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Auguste Lacaussade

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Poésies

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    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    À l’île natale O terre des palmiers, pays d’Eléonore, Qu’emplissent de leurs chants la mer et les oiseaux ! Île des bengalis, des brises, de l’aurore ! Lotus immaculé sortant du bleu des eaux ! Svelte et suave enfant de la forte nature, Toi qui sur les contours de ta nudité pure, Libre, laisses rouler au vent ta chevelure, Vierge et belle aujourd’hui comme Eve à son réveil ; Muse natale, muse au radieux sourire, Toi qui dans tes beautés, jeune, m’appris à lire, A toi mes chants ! à toi mes hymnes et ma lyre, O terre où je naquis ! ô terre du soleil !

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    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    À Théophile Gautier Poète ! ta ferveur fait grande ta mémoire. Absorbé tout entier dans ton culte béni, Tu préféras la Muse à tout, même à la gloire, Maître ! qui dans ton art égalas Cellini. Amours, honneurs, trésors, tout ce que l’homme envie, Moins qu’un beau vers touchaient ton cœur épris du beau. A tout indifférent, tu passas dans la vie L’âme et les yeux fixés sur l’idéal flambeau. Tu ne savais rien voir qu’au jour de sa lumière ; Tu voulais beau le bien et belle la vertu. Diamant affranchi de sa gangue première, Le vrai ne te charmait que de beauté vêtu. Des rythmes d’or portant allègrement la chaîne, Tu ciselais en vers ton rêve et ton ardeur. Ton esprit pur de fiel ne connut qu’une haine, Cette haine du Mal que trahit sa laideur. Comme l’abeille au lys, l’expression heureuse, Rimes et mots ailés, accourait à ta voix. L’image éblouissait dans ta strophe nombreuse, Mes mètres se teignaient de pourpre sous tes doigts. Le nombre et la couleur, le rythme au long vocable Épousaient dans ton vers la ligne au fier contour. La forme avait ton culte, ô poète impeccable ! Et de ses dons la forme a payé ton amour. Artiste exquis, tu fus un ouvrier modèle : Patient, obstiné, tendant sans cesse au mieux, Ta pensée et ton cœur, sous ton pinceau fidèle, En de vivants tableaux se traduisaient aux yeux. Ta parole peignait ; pour toi l’inexprimable N’existait pas ; les mots t’obéissaient, soumis. Mais sévère à toi seul, Maître ! ta force aimable Accueillait tout effort de ses bravos amis. Dans tes savantes mains la plume du critique Conseillait sans blesser. Ta clémente équité Savait mêler l’éloge au blâme sympathique : Tu fus doux dans ta force et grand dans ta bonté. Et tu pars, et la tombe a clos ta destinée ; Mais de la lice au moins tu sors ayant vaincu. Tu peux croiser tes bras, ton œuvre est terminée, Maître ! et tu n’es pas mort, toi, sans avoir vécu ! Comme un fleuve dont l’eau féconde au loin les plages, Pars du sol des vivants sans remords ni regrets : Tu laisses après toi d’harmonieux feuillages ; L’oiseau du souvenir chante dans ton cyprès. La Muse romantique au front ceint d’hyacinthe, Évoquant en son deuil les chants où tu survis, Debout, veille sur toi, dans l’attitude sainte D’une mère pleurant au tombeau de son fils. Près d’elle je viendrai dans mes ferveurs discrètes Méditer sur ta tombe, au pied des saules verts ; Et, visiteur pieux, sur tes cendres muettes, Fleurs d’un cœur qui t’aima, j’effeuillerai mes vers.

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    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    À un disciple de Chénier Parés de lauriers éphémères, Tu vois courir les plus pressés, Et tu souris à leurs chimères, Doux rêveur aux calmes pensers. Mais parfois ton esprit s’étonne : Pourquoi produire avant le temps ? Les dons savoureux de l’automne Ne se cueillent point au printemps. N’importe ! dans leur folle ivresse, Ils vont, ils vont, les gais chanteurs ! De ta studieuse paresse, Bruyants, ils raillent les lenteurs. Mais, sourd à leur jeune délire, Peu jaloux d’un précoce essor, Tu t’enfermes avec ta lyre, Pouvant, ne voulant point encor. De Chénier disciple fidèle, Au but pour atteindre en vainqueur, Tu veux laisser croître ton aile, Tu veux laisser mûrir ton cœur. Tu sais ta force et t’en contentes ; Comme à la fleur tu tiens au fruit : Les muses graves que tu hantes Aiment la gloire et non le bruit. Dans ses lentes métamorphoses Étudiant l’Art éternel, Pour toi, du suc choisi des choses En silence tu fais ton miel. Heureux de leurs jeunes victoires, Tu t’en réjouis à l’écart, Mais tu restes épris des gloires Des vieux patriarches de l’Art. Poursuis ainsi, de nul système N’accepte le joug importun ; A toute fleur, à tout poème Ne prends jamais que le parfum. Admire et sens ! jamais n’imite ! Et le beau, cherche-le partout ! L’Art ne connaît point de limite, Hormis la limite du goût. Abeille du jardin des rimes, Butine en toute liberté ; Vole aux vallons et vole aux cimes, Partout où fleurit la beauté ! Et, muse avide mais discrète, Rapporte ton culte et ton cœur A Virgile, le doux poète, A Shakspeare, le grand penseur.

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    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    À un jeune poète créole S’il est une heure fortunée Parmi nos heures d’ici-bas, Une heure de paix couronnée, Et de trêve à nos vains débats, C’est l’heure, entre toutes bénie, Où la strophe aux fraîches senteurs, Pour nous, au vent de l’harmonie, S’épanouit en vers chanteurs ; C’est l’heure où quelque âme inconnue, Sœur par l’accent et par le luth, A notre muse inculte et nue Adresse un fraternel salut ; Où des mains que Dieu même inspire, Nous consolant de tout affront, Jettent des fleurs sur notre lyre, Et des lauriers sur notre front. O fleurs au poétique arôme, Aumône d’accords et d’encens, Dont l’haleine enivrante embaume Les plus intimes de nos sens ; Parfums sans prix, voix cadencée, Lauriers aux rameaux toujours verts, Strophe pieuse où la pensée Parle encor plus haut que le vers ; Offrande sainte du poète, Dons vrais du cœur, chants ingénus, Dans mon humble et pauvre retraite, Soyez, soyez les bienvenus ! Et toi, toi qui me les envoies, Ces dons cueillis sur les hauts lieux, Toi qui fais sur mes sombres voies Chanter ton vers mélodieux ; Barde frère, dont le courage, Réveillant mon luth endormi, A traversé ma nuit d’orage Pour m’apporter tes chants d’ami ; Puisse le sort, pour moi sévère, Clément et facile à tes vœux, Dans ta course à travers la terre, Vouloir les choses que tu veux ! As-tu dans ton cœur de jeune homme Quelque beau rêve aux plis flottants, Vierge que tout bas ta voix nomme, Vierge qu’implorent tes vingt ans ? Blonde et jeune de chevelure, Vois-tu, dans l’ombre de tes nuits, Une lumineuse figure Sourire à tes chastes ennuis ? Eh bien, qu’à l’heure où, lente et pâle, La lune, oiseau mystérieux, Ouvrant ses deux ailes d’opale, Prend son vol à travers les cieux ; L’onde au mélodieux ramage, La brise aux murmures sacrés, Bercent pour toi sa molle image Sur un nuage aux flancs nacrés ; Et que l’ange des doux mensonges Fasse éclore, dans sa beauté, Du blanc calice de tes songes, Une blanche réalité ! Es-tu de ceux qu’un souffle enflamme, Esprits épars dans l’univers, Qui portent caché dans leur âme Le mal de la muse et des vers ; De ceux qu’une âpre soif altère, Et qui, troublés jusqu’au tombeau, S’en vont inquiets par la terre, Malades de l’amour du beau ? Eh bien, qu’une large harmonie, Berçant le cours de tes pensers, Pour en alléger ton génie, Les roule à flots toujours pressés ! Qu’aux pieds ombreux des ravinales, Dans quelque île aux flots caressants, Ta vie aux brises virginales S’exhale en lumineux accents ! Que de son onde au ciel puisée L’aube, mouillant l’herbe des champs, Roule ses perles de rosée Sur la jeunesse de tes chants ! Que chaque jour, plus riche encore, Éblouissante ascension, Sur ton esprit, comme une aurore, Se lève l’inspiration ! Qu’enfin sur ta route choisie, Rencontrant un bonheur rêvé, Tu trouves dans la poésie Ce qu’hélas ! je n’ai point trouvé. Bonheur ! éternelle chimère ! L’homme, jouet d’un sort railleur, Ne quitte le sein de sa mère Que pour apprendre la douleur. Une expérience fatale, L’abreuvant de déceptions, Effeuille pétale à pétale La fleur de ses illusions. Combien d’amis de ma jeunesse Ont déjà fui de mon chemin ! Leur main, que pressait ma tendresse, Hélas ! ne presse plus ma main. Comme de gais oiseaux qu’assemble Un même nid dans les buissons, Par les airs nous allions ensemble, Unis d’amour et de chansons. D’un même arbre branches jumelles, Nous mêlions nos rameaux aimés ; Mais la vie aux bises cruelles De toutes parts nous a semés. Les uns, troupe joyeuse et blonde, Les plus rieurs de ma saison, Sont partis pour un autre monde, Avides d’un autre horizon. Ceux-ci, vains oiseaux de passage, Oubliant leurs jours de frimas, Ont changé d’âme et de visage, Hélas ! en changeant de climats. Ceux-là, groupe stérile et louche, Renégats au cœur sec et mort, Unissent leur bouche à la bouche Qui ment, qui calomnie et mord ! Et pourtant leur voix qui m’accuse Devrait plutôt sur moi gémir ! Pourtant ce qu’a flétri la Muse, Tout noble cœur doit le flétrir ! Nègres, mes frères ! peuple esclave ! J’ai vu votre joug détesté, Et de mon sein, bouillante lave, A jailli mon vers irrité ! Non ! votre mal n’est pas un thème A moduler de vains concerts ! Ma lèvre a connu l’anathème, Car ma main a pesé vos fers ! De ceux-la que votre souffrance Avait émus en d’autres jours, J’espérais… candide espérance ! A ma voix ils sont restés sourds ! Plongés dans un sommeil de pierre, Lorsque vint l’heure des combats, L’un a renié comme Pierre, L’autre a trahi comme Judas. Est-ce impuissance, orgueil, envie ? Dieu le sait ! – mais mon cœur est las ; Et sur les ronces de la vie Je tombe, enfin ! je saigne, hélas ! Ainsi partout deuil et tristesse ! L’homme, d’espoir découronné, Au mont désert de la vieillesse, Marche des siens abandonné. Étouffons donc notre délire, Et laissons nos pleurs seuls parler ! Il est des douleurs que la lyre Est impuissante à consoler ! Mais pourquoi d’un triste nuage Assombrir l’azur de ton ciel ? Pourquoi, dégoûté du breuvage, Mêler mon absinthe à ton miel ? Sauve du doute qui m’assiège Ton avril au rêve enchanté ; Lys, garde ta robe de neige ! Cygne, ton plumage argenté ! De ta foi n’éteins pas les flammes ; Aime et chante au milieu des pleurs : Le chant est le parfum des âmes ! L’amour est le parfum des cœurs ! Il est vrai, nos tiges sont nées Dans les gazons d’un sol pareil ; Mais, ami ! sur nos destinées Ne luit pas un même soleil. Un même rocher vert de mousse De son onde allaita nos jours ; Mais ton eau chante, heureuse et douce, La mienne gémit dans son cours. Sur des mers où l’aube étincelle, Ta muse aux fraîches visions Monte une odorante nacelle Où rament les illusions ; La mienne au choc des vents contraires Soutient la lutte du devoir, Car ma nef d’un peuple de frères Porte la fortune et l’espoir. Toi, tu vois sur de blanches grèves Des bords aimés poindre et fleurir ; Moi, je vois, par delà mes rêves, Nos libertés à conquérir ! Donc sur leurs routes opposées Laissons voguer nos deux esquifs : A toi les ondes apaisées ! A moi la vague aux noirs récifs ! Mais si jamais, pour les tempêtes Désertant de paisibles bords, Tu voulais, rêvant nos conquêtes, Dans mes eaux risquer tes sabords ; Si, bravant les fureurs sauvages Du présent contre l’avenir, Pour tenter les mêmes rivages, Tes mâts aux miens voulaient s’unir ; Fendant la vague échevelée Qui me roule dans ses brouillards, Viens avec moi, dans la mêlée, Affronter les mêmes hasards ; Et dans nos barques fraternelles, Sous l’œil de Dieu, couple indompté, Nageons de la rame et des ailes Vers les mers de la Liberté !

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    Aux Hirondelles De l’aile effleurant mon visage, Volez, doux oiseaux de passage, Volez sans peur tout près de moi ! Avec amour je vous salue ; Descendez du haut de la nue, Volez, et n’ayez nul effroi ! Des mois d’or aux heures légères, Venez, rapides messagères, Venez, mes sœurs, je vous attends ! Comme vous je hais la froidure, Comme vous j’aime la verdure, Comme vous j’aime le printemps ! Vous qui des pays de l’aurore Nous arrivez tièdes encore, Dites, les froids vont donc finir ! Ah ! contez-nous de jeunes choses, Parlez-nous de nids et de roses, Parlez-nous d’un doux avenir ! Parlez-moi de soleil et d’ondes, D’épis flottants, de plaines blondes, De jours dorés, d’horizons verts ; De la terre enfin réveillée, Qui se mourait froide et mouillée Sous le dais brumeux des hivers. L’hiver, c’est le deuil de la terre ! Les arbres n’ont plus leur mystère ; Oiseaux et bardes sont sans toits ; Une bise à l’aile glacée A nos fronts tarit la pensée, Tarit la sève au front des bois. Le ciel est gris, l’eau sans murmure, Et tout se meurt ; sur la nature S’étend le linceul des frimas. Heureux, alors, sur d’autres plages, Ceux qui vont chercher les feuillages Et les beaux jours des beaux climats ! O très heureuses hirondelles ! Si comme vous j’avais des ailes, J’irais me baigner d’air vermeil ; Et, loin de moi laissant les ombres, Je fuirais toujours les cieux sombres Pour toujours suivre le soleil ! Saint-Nazaire, avril 1840

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    Chanson de juin La rose fraîche et vermeille Ouvre son cœur à l’abeille ; La blonde fille du ciel Buvant son âme odorante, Sur la fleur s’endort mourante, Ivre d’arôme et de miel. Cette rose, c’est ta bouche. Oh ! bienheureuse la mouche Pour qui la fleur doit s’ouvrir ! Qui du miel dont tu me sèvres, Un jour, pourra sur tes lèvres Boire l’ivresse et mourir !

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    Chanson de Mai La nature d’un vert manteau Couvre l’épaule des collines, Le vent de mai sur le coteau Se joue au front des aubépines, L’agneau bondit sur le gazon, La fauvette au bord du buisson Chante au soleil sa mélodie ; Mais pour moi triste est sa chanson : Je suis seul à l’entendre, — hélas ! Elle est partie.

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    Chant d’Avril Quand je la vois, il fait beau dans mon âme, Tout est lumière en moi, tout est fraîcheur ; Un ciel d’avril où l’aube épand sa flamme A moins de brise et d’azur que mon cœur. Tel que l’oiseau dont la voix est muette, Sous son regard si je reste sans voix, C’est de bonheur. Oh ! mon âme est en fête Quand je la vois !

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    Coucher de soleil sous l’équateur C’était sous l’équateur. Dans la vague apaisé Le char des jours plongeait ses flamboyants essieux, Et la nuit, s’avançant sur la voie embrasée, D’ombre et de paix sereine enveloppait les cieux. Les étoiles s’ouvraient sous un souffle invisible, Et brillaient, fleurs de feu, dans un ciel étouffant. L’Océan, dans son lit tiède, immense, paisible, S’endormait fort et doux et beau comme un enfant. Mais, tel qu’un fol esprit aux ailes vagabondes, Rasant des flots émus le frissonnant azur, Le vent des soirs courait sur les nappes profondes Et, par instants, ridait leur sein tranquille et pur. Et je suivais des yeux cette haleine indécise Se jouant sur l’abîme où dort l’âpre ouragan ; Et j’ai dit : « Dieu permet à la plus faible brise De rider ton front calme, ô terrible Océan ! « Puissant et vaste, il faut la foudre et la tempête Pour soulever ton sein, pour courroucer tes flots ; Et le moindre vent peut, de son aile inquiète, Importuner ton onde et troubler ton repos. « Des passions, poète, il faut aussi l’orage Pour soulever ta muse et ton verbe irrité ; Un souffle peut aussi, dans la paix qui t’ombrage, Troubler ta quiétude et ta sérénité. « Toute vague a son pli, tout bonheur a sa ride. Où trouver le repos, l’oubli, l’apaisement ? Pour cette fleur sans prix notre cœur est aride ! L’inaltérable paix est en Dieu seulement. « Pour moi, je n’irai point demander à la terre Un bonheur qui nous trompe ou qui nous dit adieu ; Mais toujours je mettrai, poète au rêve austère, Mon amour dans la Muse et mon espoir en Dieu ! »

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    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    Cri Quelle vie !… Il est dur, né pour de nobles guerres, De dépenser sa force en des luttes vulgaires ! Fier, d’avoir à défendre et partout et toujours Contre de vils besoins de misérables jours ! Brave, étouffant sa voix, jeune, éteignant sa flamme, D’immoler à son corps sa pensée et son âme ! Ou si l’on veut mourir, fidèle à son mandat, De succomber sans vaincre, inutile soldat !…

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    Auguste Lacaussade

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    Dieu et la liberté Tu ne peux le comprendre et ta bouche blasphème : Porte moins haut l’audace et connais-toi toi-même ! Le Mal est fils de l’homme et de sa volonté. Cet arbre aux fruits mortels s’ouvrit sur la nature Du jour où l’Éternel fit à sa créature Le présent de la liberté. L’homme, hélas ! en a mal usé : voilà son crime ! Du superbe et du fort, du faible qu’on opprime, Un jour Dieu jugera l’orgueil et les douleurs. Humble, à tes malheurs même il faut donc te soumettre, Toi qui dois rendre compte à ton souverain maître Du trésor amer de tes pleurs.

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    Auguste Lacaussade

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    La cascade Sainte-Suzanne C’était un lieu paisible où j’aimais à venir. La fraîche vision hante mon souvenir. Enclos de trois côtés par de hautes collines, Le val s’ouvre au couchant et descend vers la mer. Une cascade, au fond, de ses eaux cristallines Baigne les rochers noirs, éparpillant dans l’air Sa poussière d’écume en blanches mousselines. Au pied des rocs abrupts, dans sa chute sans fin, L’eau tombe et s’élargit en un vaste bassin, Où s’alimente et dort la rêveuse rivière Sainte-Suzanne, aux grands berceaux de cocotiers. Le soleil au zénith y darde sa lumière ; Mais, dans l’après-midi, les monts aux pics altiers Y versent les fraîcheurs d’une ombre hospitalière. Des hauts bambous du bord quittant l’épais rideau, Sur la nappe d’azur nagent les poules d’eau ; Et, les frôlant du vol, la véloce hirondelle Autour des bleus nageurs s’ébat aux jeux de l’aile. Sur les marges de l’onde errent en liberté Quelques bœufs indolents, et sur la rive herbeuse Promènent au hasard leur nonchalance heureuse. Plus loin un taureau blanc et de brun moucheté, Dans la brousse couché, humant la brise agreste, Les yeux à demi clos, rumine et fait la sieste. Là-haut, entre les rocs rudement étagés, Hérissés de cactus, de lianes chargés, D’un pied nerveux et sûr que nul gouffre n’arrête, Grimpe la chèvre alerte aux bonds capricieux. Tout à coup on la voit qui, debout sur la crête D’où tombe la cascade à flots vertigineux, Profile sur le ciel sa noire silhouette. Sur la rive opposée, à gauche du ravin, L’eau du tranquille étang court sur le sable fin Que borde un frais talus d’herbe tendre et de mousses. Ici, les flancs du mont ont des rampes plus douces, Et les arbres à fruit au soleil exposés Épandent leurs berceaux sur les versants boisés : Dans l’obscure épaisseur de ses fortes ramures Le tronc noir du manguier montre ses grappes mûres ; Le goyavier aux fleurs blanches, aux fruits dorés, La souple grenadille aux pétales pourprés, L’atte et le bibacier, pittoresque assemblage, Dans un même parfum confondent leur feuillage. L’oiseau bleu de la Vierge aux instincts familiers, L’inoffensif oiseau des monts hospitaliers Se plaît dans cette ombreuse et tiède solitude : Furtif, il guette et suit les pas du voyageur Qui vient sur ces plateaux, indolent et songeur, Respirer des hauts lieux la vaste quiétude. Des pentes du ravin, des monts, des bois épais, De toute part descend une ineffable paix, Le charme enveloppant d’un lumineux silence, De ce silence fait de bruits d’ailes et d’eaux Passant dans l’air, montant des joncs et des roseaux, Et des bambous lustrés qu’un vent léger balance. O calme des sommets, calme du firmament, Qui dans les cœurs troublés versez l’apaisement, Calme des bois profonds où de la tourterelle Le roucoulement vague au chant des eaux se mêle ; O ravine, ô cascade, ô murmure berceur, Des fleurs et du feuillage, ambiante douceur ; O repos émanant des choses, chaste ivresse Que connût autrefois ma pensive jeunesse Quand, promenant mon rêve en ces rochers déserts, J’écoutais dans mon cœur chanter l’esprit des vers ; Solitude sereine et digne de la Muse, Faite de brise et d’ombre et de lueur diffuse ; Flottantes visions de mon pays lointain, Beaux lieux, ô lieux si doux à mon heureux matin, Vallon, étang placide aimé de l’hirondelle, Qu’évoque avec amour le souvenir fidèle, Bercez dans mon esprit que la vie a blessé Les troubles du présent des calmes du passé !

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    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    La cloche du soir Quand la cloche du soir, dans l’air mélancolique, Vibre et rappelle au loin, vers le chaume rustique, Le pâtre et ses troupeaux dans les champs dispersés, Des ans qui ne sont plus le souvenir s’éveille, Et dans les voix du soir je crois prêter l’oreille A la voix de mes jours passés. Où sont mes frais espoirs ? Craintives hirondelles, Vers les pays d’azur ouvrant leurs jeunes ailes, Avec mes beaux soleils ils se sont éclipsés ; Ils ont fui des hivers les haleines trop rudes. Oh ! revenez parfois peupler mes solitudes, Doux fantômes des jours passés ! Où ont mes compagnons de joie et de jeunesse ? L’avenir a trahi sa riante promesse : Les meilleurs dans la mort reposent embrassés ! De ceux qui restent l’âme est oublieuse ou fière. Rappelez à mon cœur leur tendresse première, Douce voix de mes jours passés ! Où donc est cette enfant toute blonde et naïve Que j’aimais, jeune encor, d’une amitié si vive ? De nos sentiers déjà ses pas sont effacés ; Et du clocher natal, dans ta sombre demeure, Tu n’entends plus la voix qui vibre et qui te pleure, Douce Amour de mes jours passés ! Cloche, qui chaque soir, comme une sainte mère, Me rappelais des champs pour dire ma prière, Quand la chaleur fuira de mes membres glacés, Que ta voix dans les airs m’arrive et me console ; Au ciel avec tes sons que mon âme s’envole, Doux timbre de mes jours passés !

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    Auguste Lacaussade

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    La vierge des pamplemousses Marie, ô douce enfant aux grands yeux de gazelle, Qui naquis sur un sol où croissent les palmiers ; Toi dont l’âme charmante et les songes premiers Se sont ouverts, bercés à la voix fraternelle Des bengalis et des ramiers ! O douce enfant ! ta vie aux flots riants et calmes, Pareille aux bassins bleus de mon climat natal, N’a jamais réfléchi dans son sein virginal Que la liane en fleur et l’arbre aux vertes palmes Penchés sur son mouvant cristal. Sous les bambous lustrés où l’oiseau de la Vierge Fait son nid, où la brise a d’ineffables voix, Au pied du morne, abri de la biche aux abois, Parmi les blancs lotus qui parfumaient ta berge, Ton onde errait, source des bois ! Le soleil sous le dôme où ton urne s’épanche, En rayons tamisés te versait sa clarté, Et l’astre aux feux d’argent des tièdes nuits d’été, Comme un oiseau, semblait passer de branche en branche, Pour se mirer dans ta beauté. Le poète qui rêve au fond de nos ravines, Ivre d’ombre et d’oubli, charme des lieux déserts, En t’écoutant courir sous les framboisiers verts, Sentait, enveloppé de tes fraîcheurs divines, Chanter en lui l’esprit des vers. Et voici que tes flots, changeant leur destinée, Loin du lit maternel vont prendre un autre cours ; L’oranger te sourit au rivage où tu cours, Et tu vas réfléchir dans ton eau fortunée D’autres bonheurs, d’autres amours. Et moi, moi que berçait ta voix parmi les mousses, Plongé dans le présent, j’oubliais l’avenir. Un jour vient où la vigne à l’ormeau veut s’unir ; Et l’enfant aux grands yeux, l’enfant des Pamplemousses N’est plus pour nous qu’un souvenir ! Et c’est la vie, hélas ! tout change et rien ne dure. L’été sort du printemps, du bouton naît la fleur. Pardonne à ces regrets que dément ton bonheur ! Ma pensive amitié, belle enfant, se rassure, Voyant le choix fait par ton cœur. L’âme honnête et virile à ta jeune âme unie, D’un monde aux durs sentiers t’aplanira le sol. Vers le nid du ramier, colombe, prends ton vol ! Nous léguons notre vierge, – une autre Virginie – Aux dévoûments d’un autre Paul ! Septembre 1867.

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    Auguste Lacaussade

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    Le bengali et le rossignol Il était né dans la rizière Qui borde l’étang de Saint-Paul. Heureux, il vivait de lumière, De chant libre et de libre vol. Poète ailé de la savane, Du jour épiant les lueurs, Il disait l’aube diaphane, Bercé sur la fataque en fleurs. Il hantait les gérofleries Aux belles grappes de corail Et, parmi les touffes fleuries, Lustrait au soleil son poitrail. Il allait plongeant son bec rose, Au gré de son caprice errant, Dans le fruit blond de la jam-rose, Dans l’onde fraîche du torrent. A midi, sous l’asile agreste Du ravin au vent tiède et doux, Ivre d’aise, il faisait la sieste Au bruit de l’eau sous les bambous. Puis dans quelque source discrète, Bleu bassin sous l’ombrage épars, Baignant sa gorge violette, Il courait sur les nénuphars. Quand l’astre au bord de mers s’incline, Empourprant l’horizon vermeil, Il descendait de la colline Pour voir se coucher le soleil ; Et sur le palmier de la grève, Et devant l’orbe radieux, Au vent du large qui se lève, Du jour il chantait les adieux ; Et la nuit magnifique et douce D’étoiles remplissant l’éther, Il regagnait son lit de mousse Sous les touffes du vétiver. C’est là que l’oiseleur cupide, Le guettant dans l’obscurité, Ferma sur lui sa main rapide Et lui ravit la liberté. Dès lors il subit l’esclavage. Un marin, chez nous étranger, L’emmena de son doux rivage Sur mer avec lui voyager. C’est ainsi qu’il connut la France. Quand il y vint, le jeune Été, Vêtu d’azur et d’espérance, Resplendissait dans sa beauté. Partout, sur les monts, dans la plaine, Brillait un ciel oriental : L’exilé de l’île africaine Se crut sous un climat natal. Mais vint l’automne aux froides brumes, La neige au loin blanchissant l’air ; Il sentit courir sous ses plumes Les âpres frissons de l’hiver. Rêvant à l’île maternelle Aux nuits tièdes comme les jours, Il mit sa tête sous son aile, Et s’endormit, et pour toujours ! C’était un enfant des rizières, Des champs de canne et de maïs : En proie aux bises meurtrières, Il mourut plein de son pays. LE ROSSIGNOL Il est né, lui, sous un chêne, Dans un buisson de frais lilas : Le bruit de la source prochaine, Le souffle embaumé de la plaine Ont bercé ses premiers ébats. La nature à son brun corsage Refusa les riches couleurs ; Modeste et fauve est son plumage ; Mais il est roi par son ramage, Roi du peuple ailé des chanteurs. Du printemps c’est lui le poète. L’hiver a-t-il fini son cours, Heureux de vivre et l’âme en fête, A la forêt longtemps muette Il dit le réveil des beaux jours. Ce n’est pas l’ardente lumière Qu’il veut sous des cieux azurés, Mais cette clarté printanière Que verse en mai sur la clairière L’aube rose ou les soirs dorés. Ce n’est pas le torrent sauvage Qui parle à son instinct chanteur, Mais le ruisseau qui sous l’ombrage Mêle au murmure du feuillage Son onde au rythme inspirateur. Quand le muguet de ses clochettes Blanchit l’herbe sous les grands bois, Caché dans les branches discrètes, Il remplit leurs vertes retraites Des éclats vibrants de sa voix. Quand de l’azur crépusculaire Le soir, à pas silencieux, Descend et couvre au loin la terre, Il chante l’ombre et son mystère, Il chante la beauté des cieux ! Quand d’astres d’or l’air s’illumine, Beaux lys au ciel épanouis, Allant du chêne à l’aubépine, Il charme de sa voix divine Le silence étoilé des nuits. Telle il vivait sa vie heureuse, Oublieux des jours inconstants ; Et son âme mélodieuse Versait l’ivresse radieuse Qui déborde en elle au printemps. Printemps et bonheur, rien ne dure. O loi fatale ! après l’été, L’hiver à la bise âpre et dure ; Une cage au lieu de verdure ! Des fers au lieu de liberté ! Un fils de mon île bénie, Poète errant, esprit pensif, Voyant la muette agonie De ce grand maître en harmonie, Eut pitié du chanteur captif. Il l’emmena sur nos rivages, Dans l’île aux monts bleus, au beau ciel, Rêvant pour lui, sur d’autres plages, De libres chants sous des feuillages Que baigne un soleil éternel. Peut-être voulait-il encore Doter nos monts, doter nos bois, Nos soirs de lune et notre aurore, De ce barde au gosier sonore Et des merveilles de sa voix. Quand cet enfant du Nord prit terre Chez nous, par la vague apporté, Sur notre rive hospitalière, Avec sa voix et la lumière Il retrouva la liberté. Ouvrant son aile délivrée Et fendant l’air, le prisonnier, L’œil ébloui, l’âme enivrée, Vint cacher sa fuite égarée Dans les branches d’un citronnier ; Du citronnier de la ravine, Où la Source aux rochers boisés Étend sa nappe cristalline : Frais Éden fait de paix divine, D’ombre et de rayons tamisés. Autour de lui tout est silence, Onde et fraîcheur, brise et clarté : Ravi, soudain au ciel il lance, Avec son chant de délivrance, Son hymne à l’hospitalité. Il dit la molle quiétude Des bois, l’air suave et léger, Et l’astre dans sa plénitude, Et cette ombreuse solitude, Si douce aux yeux de l’étranger. Il chante les eaux diaphanes Où le ciel aime à se mirer ; Il chante… et l’oiseau des savanes Se tait, blotti dans les lianes, Pour mieux l’entendre et l’admirer. Hélas ! sous ce climat de flamme, Éperdu, d’accord en accord De sa fièvre épuisant la gamme, Dans sa voix exhalant son âme, Parmi les fleurs il tomba mort ! Il était né sous le grand chêne, Dans un buisson de frais lilas. Le flot des jours au loin l’entraîne. La mort, dans une île africaine, Noir vautour, l’attendait, hélas ! Près de la Source aux blocs de lave Repose en paix, roi des chanteurs ! Dans ce lieu sauvage et suave, Toi qui ne sus pas être esclave, Repose libre au sein des fleurs ! Instinct natal ! ô loi première ! Que cher à tout être à l’endroit Où s’ouvrit au jour sa paupière ! Le rossignol meurt de lumière, Le bengali mouru

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    Le cap bernard A … Jetons des fleurs sur nos amitiés mortes. Si nos barques jamais, par la vague entraînées, Devaient sur d’autres mers ensemble dériver ; Dans cette île lointaine où nos âmes sont nées, Si nous devions jamais, ami, nous retrouver ; Emportons, emportons nos dieux et notre culte ! Ne changeons point d’amour en changeant d’horizon. N’imitons point ceux-là dont la vieillesse insulte Le rêve qu’adora leur première saison. N’oublions point nos dieux sur les plages natales, Sur les autels de l’Art veillons jusqu’au tombeau ! Comme ce feu sacré que gardaient les Vestales, Gardons vivant en nous l’amour sacré du beau. Amants de l’Idéal, à l’Idéal fidèles, L’un sur l’autre appuyés, montons notre chemin ! Vers le mont trois fois saint des Muses immortelles Gravissons côte à côte et la main dans la main. N’écoutons point ce monde aux intérêts sordides : En nous sont des ardeurs qui ne sont point en lui. L’Art seul est vrai ! l’Art seul et ses songes splendides Peuvent de notre cœur tromper l’ardent ennui ! Puisque le sort qui tient nos ailes enchaînées Nous refusa ces biens qui font la liberté, Au travail demandant le pain de nos journées, Luttons, résignés fiers, contre l’adversité. Luttons ! mais, quand viendra la nuit aux molles trêves, La nuit libératrice et douce aux bras lassés, Affranchis d’un long jour, vers le ciel de nos rêves, Heureux amis, tournons le vol de nos pensers. Quittons l’homme et la ville aux passions mauvaises, Allons baigner nos fronts dans l’air calmant du soir ; Comme l’oiseau pêcheur, hôte ailé des falaises, Montons sur quelque cap ensemble nous asseoir. O cap Bernard ! géant dressant sur le rivage Tes mornes flancs voilés de mornes filaos, Solitaire falaise, où la vague sauvage Vient battre et prolonger ses éternels sanglots ! Cime à mes pas connue, austère solitude, D’où l’œil monte ébloui dans l’infini des airs, O cap ! sur tes flancs noirs, loin de la multitude, Nous viendrons chaque nuit rêver au bruit des mers. Le soleil est couché : les placides montagnes Plongent leur front sublime au fond des vastes cieux ; La paix vague des soirs plane sur les campagnes ; Les astres dans l’azur ouvrent leurs chastes yeux. Des mornes et des bois lointains et des ravines, Et de la gorge ombreuse où dorment les oiseaux, S’élèvent jusqu’à nous des haleines divines Que la brise des nuits porte au loin sur les eaux. Là-haut, dans leur splendeur, les étoiles sereines Versent sur l’Océan leurs paisibles clartés ; Là-bas, les lourds vaisseaux aux puissantes carènes Se meuvent lentement sur les flots argentés. Et nous, sur le grand cap miné par les tempêtes, Aspirant enivrés le charme des hauts lieux, Muets, nous contemplons sous nos pieds, sur nos têtes, L’immensité des mers, l’immensité des cieux ! O blancheurs de nos nuits ! o tiédeurs de nos grèves ! Des monts, des bois, des eaux souffles inspirateurs ! Éblouis, nous sentons les vagues de nos rêves Se lever, à leur tour, et chanter dans nos cœurs. Et nous mêlons nos voix aux voix calmes et graves Qui montent de la terre et descendent du ciel ; Et moi, j’évoque, ami, sur vos lèvres suaves La strophe au flot limpide et doux comme le miel. Oh ! vous tenez du ciel un ample et beau génie. Pour en doter vos vers vous avez emprunté A l’Océan sa mâle et puissante harmonie, Aux monts leur grande ligne et leur placidité. Si la Muse, pour vous, poète au rythme antique, Fut prodigue, au berceau, de ses dons maternels, Moi, le ciel m’a doué d’une âme sympathique Qui pour votre âme aura des échos fraternels. Épanchez donc en moi vos espoirs et vos songes, Cet idéal cherché dont mon cœur est épris. Ensemble abreuvons-nous de célestes mensonges ; Dans l’absolu divin confondons nos esprits ! Parlons des hauts objets de notre haute ivresse, Des vieux maîtres de l’art, — Dante, Homère, Milton ! – Parlons-en, comme, un soir, deux enfants de la Grèce En auraient su parler sous le ciel de Platon. Soulevons ces grands noms, ces gloires pacifiques, Guides chanteurs portant la lyre pour flambeau, Harmonieux songeurs aux lèvres séraphiques, Qui menaient l’homme à Dieu par les chemins du beau. Parlons de tous ces rois de la pensée humaine, Premiers-nés de la Muse, augustes éprouvés, Qui de l’Art ont pour l’homme agrandi le domaine, Et que l’homme a partout de larmes abreuvés. Et devant ces grands cœurs, ces souffrances sublimes, Devant ces flots, ces monts, ces déserts étoilés, De la vie oubliant les misères infimes, Nous bénirons nos jours que l’Art a consolés. Nous bénirons Celui qui nous a fait une âme Pour t’aimer, ô nature ! et sentir ta beauté ; Qui dans nos yeux a mis la poétique flamme, Et sur nos fronts le sceau de l’idéalité. Nous bénirons Celui qui fit ces globes chastes, Mondes flottants qu’un jour nous irons habiter ; Qui fit les vastes cieux et les horizons vastes Pour le traduire à nous, — et nous, pour le chanter. Et nous le chanterons, lui, le Maître paisible, Qui nous sourit là-haut dans ces radieux corps ; Et nos voix, exhalant l’hymne de l’Invisible, A l’orgue de la mer uniront leurs accords. 1851

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    Le passé ! Happy years ! Once more who would not be a boy ? Byron. Passé, matins riants, bienheureuses années, Candeurs des jours éteints, illusions fanées, Ah ! pour vous ressaisir, vous que nous pleurons tant, Ah ! qui donc ne voudrait redevenir enfant ! Comme ils sont loin déjà, les jours de mon enfance ! La vie en moi s’ouvrait dans sa fleur d’innocence ; De mon être imprégné d’odorante fraîcheur Un parfum printanier montait vers le Seigneur ; Et, tel qu’un arbre en fleur, mon esprit plein de sèves Berçait au vent de Dieu la beauté de ses rêves ! Du chant voilé des eaux, du bruit mourant des bois J’enivrais mon oreille et j’emplissais ma voix ; Ma Muse se baignait, blonde et jeune d’années, Dans les moites senteurs des vertes matinées ; Et l’inspiration au virginal essor Se levait sur mon âme ainsi qu’une aube d’or. Poète, oh ! je l’étais alors ! et mes pensées S’épandaient dans les airs en ondes cadencées, Et, comme un lac au fond des bois mystérieux, Pures, réfléchissaient la pureté des cieux. De la foi sur mes jours brillait encor l’étoile ; Je trouvais Dieu partout sans mystère et sans voile : Je l’entendais parler dans le bruit des roseaux, Je l’entendais chanter dans la voix des oiseaux, Je le sentais passer dans les larges haleines Des brises ondoyant au sein profond des plaines ; Je le voyais sourire et briller plus qu’ailleurs Dans la splendeur de l’astre et la gloire des fleurs ! Et de mon âme ouverte, effusion première, Montait ma poésie en strophes de lumière ; Et, tel que la colombe à l’harmonieux vol, Mon esprit sans effort se détachait du sol Et dans les feux de l’aube, aux voûtes éternelles, N’avait pour s’élever qu’à déployer les ailes ! Mais ces temps ne sont plus ! Sans flamme et sans accords, Je languis désormais sous les chaînes du corps. Mon luth n’a plus de corde où vibre l’espérance ; Ma voix est un sanglot, mon chant, une souffrance ; Et, comme cet arbuste aux larmes d’ambre et d’or, A qui le fer cruel fait saigner son trésor, Trahissant à mes flancs de secrètes morsures, Mes vers ne coulent plus qu’à travers mes blessures ! Et ces vers douloureux, cette amère liqueur, Goutte à goutte, en secret, s’épanchant de mon cœur, Me font plus douce encor la douce poésie Dont s’abreuvait, enfant, ma jeune fantaisie. Et je songe avec pleurs à mon enfance aux bois, A ma lyre facile, à mes chants d’autrefois, A ces jours où, pareils au lys de ma colline, Essaim mélodieux à la voix cristalline, Mes frais pensers, ouvrant leurs ailes de blancheur, D’un naturel essor s’en allaient au Seigneur ! Et je me dis alors, pris du mal de la vie, Et vers mes jours éteints tournant des yeux d’envie : Pour croire et pour aimer, pour prier et chanter, Pour se sentir vers Dieu palpiter et monter, Pour déborder de foi, de sève et de puissance, Pour revêtir d’Abel la robe d’innocence, Pour être fort et pur, candide et triomphant, Ah ! qui donc ne voudrait redevenir enfant !

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    Auguste Lacaussade

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    Le piton des neiges Océan, Océan, quand ta houle écumante Roule, vague sur vague, aux coups de la tourmente, Un flot majestueux, d’un seul jet dans les airs, Monte submergeant tout de son élan sublime : Comme un cratère on voit au vent fumer sa cime, Et de sa masse énorme il domine les mers. Les ondulations que son volume écrase Viennent incessamment se briser à sa base ; L’eau bouillonne et bondit vers son front orgueilleux, Mais lui, voyez ! debout au fort de la tempête, D’écume et de vapeurs il couronne sa tête, Maîtrisant à ses pieds les assauts furieux. Tel de ces pics que tu domines, Superbe mont salazien, Tel de ces montagnes voisines Jaillit ton front aérien. Immense, immuable, immobile, Du plateau central de notre île Ton sommet auguste et tranquille Se dresse, embrassant l’horizon ; Un hiver éternel y siège, Et tes flancs que la nue assiège, Se couvrent de glace et de neige, A jamais chauves de gazon. L’œil qui du sein des mers profondes Contemple ta mâle beauté, Sur la verte fille des ondes Aime ta farouche âpreté. Tu sembles, dans le vide immense, Du vent léger qui se balance, Ou de l’ouragan qui s’élance, Écouter le bruit dans les cieux, Et, comme un aïeul solitaire, Sur l’océan et sur la terre Fixant un regard centenaire, Veiller, penseur silencieux. Quand le soleil s’éteint et que l’ombre est venue, Quand la lune se lève au-dessus de la nue, La mer autour de toi roule, mouvant miroir ; Des cieux l’astre des nuits blanchit les vastes dômes, Et tu vois les vaisseaux, comme de blancs fantômes, Glisser à l’horizon dans les vapeurs du soir. Et le hardi pêcheur dont la barque rapide Bondit légèrement sur la nappe limpide, Et l’oiseau que la nuit a surpris sur les mers, Voyant bleuir au ciel ta forme aérienne, Orientant leur vol sur ta cime lointaine, S’avancent au roulis berceur des flots amers. Et ton front d’un azur intense, Aux clartés de l’astre songeur, Apparaît plus sombre à distance A l’œil pensif du voyageur. Il voit l’essaim des paille-en-queue, Qui font d’un coup d’aile une lieue, Tachant de blanc la voûte bleue, Regagner l’île aux verts îlots. Et ta masse antique et profonde, Qu’une clarté d’opale inonde, Semble le noir spectre de l’onde Debout sur l’abîme des flots. Ah ! devant ton profil austère Combien de siècles ont passé ! Sur ton granit que rien n’altère Le pas du temps s’est effacé. Que de jours de calme et d’orage, Et de trombe et d’ardent mirage, Et de tourmente et de naufrage, Pour ton œil séculaire ont lui ! Tempête, ombre, aquilon, lumière, Tout rentra dans la nuit première ; Mais toi, dans ta stature altière, Tu fus alors comme aujourd’hui. Alors comme aujourd’hui les rougeurs de l’aurore, Et la pourpre des soirs que l’ombre décolore, Sur ta tête de neige ont répandu leurs feux ; Et quand l’aube ou la nuit vint sourire à la terre, Dans le vide étoilé tu brillas solitaire, Comme un phare aux reflets doux et mystérieux. Alors comme aujourd’hui de tes rochers arides Tu versas dans nos bois la nappe aux eaux limpides ; Et défiant toujours le vent dévastateur, Et drapant tes flancs nus du manteau des nuages, Adamastor des monts et trônant sur les âges, Tu levas dans les cieux ton front dominateur. O colosses de la nature, Pics d’inaccessible hauteur, Dont l’inébranlable structure Brave l’ouragan destructeur ! Blocs altiers, masse indéfinie, Gouffres, chaos, dés harmonie, Que la main d’un fatal génie Sema dans ces lieux écartés ; Gerbes d’éclairs, sombres nuages, Nids fulgurants d’où les orages S’élancent en éclats sauvages Au sein des monts épouvantés ; Torrent, gouffre, océan, tempête, Emportez-moi dans vos terreurs, Car j’aime à sentir sur ma tête Passer le vent de vos fureurs ! J’aime à contempler vos abîmes, A mesurer vos hautes cimes, A suivre vos houles sublimes, A me remplir de votre effroi ! Au vent, à l’éclair, à la flamme Je veux, je veux mêler mon âme ! Mon âme en tes grandeurs t’acclame, O nature ! et grandit en moi.

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    Auguste Lacaussade

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    Le soldat On marche aux sons voilés du tambour. Sur la plaine Le soleil luit ; l’oiseau vole au bord du chemin. Oh ! que n’ai-je son aile ! oh ! que la vie est pleine De tristesse ! Mon cœur se brise dans mon sein. Au monde je n’aimais que lui, mon camarade, Que lui seul, et voici qu’on le mène à la mort. Pour le voir fusiller défile la parade ; Et c’est nous, pour tirer, nous qu’a choisis le sort. On arrive : ses yeux contemplent la lumière De ce soleil de Dieu qui monte dans le ciel… Mais d’un bandeau voici qu’on couvre sa paupière : Dieu clément, donnez-lui le repos éternel ! Nous sommes neuf en rang, déjà prêts sous les armes. Huit balles l’ont blessé ; la mienne, – de douleur Leurs mains tremblaient, leurs yeux visaient mal sous les larmes, – La mienne l’a frappé juste au milieu du cœur. Imité de l’allemand.

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    Auguste Lacaussade

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    Les bois détruits À la mémoire de mon ami Louis Féry d’Esclands de l’île Bourbon I J’ai vu des nobles fils de nos forêts superbes Les grands troncs abattus dispersés dans les herbes, Et de l’homme en ces lieux j’ai reconnu les pas. Renversant de ses mains l’œuvre des mains divines, Partout sur son passage il sème et les ruines Et l’incendie et le trépas. Que de jours ont passé sur ces monts, que d’années Pour voiler de fraîcheur leurs cimes couronnées D’arbres aux troncs d’airain, aux feuillages mouvants ! S’il faut, hélas ! au temps des siècles pour produire, A l’homme un jour suffit pour abattre et détruire L’œuvre séculaire des ans. Sur ces sommets boisés qu’un souffle tiède embaume, Ma muse, blonde enfant qui naquit sous le chaume, Vers des cieux bleus et clairs essaya son essor ; Et butinant leur miel aux fleurs de Salazie, Elle errait et cueillait sa fraîche poésie, Légère abeille aux ailes d’or. Peut-être avant le jour où ma tête blanchie Penchera vers le sol, pesante et réfléchie, Revenant à ces lieux demander leurs abris, Je reverrai des monts sans verdure et sans ombres, Et, pleurant en secret nos solitudes sombres, Je gémirai sur leurs débris. Je veux fermer mon cœur aux douloureux présages… O gigantesques monts où dorment les nuages, De vos arbres sur nous balancez les arceaux ! Défendant vos beaux flancs des haches meurtrières, Que notre main conserve à vos têtes altières Leurs chevelures de rameaux ! Et vous, doux habitants de ces lieux solitaires, Hommes simples et purs, aux mœurs hospitalières, Respectez-les, ces bois qu’ont respectés les ans ! Laissez sous leur verdure et leurs ombres profondes Errer les couples blancs, jouer les têtes blondes Des colombes et des enfants. Joignez à l’arbre fier de sa haute stature L’humble arbuste où l’oiseau trouve sa nourriture ; Aux marges du torrent qui bouillonne argenté, Laissez rougir la fraise et la framboise éclore ; Que la pêche y suspende au soleil et colore Son fruit au duvet velouté. Que la brise, agitant vos touffes de jam-roses, Épanche autour de vous la douce odeur des roses ; Que leur dôme embaumé s’incline sur les eaux ; Sous leur voûte cachez vos maisonnettes blanches, Comme on voit, suspendus dans l’épaisseur des branches, Les nids ombragés des oiseaux. Restez sourds aux conseils d’une avide opulence ; De sagesse et d’amour vivez dans le silence. Le trésor le plus pur vient de la paix des cœurs. Mais chassez l’étranger de vos bois centenaires, Car il profanerait de ses mains mercenaires Vos forêts vierges et vos mœurs ! II Qu’ont-ils fait de nos bois, qu’ont-ils fait de nos terres, Ces défricheurs venus des plages étrangères, Par un vent de malheur sur nos grèves jetés ? Ne voulant voir en eux que des déshérités, Notre île hospitalière accueillit leur détresse En mère, et sur leurs deuils mesura sa tendresse. Abritant leurs fronts las, de son ciel tiède et pur Elle étendit sur eux la coupole d’azur ; Sous leurs pieds écartant les épines jalouses, Elle ouvrit le velours de ses molles pelouses, Fit chanter, pour bercer leurs souvenirs amers, Les oiseaux de ses bois et les flots de ses mers, Et leur prouva par l’acte et non par la parole La chaude loyauté de l’amitié créole. Mais tes fils adoptifs ont trahi tes bontés. Ils ont porté la mort dans tes champs dévastés. Le froid amour de l’or éteignant dans leurs âmes Le foyer virginal et noble aux belles flammes, Ils ont privé ton ciel de ses peuples d’oiseaux, Tes plaines de leurs fleurs, tes nymphes de leurs eaux ; Et, sapant tes forêts, ô ma mère ! leur glaive Fit tomber de ton front ta chevelure d’ Ève. Et nous avons permis que leurs bras éhontés Missent à nu les flancs qui nous ont enfantés ! Et sous nos yeux ils ont, de leurs mains libertines, Profané les secrets de tes formes divines ! Et nous l’avons souffert ! et nos justes fureurs N’ont pas honni, chassé ces durs dévastateurs Que la vague en courroux, rebuts d’un autre monde, Déposa sur nos bords comme une vase immonde ! O misère ! ô douleur ! Ce n’est pas tout encor, Car ils nous ont légué leur appétit pour l’or : A leur souffle glacé notre âme s’est flétrie ; Nous n’avons plus au cœur l’amour de la patrie ! De la terre natale où dorment nos aïeux Nous éloignons nos pas, nous détournons les yeux ; Nous n’aspirons qu’à l’heure où gorgés de richesses, Fuyant ces lieux, berceaux de nos pures jeunesses, Nous pourrons dans le sein des lointaines cités Étaler au grand jour nos sottes vanités ! Et pour voler au but où notre espoir s’attache, Nous portons en tous lieux et la flamme et la hache ; Et l’on ne voit partout que des champs dépouillés, Que d’arides plateaux aux rocs noirs et pelés, Qu’une herbe rare et jaune et des arbustes fauves Sur les flancs décharnés de nos montagnes chauves ; Et, courbés vers le sol, chaque jour dans son sein Nous fouillons de la pioche et du pic assassin. De nos champs épuisés, sans remords et sans trêve, Notre lèvre acharnée a bu toute la sève ; Et, desséchant ce sein qui nous a tous nourris, Quand il n’est plus de lait dans ses vaisseaux taris, Tout gonflés et repus du sang de notre mère, Nous faisons voile, hélas ! vers la rive étrangère, Et nous allons aux yeux des superbes cités Étaler au grand jour nos sottes vanités ! III O mère malheureuse ! ô mère délaissée ! Oui, garde sur tes yeux ta paupière baissée. Je comprends ta tristesse et comprends tes douleurs, Et mêle à tes regrets mes regrets et mes pleurs. Plus de verte savane et d’ombreuses collines, Où s’ouvrait la grenade aux perles purpurines ; Plus de hauts cocotiers et de beaux orangers S’affaissant sous le poids de leurs rameaux chargés ; Et tu ne verses plus sur la mer langoureuse Qui vient baiser tes pieds de sa vague amoureuse, Les souffles parfumés et les fraîches senteurs De tes arbres si beaux que les oiseaux pêcheurs, Fuyant des flots émus les rumeurs éternelles, Venaient s’y reposer pour embaumer leurs ailes ! Mais tout n’est pas perdu, mère, console-toi ! Il te reste des fils qui t’ont gardé leur foi, Qui, n’empruntant jamais leur vol aux hirondelles, Quand tout te trahirait te resteraient fidèles, Et qui, pour te servir jusqu’à leur dernier jour, A défaut du génie auront du moins l’amour ! Et près d’eux j’en sais un qui, sevré de tendresses, Du sort n’a point connu les prodigues caresses ; Mais qui, fils de tes flancs, fidèle humilié, Se consolant en toi-de lutter oublié, Se souviendra toujours que ses lèvres jumelles Ont sucé l’existence à tes brunes mamelles. Il ira, cet enfant dont le front révolté Porte un natal reflet de ta mâle âpreté, Il ira sur tes monts où siègent les nuages, Bleus-palais éthérés de l’esprit des orages ; Et là, seul avec toi, si dans l’ombre des nuits Il exhale en secret l’hymne de ses ennuis, Mère, à sa voix pardonne un accent de colère : Cette voix dut flétrir ta honte séculaire. S’il naquit pour chanter les bois, les eaux, les fleurs, Le sort ne lui fut pas avare de douleurs ; Enfant né pour le jour, persécuté par l’ombre, Il sait ce que la vie a de dégoûts sans nombre ; Aussi, triste, mais calme et bravant tout écueil, Il va seul à son but dans son tranquille orgueil. Sur les sommets altiers, sur la montagne austère, Il marche loin des pas des heureux de la terre ; Leurs injustes dédains à son âme ont appris A payer leurs dédains d’un trop juste mépris ; Mais de ce cœur blessé l’indulgence hautaine N’est jamais descendue au niveau de la haine ; Vers des dieux plus cléments il aspira toujours, Et toujours la nature eut ses hautes amours. Les torrents écumeux, la foudre et ses ravages Ont façonné son âme à leurs concerts sauvages ; Mais son verbe attendri, pour célébrer tes bords, O mon île ! oubliera les farouches accords. Pour chanter sur les monts ta verte Salazie Sa lèvre épanchera le miel de poésie ; Et le jour où, donnant dans un dernier adieu Sa dépouille à la tombe et son esprit à Dieu, Il se reposera d’une existence amère, Tu verseras peut-être une larme, ô ma mère !

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    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    Les jours de Juin Eugène, puisque Juin, le plus feuillu des mois, Est de retour, veux-tu tous deux aller au bois ? Ensemble et seuls, veux-tu, sous l’épaisse ramure, Prendre un long bain de calme, et d’ombre, et de verdure ? Viens-t-en sous la forêt de Meudon ou d’Auteuil Ouïr gaîment siffler le merle et le bouvreuil. Vois, ami, le beau ciel ! la belle matinée ! Tout nous promet sur l’herbe une bonne journée. Qui te retient ? Partons, amis au cœur joyeux, Allons vivre ! fermons nos livres ennuyeux ! Oublions nos travaux, nos soucis, notre prose ! Sur sa tige allons voir s’épanouir la rose ! Dans la mousse odorante où croît le serpolet, Quel bonheur d’égrener des fraises dans du lait, Et, d’un tabac ambré fumant des cigarettes, Assis sur le gazon jonché de pâquerettes, De discourir de tout, de demain, d’aujourd’hui, Et du passé d’hier, bel âge évanoui, Jours si vite envolés de collège et d’études, Et de nos froids pédants aux doctes habitudes, Et des maîtres aimés, nos bons vieux professeurs, Les Ménard, les Duguet, aux sévères douceurs ! Nous nous rappellerons nos longues promenades Au Pont du Sens, nos bains l’été, nos camarades, Chers enfants dispersés à tous les vents du sort, Ceux-là pris par le monde, et ceux-ci par la mort, Hélas ! Et le silence aux molles rêveries Alors remplacera nos vives causeries ; Et des dômes ombreux qu’attiédit le soleil, Descendra sur nos fronts un transparent sommeil, Sommeil fait de lumière et de vague pensée ; Et, comme une onde errante et d’un doux vent bercée, Abandonnant notre âme à ses songes flottants, Les yeux à demi clos nous rêverons longtemps… Puis, renouant le fil des longues confidences, Nous dirons nos travaux, nos vœux, nos espérances ; Et, tels que dans l’églogue aux couplets alternés, Deux pasteurs devisant sur leurs vers nouveau-nés, Nous nous réciterons, toi ta chère Vendée, Beau livre où ton esprit couve une grande idée ; Moi, mes chants sur mon île aux palmiers toujours verts, Éclose au sein des eaux comme une fleur des mers. Et tu verras passer dans ces vers sans culture Un monde jeune et fort, une vierge nature, Des savanes, des monts pleins de mâles beautés, Et, creusés dans leurs flancs, ces vallons veloutés Où, près des froids torrents bordés de mousse fraîche, Mûrissent pour l’oiseau le jam-rose et la pêche ; Un soleil merveilleux, un ciel profond et clair, Des bengalis, des fleurs, joie et parfums de l’air, Tout un Éden baigné de splendeur et d’arôme Où tout est poétique et grand, excepté l’homme ! Puis les oiseaux viendront, gazouillant leurs amours, A mes lointains pensers donner un autre cours. Ils diront leurs amours, et moi, sous la ramée, Comme eux, je te dirai ma pâle bien-aimée, Aux longs cheveux plus noirs que l’aile du corbeau, Aux yeux d’ébène, au front intelligent et beau, Sa bouche jeune et mûre, et sur ses dents nacrées Le rire éblouissant de ses lèvres pourprées, Et sa belle indolence et sa belle fierté, Et sa grâce plus douce encor que sa beauté ! Alors, adieu mon île et les vertes savanes, Et les ravins abrupts tapissés de lianes, Les mimosas en fleur, le chant des bengalis ! Adieu travaux et vers, la Muse et mon pays ! J’aurai tout oublié, radieux et fidèle, Pour ne me souvenir et ne parler que d’elle ! Je te raconterai – souvenir embaumé ! – Comment, un soir d’avril, je la vis et l’aimai ; Comment de simples fleurs, de douces violettes, Furent de notre amour les chastes interprètes ; Comment, un autre soir, à son front j’ai posé Des lèvres où mon cœur palpitait embrasé ; Comment dans un éclair de volupté suprême, Pressant contre mon sein le sein brisé qui m’aime, Foudroyé de bonheur et me sentant mourir, J’ai crié : « Maintenant, ô mort ! tu peux venir ! » Mais, vois ! le ciel serein ! la belle matinée ! Tout nous promet sur l’herbe une bonne journée. Viens-t’en ! fuyons la ville ! Amis au cœur joyeux, Allons vivre ! fermons nos livres ennuyeux ! Ensemble et seuls, allons sous l’épaisse ramure Prendre un long bain d’oubli, de calme et de verdure.

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    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    Les oiseaux Enfants des airs, heureux oiseaux, lyres ailées, Qui passez si légers, si libres dans les champs ; Hôtes harmonieux des monts et des vallées, Qui dépensez vos jours dans la joie et les chants ; Poètes qui chantez en tous lieux, à toute heure, Ignorant les soucis dont l’homme est agité ; Qui, le soir, dans les bois trouvez une demeure, Et dans l’air, le matin, trouvez la liberté ; Rivaux heureux, rivaux aux chansons éternelles, Que je vous porte envie en vous suivant des yeux ! Quand la terre a blessé vos pieds, ouvrant les ailes, Vous pouvez fuir du moins et monter vers les cieux. Vous prodiguant les biens dont la nature est pleine, Le sort vous livre tout sans lutte et sans combats ; Sans suspendre vos chants vous trouvez dans la plaine L’eau claire et l’épi mûr que nous n’y trouvons pas. Le ciel qui vous sourit est pour nous bien austère ; Il a courbé nos jours sous un bien lourd fardeau : Pour rafraîchir les fronts que la pensée altère, Les rameaux n’ont point d’ombre et les fleurs n’ont point d’eau. Chanteurs favorisés, ô voix pleines de charmes ! Oui ! la terre vous aime, oui ! le sort vous est doux. Bénissez donc le ciel, oiseaux, gosiers sans larmes ! Bénissez-le pour vous et priez-le pour nous ! Priez Dieu qu’il nous fasse, après les jours contraires, Et des cieux plus cléments et des soleils meilleurs ; Priez Dieu pour qu’il donne aux poètes, vos frères, Un épi dans la plaine et de l’eau dans les fleurs. ENVOI AU POÈTE OCTAVE LACROIX De l’oiseau vous avez, ami, la voix et l’aile ; Comme lui vous fuyez la terre pour le ciel. A l’idéal en vous le poète est fidèle : Vous aimez, vous chantez, cœur d’or, esprit sans fiel.

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    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    Les soleils de Juillet Les voici revenus, les jours que vous aimez, Les longs jours bleus et clairs sous des cieux sans nuage. La vallée est en fleur, et les bois embaumés Ouvrent sur les gazons leur balsamique ombrage. Tandis que le soleil, roi du splendide été, Verse tranquillement sa puissante clarté, Au pied de ce grand chêne aux ramures superbes, Amie, asseyons-nous dans la fraîcheur des herbes ; Et là, nos longs regards perdus au bord des cieux, Allant des prés fleuris dans l’éther spacieux, Ensemble contemplons ces beaux coteaux, ces plaines Où les vents de midi, sous leurs lentes haleines, Font des blés mûrissants ondoyer les moissons. Avec moi contemplez ces calmes horizons, Ce transparent azur que la noire hirondelle Emplit de cris joyeux et franchit d’un coup d’aile ; Et là-bas ces grands bœufs ruminants et couchés, Et plus loin ces hameaux d’où montent les clochers, Et ce château désert, ces croulantes tourelles, Qu’animent de leur vol les blanches tourterelles, Et ce fleuve paisible au nonchalant détour, Et ces ravins ombreux, frais abris du pâtour, Et tout ce paysage, heureux et pacifique, Où s’épanche à flots d’or un soleil magnifique ! …

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    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    Les soleils de Mai D’un souffle virginal le plus aimé des mois Emplit l’air ; le lilas aux troncs moussus des bois Suspend sa grappe parfumée ; Les oiseaux sont joyeux et chantent le soleil ; Tout sourit ; du printemps, tout fête le réveil : Toi seule es triste, ô bien-aimée ! « Pourquoi ces yeux rêveurs et ce regard penché ? De quel secret ennui ton cœur est-il touché ? Qu’as-tu ma grande et pâle Amie, Qu’as-tu ? Vois ce beau ciel sourire et resplendir ! Oh ! souris-moi ! Je sens mon cœur s’épanouir Avec la terre épanouie. « Sur le cours bleu des eaux, au flanc noir de la tour, Regarde ! l’hirondelle est déjà de retour. Ailes et feuilles sont décloses. C’est la saison des fleurs, c’est la saison des vers. C’est le temps où dans l’âme et dans les rameaux verts Fleurissent l’amour et les roses. « Soyons jeunes ! fêtons le beau printemps vainqueur ! Quand on est triste, Amie, il fait nuit dans le cœur ; La joie est le soleil de l’âme ! Oublions ce que l’homme et la vie ont d’amer ! Je veux aimer pour vivre et vivre pour aimer, Pour vous aimer, ma noble Dame ! « Loin de nous les soucis, belle aux cheveux bruns ! Enivrons-nous de brise, et d’air et de parfums, Enivrons-nous de jeunes sèves ! Sur leurs tiges cueillons les promesses des fleurs ! Assez tôt reviendront l’hiver et ses rigueurs Flétrir nos roses et nos rêves ! » Et, tandis qu’il parlait, muette à ses côtés, Marchait la grande Amie aux regards veloutés ; Son front baigné de rêverie S’éclairait à sa voix d’un doux rayonnement ; Et, lumière de l’âme, un sourire charmant Flottait sur sa lèvre fleurie.

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    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    Les soleils de Novembre Un beau ciel de novembre aux clartés automnales Baignait de ses tiédeurs les vallons vaporeux ; Les feux du jour buvaient les gouttes matinales Qui scintillaient dans l’herbe au bord des champs pierreux.

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    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    Les soleils de Septembre Sous ces rayons cléments des soleils de septembre Le ciel est doux, mais pâle, et la terre jaunit. Dans les forêts la feuille a la couleur de l’ambre ; L’oiseau ne chante plus sur le bord de son nid. Du toit des laboureurs ont fui les hirondelles ; La faucille a passé sur l’épi d’or des blés ; On n’entend plus dans l’air des frémissements d’ailes : Le merle siffle seul au fond des bois troublés. La mousse est sans parfum, les herbes sans mollesse ; Le jonc sur les étangs se penche soucieux ; Le soleil, qui pâlit, d’une tiède tristesse Emplit au loin la plaine et les monts et les cieux. Les jours s’abrègent ; l’eau qui court dans la vallée N’a plus ces joyeux bruits qui réjouissaient l’air : Il semble que la terre, et frileuse et voilée, Dans ses premiers frissons sente arriver l’hiver. Ô changeantes saisons ! ô lois inexorables ! De quel deuil la nature, hélas ! va se couvrir ! Soleils des mois heureux, printemps irréparables, Adieu ! ruisseaux et fleurs vont se taire et mourir. Mais console-toi, terre ! ô Nature ! ô Cybèle ! L’hiver est un sommeil et n’est point le trépas : Les printemps reviendront te faire verte et belle ; L’homme vieillit et meurt, toi, tu ne vieillis pas ! Tu rendras aux ruisseaux, muets par la froidure, Sous les arceaux feuillus leurs murmures chanteurs ; Aux oiseaux tu rendras leurs nids dans la verdure ; Aux lilas du vallon tu rendras ses senteurs. Ah ! des germes captifs quand tu fondras les chaînes, Quand, de la sève à flots épanchant la liqueur, Tu feras refleurir les roses et les chênes, Ô Nature ! avec eux fais refleurir mon cœur ! Rends à mon sein tari les poétiques sèves, Verse en moi les chaleurs dont l’âme se nourrit, Fais éclore à mon front les gerbes de mes rêves, Couvre mes rameaux nus des fleurs de mon esprit. Sans l’ivresse des chants, ma haute et chère ivresse, Sans le bonheur d’aimer, que m’importent les jours ! Ô soleils! ô printemps ! je ne veux la jeunesse Que pour toujours chanter, que pour aimer toujours !

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    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    Les Soleils d’Octobre Aux jours où les feuilles jaunissent, Aux jours où les soleils finissent, Hélas ! nous voici revenus ; Le temps n’est plus, ma-bien-aimée, Où sur la pelouse embaumée Tu posais tes pieds blancs et nus. L’herbe que la pluie a mouillée Se traîne frileuse et souillée ; On n’entend plus de joyeux bruits Sortir des gazons et des mousses ; Les châtaigniers aux branches rousses Laissent au vent tomber leurs fruits. Sur les coteaux aux pentes chauves, De longs groupes d’arbustes fauves Dressent leurs rameaux amaigris ; Dans la forêt qui se dépouille, Les bois ont des teintes de rouille ; L’astre est voilé, le ciel est gris. Cependant, sous les vitres closes, Triste de la chute des roses, Il n’est pas temps de s’enfermer ; Toute fleur n’est pas morte encore ; Un beau jour, une belle aurore Au ciel, demain, peut s’allumer. La terre, ô ma frileuse amie ! Ne s’est point encore endormie Du morne sommeil de l’hiver… Vois ! la lumière est revenue : Le soleil, entr’ouvrant la nue, Attiédit les moiteurs de l’air. Sous la lumière molle et sobre De ces soleils calmes d’octobre, Par les bois je voudrais errer ! L’automne a de tièdes délices : Allons sur les derniers calices, Ensemble, allons les respirer ! Je sais dans la forêt prochaine, Je sais un site au pied du chêne Où le vent est plus doux qu’ailleurs ; Où l’eau, qui fuit sous les ramures, Échange de charmants murmures Avec l’abeille, avec les fleurs. Dans ce lieu plein d’un charme agreste, Où pour rêver souvent je reste, Veux-tu t’asseoir, veux-tu venir ? Veux-tu, sur les mousses jaunies, Goûter les pâles harmonies De la saison qui va finir ? Partons ! et, ma main dans la tienne, Qu’à mon bras ton bras se soutienne ! Des bois si l’humide vapeur Te fait frissonner sous ta mante, Pour réchauffer ta main charmante Je la poserai sur mon cœur. Et devant l’astre qui décline, Debout sur la froide colline, Et ton beau front penché sur moi, Tu sentiras mille pensées, Des herbes, des feuilles froissées Et des bois morts, monter vers toi. Et devant la terne verdure, Songeant qu’ici-bas rien ne dure, Que tout passe, fleurs et beaux jours, A cette nature sans flamme Tu pourras comparer, jeune âme, Mon cœur, pour toi brûlant toujours ! Mon cœur, foyer toujours le même, Foyer vivant, foyer qui t’aime, Que ton regard fait resplendir ! Que les saisons, que les années, Que l’âpre vent des destinées Ne pourront jamais refroidir ! Et quand, noyés de brume et d’ombre, Nous descendrons le coteau sombre, Rayon d’amour, rayon d’espoir, Un sourire, ô ma bien-aimée ! Jouera sur ta lèvre embaumée Avec les derniers feux du soir.

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    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    Les vieux époux Lorsque nos coeurs ont lié connaissance, John, mon ami, votre front était beau; Vos noirs cheveux, dans leur jeune abondance, Brillaient pareils à l’aile du corbeau. Et maintenant chauve et nud il se penche: Sur nos cheveux les hivers ont passé. Mais béni soit ce front lisse et glacé, John, mon vieil homme, et votre mèche blanche! Gais pèlerins qu’un même toit rassemble, John, mon ami, ma main dans votre main, Par tous les temps, sur la colline, ensemble Nous avons fait, heureux, un dur chemin. Et maintenant que le soleil décline, Il faut descendre à pas tremblants et lourds; Mais nous irons, mon John, et pour toujours, Dormir au pied de la même colline! Imité de Burns.

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    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    L’origine du poète Quand il eut mérité le châtiment de vivre Sur cette terre, Esprit de son monde exilé, Des temps futurs s’ouvrit à ses regards le livre : Il put lire son sort dans l’avenir scellé. Ce qu’un jour il sera devant lui se déroule, De ses maux évoqués morne procession. De revers en revers, flot après flot s’écoule Sa lamentable vie, — amère vision ! Ce fut là sa douleur première, l’agonie D’un Esprit que sa faute ici-bas va bannir. De ses bonheurs passés il doit, âme punie, Espérance et remords, garder le souvenir. Homme, dans les labeurs de l’humaine misère, Gravissant les degrés par l’ange descendus, Un jour il reverra, montant de sphère en sphère, Rachetés par ses pleurs, les cieux qu’il a perdus. Or voici qu’un Esprit, une âme fraternelle, L’ami, son compagnon dans la sainte Cité, Lui révèle en ces mots la sentence éternelle, L’irrévocable arrêt que le maître a porté : « Frère, entre nous ta chute, hélas ! ouvre un abîme Que l’expiation seule un jour peut fermer. La Justice suprême en châtiant le crime Attend le repentir qui doit la désarmer. « Entre ton juge et toi ta faute est un mystère Interdit aux regards même de l’amitié ; Mais dans l’ange tombé je vois toujours le frère, Et l’éternel permet l’éternelle pitié ! « Esprit, tu dois subir une prison charnelle, Te revêtir d’un corps à mourir condamné ; Tu naîtras de la femme, et, t’absorbant en elle, Un jour tu comprendras le malheur d’être né. « L’exil sera ta vie et ton séjour la terre. Traînant partout le deuil de ton climat natal, En tous lieux étranger, en tous lieux solitaire, Tu connaîtras l’amer tourment de l’idéal. « Tu garderas tes dons ! ta puissance secrète Sans cesse autour de toi fera l’isolement : Poète parmi nous, tu resteras poète Chez l’homme, et ce sera ton plus dur châtiment. « Cependant du Très-Haut la clémence infinie Me laisse à ton malheur pour guide et pour soutien. Invisible et présent, âme à ton âme unie, Pars, je reste ton frère et ton ange gardien. « Mais en quittant le ciel pour ta longue souffrance, De notre azur natal qu’un jour tu dois revoir, Avec le souvenir, emporte l’espérance : Dieu sait tout pardonner, tout hors le désespoir. » Il dit ; et l’exilé sent dans le vide immense S’évanouir son âme et s’éteindre les cieux : L’ange en lui disparaît et l’homme en lui commence, L’homme, — le monstre-énigme à soi-même odieux.

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    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    Paysage Midi. L’astre au zénith flamboyait dans les cieux. L’azur immaculé, profond et radieux, Posait sur l’horizon sa coupole sereine. Le fleuve au loin passait, lent, sur la brune arène. Des vallons aux coteaux, des coteaux aux vallons, Les champs jaunis ou verts prolongeaient leurs sillons. Sur les versants ombreux des collines prochaines La forêt étageait ses hêtres et ses chênes. Ce n’est plus, ô printemps ! tes riantes couleurs ; C’est l’été mûrissant aux fécondes chaleurs. Sous les soleils d’août, d’une teinte plus dure, L’arbre à l’épais feuillage assombrit sa verdure ; La fraîcheur a fait place à la force ; l’été Resplendit dans sa flamme et sa virilité. Aux fleurs ont succédé les fruits, — saintes richesses De l’homme ; — la nature a rempli ses promesses. Il est midi. Planant dans l’immobilité, L’astre épanche sa flamme avec tranquillité. Le vent s’est assoupi, la forêt est paisible. Parfois, sous les rameaux, l’oiseau chante, invisible, Puis se tait, fatigué de lumière, et s’endort ; Les abeilles, les taons des bois, les mouches d’or, Enivrés des rayons qui tombent des ramures, Sur l’herbe tiède et molle éteignent leurs murmures : La lumière au silence, hymen mystérieux, S’accouple dans la paix des bois et dans les cieux. Paix sainte des grands bois ! paix des cieux pleins de flamme ! Heureux, heureux qui peut, dans ses yeux, dans son âme, Sans pleurs, sans deuils poignants, sans regrets acérés, Paix saintes, recevoir vos effluves sacrés ! Heureux l’esprit sans trouble, heureuse la paupière Que le silence enivre et qu’endort la lumière, Qui jouit d’un beau jour sans le voir se ternir Des ombres qu’après soi traîne le souvenir !

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