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Titre : Gendre et Belle-Mère

Auteur : Maurice Rollinat

I. Jean était un franc débonnaire, Jovial d'allure et de ton, Égayant toujours d'un fredon Son dur travail de mercenaire. Soucis réels, imaginaires, Aucuns n'avaient mis leur bridon À son cœur pur dont l'abandon Était le besoin ordinaire. Je le retrouve : lèvre amère ! Ayant dans ses yeux de mouton Un regard de loup sans pardon... Quelle angoisse ? quelle chimère ? Quelle mauvaise fée a donc Changé ce gars ? Sa belle-mère ! II. Il n'aurait pas connu la haine Sans la vieille au parler bénin Qui d'un air cafard de nonnain L'affligeait et raillait sa peine. Il avait la bonté sereine Et l'apitoiement féminin. Il n'aurait pas connu la haine Sans la vieille au parler bénin. Aujourd'hui, la rage le mène. Pour mordre, il a le croc canin Et son fiel riposte au venin. Non ! sans cette araignée humaine, Il n'aurait pas connu la haine ! III. Il devint fou. Comme un bandit, Il vivait seul dans un repaire, Âme et corps ; gendre, époux et père, Se croyant à jamais maudit. Tant et si bien que, s'étant dit Qu'il n'avait qu'une chose à faire : Assassiner sa belle-mère Ou se tuer ? — il se pendit ! — Au sourd roulement du tonnerre Que toujours plus l'orage ourdit, Son corps décomposé froidit, Veillé par un spectre sévère : Encor, toujours, sa belle-mère ! IV. La belle-mère se délecte Au chevet de son gendre mort, Et le ricanement se tord Sur sa figure circonspecte. Avec ses piqûres d'insecte Elle a tué cet homme fort. La belle-mère se délecte Au chevet de son gendre mort. Sitôt qu'on vient, son œil s'humecte, Elle accuse et maudit le sort ! Mais, elle sourit dès qu'on sort... Et, lorgnant sa victime infecte, La belle-mère se délecte. V. Enterré, le soir, sans attendre, Sur sa tombe elle est à genoux Voilà ce qu'en son tertre roux La croix de bois blanc peut entendre « Enfin ! J'viens donc d't'y voir descendre Dans tes six pieds d'terr' ! t'es dans l't'rou. C'te fois, t'es ben parti d'cheux nous, Et tu n'as plus rin à prétendre. Rêv' pas d'moi, fais des sommeils doux, Jusqu'à temps q'la mort vienn' me prendre, Alors, j's'rai ta voisin' d'en d'sous, J'manq'rai pas d'tourmenter ta cendre... L'plus tard possible ! au r'voir, mon gendre. »