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Victor Hugo

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Victor Hugo, parfois surnommé l'Homme océan ou, de manière posthume, l'Homme siècle, est un poète, dramaturge, écrivain, romancier et dessinateur romantique français, né le 7 ventôse an X (26 février 1802) à Besançon et mort le 22 mai 1885 à Paris. Il est considéré comme l'un des écrivains de la langue française et de la littérature mondiale les plus importants. Hugo est aussi une personnalité politique et un intellectuel engagé qui a un rôle idéologique majeur et occupe une place marquante dans l'histoire des lettres françaises au XIXe siècle. Au théâtre, Victor Hugo s'impose comme un des chefs de file du romantisme français en présentant sa conception du drame romantique dans les préfaces qui introduisent Cromwell en 1827, puis Hernani en 1830, qui sont de véritables manifestes, puis par ses autres œuvres dramatiques, en particulier Lucrèce Borgia en 1833 et Ruy Blas en 1838. Son œuvre poétique comprend plusieurs recueils de poèmes lyriques, dont les plus célèbres sont Odes et Ballades paru en 1826, Les Feuilles d'automne en 1831 et Les Contemplations en 1856. Victor Hugo est aussi un poète engagé contre Napoléon III dans Les Châtiments, paru en 1853, et un poète épique dans La Légende des siècles, publié de 1859 à 1883. Comme romancier, il rencontre un grand succès populaire, d'abord avec Notre-Dame de Paris en 1831, et plus encore avec Les Misérables en 1862. Son œuvre multiple comprend aussi des écrits et discours politiques, des récits de voyages, des recueils de notes et de mémoires, des commentaires littéraires, une correspondance abondante, près de quatre mille dessins dont la plupart réalisés à l'encre, ainsi que la conception de décors intérieurs et une contribution à la photographie. Très impliqué dans le débat public, Victor Hugo est parlementaire sous la monarchie de Juillet et sous la Deuxième et Troisième République. Il s'exile pendant près de vingt ans à Jersey et Guernesey sous le Second Empire, dont il est l'un des grands opposants. Attaché à la paix et à la liberté et sensible à la misère humaine, il s'exprime en faveur de nombreuses avancées sociales, s'oppose à la peine de mort et à l'esclavage. Il soutient aussi l'idée d'une Europe unifiée. Son engagement résolument républicain dans la deuxième partie de sa vie et son immense œuvre littéraire font de lui un personnage emblématique, que la Troisième République honore par des funérailles nationales et le transfert de sa dépouille au Panthéon de Paris le 1er juin 1885, dix jours après sa mort. Pendant les deux jours où sa tombe est exposée au public, plus de deux millions de personnes se déplacent pour lui rendre hommage. Ayant fortement contribué au renouvellement de la poésie et du théâtre et ayant marqué son époque par ses prises de position politiques et sociales, Victor Hugo est encore célébré aujourd'hui, en France et à l'étranger, comme un personnage illustre, dont la vie et l'œuvre font l'objet de multiples commentaires et hommages.

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    Post-scriptum des rêves C'était du temps que j'étais jeune ; Je maigrissais ; rien ne maigrit Comme cette espèce de jeûne Qu'on appelle nourrir l'esprit. J'étais devenu vieux, timide, Et jaune comme un parchemin, À l'ombre de la pyramide Des bouquins de l'esprit humain. Tous ces tomes que l'âge rogne Couvraient ma planche et ma cloison. J'étais parfois comme un ivrogne Tant je m'emplissais de raison. Cent bibles encombraient ma table ; Cent systèmes étaient dedans ; On eût, par le plus véritable, Pu se faire arracher les dents. Un jour que je lisais Jamblique, Callinique, Augustin, Plotin, Un nain tout noir à mine oblique Parut et me dit en latin : — « Ne va pas plus loin. Jette l'ancre, « Fils, contemple en moi ton ancien, « Je m'appelle Bouteille-à-l'encre ; « Je suis métaphysicien. « Ton front fait du tort à ton ventre. « Je viens te dire le fin mot « De tous ces livres où l'on entre « Jocrisse et d'où l'on sort grimaud. « Amuse-toi. Sois jeune, et digne « De l'aurore et des fleurs. Isis « Ne donnait pas d'autre consigne « Aux sages que l'ombre a moisis. « Un verre de vin sans litharge « Vaut mieux, quand l'homme le boit pur, « Que tous ces tomes dont la charge « Ennuie énormément ton mur. « Une bamboche à la Chaumière, « D'où l'on éloigne avec soin l'eau, « Contient cent fois plus de lumière « Que Longin traduit par Boileau. « Hermès avec sa bandelette « Occupe ton coeur grave et noir ; « Bacon est le livre où s'allaite « Ton esprit, marmot du savoir. « Si Ninette, la giletière, « Veut la bandelette d'Hermès « Pour s'en faire une jarretière, « Donne-la-lui sans dire mais. « Si Fanchette ou Landerirette « Prend dans ton Bacon radieux « Du papier pour sa cigarette, « Fils des muses, rends grâce aux dieux. « Veille, étude, ennui, patience, « Travail, cela brûle les yeux ; « L'unique but de la science « C'est d'être immensément joyeux. « Le vrai savant cherche et combine « Jusqu'à ce que de son bouquin « Il jaillisse une Colombine « Qui l'accepte pour Arlequin. « Maxime : N'être point morose, « N'être pas bête, tout goûter, « Dédier son nez à la rose, « Sa bouche à la femme, et chanter. « Les anciens vivaient de la sorte ; « Mais vous êtes dupes, vous tous, « De la fausse barbe que porte « Le profil grec de ces vieux fous. « Fils, tous ces austères visages « Sur les plaisirs étaient penchés. « L'homme ayant inventé sept sages, « Le bon Dieu créa sept péchés. « Ô docteurs, comme vous rampâtes ! « Campaspe est nue en son grenier « Sur Aristote à quatre pattes ; « L'esprit a l'amour pour ânier. « Grâce à l'amour, Socrate est chauve. « L'amour d'Homère est le bâton. « Phryné rentrait dans son alcôve « En donnant le bras à Platon. « Salomon, repu de mollesses, « Étudiant les tourtereaux, « Avait juste autant de drôlesses « Que Léonidas de héros. « Sénèque, aujourd'hui sur un socle, « Prenait Chloé sous le menton. « Fils, la sagesse est un binocle « Braqué sur Minerve et Goton. « Les nymphes n'étaient pas des ourses, « Horace n'était pas un loup ; « Lise aujourd'hui se baigne aux sources, « Et Tibur s'appelle Saint-Cloud. « Les arguments dont je te crible « Te sauveront, toi-même aidant, « De la stupidité terrible, « Robe de pierre du pédant. « Guette autour de toi si quelque être « Ne sourit pas innocemment ; « Un chant dénonce une fenêtre, « Un pot de fleurs cherche un amant. « La grisette n'est point difforme, « On donne aux noirs soucis congé « Pour peu que le soir on s'endorme « Sur un oreiller partagé. « Aime. C'est ma dernière botte. « Et je mêle à mes bons avis « Cette fillette qui jabote « Dans la mansarde vis-à-vis. » Or je n'écoutai point ce drôle, Et je le chassai. Seulement, Aujourd'hui que sur mon épaule Mon front penche, pâle et clément, Aujourd'hui que mon oeil plus blême Voit la griffe du sphinx à nu, Et constate au fond du problème Plus d'infini, plus d'inconnu, Aujourd'hui que, hors des ivresses, Près des mers qui vont m'abîmer, Je regarde sur les sagesses Les religions écumer, Aujourd'hui que mon esprit sombre Voit sur les dogmes, flot changeant, L'épaisseur croissante de l'ombre, Ô ciel bleu, je suis indulgent Quand j'entends, dans le vague espace Où toujours ma pensée erra, Une belle fille qui passe En chantant traderidera.

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    Pour les pauvres Dans vos fêtes d'hiver, riches, heureux du monde, Quand le bal tournoyant de ses feux vous inonde, Quand partout à l'entour de vos pas vous voyez Briller et rayonner cristaux, miroirs, balustres, Candélabres ardents, cercle étoilé des lustres, Et la danse, et la joie au front des conviés ; Tandis qu'un timbre d'or sonnant dans vos demeures Vous change en joyeux chant la voix grave des heures, Oh ! songez-vous parfois que, de faim dévoré Peut-être un indigent dans les carrefours sombres S'arrête, et voit danser vos lumineuses ombres Aux vitres du salon doré ? Songez-vous qu'il est là sous le givre et la neige, Ce père sans travail que la famine assiège ? Et qu'il se dit tout bas : « Pour un seul, que de biens ! À son large festin que d'amis se récrient ! Ce riche est bien heureux, ses enfants lui sourient. Rien que dans leurs jouets, que de pain pour les miens ! » Et puis à votre fête il compare en son âme Son foyer où jamais ne rayonne une flamme, Ses enfants affamés, et leur mère en lambeau, Et sur un peu de paille, étendue et muette, L'aïeule, que l'hiver, hélas ! a déjà faite Assez froide pour le tombeau. Car Dieu mit ses degrés aux fortunes humaines, Les uns vont tout courbés sous le fardeau des peines ; Au banquet du bonheur bien peu sont conviés ; Tous n'y sont point assis également à l'aise, Une loi, qui d'en bas semble injuste et mauvaise, Dit aux uns : Jouissez ! aux autres : ENVIEZ ! Cette pensée est sombre, amère, inexorable, Et fermente en silence, au coeur du misérable. Riches, heureux du jour, qu'endort la volupté, Que ce ne soit pas lui qui des mains vous arrache, Tous ces biens superflus où son regard s'attache ; Oh ! que ce soit la charité ! L'ardente charité, que le pauvre idolâtre ! Mère de ceux pour qui la fortune est marâtre, Qui relève et soutient ceux qu'on foule en passant, Qui, lorsqu'il le faudra, se sacrifiant toute, Comme le Dieu martyr dont elle suit la route, Dira : Buvez, mangez ! c'est ma chair et mon sang ! Que ce soit elle, oh ! oui, riches, que ce soit elle Qui, bijoux, diamants, rubans, hochets, dentelle, Perles, saphirs, joyaux toujours faux, toujours vains, Pour nourrir l'indigent et pour sauver vos âmes, Des bras de vos enfants et du sein de vos femmes Arrache tout à pleines mains ! Donnez, riches ! L'aumône est soeur de la prière, Hélas ! quand un vieillard, sur votre seuil de pierre, Tout roidi par l'hiver, en vain tombe à genoux ; Quand les petits enfants, les mains de froid rougies, Ramassent sous vos pieds les miettes des orgies, La face du Seigneur se détourne de vous. Donnez ! afin que Dieu, qui dote les familles, Donne à vos fils la force, et la grâce à vos filles ; Afin que votre vigne ait toujours un doux fruit ; Afin qu'un blé plus mûr fasse plier vos granges ; Afin d'être meilleurs ; afin de voir les anges Passer dans vos rêves la nuit. Donnez, il vient un jour où la terre nous laisse. Vos aumônes là-haut vous font une richesse, Donnez, afin qu'on dise : Il a pitié de nous ! Afin que l'indigent que glacent les tempêtes, Que le pauvre qui souffre à côté de vos fêtes, Au seuil de vos palais fixe un oeil moins jaloux. Donnez ! pour être aimés du Dieu qui se fit homme, Pour que le méchant même en s'inclinant vous nomme, Pour que votre foyer soit calme et fraternel ; Donnez ! afin qu'un jour, à votre heure dernière, Contre tous vos péchés vous ayez la prière D'un mendiant puissant au ciel. Janvier 1830.

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    Premier Mai Tout conjugue le verbe aimer. Voici les roses. Je ne suis pas en train de parler d’autres choses. Premier mai ! l’amour gai, triste, brûlant, jaloux, Fait soupirer les bois, les nids, les fleurs, les loups ; L’arbre où j’ai, l’autre automne, écrit une devise, La redit pour son compte et croit qu’il l’improvise ; Les vieux antres pensifs, dont rit le geai moqueur, Clignent leurs gros sourcils et font la bouche en coeur ; L’atmosphère, embaumée et tendre, semble pleine Des déclarations qu’au Printemps fait la plaine, Et que l’herbe amoureuse adresse au ciel charmant. A chaque pas du jour dans le bleu firmament, La campagne éperdue, et toujours plus éprise, Prodigue les senteurs, et dans la tiède brise Envoie au renouveau ses baisers odorants ; Tous ses bouquets, azurs, carmins, pourpres, safrans, Dont l’haleine s’envole en murmurant : Je t’aime ! Sur le ravin, l’étang, le pré, le sillon même, Font des taches partout de toutes les couleurs ; Et, donnant les parfums, elle a gardé les fleurs ; Comme si ses soupirs et ses tendres missives Au mois de mai, qui rit dans les branches lascives, Et tous les billets doux de son amour bavard, Avaient laissé leur trace aux pages du buvard ! Les oiseaux dans les bois, molles voix étouffées, Chantent des triolets et des rondeaux aux fées ; Tout semble confier à l’ombre un doux secret ; Tout aime, et tout l’avoue à voix basse ; on dirait Qu’au nord, au sud brûlant, au couchant, à l’aurore, La haie en fleur, le lierre et la source sonore, Les monts, les champs, les lacs et les chênes mouvants, Répètent un quatrain fait par les quatre vents.

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    Ultima verba Quand même grandirait l'abjection publique A ce point d'adorer l'exécrable trompeur ; Quand même l'Angleterre et même l'Amérique Diraient à l'exilé : - Va-t'en ! nous avons peur ! Quand même nous serions comme la feuille morte, Quand, pour plaire à César, on nous renîrait tous ; Quand le proscrit devrait s'enfuir de porte en porte, Aux hommes déchiré comme un haillon aux clous ; Quand le désert, où Dieu contre l'homme proteste, Bannirait les bannis, chasserait les chassés ; Quand même, infâme aussi, lâche comme le reste, Le tombeau jetterait dehors les trépassés ; Je ne fléchirai pas ! Sans plainte dans la bouche, Calme, le deuil au cœur, dédaignant le troupeau, Je vous embrasserai dans mon exil farouche, Patrie, ô mon autel ! Liberté, mon drapeau ! Mes nobles compagnons, je garde votre culte ; Bannis, la République est là qui nous unit. J'attacherai la gloire à tout ce qu'on insulte ; Je jetterai l'opprobre à tout ce qu'on bénit !

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    Printemps Voici donc les longs jours, lumière, amour, délire ! Voici le printemps ! mars, avril au doux sourire, Mai fleuri, juin brûlant, tous les beaux mois amis ! Les peupliers, au bord des fleuves endormis, Se courbent mollement comme de grandes palmes ; L’oiseau palpite au fond des bois tièdes et calmes ; Il semble que tout rit, et que les arbres verts Sont joyeux d’être ensemble et se disent des vers. Le jour naît couronné d’une aube fraîche et tendre ; Le soir est plein d’amour ; la nuit, on croit entendre, A travers l’ombre immense et sous le ciel béni, Quelque chose d’heureux chanter dans l’infini.

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    Puisqu'ici-bas toute âme Puisqu'ici-bas toute âme Donne à quelqu'un Sa musique, sa flamme, Ou son parfum ; Puisqu'ici toute chose Donne toujours Son épine ou sa rose A ses amours ; Puisqu'avril donne aux chênes Un bruit charmant ; Que la nuit donne aux peines L'oubli dormant ; Puisque l'air à la branche Donne l'oiseau ; Que l'aube à la pervenche Donne un peu d'eau ; Puisque, lorsqu'elle arrive S'y reposer, L'onde amère à la rive Donne un baiser ; Je te donne, à cette heure, Penché sur toi, La chose la meilleure Que j'aie en moi ! Reçois donc ma pensée, Triste d'ailleurs, Qui, comme une rosée, T'arrive en pleurs ! Reçois mes voeux sans nombre, Ô mes amours ! Reçois la flamme ou l'ombre De tous mes jours ! Mes transports pleins d'ivresses, Purs de soupçons, Et toutes les caresses De mes chansons ! Mon esprit qui sans voile Vogue au hasard, Et qui n'a pour étoile Que ton regard ! Ma muse, que les heures Bercent rêvant, Qui, pleurant quand tu pleures, Pleure souvent ! Reçois, mon bien céleste, Ô ma beauté, Mon coeur, dont rien ne reste, L'amour ôté ! Le 19 mai 1836.

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    Puisque j'ai mis ma lèvre à ta coupe encor pleine Puisque j'ai mis ma lèvre à ta coupe encor pleine ; Puisque j'ai dans tes mains posé mon front pâli ; Puisque j'ai respiré parfois la douce haleine De ton âme, parfum dans l'ombre enseveli ; Puisqu'il me fut donné de t'entendre me dire Les mots où se répand le cœur mystérieux ; Puisque j'ai vu pleurer, puisque j'ai vu sourire Ta bouche sur ma bouche et tes yeux sur mes yeux ; Puisque j'ai vu briller sur ma tête ravie Un rayon de ton astre, hélas ! voilé toujours ; Puisque j'ai vu tomber dans l'onde de ma vie Une feuille de rose arrachée à tes jours ; Je puis maintenant dire aux rapides années : - Passez ! passez toujours ! je n'ai plus à vieillir ! Allez-vous-en avec vos fleurs toutes fanées ; J'ai dans l'âme une fleur que nul ne peut cueillir ! Votre aile en le heurtant ne fera rien répandre Du vase où je m'abreuve et que j'ai bien rempli. Mon âme a plus de feu que vous n'avez de cendre ! Mon cœur a plus d'amour que vous n'avez d'oubli !

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    Puisque mai tout en fleurs dans les prés nous réclame Puisque mai tout en fleurs dans les prés nous réclame, Viens ! ne te lasse pas de mêler à ton âme La campagne, les bois, les ombrages charmants, Les larges clairs de lune au bord des flots dormants, Le sentier qui finit où le chemin commence, Et l'air et le printemps et l'horizon immense, L'horizon que ce monde attache humble et joyeux Comme une lèvre au bas de la robe des cieux ! Viens ! et que le regard des pudiques étoiles Qui tombe sur la terre à travers tant de voiles, Que l'arbre pénétré de parfums et de chants, Que le souffle embrasé de midi dans les champs, Et l'ombre et le soleil et l'onde et la verdure, Et le rayonnement de toute la nature Fassent épanouir, comme une double fleur, La beauté sur ton front et l'amour dans ton cœur !

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    Qu'était-ce que l'enfant ? Qu'était-ce que l'enfant ? qu'était-ce que la mère ? Je l'ignorais. C'était la saison éphémère Qui nous enchante ; et n'a qu'un défaut, durer peu, Avril. De ma mansarde, entr'ouverte au ciel bleu, Je regardais, à l'heure où le jour vient de naître, Une femme tournant le dos à la fenêtre, Assise sur son lit, un enfant dans ses bras ; Je devinais l'enfant, je ne le voyais pas, Tant ils étaient tous deux serrés l'un contre l'autre. Malheur au faible ! ô sombre horizon que le nôtre ! Cette femme était là seule, en ce bouge étroit. Elle avait un enfant ; mais avait-elle un toit ? Était-elle, humble plante et rose infortunée, Livrée à ce vent noir qu'on nomme destinée, Qui brise au haut des monts le cèdre et le sapin ? Avait-elle du lait ? avait-elle du pain ? De quoi manger ? de quoi nourrir ? poignant problème ! Nos lois sont les carcans de la misère blême. Avait-elle un amant ? avait-elle un mari ? Qu'un rameau soit flétri parce qu'il est fleuri, C'est triste, et c'est, hélas, souvent le sort des femmes ! Ce vil monde punit l'éclosion des âmes. Elle semblait rêver sous un nuage obscur ; Elle ne parlait pas et regardait son mur ; Moi j'étais dans l'aurore, elle dans les ténèbres ; Et je ne distinguais, dans ces ombres funèbres, De ce double destin entrevu vaguement, Rien que deux petits bras pressant un cou charmant. Le 9 mai 1877.

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    Quand le livre où s'endort chaque soir ma pensée nQuand le livre où s'endort chaque soir ma pensée, Quand l'air de la maison, les soucis du foyer, Quand le bourdonnement de la ville insensée Où toujours on entend quelque chose crier, Quand tous ces mille soins de misère ou de fête Qui remplissent nos jours, cercle aride et borné, Ont tenu trop longtemps, comme un joug sur ma tête, Le regard de mon âme à la terre tourné ; Elle s'échappe enfin, va, marche, et dans la plaine Prend le même sentier qu'elle prendra demain, Qui l'égare au hasard et toujours la ramène, Comme un coursier prudent qui connaît le chemin. Elle court aux forêts où dans l'ombre indécise Flottent tant de rayons, de murmures, de voix, Trouve la rêverie au premier arbre assise, Et toutes deux s'en vont ensemble dans les bois ! Le 10 juin 1830.

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    Quand les guignes furent mangées… Quand les guignes furent mangées, Elle s’écria tout à coup : – J’aimerais bien mieux des dragées. Est-il ennuyeux, ton Saint-Cloud ! On a grand-soif ; au lieu de boire, On mange des cerises ; voi, C’est joli, j’ai la bouche noire Et j’ai les doigts bleus ; laisse-moi. – Elle disait cent autres choses, Et sa douce main me battait. Ô mois de juin ! rayons et roses ! L’azur chante et l’ombre se tait. J’essuyai, sans trop lui déplaire, Tout en la laissant m’accuser, Avec des fleurs sa main colère, Et sa bouche avec un baiser.

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    Quand nous habitions tous ensemble Quand nous habitions tous ensemble Sur nos collines d'autrefois, Où l'eau court, où le buisson tremble, Dans la maison qui touche aux bois, Elle avait dix ans, et moi trente ; J'étais pour elle l'univers. Oh ! comme l'herbe est odorante Sous les arbres profonds et verts ! Elle faisait mon sort prospère, Mon travail léger, mon ciel bleu. Lorsqu'elle me disait : Mon père, Tout mon coeur s'écriait : Mon Dieu ! À travers mes songes sans nombre, J'écoutais son parler joyeux, Et mon front s'éclairait dans l'ombre À la lumière de ses yeux. Elle avait l'air d'une princesse Quand je la tenais par la main. Elle cherchait des fleurs sans cesse Et des pauvres dans le chemin. Elle donnait comme on dérobe, En se cachant aux yeux de tous. Oh ! la belle petite robe Qu'elle avait, vous rappelez-vous ? Le soir, auprès de ma bougie, Elle jasait à petit bruit, Tandis qu'à la vitre rougie Heurtaient les papillons de nuit. Les anges se miraient en elle. Que son bonjour était charmant ! Le ciel mettait dans sa prunelle Ce regard qui jamais ne ment. Oh ! je l'avais, si jeune encore, Vue apparaître en mon destin ! C'était l'enfant de mon aurore, Et mon étoile du matin ! Quand la lune claire et sereine Brillait aux cieux, dans ces beaux mois, Comme nous allions dans la plaine ! Comme nous courions dans les bois ! Puis, vers la lumière isolée Étoilant le logis obscur, Nous revenions par la vallée En tournant le coin du vieux mur ; Nous revenions, coeurs pleins de flamme, En parlant des splendeurs du ciel. Je composais cette jeune âme Comme l'abeille fait son miel. Doux ange aux candides pensées, Elle était gaie en arrivant... - Toutes ces choses sont passées Comme l'ombre et comme le vent ! À Villequier, le 4 septembre 1844.

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    Quand tu me parles de gloire Quand tu me parles de gloire, Je souris amèrement. Cette voix que tu veux croire, Moi, je sais bien qu'elle ment. La gloire est vite abattue ; L'envie au sanglant flambeau N'épargne cette statue Qu'assise au seuil d'un tombeau. La prospérité s'envole, Le pouvoir tombe et s'enfuit. Un peu d'amour qui console Vaut mieux et fait moins de bruit. Je ne veux pas d'autres choses Que ton sourire et ta voix, De l'air, de l'ombre et des roses, Et des rayons dans les bois ! Je ne veux, moi qui me voile Dans la joie ou la douleur, Que ton regard, mon étoile ! Que ton haleine, ô ma fleur ! Sous ta paupière vermeille Qu'inonde un céleste jour, Tout un univers sommeille. Je n'y cherche que l'amour ! Ma pensée, urne profonde, Vase à la douce liqueur, Qui pourrait emplir le monde, Ne veut emplir que ton cœur ! Chante ! en moi l'extase coule. Ris-moi ! c'est mon seul besoin. Que m'importe cette foule Qui fait sa rumeur au loin ! Dans l'ivresse où tu me plonges, En vain, pour briser nos nœuds, Je vois passer dans mes songes Les poètes lumineux. Je veux, quoi qu'ils me conseillent, Préférer, jusqu'à la mort, Aux fanfares qui m'éveillent Ta chanson qui me rendort. Je veux, dût mon nom suprême Au front des cieux s'allumer, Qu'une moitié de moi-même Reste ici-bas pour t'aimer ! Laisse-moi t'aimer dans l'ombre, Triste, ou du moins sérieux. La tristesse est un lieu sombre Où l'amour rayonne mieux. Ange aux yeux pleins d'étincelles, Femme aux jours de pleurs noyés, Prends mon âme sur tes ailes, Laisse mon cœur à tes pieds ! Le 12 octobre 1837.

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    Que la musique date du seizième siècle I. Ô vous, mes vieux amis, si jeunes autrefois, Qui comme moi des jours avez porté le poids, Qui de plus d'un regret frappez la tombe sourde, Et qui marchez courbés, car la sagesse est lourde ; Mes amis ! qui de vous, qui de nous n'a souvent, Quand le deuil à l'œil sec, au visage rêvant, Cet ami sérieux qui blesse et qu'on révère, Avait sur notre front posé sa main sévère, Qui de nous n'a cherché le calme dans un chant ! Qui n'a, comme une sœur qui guérit en touchant, Laissé la mélodie entrer dans sa pensée ! Et, sans heurter des morts la mémoire bercée, N'a retrouvé le rire et les pleurs à la fois Parmi les instruments, les flûtes et les voix ! Qui de nous, quand sur lui quelque douleur s'écoule, Ne s'est glissé, vibrant au souffle de la foule, Dans le théâtre empli de confuses rumeurs ! Comme un soupir parfois se perd dans des clameurs, Qui n'a jeté son âme, à ces âmes mêlée, Dans l'orchestre où frissonne une musique ailée, Où la marche guerrière expire en chant d'amour, Où la basse en pleurant apaise le tambour ! II. Écoutez ! écoutez ! du maître qui palpite, Sur tous les violons l'archet se précipite. L'orchestre tressaillant rit dans son antre noir. Tout parle. C'est ainsi qu'on entend sans les voir, Le soir, quand la campagne élève un sourd murmure, Rire les vendangeurs dans une vigne mûre. Comme sur la colonne un frêle chapiteau, La flûte épanouie a monté sur l'alto. Les gammes, chastes sœurs dans la vapeur cachées, Vident et remplissent leurs amphores penchées, Se tiennent par la main et chantent tour à tour. Tandis qu'un vent léger fait flotter alentour, Comme un voile folâtre autour d'un divin groupe, Ces dentelles du son que le fifre découpe. Ciel ! voilà le clairon qui sonne. À cette voix, Tout s'éveille en sursaut, tout bondit à la fois. La caisse aux mille échos, battant ses flancs énormes, Fait hurler le troupeau des instruments difformes, Et l'air s'emplit d'accords furieux et sifflants Que les serpents de cuivre ont tordus dans leurs flancs. Vaste tumulte où passe un hautbois qui soupire ! Soudain du haut en bas le rideau se déchire ; Plus sombre et plus vivante à l'œil qu'une forêt, Toute la symphonie en un hymne apparaît. Puis, comme en un chaos qui reprendrait un monde, Tout se perd dans les plis d'une brume profonde. Chaque forme du chant passe en disant : Assez ! Les sons étincelants s'éteignent dispersés. Une nuit qui répand ses vapeurs agrandies Efface le contour des vagues mélodies, Telles que des esquifs dont l'eau couvre les mâts ; Et la strette, jetant sur leur confus amas Ses tremblantes lueurs largement étalées, Retombe dans cette ombre en grappes étoilées ! Ô concert qui s'envole en flamme à tous les vents ! Gouffre où le crescendo gonfle ses flots mouvants ! Comme l'âme s'émeut ! comme les cœurs écoutent ! Et comme cet archet d'où les notes dégouttent, Tantôt dans le lumière et tantôt dans la nuit, Remue avec fierté cet orage de bruit ! III. Puissant Palestrina, vieux maître, vieux génie, Je vous salue ici, père de l'harmonie, Car, ainsi qu'un grand fleuve où boivent les humains, Toute cette musique a coulé dans vos mains ! Car Gluck et Beethoven, rameaux sous qui l'on rêve, Sont nés de votre souche et faits de votre sève ! Car Mozart, votre fils, a pris sur vos autels Cette nouvelle lyre inconnue aux mortels, Plus tremblante que l'herbe au souffle des aurores, Née au seizième siècle entre vos doigts sonores ! Car, maître, c'est à vous que tous nos soupirs vont, Sitôt qu'une voix chante et qu'une âme répond ! Oh ! ce maître, pareil au créateur qui fonde, Comment dit-il jaillir de sa tête profonde Cet univers de sons, doux et sombre à la fois, Écho du Dieu caché dont le monde est la voix ? Où ce jeune homme, enfant de la blonde Italie, Prit-il cette âme immense et jusqu'aux bords remplie ? Quel souffle, quel travail, quelle intuition, Fit de lui ce géant, dieu de l'émotion, Vers qui se tourne l'œil qui pleure et qui s'essuie, Sur qui tout un côté du cœur humain s'appuie ? D'où lui vient cette voix qu'on écoute à genoux ? Et qui donc verse en lui ce qu'il reverse en nous ? IV. Ô mystère profond des enfances sublimes ! Qui fait naître la fleur au penchant des abîmes, Et le poète au bord des sombres passions ? Quel dieu lui trouble l'œil d'étranges visions ? Quel dieu lui montre l'astre au milieu des ténèbres, Et, comme sous un crêpe aux plis noirs et funèbres On voit d'une beauté le sourire enivrant, L'idéal à travers le réel transparent ? Qui donc prend par la main un enfant dès l'aurore Pour lui dire : – " En ton âme il n'est pas jour encore. Enfant de l'homme ! avant que de son feu vainqueur Le midi de la vie ait desséché ton cœur, Viens, je vais t'entrouvrir des profondeurs sans nombre ! Viens, je vais de clarté remplir tes yeux pleins d'ombre ! Viens, écoute avec moi ce qu'on explique ailleurs, Le bégaiement confus des sphères et des fleurs ; Car, enfant, astre au ciel ou rose dans la haie, Toute chose innocente ainsi que toi bégaie ! Tu seras le poète, un homme qui voit Dieu ! Ne crains pas la science, âpre sentier de feu, Route austère, il est vrai, mais des grands cœurs choisies, Que la religion et que la poésie Bordent des deux côtés de leur buisson fleuri. Quand tu peux en chemin, ô bel enfant chéri, Cueillir l'épine blanche et les clochettes bleues, Ton petit pas se joue avec les grandes lieues. Ne crains donc pas l'ennui ni la fatigue. – Viens ! Écoute la nature aux vagues entretiens. Entends sous chaque objet sourdre la parabole. Sous l'être universel vois l'éternel symbole, Et l'homme et le destin, et l'arbre et la forêt, Les noirs tombeaux, sillons où germe le regret ; Et, comme à nos douleurs des branches attachées, Les consolations sur notre front penchées, Et, pareil à l'esprit du juste radieux, Le soleil, cette gloire épanouie aux cieux ! V. Dieu ! que Palestrina, dans l'homme et dans les choses, Dut entendre de voix joyeuse et moroses ! Comme on sent qu'à cet âge où notre cœur sourit, Où lui déjà pensait, il a dans son esprit Emporté, comme un fleuve à l'onde fugitive, Tout ce que lui jetait la nuée ou la rive ! Comme il s'est promené, tout enfant, tout pensif, Dans les champs, et, dès l'aube, au fond du bois massif, Et près du précipice, épouvante des mères ! Tour à tour noyé d'ombre, ébloui de chimères, Comme il ouvrait son âme alors que le printemps Trempe la berge en fleur dans l'eau des clairs étangs, Que le lierre remonte aux branches favorites, Que l'herbe aux boutons d'or mêle les marguerites ! A cette heure indécise où le jour va mourir, Où tout s'endort, le cœur oubliant de souffrir, Les oiseaux de chanter et les troupeaux de paître, Que de fois sous ses yeux un chariot champêtre, Groupe vivant de bruit, de chevaux et de voix, A gravi sur le flanc du coteau dans les bois Quelque route creusée entre les ocres jaunes, Tandis que, près d'une eau qui fuyait sous les aulnes, Il écoutait gémir dans les brumes du soir Une cloche enrouée au fond d'un vallon noir ! Que de fois, épiant la rumeur des chaumières, Le brin d'herbe moqueur qui siffle entre deux pierres, Le cri plaintif du soc gémissant et traîné, Le nid qui jase au fond du cloître ruiné D'où l'ombre se répand sur les tombes des moines, Le champ doré par l'aube où causent les avoines Qui pour nous voir passer, ainsi qu'un peuple heureux, Se penchent en tumulte au bord du chemin creux, L'abeille qui gaiement chante et parle à la rose, Parmi tous ces objets dont l'être se compose, Que de fois il rêva, scrutateur ténébreux, Cherchant à s'expliquer ce qu'ils disaient entre eux ! Et chaque soir, après ses longues promenades, Laissant sous les balcons rire les sérénades, Quand il s'en revenait content, grave et muet, Quelque chose de plus dans son cœur remuait. Mouche, il avait son miel ; arbuste, sa rosée. Il en vint par degrés à ce qu'en sa pensée Tout vécut. – Saint travail que les poètes font ! – Dans sa tête, pareille à l'univers profond, L'air courait, les oiseaux chantaient, la flamme et l'onde Se courbaient, la moisson dorait la terre blonde, Et les toits et les monts et l'ombre qui descend Se mêlaient, et le soir venait, sombre et chassant La brute vers son antre et l'homme vers son gîte, Et les hautes forêts, qu'un vent du ciel agite, Joyeuses de renaître au départ des hivers, Secouaient follement leurs grands panaches verts ! C'est ainsi qu'esprit, forme, ombre, lumière et flamme, L'urne du monde entier s'épancha dans son âme ! VI. Ni peintre, ni sculpteur ! Il fut musicien. Il vint, nouvel Orphée, après l'Orphée ancien ; Et, comme l'océan n'apporte que sa vague, Il n'apporta que l'art du mystère et du vague ! La lyre qui tout bas pleure en chantant bien haut ! Qui verse à tous un son où chacun trouve un mot ! Le luth où se traduit, plus ineffable encore, Le rêve inexprimé qui s'efface à l'aurore ! Car il ne voyait rien par l'angle étincelant, Car son esprit, du monde immense et fourmillant Qui pour ses yeux nageait dans l'ombre indéfinie, Éteignait la couleur et tirait l'harmonie ! Ainsi toujours son hymne, en descendant des cieux, Pénètre dans l'esprit par le côté pieux, Comme un rayon des nuits par un vitrail d'église ! En écoutant ses chants que l'âme idéalise, Il semble, à ces accords qui, jusqu'au cœur touchant, Font sourire le juste et songer le méchant, Qu'on respire un parfum d'encensoirs et de cierges, Et l'on croit voir passer un de ces anges-vierges Comme en rêvait Giotto, comme Dante en voyait, Êtres sereins posés sur ce monde inquiet, À la prunelle bleue, à la robe d'opale, Qui, tandis qu'au milieu d'un azur déjà pâle Le point d'or d'une étoile éclate à l'orient, Dans un beau champ de trèfle errent en souriant ! VII. Heureux ceux qui vivaient dans ce siècle sublime Où, du génie humain dorant encor la cime, Le vieux soleil gothique à l'horizon mourait ! Où déjà, dans la nuit emportant son secret, La cathédrale morte en un sol infidèle Ne faisait plus jaillir d'églises autour d'elle ! Être immense obstruée encore à tous degrés, Ainsi qu'une Babel aux abords encombrés, De donjons, de beffrois, de flèches élancées, D'édifices construits pour toutes les pensées ; De génie et de pierre énorme entassement ; Vaste amas d'où le jour s'en allait lentement ! Siècle mystérieux où la science sombre De l'antique Dédale agonisait dans l'ombre, Tandis qu'à l'autre bout de l'horizon confus, Entre Tasse et Luther, ces deux chênes touffus, Sereine, et blanchissant de sa lumière pure Ton dôme merveilleux, ô sainte Architecture, Dans ce ciel, qu'Albert Düre admirait à l'écart, La Musique montait, cette lune de l'art ! Le 29 mai 1837.

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    Que t'importe, mon cœur Que t'importe, mon cœur, ces naissances des rois, Ces victoires, qui font éclater à la fois Cloches et canons en volées, Et louer le Seigneur en pompeux appareil, Et la nuit, dans le ciel des villes en éveil, Monter des gerbes étoilées ? Porte ailleurs ton regard sur Dieu seul arrêté ! Rien ici-bas qui n'ait en soi sa vanité : La gloire fuit à tire-d'aile ; Couronnes, mitres d'or, brillent, mais durent peu ; Elles ne valent pas le brin d'herbe que Dieu Fait pour le nid de l'hirondelle ! Hélas ! plus de grandeur contient plus de néant ! La bombe atteint plutôt l'obélisque géant Que la tourelle des colombes. C'est toujours par la mort que Dieu s'unit aux rois ; Leur couronne dorée a pour faîte sa croix, Son temple est pavé de leurs tombes. Quoi ! hauteur de nos tours, splendeur de nos palais, Napoléon, César, Mahomet, Périclès, Rien qui ne tombe et ne s'efface ! Mystérieux abîme où l'esprit se confond ! A quelques pieds sous terre un silence profond, Et tant de bruit à la surface ! Le 30 juin 1830.

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    Rosa fâchée Une querelle. Pourquoi ? Mon Dieu, parce qu'on s'adore. À peine s'est-on dit Toi Que Vous se hâte d'éclore. Le coeur tire sur son noeud ; L'azur fuit ; l'âme est diverse. L'amour est un ciel, qui pleut Sur les amoureux à verse. De même, quand, sans effroi, Dans la forêt que juin dore, On va rôder, sur la foi Des promesses de l'aurore, On peut être pris le soir, Car le beau temps souvent triche, Par un gros nuage noir Qui n'était pas sur l'affiche.

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    Réponse à un acte d'accusation Donc, c'est moi qui suis l'ogre et le bouc émissaire. Dans ce chaos du siècle où votre cœur se serre, J'ai foulé le bon goût et l'ancien vers françois Sous mes pieds, et, hideux, j'ai dit à l'ombre : -Sois ! - Et l'ombre fut. — Voilà votre réquisitoire. Langue, tragédie, art, dogmes, conservatoire, Toute cette clarté s'est éteinte, et je suis Le responsable, et j'ai vidé l'urne des nuits. De la chute de tout je suis la pioche inepte ; C'est votre point de vue. Eh bien, soit, je l'accepte ; C'est moi que votre prose en colère a choisi ; Vous me criez : Racca ; moi je vous dis : Merci ! Cette marche du temps, qui ne sort d'une église Que pour entrer dans l'autre, et qui se civilise ; Ces grandes questions d'art et de liberté, Voyons-les, j'y consens, par le moindre côté, Et par le petit bout de la lorgnette. En somme, J'en conviens, oui, je suis cet abominable homme ; Et, quoique, en vérité, je pense avoir commis, D'autres crimes encor que vous avez omis. Avoir un peu touché les questions obscures, Avoir sondé les maux, avoir cherché les cures, De la vieille ânerie insulté les vieux bâts, Secoué le passé du haut jusques en bas, Et saccagé le fond tout autant que la forme. Je me borne à ceci : je suis ce monstre énorme, Je suis le démagogue horrible et débordé, Et le dévastateur du vieil A B C D ; Causons.

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    Rêverie Oh ! laissez-moi ! c'est l'heure où l'horizon qui fume Cache un front inégal sous un cercle de brume, L'heure où l'astre géant rougit et disparaît. Le grand bois jaunissant dore seul la colline. On dirait qu'en ces jours où l'automne décline, Le soleil et la pluie ont rouillé la forêt. Oh ! qui fera surgir soudain, qui fera naître, Là-bas, — tandis que seul je rêve à la fenêtre, Et que l'ombre s'amasse au fond du corridor, — Quelque ville mauresque, éclatante, inouïe, Qui, comme la fusée en gerbe épanouie, Déchire ce brouillard avec ses flèches d'or ! Qu'elle vienne inspirer, ranimer, ô génies, Mes chansons, comme un ciel d'automne rembrunies, Et jeter dans mes yeux son magique reflet, Et longtemps, s'éteignant en rumeurs étouffées, Avec les mille tours de ses palais de fées, Brumeuse, denteler l'horizon violet ! Le 5 septembre 1828.

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    Rêverie d'un passant à propos d'un roi Præbete aures, vos qui continetis multitu- dines et placetis vobis in turbis nationum, quoniam non custodistis legem justitiæ, ne- que secundum voluntatem Dei ambulastis. SAP. 6. Voitures et chevaux à grand bruit, l'autre jour, Menaient le roi de Naple au gala de la cour. J'étais au Carrousel, passant avec la foule Qui par ses trois guichets incessamment s'écoule Et traverse ce lieu quatre cents fois par an Pour regarder un prince ou voir l'heure au cadran. Je suivais lentement, comme l'onde suit l'onde, Tout ce peuple, songeant qu'il était dans le monde, Certes, le fils aîné du vieux peuple romain, Et qu'il avait un jour, d'un revers de sa main, Déraciné du sol les tours de la Bastille. Je m'arrêtai : le suisse avait fermé la grille. Et le tambour battait, et parmi les bravos Passait chaque voiture avec ses huit chevaux. La fanfare emplissait la vaste cour, jonchée D'officiers redressant leur tête empanachée ; Et les royaux coursiers marchaient sans s'étonner, Fiers de voir devant eux des drapeaux s'incliner. Or, attentive au bruit, une femme, une vieille, En haillons, et portant au bras quelque corbeille, Branlant son chef ridé, disait à haute voix : « Un roi ! sous l'Empereur, j'en ai tant vu, des rois ! » Alors je ne vis plus des voitures dorées La haute impériale et les rouges livrées, Et, tandis que passait et repassait cent fois Tout ce peuple inquiet, plein de confuses voix, Je rêvai. Cependant la vieille vers la Grève Poursuivait son chemin en me laissant mon rêve, Comme l'oiseau qui va, dans la forêt lâché, Laisse trembler la feuille où son aile a touché. Oh ! disais-je, la main sur mon front étendue, Philosophie, au bas du peuple descendue ! Des petits sur les grands grave et hautain regard ! Où ce peuple est venu, le peuple arrive tard ; Mais il est arrivé. Le voilà qui dédaigne ! Il n'est rien qu'il admire, ou qu'il aime, ou qu'il craigne. Il sait tirer de tout d'austères jugements, Tant le marteau de fer des grands événements A, dans ces durs cerveaux qu'il façonnait sans cesse, Comme un coin dans le chêne enfoncé la sagesse ! Il s'est dit tant de fois : « Où le monde en est-il ? Que font les rois ? à qui le trône ? à qui l'exil ? » Qu'il médite aujourd'hui, comme un juge suprême, Sachant la fin de tout, se croyant en soi-même Assez fort pour tout voir et pour tout épargner, Lui qu'on n'exile pas et qui laisse régner ! La cour est en gala ! pendant qu'au-dessous d'elle, Comme sous le vaisseau l'Océan qui chancelle, Sans cesse remué, gronde un peuple profond Dont nul regard de roi ne peut sonder le fond. Démence et trahison qui disent sans relâche : « Ô rois, vous êtes rois ! confiez votre tâche Aux mille bras dorés qui soutiennent vos pas. Dormez, n'apprenez point et ne méditez pas, De peur que votre front, qu'un prestige environne, Fasse en s'élargissant éclater la couronne ! » Ô rois, veillez, veillez ! tâchez d'avoir régné. Ne nous reprenez pas ce qu'on avait gagné ; Ne faites point, des coups d'une bride rebelle, Cabrer la liberté qui vous porte avec elle ; Soyez de votre temps, écoutez ce qu'on dit, Et tâchez d'être grands, car le peuple grandit. Ecoutez ! écoutez, à l'horizon immense, Ce bruit qui parfois tombe et soudain recommence, Ce murmure confus, ce sourd frémissement Qui roule, et qui s'accroît de moment en moment. C'est le peuple qui vient ! c'est la haute marée Qui monte incessamment, par son astre attirée. Chaque siècle, à son tour, qu'il soit d'or ou de fer, Dévoré comme un cap sur qui monte la mer, Avec ses lois, ses mœurs, les monuments qu'il fonde, Vains obstacles qui font à peine écumer l'onde, Avec tout ce qu'on vit et qu'on ne verra plus, Disparaît sous ce flot qui n'a pas de reflux ! Le sol toujours s'en va, le flot toujours s'élève. Malheur à qui le soir s'attarde sur la grève, Et ne demande pas au pêcheur qui s'enfuit D'où vient qu'à l'horizon on entend ce grand bruit ! Rois, hâtez-vous ! rentrez dans le siècle où nous sommes, Quittez l'ancien rivage ! — À cette mer des hommes Faites place, ou voyez si vous voulez périr Sur le siècle passé que son flot doit couvrir ! Ainsi ce qu'en passant avait dit cette femme Remuait mes pensers dans le fond de mon âme, Quand un soldat soudain, du poste détaché, Me cria : « Compagnon, le soleil est couché. » Le 18 mai 1830.

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    Saison des semailles C'est le moment crépusculaire. J'admire, assis sous un portail, Ce reste de jour dont s'éclaire La dernière heure du travail. Dans les terres, de nuit baignées, Je contemple, ému, les haillons D'un vieillard qui jette à poignées La moisson future aux sillons. Sa haute silhouette noire Domine les profonds labours. On sent à quel point il doit croire À la fuite utile des jours. Il marche dans la plaine immense, Va, vient, lance la graine au loin, Rouvre sa main, et recommence, Et je médite, obscur témoin, Pendant que, déployant ses voiles, L'ombre, où se mêle une rumeur, Semble élargir jusqu'aux étoiles Le geste auguste du semeur.

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    Sara la baigneuse Sara, belle d’indolence, Se balance Dans un hamac, au-dessus Du bassin d’une fontaine Toute pleine D’eau puisée à l’Ilyssus ; Et la frêle escarpolette Se reflète Dans le transparent miroir, Avec la baigneuse blanche Qui se penche, Qui se penche pour se voir. Chaque fois que la nacelle, Qui chancelle, Passe à fleur d’eau dans son vol, On voit sur l’eau qui s’agite Sortir vite Son beau pied et son beau col. Elle bat d’un pied timide L’onde humide Où tremble un mouvant tableau, Fait rougir son pied d’albâtre, Et, folâtre, Rit de la fraîcheur de l’eau. Reste ici caché : demeure ! Dans une heure, D’un oeil ardent tu verras Sortir du bain l’ingénue, Toute nue, Croisant ses mains sur ses bras. Car c’est un astre qui brille Qu’une fille Qui sort d’un bain au flot clair, Cherche s’il ne vient personne, Et frissonne, Toute mouillée au grand air. Elle est là, sous la feuillée, Eveillée Au moindre bruit de malheur ; Et rouge, pour une mouche Qui la touche, Comme une grenade en fleur. On voit tout ce que dérobe Voile ou robe ; Dans ses yeux d’azur en feu, Son regard que rien ne voile Est l’étoile Qui brille au fond d’un ciel bleu. L’eau sur son corps qu’elle essuie Roule en pluie, Comme sur un peuplier ; Comme si, gouttes à gouttes, Tombaient toutes Les perles de son collier. Mais Sara la nonchalante Est bien lente A finir ses doux ébats ; Toujours elle se balance En silence, Et va murmurant tout bas :  » Oh ! si j’étais capitane,  » Ou sultane,  » Je prendrais des bains ambrés,  » Dans un bain de marbre jaune,  » Prés d’un trône,  » Entre deux griffons dorés !  » J’aurais le hamac de soie  » Qui se ploie  » Sous le corps prêt à pâmer ;  » J’aurais la molle ottomane  » Dont émane  » Un parfum qui fait aimer.  » Je pourrais folâtrer nue,  » Sous la nue,  » Dans le ruisseau du jardin,  » Sans craindre de voir dans l’ombre  » Du bois sombre  » Deux yeux s’allumer soudain.  » Il faudrait risquer sa tète  » Inquiète,  » Et tout braver pour me voir,  » Le sabre nu de l’heiduque,  » Et l’eunuque  » Aux dents blanches, au front noir !  » Puis, je pourrais, sans qu’on presse  » Ma paresse,  » Laissez avec mes habits  » Traîner sur les larges dalles  » Mes sandales  » De drap brodé de rubis. «  Ainsi se parle en princesse, Et sans cesse Se balance avec amour, La jeune fille rieuse, Oublieuse Des promptes ailes du jour. L’eau, du pied de la baigneuse Peu soigneuse, Rejaillit sur le gazon, Sur sa chemise plissée, Balancée Aux branches d’un vert buisson. Et cependant des campagnes Ses compagnes Prennent toutes le chemin. Voici leur troupe frivole Qui s’envole En se tenant par la main. Chacune, en chantant comme elle, Passe, et mêle Ce reproche à sa chanson : – Oh ! la paresseuse fille Qui s’habille Si tard un jour de moisson !

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    Soirée en mer Près du pêcheur qui ruisselle, Quand tous deux, au jour baissant, Nous errons dans la nacelle, Laissant chanter l’homme frêle Et gémir le flot puissant ; Sous l’abri que font les voiles Lorsque nous nous asseyons, Dans cette ombre où tu te voiles Quand ton regard aux étoiles Semble cueillir des rayons ; Quand tous deux nous croyons lire Ce que la nature écrit, Réponds, ô toi que j’admire, D’où vient que mon cœur soupire ? D’où vient que ton front sourit ? Dis ? d’où vient qu’à chaque lame, Comme une coupe de fiel, La pensée emplit mon âme ? C’est que moi je vois la rame Tandis que tu vois le ciel ! C’est que je vois les flots sombres, Toi, les astres enchantés ! C’est que, perdu dans leurs nombres, Hélas, je compte les ombres Quand tu comptes les clartés ! Chacun, c’est la loi suprême, Rame, hélas ! jusqu’à la fin. Pas d’homme, ô fatal problème ! Qui ne laboure ou ne sème Sur quelque chose de vain ! L’homme est sur un flot qui gronde. L’ouragan tord son manteau. Il rame en la nuit profonde, Et l’espoir s’en va dans l’onde Par les fentes du bateau. Sa voile que le vent troue Se déchire à tout moment, De sa route l’eau se joue, Les obstacles sur sa proue Écument incessamment ! Hélas ! hélas ! tout travaille Sous tes yeux, ô Jéhovah ! De quelque côté qu’on aille, Partout un flot qui tressaille, Partout un homme qui va ! Où vas-tu ? – Vers la nuit noire. Où vas-tu ? – Vers le grand jour. Toi ? – Je cherche s’il faut croire. Et toi ? – Je vais à la gloire. Et toi ? – Je vais à l’amour. Vous allez tous à la tombe ! Vous allez à l’inconnu ! Aigle, vautour, ou colombe, Vous allez où tout retombe Et d’où rien n’est revenu ! Vous allez où vont encore Ceux qui font le plus de bruit ! Où va la fleur qu’avril dore ! Vous allez où va l’aurore ! Vous allez où va la nuit ! À quoi bon toutes ces peines ? Pourquoi tant de soins jaloux ? Buvez l’onde des fontaines, Secouez le gland des chênes, Aimez, et rendormez-vous ! Lorsque ainsi que des abeilles On a travaillé toujours ; Qu’on a rêvé des merveilles ; Lorsqu’on a sur bien des veilles Amoncelé bien des jours ; Sur votre plus belle rose, Sur votre lys le plus beau, Savez-vous ce qui se pose ? C’est l’oubli pour toute chose, Pour tout homme le tombeau ! Car le Seigneur nous retire Les fruits à peine cueillis. Il dit : Échoue ! au navire. Il dit à la flamme : Expire ! Il dit à la fleur : Pâlis ! Il dit au guerrier qui fonde : – Je garde le dernier mot. Monte, monte, ô roi du monde ! La chute la plus profonde Pend au sommet le plus haut. – Il a dit à la mortelle : – Vite ! éblouis ton amant. Avant de mourir sois belle. Sois un instant étincelle, Puis cendre éternellement ! – Cet ordre auquel tu t’opposes T’enveloppe et t’engloutit. Mortel, plains-toi, si tu l’oses, Au Dieu qui fit ces deux choses, Le ciel grand, l’homme petit ! Chacun, qu’il doute ou qu’il nie, Lutte en frayant son chemin ; Et l’éternelle harmonie Pèse comme une ironie Sur tout ce tumulte humain ! Tous ces faux biens qu’on envie Passent comme un soir de mai. Vers l’ombre, hélas ! tout dévie. Que reste-t-il de la vie, Excepté d’avoir aimé ! ¯¯¯¯¯¯¯¯ Ainsi je courbe ma tête Quand tu redresses ton front. Ainsi, sur l’onde inquiète, J’écoute, sombre poète, Ce que les flots me diront. Ainsi, pour qu’on me réponde, J’interroge avec effroi ; Et dans ce gouffre où je sonde La fange se mêle à l’onde… – Oh ! ne fais pas comme moi ! Que sur la vague troublée J’abaisse un sourcil hagard ; Mais toi, belle âme voilée, Vers l’espérance étoilée Lève un tranquille regard ! Tu fais bien. Vois les cieux luire. Vois les astres s’y mirer. Un instinct là-haut t’attire. Tu regardes Dieu sourire ; Moi, je vois l’homme pleurer !

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    Soleils couchants J'aime les soirs sereins et beaux, j'aime les soirs, Soit qu'ils dorent le front des antiques manoirs Ensevelis dans les feuillages ; Soit que la brume au loin s'allonge en bancs de feu ; Soit que mille rayons brisent dans un ciel bleu A des archipels de nuages. Oh ! regardez le ciel ! cent nuages mouvants, Amoncelés là-haut sous le souffle des vents, Groupent leurs formes inconnues ; Sous leurs flots par moments flamboie un pâle éclair. Comme si tout à coup quelque géant de l'air Tirait son glaive dans les nues. Le soleil, à travers leurs ombres, brille encor ; Tantôt fait, à l'égal des larges dômes d'or, Luire le toit d'une chaumière ; Ou dispute aux brouillards les vagues horizons ; Ou découpe, en tombant sur les sombres gazons, Comme de grands lacs de lumière.

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    Sonnez, sonnez toujours, clairons de la pensée Sonnez, sonnez toujours, clairons de la pensée. Quand Josué rêveur, la tête aux cieux dressée, Suivi des siens, marchait, et, prophète irrité, Sonnait de la trompette autour de la cité, Au premier tour qu'il fit, le roi se mit à rire ; Au second tour, riant toujours, il lui fit dire : « Crois-tu donc renverser ma ville avec du vent ? » À la troisième fois l'arche allait en avant, Puis les trompettes, puis toute l'armée en marche, Et les petits enfants venaient cracher sur l'arche, Et, soufflant dans leur trompe, imitaient le clairon ; Au quatrième tour, bravant les fils d'Aaron, Entre les vieux créneaux tout brunis par la rouille, Les femmes s'asseyaient en filant leur quenouille, Et se moquaient, jetant des pierres aux hébreux ; À la cinquième fois, sur ces murs ténébreux, Aveugles et boiteux vinrent, et leurs huées Raillaient le noir clairon sonnant sous les nuées À la sixième fois, sur sa tour de granit Si haute qu'au sommet l'aigle faisait son nid, Si dure que l'éclair l'eût en vain foudroyée, Le roi revint, riant à gorge déployée, Et cria : « Ces hébreux sont bons musiciens ! » Autour du roi joyeux riaient tous les anciens Qui le soir sont assis au temple, et délibèrent. À la septième fois, les murailles tombèrent. Jersey, le 19 mars 1853.

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    Sous l'Olympe Cependant un des fils de la terre farouche, Un titan, l'ombre au front et l'écume à la bouche, Phtos ' le géant, l'aîné des colosses vaincus, Tandis qu'en haut les dieux, enivrés par Bacchus, Mêlent leur joie autour de la royale table, Rêve sous l'épaisseur du mont épouvantable. Les maîtres, sous l'Olympe, ont, dans un souterrain Jeté Phtos, l'ont lié d'une corde d'airain, Puis ils l'ont laissé là, car la victoire heureuse Oublie et chante ; et Phtos médite ; il sonde, il creuse", Il fouille le passé, l'avenir, le néant. Oh ! quand on est vaincu, c'est dur d'être géant ! Un nain n'a pas la honte ayant la petitesse. Seuls, les cœurs de titans ont la grande tristesse ; Le volcan morne sent qu'il s'éteint par degrés, Et la défaite est lourde aux fronts démesurés. Ce vaincu saigne et songe, étonné. Quelle chute ! Les dieux ont commencé la tragique dispute, Et la terre est leur proie. Ô deuil ! Il mord son poing. Comment respire-t-il ? Il ne respire point. Son corps vaste est blessé partout comme une cible. Le câble que Vulcain fit en bronze flexible Le serre, et son cou râle, étreint d'un nœud d'airain. Phtos médite, et ce grand furieux est serein; Il méprise, indigné, les fers, les clous, les gênes

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    Souvenir d'enfance À Joseph, comte de S Cuncta supercilio. HORACE. Dans une grande fête, un jour, au Panthéon, J'avais sept ans, je vis passer Napoléon. Pour voir cette figure illustre et solennelle, Je m'étais échappé de l'aile maternelle ; Car il tenait déjà mon esprit inquiet. Mais ma mère aux doux yeux, qui souvent s'effrayait En m'entendant parler guerre, assauts et bataille, Craignait pour moi la foule, à cause de ma taille. Et ce qui me frappa, dans ma sainte terreur, Quand au front du cortège apparut l'empereur, Tandis que les enfants demandaient à leurs mères Si c'est là ce héros dont on fait cent chimères, Ce ne fut pas de voir tout ce peuple à grand bruit, Le suivre comme on suit un phare dans la nuit Et se montrer de loin, sur la tête suprême, Ce chapeau tout usé plus beau qu'un diadème, Ni, pressés sur ses pas, dix vassaux couronnés Regarder en tremblant ses pieds éperonnés, Ni ses vieux grenadiers, se faisant violence, Des cris universels s'enivrer en silence ; Non, tandis qu'à genoux la ville tout en feu, Joyeuse comme on est lorsqu'on n'a qu'un seul vœu Qu'on n'est qu'un même peuple et qu'ensemble on respire, Chantait en chœur : VEILLONS AU SALUT DE L'EMPIRE ! Ce qui me frappa, dis-je, et me resta gravé, Même après que le cri sur la route élevé Se fut évanoui dans ma jeune mémoire, Ce fut de voir, parmi ces fanfares de gloire, Dans le bruit qu'il faisait, cet homme souverain Passer muet et grave ainsi qu'un dieu d'airain. Et le soir, curieux, je le dis à mon père, Pendant qu'il défaisait son vêtement de guerre, Et que je me jouais sur son dos indulgent De l'épaulette d'or aux étoiles d'argent. Mon père secoua la tête sans réponse. Mais souvent une idée en notre esprit s'enfonce ; Ce qui nous a frappés nous revient par moments, Et l'enfance naïve a ses étonnements. Le lendemain, pour voir le soleil qui s'incline, J'avais suivi mon père en haut de la colline Qui domine Paris du côté du levant, Et nous allions tous deux, lui pensant, moi rêvant. Cet homme en mon esprit restait comme un prodige, Et, parlant à mon père : Ô mon père, lui dis-je, Pourquoi notre empereur, cet envoyé de Dieu, Lui qui fait tout mouvoir et qui met tout en feu, A-t-il ce regard froid et cet air immobile ? Mon père dans ses mains prit ma tête débile, Et me montrant au loin l'horizon spacieux : « Vois, mon fils, cette terre, immobile à tes yeux, Plus que l'air, plus que l'onde et la flamme, est émue, Car le germe de tout dans son ventre remue. Dans ses flancs ténébreux, nuit et jour en rampant Elle sent se plonger la racine, serpent Qui s'abreuve aux ruisseaux des sèves toujours prêtes, Et fouille et boit sans cesse avec ses mille têtes. Mainte flamme y ruisselle, et tantôt lentement Imbibe le cristal qui devient diamant, Tantôt, dans quelque mine éblouissante et sombre, Allume des monceaux d'escarboucles sans nombre, Ou, s'échappant au jour, plus magnifique encor, Au front du vieil Etna met une aigrette d'or. Toujours l'intérieur de la terre travaille. Son flanc universel incessamment tressaille. Goutte à goutte, et sans bruit qui réponde à son bruit, La source de tout fleuve y filtre dans la nuit. Elle porte à la fois, sur sa face où nous sommes, Les blés et les cités, les forêts et les hommes. Vois, tout est vert au loin, tout rit, tout est vivant. Elle livre le chêne et le brin d'herbe au vent. Les fruits et les épis la couvrent à cette heure. Eh bien ! déjà, tandis que ton regard l'effleure, Dans son sein que n'épuise aucun enfantement, Les futures moissons tremblent confusément. « Ainsi travaille, enfant, l'âme active et féconde Du poète qui crée et du soldat qui fonde. Mais ils n'en font rien voir. De la flamme à pleins bords Qui les brûle au dedans, rien ne luit au dehors. Ainsi Napoléon, que l'éclat environne Et qui fit tant de bruit en forgeant sa couronne, Ce chef que tout célèbre et que pourtant tu vois, Immobile et muet, passer sur le pavois, Quand le peuple l'étreint, sent en lui ses pensées, Qui l'étreignent aussi, se mouvoir plus pressées. « Déjà peut-être en lui mille choses se font, Et tout l'avenir germe en son cerveau profond. Déjà, dans sa pensée immense et clairvoyante, L'Europe ne fait plus qu'une France géante, Berlin, Vienne, Madrid, Moscou, Londres, Milan, Viennent rendre à Paris hommage une fois l'an, Le Vatican n'est plus que le vassal du Louvre, La terre à chaque instant sous les vieux trônes s'ouvre Et de tous leurs débris sort pour le genre humain Un autre Charlemagne, un autre globe en main. Et, dans le même esprit où ce grand dessein roule, Des bataillons futurs déjà marchent en foule, Le conscrit résigné, sous un avis fréquent, Se dresse, le tambour résonne au front du camp, D'ouvriers et d'outils Cherbourg couvre sa grève, Le vaisseau colossal sur le chantier s'élève, L'obusier rouge encor sort du fourneau qui bout, Une marine flotte, une armée est debout ! Car la guerre toujours l'illumine et l'enflamme, Et peut-être déjà, dans la nuit de cette âme, Sous ce crâne, où le monde en silence est couvé, D'un second Austerlitz le soleil s'est levé ! » Plus tard, une autre fois, je vis passer cet homme, Plus grand dans son Paris que César dans sa Rome. Des discours de mon père alors. je me souvins. On l'entourait encor d'honneurs presque divins, Et je lui retrouvai, rêveur à son passage, Et la même pensée et le même visage. Il méditait toujours son projet surhumain. Cent aigles l'escortaient en empereur romain. Ses régiments marchaient, enseignes déployées ; Ses lourds canons, baissant leurs bouches essuyées, Couraient, et, traversant la foule aux pas confus, Avec un bruit d'airain sautaient sur leurs affûts. Mais bientôt, au soleil, cette tête admirée Disparut dans un flot de poussière dorée ; Il passa. Cependant son nom sur la cité Bondissait, des canons aux cloches rejeté ; Son cortège emplissait de tumultes les rues ; Et, par mille clameurs de sa présence accrues, Par mille cris de joie et d'amour furieux, Le peuple saluait ce passant glorieux. Novembre 1830.

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    Victor Hugo

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    Souvenir de la nuit du 4 L'enfant avait reçu deux balles dans la tête. Le logis était propre, humble, paisible, honnête ; On voyait un rameau bénit sur un portrait. Une vieille grand-mère était là qui pleurait. Nous le déshabillions en silence. Sa bouche, Pâle, s'ouvrait ; la mort noyait son œil farouche ; Ses bras pendants semblaient demander des appuis. Il avait dans sa poche une toupie en buis. On pouvait mettre un doigt dans les trous de ses plaies. Avez-vous vu saigner la mûre dans les haies ? Son crâne était ouvert comme un bois qui se fend. L'aïeule regarda déshabiller l'enfant, Disant : - comme il est blanc ! approchez donc la lampe. Dieu ! ses pauvres cheveux sont collés sur sa tempe ! - Et quand ce fut fini, le prit sur ses genoux. La nuit était lugubre ; on entendait des coups De fusil dans la rue où l'on en tuait d'autres. - Il faut ensevelir l'enfant, dirent les nôtres. Et l'on prit un drap blanc dans l'armoire en noyer. L'aïeule cependant l'approchait du foyer Comme pour réchauffer ses membres déjà roides. Hélas ! ce que la mort touche de ses mains froides Ne se réchauffe plus aux foyers d'ici-bas ! Elle pencha la tête et lui tira ses bas, Et dans ses vieilles mains prit les pieds du cadavre. - Est-ce que ce n'est pas une chose qui navre ! Cria-t-elle ; monsieur, il n'avait pas huit ans ! Ses maîtres, il allait en classe, étaient contents. Monsieur, quand il fallait que je fisse une lettre, C'est lui qui l'écrivait. Est-ce qu'on va se mettre A tuer les enfants maintenant ? Ah ! mon Dieu ! On est donc des brigands ! Je vous demande un peu, Il jouait ce matin, là, devant la fenêtre ! Dire qu'ils m'ont tué ce pauvre petit être ! Il passait dans la rue, ils ont tiré dessus. Monsieur, il était bon et doux comme un Jésus. Moi je suis vieille, il est tout simple que je parte ; Cela n'aurait rien fait à monsieur Bonaparte De me tuer au lieu de tuer mon enfant ! - Elle s'interrompit, les sanglots l'étouffant, Puis elle dit, et tous pleuraient près de l'aïeule : - Que vais-je devenir à présent toute seule ? Expliquez-moi cela, vous autres, aujourd'hui. Hélas ! je n'avais plus de sa mère que lui. Pourquoi l'a-t-on tué ? Je veux qu'on me l'explique. L'enfant n'a pas crié vive la République. -

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    Victor Hugo

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    Sur un homme populaire Ô peuple ! sous ce crâne où rien n'a pénétré, Sous l'auguste sourcil morose et vénéré Du tribun et du cénobite, Sous ce front dont un jour les révolutions Feront en l'entr'ouvrant sortir les visions, Une pensée affreuse habite. Dans l'Inde ainsi parfois le passant curieux Contemple avec respect un mont mystérieux, Cime des nuages touchée, Rêve et croit respirer, sans approcher trop près, Dans ces rocs, dans ces eaux, dans ces mornes forêts, Une divinité cachée. L'intérieur du mont en pagode est sculpté. Puis vient enfin le jour de la solennité. On brise la porte murée. Le peuple accourt en poussant des cris tumultueux ; – L'idole alors, fœtus aveugle et monstrueux, Sort de la montagne éventrée. Le 10 avril 1839.

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    Victor Hugo

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    Tout est doux et clément Tout est doux et clément ! astres ou feux de pâtres, Tout ce que nous suivons de nos yeux idolâtres Tient de Dieu sa clarté. Il est dans les soleils comme il est dans les roses. L'atome est plein de gloire, et les plus grandes choses Sont pleines de bonté. Ainsi l'étoile d'or, cette splendeur suprême, Ne se contente pas de faire voir Dieu même A l'oeil du genre humain, Elle prend en pitié la nacelle qui flotte, Se fait humble, et d'en haut souriant au pilote Lui montre son chemin !

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    Victor Hugo

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    Toutes sortes d'enfants Toutes sortes d'enfants, blonds, lumineux, vermeils, Dont le bleu paradis visite les sommeils Quand leurs yeux sont fermés la nuit dans les alcôves, Sont là, groupés devant la cage aux bêtes fauves ; Ils regardent. Ils ont sous les yeux l'élément, Le gouffre, le serpent tordu comme un tourment, L'affreux dragon, l'onagre inepte, la panthère, Le chacal abhorré des spectres, qu'il déterre, Le gorille, fantôme et tigre, et ces bandits, Les loups, et les grands lynx qui tutoyaient jadis Les prophètes sacrés accoudés sur des bibles ; Et, pendant que ce tas de prisonniers terribles Gronde, l'un vil forçat, l'autre arrogant proscrit, Que fait le groupe rose et charmant ? Il sourit. L'abîme est là qui gronde et les enfants sourient. Ils admirent. Les voix épouvantables crient Tandis que cet essaim de fronts pleins de rayons, Presque ailé, nous émeut comme si nous voyions L'aube s'épanouir dans une géorgique, Tandis que ces enfants chantent, un bruit tragique Va, chargé de colère et de rébellions Du cachot des vautours au bagne des lions. Et le sourire frais des enfants continue. Devant cette douceur suprême, humble, ingénue, Obstinée, on s'étonne, et l'esprit stupéfait Songe, comme aux vieux temps d'Orphée et de Japhet, Et l'on se sent glisser dans la spirale obscure Du vertige, où tombaient Job, Thalès, Épicure, Où l'on cherche à tâtons quelqu'un, ténébreux puits Où l'âme dit : Réponds ! où Dieu dit : Je ne puis ! Oh ! si la conjecture antique était fondée, Si le rêve inquiet des mages de Chaldée, L'hypothèse qu'Hermès et Pythagore font, Si ce songe farouche était le vrai profond ; La bête parmi nous, si c'était là Tantale ! Si la réalité redoutable et fatale C'était ceci : les loups, les boas, les mammons Masques sombres, cachant d'invisibles démons ! Oh ! ces êtres affreux dont l'ombre est le repaire, Ces crânes aplatis de tigre et de vipère, Ces vils fronts écrasés par le talon divin, L'ours, rêveur noir, le singe, effroyable sylvain, Ces rictus convulsifs, ces faces insensées, Ces stupides instincts menaçant nos pensées, Ceux-ci pleins de l'horreur nocturne des forêts, Ceux-là, fuyants aspects, flottants, confus, secrets, Sur qui la mer répand ses moires et ses nacres, Ces larves, ces passants des bois, ces simulacres, Ces vivants dans la tombe animale engloutis, Ces fantômes ayant pour loi les appétits, Ciel bleu ! s'il était vrai que c'est là ce qu'on nomme Les damnés, expiant d'anciens crimes chez l'homme, Qui, sortis d'une vie antérieure, ayant Dans les yeux la terreur d'un passé foudroyant, Viennent, balbutiant d'épouvante et de haine, Dire au milieu de nous les mots de la géhenne, Et qui tâchent en vain d'exprimer leur tourment A notre verbe avec le sourd rugissement ; Tas de forçats qui grince et gronde, aboie et beugle ; Muets hurlants qu'éclaire un flamboiement aveugle ; Oh ! s'ils étaient là. nus sous le destin de fer, Méditant vaguement sur l'éternel enfer ; Si ces mornes vaincus de la nature immense Se croyaient à jamais bannis de la clémence ; S'ils voyaient les soleils s'éteindre par degrés, Et s'ils n'étaient plus rien que des désespérés ; Oh ! dans l'accablement sans fond, quand tout se brise, Quand tout s'en va, refuse et fuit, quelle surprise, Pour ces êtres méchants et tremblants à la fois, D'entendre tout à coup venir ces jeunes voix ! Quelqu'un est là ! Qui donc ? On parle ! ô noir problème ! Une blancheur paraît sur la muraille blême Où chancelle l'obscure et morne vision. Le léviathan voit accourir l'alcyon ! Quoi ! le déluge voit arriver la colombe ! La clarté des berceaux filtre à travers la tombe Et pénètre d'un jour clément les condamnés ! Les spectres ne sont point haïs des nouveau-nés ! Quoi ! l'araignée immense ouvre ses sombres toiles ! Quel rayon qu'un regard d'enfant, saintes étoiles ! Mais puisqu'on peut entrer, on peut donc s'en aller ! Tout n'est donc pas fini ! L'azur vient nous parler ! Le ciel est plus céleste en ces douces prunelles ! C'est quand Dieu, pour venir des voûtes éternelles Jusqu'à la terre, triste et funeste milieu, Passe à travers l'enfant qu'il est tout à fait Dieu ! Quoi ! le plafond difforme aurait une fenêtre ! On verrait l'impossible espérance renaître ! Quoi ! l'on pourrait ne plus mordre, ne plus grincer ! Nous représentons-nous ce qui peut se passer Dans les craintifs cerveaux des bêtes formidables ? De la lumière au bas des gouffres insondables ! Une intervention de visages divins ! La torsion du mal dans les brûlants ravins De l'enfer misérable est soudain apaisée Par d'innocents regards purs comme la rosée ! Quoi ! l'on voit des yeux luire et l'on entend des pas ! Est-ce que nous savons s'ils ne se mettent pas, Ces monstres, à songer, sitôt la nuit venue, S'appelant, stupéfaits de cette aube inconnue Qui se lève sur l'âpre et sévère horizon ? Du pardon vénérable ils ont le saint frisson ; Il leur semble sentir que les chaînes les quittent ; Les échevèlements des crinières méditent ; L'enfer, cette ruine, est moins trouble et moins noir ; Et l'oeil presque attendri de ces captifs croit voir Dans un pur demi-jour qu'un ciel lointain azure Grandir l'ombre d'un temple au seuil de la masure. Quoi ! l'enfer finirait ! l'ombre entendrait raison ! Ô clémence ! ô lueur dans l'énorme prison ! On ne sait quelle attente émeut ces cœurs étranges. Quelle promesse au fond du sourire des anges !

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