’ai vue n’était que de l’air Et ces gouttes prisonnières qui montaient en rosée, Limpides comme des esprits. Il y avait alentour Beaucoup de pierres compactes et sans aucune expression. Je ne savais pas du tout quoi penser de cela. Je brillais, recouverte d’écailles de mica, Me déroulais pour me déverser tel un fluide Parmi les pattes d’oiseau et les tiges des plantes. Je ne me suis pas trompée. Je t’ai reconnue aussitôt. L’arbre et la pierre scintillaient, ils n’avaient plus d’ombres. Je me suis déployée, étincelant comme du verre. J’ai commencé de bourgeonner tel un rameau de mars : Un bras et puis une jambe, un bras et encore une jambe. De la pierre au nuage, ainsi je me suis élevée. Maintenant je ressemble à une sorte de dieu Je flotte à travers l’air, mon âme pour vêtement, Aussi pure qu’un pain de glace. C’est un don.