splash screen icon Lenndi
splash screen name leendi

Titre : Jaloux

Auteur : Germain Nouveau Recueil : Valentines, 1885

En été dans ta chambre claire, Vers le temps des premiers aveux, (Ce jeu-là paraissait Te plaire) On ouvrait parfois Baudelaire, Avec ton épingle à cheveux, Comme un croyant ouvre sa Bible, En s'imaginant que le Ciel, Dans un verset doux ou terrible, Va parler à son coeur sensible, Quelque peu superficiel ; D'avance on désignait la page À droite ou bien à gauche, et puis, Par un chiffre le vers, ce mage Qui devrait être ton image, Ou me dire ce que je suis. Nous prenions du goût à la chose. Donc on tirait chacun pour soi Un vers, au hasard, noir ou rose, Dans ce beau Poète morose. Nous commencions, d'abord à Toi, Attention ! Dans ta ruelle Tu mettrais l'univers entier. Vous riez ! bon pour Vous, cruelle ! Car ce vers Vous flatte de l'aile, Et c'est un compliment altier ! Un compliment comme en sait faire Un homme sagace en amour, Et qui fleure en sa grâce fière, Sous le style de La Bruyère, Son joli poète de Cour ; Un compliment qui sent sa fraise, Son talon rouge, et qui, vainqueur, Allumant ses pudeurs de braise, Eût faire rire Sainte Thérèse, Chatouillée... au fond de son coeur. Qu'il est bon ! oui !... mais moi... je gronde ! Y songez-Vous, avec ce vers, Quelle figure fais-je au monde, Dans cette ruelle profonde, Au milieu de cet Univers ! Ah ! fi !... Pardonnez-moi... Madame... Oui, je m'oublie !... oui, je sais bien... Toute jalousie est infâme... C'est un peu de vertige à l'âme, Ça va se passer... ce n'est rien... Ah ! tant mieux ! je vous vois sourire. Continuons ce jeu si doux ; Mais avant, je dois Vous le dire, Afin d'éviter un mal pire, Si jamais je deviens jaloux, Rejetez-moi, moi G, moi N, Moi, vilain monstre rabougri, Rejetez-moi dans ma Géhenne ; Le jaloux n'est plus, dans sa haine, Rien... qu'un billet d'amour... aigri.