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Maurice Rollinat

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Poésies

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    Maurice Rollinat

    @mauriceRollinat

    Le Grand-Père La fille au père Pierre, avec ses airs de sainte, A si bien surveillé son corps fallacieux Que sa grossesse a pu mentir à tous les yeux ; Mais son heure a sonné de n’être plus enceinte. Dans la grand’ chambre on dort comme l’eau dans les trous. Tout à coup, elle geint, crie et se désespère. On se lève, on apprend la chose. Le grand-père Continue à ronfler sous son baldaquin roux. Mais le bruit à la fin l’éveille, et le voilà Clamant du lit profond d’où sa maigreur s’arrache : « Pierr’, quoiq’ya ? – Pèr, ya rin ! – Si ! s’passe un’ chos’ qu’on m’cache ; Et ma p’tit’ fill’ se plaint, j’l’entends ben ! quoi qu’elle a ? »

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    Maurice Rollinat

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    La parole Avec le masque du mensonge La parole suit son chemin, Rampe aujourd'hui, vole demain, Se raccourcit ou bien s'allonge. Elle empoigne comme une main Et se dérobe comme un songe. Avec le masque du mensonge La parole suit son chemin. Cœurs de gaze et de parchemin, Chacun la boit comme une éponge ; Et jusqu'au fond du gouffre humain Elle s'insinue et se plonge Avec le masque du mensonge.

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    Au crépuscule Le soir, couleur cendre et corbeau, Verse au ravin qui s’extasie Sa solennelle poésie Et son fantastique si beau.

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    Deux bons vieux coqs Le cabaret qui n'est pas neuf Est bondé des plus vieux ivrognes Dont rouge brique sont les trognes Entre les grands murs sang de bœuf. L'un d'entre eux, chenu comme un œuf, D'une main sur la table cogne, Et, son verre dans l'autre, il grogne : « Aussi vrai que j' suis d' Châteauneuf ! J' reste un bon coq, et l' diab' me rogne ! Je r'prendrais femm' si j' dev'nais veuf. » « Dam ! moi, fait le père Tubeuf, J' suis ben dans mes quatre-vingt-neuf : Et j' m'acquitte encor de ma b'sogne ! »

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    Maurice Rollinat

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    Douleur muette Pas de larmes extérieures ! Sois le martyr mystérieux ; Cache ton âme aux curieux Chaque fois que tu les effleures. Au fond des musiques mineures Épanche ton rêve anxieux. Pas de larmes extérieures ! Sois le martyr mystérieux ; Tais-toi, jusqu'à ce que tu meures ! Le vrai spleen est silencieux Et la Conscience a des yeux Pour pleurer à toutes les heures ! Pas de larmes extérieures ! —

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    En justice de paix Le vieux, contre la fenêtre, Fauve, en train de ruminer, Soudain s'entend condamner Au profit de ses trois maîtres. Il semble alors que son œil lent, Ayant défalqué l'assistance, Demande au grand Christ du mur blanc Ce qu'il pense de la sentence. Et quand le juge lui dit, froid : « Qu'avez-vous à répondre ? — Moi ! — Grince le vieux, pâle, et qui tremble, — J' n'ai rien à vous répondr' du tout Si c' n'est qu' vous êt' quat' chiens ensemble Pour manger un malheureux loup ! »

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    Gendre et Belle-Mère I. Jean était un franc débonnaire, Jovial d'allure et de ton, Égayant toujours d'un fredon Son dur travail de mercenaire. Soucis réels, imaginaires, Aucuns n'avaient mis leur bridon À son cœur pur dont l'abandon Était le besoin ordinaire. Je le retrouve : lèvre amère ! Ayant dans ses yeux de mouton Un regard de loup sans pardon... Quelle angoisse ? quelle chimère ? Quelle mauvaise fée a donc Changé ce gars ? Sa belle-mère ! II. Il n'aurait pas connu la haine Sans la vieille au parler bénin Qui d'un air cafard de nonnain L'affligeait et raillait sa peine. Il avait la bonté sereine Et l'apitoiement féminin. Il n'aurait pas connu la haine Sans la vieille au parler bénin. Aujourd'hui, la rage le mène. Pour mordre, il a le croc canin Et son fiel riposte au venin. Non ! sans cette araignée humaine, Il n'aurait pas connu la haine ! III. Il devint fou. Comme un bandit, Il vivait seul dans un repaire, Âme et corps ; gendre, époux et père, Se croyant à jamais maudit. Tant et si bien que, s'étant dit Qu'il n'avait qu'une chose à faire : Assassiner sa belle-mère Ou se tuer ? — il se pendit ! — Au sourd roulement du tonnerre Que toujours plus l'orage ourdit, Son corps décomposé froidit, Veillé par un spectre sévère : Encor, toujours, sa belle-mère ! IV. La belle-mère se délecte Au chevet de son gendre mort, Et le ricanement se tord Sur sa figure circonspecte. Avec ses piqûres d'insecte Elle a tué cet homme fort. La belle-mère se délecte Au chevet de son gendre mort. Sitôt qu'on vient, son œil s'humecte, Elle accuse et maudit le sort ! Mais, elle sourit dès qu'on sort... Et, lorgnant sa victime infecte, La belle-mère se délecte. V. Enterré, le soir, sans attendre, Sur sa tombe elle est à genoux Voilà ce qu'en son tertre roux La croix de bois blanc peut entendre « Enfin ! J'viens donc d't'y voir descendre Dans tes six pieds d'terr' ! t'es dans l't'rou. C'te fois, t'es ben parti d'cheux nous, Et tu n'as plus rin à prétendre. Rêv' pas d'moi, fais des sommeils doux, Jusqu'à temps q'la mort vienn' me prendre, Alors, j's'rai ta voisin' d'en d'sous, J'manq'rai pas d'tourmenter ta cendre... L'plus tard possible ! au r'voir, mon gendre. »

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    Journée de printemps Ici, le rocher, l'arbre et l'eau Font pour mon œil ce qu'il convoite. Tout ce qui luit, tremble ou miroite, Forme un miraculeux tableau. Sur le murmure qui se ouate Le rossignol file un solo : L'écorce blanche du bouleau Met du mystique dans l'air moite. À la fois légère et touffue La lumière danse à ma vue Derrière l'écran du zéphyr ; Je m'attarde, et le soir achève Avec de l'ombre et du soupir La félicité de mon rêve.

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    La buveuse d’absinthe Elle était toujours enceinte, Et puis elle avait un air… Pauvre buveuse d’absinthe ! Elle vivait dans la crainte De son ignoble partner : Elle était toujours enceinte. Par les nuits où le ciel suinte, Elle couchait en plein air. Pauvre buveuse d’absinthe ! Ceux que la débauche éreinte La lorgnaient d’un œil amer : Elle était toujours enceinte ! Dans Paris, ce labyrinthe Immense comme la mer, Pauvre buveuse d’absinthe, Elle allait, prunelle éteinte, Rampant aux murs comme un ver… Elle était toujours enceinte ! Oh ! cette jupe déteinte Qui se bombait chaque hiver ! Pauvre buveuse d’absinthe !

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    L'ange gardien Archange féminin dont le bel œil, sans trêve, Miroite en s'embrumant comme un soleil navré, Apaise le chagrin de mon cœur enfiévré, Reine de la douceur, du silence et du rêve. Inspire-moi l'effort qui fait qu'on se relève, Enseigne le courage à mon corps éploré, Sauve-moi de l'ennui qui me rend effaré, Et fourbis mon espoir rouillé comme un vieux glaive. Rallume à ta gaîté mon pauvre rire éteint ; Use en moi le vieil homme, et puis, soir et matin, Laisse-moi t'adorer comme il convient aux anges ! Laisse-moi t'adorer loin du monde moqueur, Au bercement plaintif de tes regards étranges, Zéphyrs bleus charriant les parfums de ton cœur !

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    L'ange pâle À la longue, je suis devenu bien morose : Mon rêve s'est éteint, mon rire s'est usé. Amour et Gloire ont fui comme un parfum de rose ; Rien ne fascine plus mon cœur désabusé. Il me reste pourtant un ange de chlorose, Enfant pâle qui veille et cherche à m'apaiser ; Sorte de lys humain que la tristesse arrose Et qui suspend son âme aux ailes du baiser. Religieux fantôme aux charmes narcotiques ! Un fluide câlin sort de ses doigts mystiques ; Le rythme de son pas est plein de nonchaloir. La pitié de son geste émeut ma solitude ; À toute heure, sa voix infiltreuse d'espoir Chuchote un mot tranquille à mon inquiétude.

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    L'espérance L'Espérance est un merle blanc Dont nous sommes la triste haie : Elle voltige sur la plaie Et siffle au bord du cœur tremblant. Mais son vol n'est qu'un faux semblant ; Sa sérénade n'est pas vraie. L'Espérance est un merle blanc Dont nous sommes la triste haie. Et tandis que, rapide ou lent, Le Désespoir est une orfraie Dont le cri certain nous effraie, Et dont le bec va nous criblant, L'Espérance est un merle blanc.

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    L'habitude La goutte d'eau de l'Habitude Corrode notre liberté Et met sur notre volonté La rouille de la servitude. Elle infiltre une quiétude Pleine d'incuriosité : La goutte d'eau de l'Habitude Corrode notre liberté. Qui donc fertilise l'étude Et fait croupir l'oisiveté ? Qui donc endort l'adversité Et moisit la béatitude ? La goutte d'eau de l'Habitude ! —

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    La biche La biche brame au clair de lune Et pleure à se fondre les yeux : Son petit faon délicieux À disparu dans la nuit brune. Pour raconter son infortune À la forêt de ses aïeux, La biche brame au clair de lune Et pleure à se fondre les yeux. Mais aucune réponse, aucune, À ses longs appels anxieux ! Et, le cou tendu vers les cieux, Folle d’amour et de rancune, La biche brame au clair de lune.

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    La bonne chienne Les deux petits jouaient au fond du grand pacage ; La nuit les a surpris, une nuit d'un tel noir Qu'ils se tiennent tous deux par la main sans se voir : L'opaque obscurité les enclôt dans sa cage. Que faire ? les brebis qui paissaient en bon nombre, Les chèvres, les cochons, la vache, la jument, Sont égarés ou bien muets pour le moment, Ils ne trahissent plus leur présence dans l'ombre. Puis, la vague rumeur des mauvaises tempêtes Sourdement fait gronder l'écho. Mais la bonne chienne Margot A rassemblé toutes les têtes Du grand troupeau... si bien que, derrière les bêtes, Chacun des deux petits lui tenant une oreille, Tous les trois, à pas d'escargot, Ils regagnent enfin, là-haut, Le vieux seuil où la maman veille.

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    La fille amoureuse La belle fille blanche et rousse, De la sorte, au long du buisson, Entretient la mère Lison À voix mélancolique et douce : « Moi cont' laquell' sont à médire Les fill' encor ben plus q' les gars, J' tiens à vous esposer mon cas, Et c'est sans hont' que j' vas vous l' dire, Pac' que vous avez l'humeur ronde, Et, q' rapportant sans v'nin ni fiel Tout' les affair' au naturel, Vous les jugez au r'bours du monde. Tout' petit', j'étais amoureuse, J'étais déjà foll' d'embrasser... Et, mes seize ans v'naient d' commencer, Que j' m'ai senti d'êtr' langoureuse, Autant q' l'âm' j'avais l' corps en peine : Cachant mes larm' à ceux d' chez nous, Aux champs assise, ou sur mes g'noux, Des fois, j' pleurais comme un' fontaine. Les airs de vielle et d' cornemuse M'étaient d' la musique à chagrin, Et d' mener un' vache au taurin Ça m' rendait songeuse et confuse. J'avais d' la r'ligion, ma mèr' Lise, Eh ben ! mon cœur qui s'ennuyait Jamais alors n' fut plus inquiet Qu'ent' les cierg' et l'encens d' l'église. Ça m' tentait dans mes veill', mes sommes, Et quoi q' c'était ? J'en savais rien. J' m'en sauvais comm' d'un mauvais chien Quand j'trouvais en c'h'min quèq' jeune homme, En mêm' temps, m' venaient des tendresses Oui m' mouillaient tout' l'âme comm' de l'eau, Tell' que trembl' les feuill' du bouleau J' frémissais sous des vents d' caresses. Un jour, au bout d'un grand pacage, J' gardais mon troupeau dans des creux, En des endroits trist' et peureux, À la lisièr' d'un bois bocage ; Or, c'était ça par un temps drôle, Si mort q'yavait pas d' papillons, Passa l' long d' moi, tout à g'nillons, Un grand gars, l' bissac sur l'épaule. Sûr ! il était pas d' not' vallée, Dans l' pays j' l'avais jamais vu. Pourtant, dès que j' le vis, ça fut Comm' si j'étais ensorcelée ! Tout' moi, mes quat' membr', lèvr', poitrine, J' devins folle ! et j' trahis alors C' désir trouble et caché d' mon corps Dont l' rong'ment m' rendait si chagrine. J' laissai là mes moutons, mes chèvres, Et j' suivis c't'homme en le r'poussant, Livrée à lui par tout mon sang, Qui m' brûlait comme un' mauvais' fièvre. Et, lorsque j' m'en r'vins au soir pâle, D' mon tourment j' savais la raison, Et q' fallait pour ma guérison Fair' la f'melle et pratiquer l' mâle. D'puis c' moment-là, je r'semble un' louve Qui dans l' nombr' des loups f'rait son choix ; Sans plus d' genr' que la bêt' des bois, Quand ça m' prend, faut q' mes flancs s'émouvent ! Ivre, à tout' ces bouch' d'aventure J' bois des baisers chauds comm' du vin ; Ma peau s' régal', mon ventre a faim De c' tressail'ment q'est sa pâture. Avec l'homm' j'ai pas d' coquett'rie, Et quand il m'a prise et qu'on s' tient, Je m' sers de lui comm' d'un moyen, Je n' pens' qu'à moi dans ma furie. Ceux q'enjôl' les volag', les niaises, Qui s' prenn' à l'Amour sans l'aimer, Ont ben essayé de m' charmer : Ils perd' leur temps lorsque j' m'apaise. Ça fait q' jamais je n' m'abandonne Pour l'intérêt ou l'amitié, Ni par orgueil ni par pitié. C'est pour me calmer que j' me donne ! M' marier ? Non ! j'enrag'rais ma vie ! Tromper mon mari ? l'épuiser ? Ou que j' me priv' pour pas l'user ? Faut d' l'amour neuf à mon envie ! L' feu d' la passion q' mon corps endure Met autant mon âme en langueur, Et c' qui fait les frissons d' mon cœur, C'est ceux qui m' pass' dans la nature Avec le sentiment qui m' glace Mon désir n'a pas d'unisson, Et j' peux pas connaît' un garçon Sans y d'mander qu'on s'entrelace. Tous me jett' la pierre et m' réprouvent, Dis' que j' fais des commerc' maudits, Pourtant, je m' crois dans l' Paradis Quand l' plaisir me cherche et qui m' trouve ! J' suis franch' de chair comm' de pensée, J' livr' ma conscience avec mon corps, V'là pourquoi j' n'ai jamais d' remords Après q' ma folie est passée. Eh ben ! Vous qu'êt' bonn', sans traîtrise, Mer' Lison ? Vous qu'êt' sans défaut, Dit' ? à vot' idée ? es'qu'i' faut Que j' me r'pente et que j' me méprise ? » La vieille, ainsi, dans la droiture De son sens expérimenté, D'après la loi d'éternité, La juge au nom de la Nature : « Je n' vois pas q' ton cas m'embarrasse, Ma fille ! T'as l' corps obéissant Au conseil libertin d' ton sang Qu'est une héritation d' ta race. C'est pas l' vice, ni la fantaisie Qui t' pouss' à l'homm'... c'est ton destin ! J' blâm' pas ta paillardis' d'instinct Pac' qu'elle est sans hypocrisie. Ceux qui t'appell' traînée infâme En vérité n'ont pas raison : L' sort a mis, comm' dans les saisons, Du chaud ou du froid dans les femmes. Tout' ceux bell' moral' qu'on leur flanque Ell' les écout' sous condition : Cell' qui n' cour' pas, c'est l'occasion Ou la forc' du sang qui leur manque. Et d'ailleurs, conclut la commère : Qu'èq' bon jour, t'auras des champis, Si t'en fais pas, ça s'ra tant pis : Tu chang'rais d'amour, étant mère ! »

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    La remariée Le corps prostitué de la veuve infidèle Est maudit chaque nuit par un spectre blafard Dont l'œillade ironique et le baiser cafard Viennent la chatouiller comme un frôlement d'aile. En tous lieux, et toujours, aux mois de l'hirondelle, À l'époque du givre, au temps du nénufar, Le corps prostitué de la veuve infidèle Est maudit chaque nuit par un spectre blafard. Son lit est assiégé comme une citadelle Par son premier mari, vivant pour son regard, Et l'anathème affreux du Revenant hagard Lancine, dès que l'autre a soufflé la chandelle, Le corps prostitué de la veuve infidèle.

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    La tache blanche Dure au mordant soleil, longtemps épanouie Aux grands effluves lourds et tièdes du vent plat, La neige, ayant enfin fléchi, perdu l'éclat, Venait de consommer sa fonte sous la pluie. L'espace détendu ! le bruit désemmuré ! Et les cieux bleus, enfin ! pour mes regards moroses, Avides de revoir le vieil aspect des choses, Tout surgissait nouveau du sol désengouffré. Soudain, au creux d'un ravin noir, Un soupçon de neige fit voir Sa tache pâle, si peureuse Que je me figurai, songeur, Un dernier frisson de blancheur Au fond d'une âme ténébreuse !

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    La vieille échelle Gisant à plat dans la pierraille, Veuve à jamais du pied humain, L'échelle, aux tons de parchemin, Pourrit au bas de la muraille. Jadis, beaux gars et belles filles, Poulettes, coqs, chats tigrés Montaient, obliques, ses degrés, La ronce à présent s'y tortille. Mais, une margot sur le puits Se perche... une autre encore ! et puis, Toutes deux quittant la margelle Pour danser sur ses échelons, Leurs petits sauts, tout de son long, Ressuscitent la pauvre échelle.

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    Le goût des larmes L'Énigme désormais n'a plus rien à me taire, J'étreins le vent qui passe et le reflet qui fuit, Et j'entends chuchoter aux lèvres de la Nuit La révélation du gouffre et du mystère. Je promène partout où le sort me conduit Le savoureux tourment de mon art volontaire ; Mon âme d'autrefois qui rampait sur la terre Convoite l'outre-tombe et s'envole aujourd'hui. Mais en vain je suis mort à la tourbe des êtres : Mon oreille et mes yeux sont encor des fenêtres Ouvertes sur leur plainte et leur convulsion ; Et dans l'affreux ravin des deuils et des alarmes, Mon esprit résigné, plein de compassion, Flotte au gré du malheur sur des ruisseaux de larmes.

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    Le Père Pierre Fantastiques d'aspect sous leur noire capote, Mais, très humaines par leurs caq[...]s superflus, Les commères, barrant la route aux verts talus, À la messe s'en vont d'un gros pas qui sabote. « Tiens ! v'là l'pèr' Pierr' ! fait l'une, un malin, celui-là ! Pour accrocher l' poisson quand personn' peut en prendre ; I' dit q' quand il a faim, d' fumer q'ça l' fait attendre, Et qu'un' bonn' pip' souvent vaut mieux qu'un mauvais plat. » L'homme les joint bientôt. En chœur elles s'écrient : « Il faut croire, à vous voir marcher En tournant l' dos à not' clocher, Q'v'allez pas à la messe ! » et puis, dame ! elles rient... « Moi ? si fait ! leur répond simplement le vieux Pierre, Mais, tout par la nature ! étant ma seul' devise, J'vas à la mess' de la rivière Du bon soleil et d' la fraîcheur, Avec le ravin pour église, Et pour curé l' martin-pêcheur. »

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    Le Père éloi Une nuit, dans un vieux cimetière pas riche, Ivre, le père Éloi, sacristain-fossoyeur, Parlait ainsi, d'un ton bonhomique et gouailleur, Gesticulant penché sur une tombe en friche : « Après que j'suis sorti d'l'auberge En sonnant l'Angelus, à c'soir, J'm'ai dit comme' ça : Faut q'jaill' la voir Au lieu d'y fair' brûler un cierge ! J'te dérang' ! Sous l'herbe et la ronce T'es là ben tranquille à r'poser ; Bah ! tout seul, un brin, j'vas t'causer : T'as pu d'langu', j'attends pas d'réponse. T'causer ? T'as des oreill' de cend'e... Et t'étais sourde avant l'trépas. Mais, quéq' ça fait q'tu m'entend' pas... Si mon idée est q'tu m'entendes. J'pense à toi souvent, va, pauv' grosse, Beaucoup le jour, surtout la nuit, Dans la noc' comme dans l'ennui, Que j'boiv' chopine ou creuse un' fosse. J'me saoul' pas pu depuis q't'es morte Que quand t'étais du monde. Enfin, C'est pas tout ça ! moi, j'aim' le vin, J'peux l'entonner puisque j'le porte. Fidèl' ? là-d'sus faut laisser faire Le naturel ! on n'est pas d'bois... C'que c'est ! j'y pens' pas quant e' j'bois, Quant' j'ai bu, c'est une aut' affaire !... Si j'en trouve un' qu'est pas trop vieille, Ma foi ! j'vas pas chercher d'témoins ! Pourtant, l'âg' yétant, j'pratiqu' moins La créatur' que la bouteille. Bah ! je l'sais, t'es pas pu jalouse Que cell' qu'a pris ta succession. Es' pas q'j'ai ton absolution ? Dis ? ma premièr' défunte épouse ? Des services ? t'as ma promesse Que j'ten f'rai dir' par mon bourgeois. Quoiq'ça, c'est inutil' : chaqu' fois, J'te r'command' en servant sa messe. J'voudrais t'donner queq'chos' qui t'aille : Qui qui t'plairait ? qu'est-c'que tu veux ? Un' coiff' ? mais, tu n'as pu d'cheveux. Un corset ? mais, tu n'as pu d'taille. Un' rob' ? t'es qu'un bout de squelette. Des mitain' ? T'as des mains d'poussier. Des sabots garnis ? t'as pu d'pieds. Faut pas songer à la toilette ! T'donner à manger ? bon ! ça rentre... Mais, pour tomber où ? dans quel sac ? Puisque tu n'as pu d'estomac, Pu d'gosier, pu d'boyaux, pu d'ventre ! D'l'argent ? mais, dans ton coin d'cimetière Qué q't'ach't'rais donc ? Seigneur de Dieu ! Allons ! tiens ! pour te dire adieu J'vas t'fair' cadeau d'un' bonn' prière. Si ça t'fait pas d'bien, comm' dit l'autre, Au moins, ben sûr, ça t'fra pas d'mal. Mais, tu m'coût' pas cher... c'est égal ! Tu la mérit' long' la pat'nôtre ! » Or, en fait d'oraison longue, le vieux narquois Partit tout simplement, sur un signe de croix, Grognant : « C'est tard ! tant pis, j'ai trop soif, l'diab' m'emporte ! J'vas boire à la santé de l'âme de la morte. »

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    Le roi des buveurs Tenez ! fit le soulard à bonnet de coton, Allumant ses yeux ronds dans sa figure en poire, J'ai connu plus buveur que moi. Voilà l'histoire De celui qu'on app'lait l'maître ivrogn' du canton : « Puisque ma femme est mort', moi j'suis, dit l'pèr' Baraille, Excusab' en bonn' vérité, Si, c'te malheureus' fois, encor ben plus j'déraille D'la lign' de la sobriété ! » On change la défunte ? i' va boire ! — on la veille ? D'temps en temps i' s'en vers' deux doigts. L'cercueil arrive et l'trouve à sucer la bouteille : Pendant l'ensev'lis'ment ? i' boit ! Dans l'chemin, à l'église, et jusque dans l'cimetière, I' tèt' sa fiol' d'eau-d'-vie ! Enfin, v'là donc q'la bière Est ben douc'ment glissée où doit descend' chacun : L'ivrog' gémit, et comm' le fossoyeur qui s'gausse Lui dit : « Tant d'regrets q'ça ? fourrez-vous dans sa fosse ! Ça m'coût' pas plus d'en couvrir deux q'd'en couvrir un ! » Lui, répond, grimacier, larmochant rigolo : « Non ! après tout, j'veux viv' pour la pleurer... j'préfère ! Et j'vous jur' que mes larm' ça s'ra ben la seule eau Que j'mettrai jamais dans mon verre ! »

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    Le silence À Mademoiselle A. H. Le silence est l'âme des choses Qui veulent garder leur secret. Il s'en va quand le jour paraît, Et revient dans les couchants roses. Il guérit des longues névroses, De la rancune et du regret. Le silence est l'âme des choses Qui veulent garder leur secret. À tous les parterres de roses Il préfère un coin de forêt Où la lune au rayon discret Frémit dans les arbres moroses : Le silence est l'âme des choses.

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    Le solitaire Le vieux qui, vert encore, approchait des cent ans, Me dit : « Malgré l'soin d'mes enfants Et les bontés d'mon voisinage, J'suis seul, ayant perdu tous ceux qui s'raient d'mon âge. Vous ? vot' génération ? Ça s'balanc' ! mais d'la mienne Ya plus q'moi qui rest' dans l'pays. Ceux que j'croyais qui f'raient des anciens m'ont trahi : I' sont morts tout jeun' à la peine. Chaq' maison qui n'boug pas, ell' ! sous l'temps qui s'écoule, M'rappelle un q'j'ai connu, laboureur ou berger, À qui j'parl' sans répons', que je r'gard' sans l'toucher ; Au cimtièr', j'les vois tous a la fois, comme un' foule ! C'est pourquoi, quand j'y fais mon p'tit tour solitaire, Souvent, j'pense, où que j'pos' le pied, Q'les morts sont là, tous à m'épier... Et j'm'imagine, des instants, Qu'i m'tir' par les jamb' ! mécontents Que j'les ai pas encor rejoindus sous la terre. »

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    Le vieux haineux Ce mort qui vient là-bas fut un propriétaire Qui lui fit dans sa vie autant de mal qu'il put. Donc, le voilà debout, travail interrompu, Pour voir son ennemi qu'enfin on porte en terre. Regardant s'avancer la bière, il rit, se moque, Et, tous ses vieux griefs fermentés en longueur Que son clair souvenir haineusement évoque, Un à un, triomphants, se lèvent dans son cœur. Mais, pendant qu'il ricane au défunt détesté, La terre, l'eau, l'azur, les airs et la clarté, Tout est amour, tendresse, oubli, calme ! Il commence À subir peu à peu cet entour de clémence ; Toujours plus la Nature, en son large abandon, Lui prêche le respect du mort et le pardon, À la miséricorde enfin son âme s'ouvre, Et, lorsque le cercueil passe en face de lui, Il montre en son œil terne une larme qui luit, Et, coudant le genou, s'incline et se découvre.

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    Maurice Rollinat

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    Les bienfaits de la nuit À Raoul Lafagette. Quand le chagrin, perfide et lâche remorqueur, Me jette en ricanant son harpon qui s'allonge, La Nuit m'ouvre ses bras pieux où je me plonge Et mêle sa rosée aux larmes de mon cœur. À son appel sorcier, l'espoir, lutin moqueur, Agite autour de moi ses ailes de mensonge, Et dans l'immensité de l'espace et du songe Mes regrets vaporeux s'éparpillent en chœur. Si j'évoque un son mort qui tourne et se balance, Elle sait me chanter la valse du silence Avec ses mille voix qui ne font pas de bruit ; Et lorsque promenant ma tristesse moins brune, Je souris par hasard et malgré moi, — la Nuit Vole, pour me répondre, un sourire à la lune.

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    Maurice Rollinat

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    Les frissons À Albert Wolff. De la tourterelle au crapaud, De la chevelure au drapeau, À fleur d'eau comme à fleur de peau Les frissons courent : Les uns furtifs et passagers, Imperceptibles ou légers, Et d'autres lourds et prolongés Qui vous labourent. Le vent par les temps bruns ou clairs Engendre des frissons amers Qu'il fait passer du fond des mers Au bout des voiles ; Et tout frissonne, terre et cieux, L'homme triste et l'enfant joyeux, Et les pucelles dont les yeux Sont des étoiles ! Ils rendent plus doux, plus tremblés Les aveux des amants troublés ; Ils s'éparpillent dans les blés Et les ramures ; Ils vont orageux ou follets De la montagne aux ruisselets, Et sont les frères des reflets Et des murmures. Dans la femme où nous entassons Tant d'amour et tant de soupçons, Dans la femme tout est frissons : L'âme et la robe ! Oh ! celui qu'on voudrait saisir ! Mais à peine au gré du désir A-t-il évoqué le plaisir, Qu'il se dérobe ! Il en est un pur et calmant, C'est le frisson du dévoûment Par qui l'âme est secrètement Récompensée ; Un frisson gai naît de l'espoir, Un frisson grave du devoir ; Mais la Peur est le frisson noir De la pensée. La Peur qui met dans les chemins Des personnages surhumains, La Peur aux invisibles mains Qui revêt l'arbre D'une caresse ou d'un linceul ; Qui fait trembler comme un aïeul Et qui vous rend, quand on est seul, Blanc comme un marbre. D'où vient que parfois, tout à coup, L'angoisse te serre le cou ? Quel problème insoluble et fou Te bouleverse, Toi que la science a jauni, Vieil athée âpre et racorni ? – « C'est le frisson de l'Infini Qui me traverse ! » Le strident quintessencié, Edgar Poe, net comme l'acier, Dégage un frisson de sorcier Qui vous envoûte ! Delacroix donne à ce qu'il peint Un frisson d'if et de sapin, Et la musique de Chopin Frissonne toute. Les anémiques, les fiévreux, Et les poitrinaires cireux, Automates cadavéreux À la voix trouble, Tous attendent avec effroi Le retour de ce frisson froid Et monotone qui décroît Et qui redouble. Ils font grelotter sans répit La Misère au front décrépit, Celle qui rôde et se tapit Blafarde et maigre, Sans gîte et n'ayant pour l'hiver Qu'un pauvre petit châle vert Qui se tortille comme un ver Sous la bise aigre. Frisson de vie et de santé, De jeunesse et de liberté ; Frisson d'aurore et de beauté Sans amertume ; Et puis, frisson du mal qui mord, Frisson du doute et du remord, Et frisson final de la mort Qui nous consume !

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    Maurice Rollinat

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    Les infinis Vertigineux géant du désert qu'il écrase, La tête dans l'azur et le pied dans la mer, Le mont découpe, ardent, sous le dôme de l'air, Son farouche horizon de chaos en extase. Le vide où, par instants, des vents de feu circulent, Tend son gouffre comblé par son rutilement ; L'onde et la nue, ayant même bleuissement, Face à face vibrants, s'éblouissent et brûlent. Là, ce que la Nature a de plus éternel : L'Espace, l'Océan, la Montagne, le Ciel, Souffre pompeusement la lumière embrasée : Puis, la Nuit vient, gazant sous ses voiles bénis La Lune, spectre errant de ces quatre infinis Qui boivent les soupirs de son âme glacée.

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    Les larmes du monde Dans les yeux de l'Humanité La Douleur va mirer ses charmes. Tous nos rires, tous nos vacarmes Sanglotent leur inanité ! En vain l'orgueil et la santé Sont nos boucliers et nos armes, Dans les yeux de l'Humanité La Douleur va mirer ses charmes. Et l'inerte Fatalité Qui se repait de nos alarmes, Sourit à l'océan de larmes Qui roule pour l'éternité Dans les yeux de l'Humanité !

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