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Alain Bosquet

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Anatole Bisk, dit Alain Bosquet, né à Odessa (Ukraine) le 28 mars 1919 et mort à Paris le 17 mars 1998, est un poète et écrivain français d'origine russe.

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Poésies

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    Alain Bosquet

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    @alainBosquet

    La liberte des mots Je rends sa liberté à chacun de mes mots. Après quelques vacances, d'autres poètes auront à cœur de prendre à leur service les plus robustes et les plus audacieux. Logés, nourris, payés à la semaine, ils feront un effort pour se doter d'un autre sens et d'un nouveau mystère. Mes mots sont libres. Je les salue car je les sais capables d'affoler mille esprits, fussent-ils incrédules. Je les ai bien dressés et leur demande une seule faveur : ne pas perdre leur temps à regretter ce qu'ils furent chez moi, des princes déguisés en domestiques. Ferais-je mieux de mettre à mort le moindre de mes mots ?

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    Alain Bosquet

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    @alainBosquet

    La mort et le baiser Voulez-vous me prêter un peu de votre vie ? J'aimerais corriger la mienne qui est vieille et que j'ai mal servie. Un crâne plus léger lui donnerait l'espoir; une épaule plus leste, un sentiment d'amour. Voulez-vous me prêter, dans un parc, quelques gestes qui n'ont pas de contours, mais qui font au soleil peu à peu le langage des frissons éperdus ? J'ai trop longtemps ouvert mon cœur à ses chantages pour avoir attendu la mesure profonde ou le tourment propice. Voulez-vous me prêter la main qui est très souple et la mer qui est lisse dans la sérénité ? J'ai trop de fois souffert d'être plusieurs et proche du suicide verbal ; j'ai besoin, je crois bien, d'une fleur qui s'accroche, d'un caillou dans le val. d'une aube qui secoue l'horizon et du cygne qui nargue son miroir. Voulez-vous me prêter, majestueux et digne comme vous, ce pouvoir : confondre enfin la chose et la très simple chose, l'homme et l'être apaisé, l'herbe avec ses bouvreuils et l'herbe qu'on arrose, la mort et le baiser ?

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    Alain Bosquet

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    Le corps disperse Le jazz s'enfonce comme un clou jusqu'aux vertèbres. Gardez ce sein, si vous le trouvez beau. Pourquoi, après l'orage, les trottoirs se couvrent-ils de fleurs qui hurlent ? Voulez-vous quelques muqueuses plus fraîches que la soie ? Le disque en s'arrêtant inflige aux garçons verts et aux fillettes bleues un supplice inhumain. Ce soir, au cinéma toutes les lunes sont enceintes. Vous aimez cène aisselle où l'on peut, comme dans un grand port, faire escale et dormir ? Celui qui s'articule, se prive de frissons. Le rock and roll permet de se dissoudre au fond de soi, alcool, naufrage, caresse nue. Si ce bas-ventre vous amuse, empruntez-le jusqu'à demain, poupée gonflable.

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    Alain Bosquet

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    Le corps du verbe Regarde-moi : je ne suis point, mais si j'étais, je serais le poumon du poème. Attends-moi : je n'ai rien résolu ; et le chant de l'absence n'a pas su me dissoudre. Ainsi que le vautour, j'hésite : faudrait-il dévorer l'alphabet ou s'acharner plutôt sur la douce musique qui donne un cœur au verbe, à son insu. Prends-moi pour me prouver enfin que je suis une forme, un besoin de matière, un peu de peau qui souffre. Choisis-moi un destin de texte ou de regard, de consonne ou de chair. J'ai trop de discipline pour me faire Tangage. Aide-moi : sans ivresse, je ne saurais désincarner ce corps trop lourd, ni incarner cette parole où tout est brume.

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    Alain Bosquet

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    Regrets Je n'ai rien fait de cène vie : ça me dispense de croire en moi, sauf aux moments où je rédige quelque poème reptilien. Alors, poussière sous la poussière, je me grise ; à chaque mot je me découvre des vertus : je ris, je chante jusqu'à saigner. Bientôt, comme une main de singe, l'angoisse est de retour sur ma poitrine. Où vont tant de malentendus ? J'ai l'étoffe d'un homme touché par le bonheur ; pourtant je m'interroge et rêve d'être un arbre étranglé par l'azur ou l'oiseau qui se cache en buvant la tempête. Luxe, velléité ! J'aligne un bout de phrase et me crois à l'abri de ce monde glacé qui passe à travers moi comme un banc de sardines.

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    Alain Bosquet

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    Religion Je n'aime pas les dieux. Les prophètes m'agacent. La seule vérité, je la veux dans les mots et dans la chair : le jeu des uns, l'aveuglement de l'autre. L'absolu, je le tiens pour suspect. Je nie le songe : un fleuve est un seau d'eau qui coule, et l'arbre dans sa boue ne peut rien contre moi. Étant mortel comme le chien et le soupir, je le proclame et n'en fais pas une leçon : juste un devoir de propreté. Je suis vivant sans y voir de miracle, et m'apprête à mourir imperturbable et dur. J'ordonne que Bouddha s'étrangle dans son rire et que, simple saumon, Moïse plonge entre les flots de la mer Rouge, cependant que la Croix se défait de son Christ.

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    Alain Bosquet

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    @alainBosquet

    Sensualité J'aime la femme : un rire, un coude, un sein fuyant. Et puis, ça sert à quoi, ce choc de deux squelettes ? J'aime la femme : un regard doux, une sueur. Et puis, ça sert à quoi, ces salives mêlées ? J'aime la femme : une manière de traduire la peau trop fine du néant, son ventre mou qui s'ouvre et se referme. Et puis, ça sert à quoi de n'être qu'un objet flottant sur des menstrues ? J'aime la femme : il faut nourrir, pour le tuer, ce qui en moi devient un singe trop savant Et puis, ça sert à me grandir comme un mensonge qui soudain se transforme en folle vérité. J'aime la femme : une souffrance, un compromis comme un arbre acceptant d'être un corbeau sans plumes.

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    Alain Bosquet

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    Tendresse Après le désespoir vient la tendresse, comme il sied aux vieillards. Je suis joyeux, je me redresse et je m'adonne à l'art. Je parle aux fleurs. J'entretiens les comètes. J'écoute la chanson qu'un saxophone me répète : « Ensemble nous pensons... » Je monologue avec une peinture ou les statues de sel. Que sont mes amours les plus pures ? Je ne sais pas lequel de nous : l'ancien jeune homme ou son ancêtre, habite sous ma peau. L'être défait par le non-être, mes amis principaux, je les confonds parfois. Un personnage sort de chaque récit ; je ne suis pas atteint par l'âge : je lui demande si je peux lui ressembler : un frère, en somme, dans le jeu incertain de ma survie. Je caresse une pomme, jalousant un destin d'objet si rond ! Puis je rentre au poème, où c'est moi qui m'attends, affable, ironique, verbal ; je m'aime, de vivre hors de mon temps.

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