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Nostalgie

179 poésies en cours de vérification
Nostalgie

Poésies de la collection nostalgie

    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

    @casimirDelavigne

    Adieux à Rome L’airain avait sonné l’hymne pieux du soir. Sur les temples de Rome, où cessait la prière, La lune répandait sa paisible lumière; Au Forum à pas lents, triste, j’allai m’asseoir. J’admirais ses débris, ses longs portiques sombres, Et clans ce jour douteux, par leur masse arrêté, Tous ces grands monuments empruntaient de leurs ombres Plus de grandeur encore et plus de majesté; Comme l’objet absent, qu’un regret nous rappelle, Reçoit du souvenir une beauté nouvelle, Mon luth, longtemps muet, préluda dans mes mains, Et sur l’air grave et doux dont le chant se marie Aux accents inspirés des poètes romains, Cet adieu s’échappa de mon âme attendrie; << Rome, pour la dernière fois << Je parcours ta funèbre enceinte: << Inspire les chants dont ma voix << Va saluer ta gloire éteinte. << Luis dans mes vers, astre éclipsé << Dont la splendeur fut sans rivale; << Ombre-éclatante du passé, << Le présent n'a rien qui t'égale. << Tout doit mourir, tout doit changer: << La grandeur s'élève et succombe. << Un culte même est passager; << Il souffre, persécute et tombe. << Tu brillais de ce double éclat, << Et tu n'as pas fait plus d'esclaves << Avec la toge du sénat << Que sous la pourpre des conclaves. << Du sang de tes premiers soutiens << Cette colline est arrosée; << Le sang de les héros chrétiens << Rougit encor lé Cotisée. << A travers ces deux souvenirs << Tu m'apparais pâle et flétrie, << Entre les palmes des martyrs << Et les lauriers de la patrie. << Que tes grands noms, que tes exploits, << Tes souvenirs de tous les âges, << Viennent se confondre sans choix << Dans mes regrets et mes hommages, << Comme ces temples abattus, << Comme les tombeaux et les ombres << De tes Césars, de tes Brutus << Se confondent dans tes décombres. << Adieu, Forum, que Cicéron << Remplit encor de sa mémoire! << Ici, chaque pierre a son nom, << Ici, chaque débris sa gloire. << Je passe, et mes pieds ont foulé << Dans ce tombeau d'où sortit Rome, << Les restes d'un dieu mutilé << Ou la poussière d'un grand homme. << Adieu, vallon frais où Numa << Consultait sa nymphe chérie! << J'entends le ruisseau qu'il aima << Murmurer le nom d'Égérie. << Son eau coule encor; mais les rois, << Que séduit une autre déesse, << Ne viennent plus chercher des lois << Où Numa puise la sagesse. << Temple, dont l'Olympe exilé << A fui la majesté déserte, << Panthéon, ce ciel étoile << Achève ta voûte entr'ouverte; << Et ses feux du haut de l'éther, << Cherchant tes dieux dans ton enceinte << Vont sur l'autel de Jupiter << Mourir au pied de la croix sainte. << Qui t'éleva, dôme éternel, << Du Panthéon céleste frère? << Si tu fus l'oeuvre d'un mortel << Les arts ont aussi leur Homère; << Et du génie en ce saint lieu << Je sens l'invisible présence, << Comme je sens celle du Dieu << Qui remplit ta coupole immense. << Je vous revois, parvis sacrés << Qu'un poète a rendus célèbres! << Je foule les noms ignorés << Qui chargent vos pavés funèbres, << Et de tous ces tombeaux obscurs << Le marbre qui tient tant de place, << Laisse .à peine un coin clans vos murs << Pour la cendre et le nom du Tasse! << Cloître désert, sous les arceaux << Mourut l'amant d'Éléonore, << Près du chêne dont les rameaux << Devaient pour lui verdir encore. << Avant l'âge ainsi meurt Byron; << Un même trépas les immole: << L'un tombe au seuil du Parthénon, << Et l'autre au pied du Capitole... >> Je les pleurais tous deux, et je sentis ma voix Mourir avec leurs noms sur mes lèvres tremblantes; Je sentis les accords s’affaiblir sous mes doigts, Pareils au bruit plaintif, aux notes expirantes Qui se perdent dans l’air, quand du Miserere Les sous au Vatican s’éteignent par degré. Jaloux pour mon pays, je cherchais en silence Quels noms il opposait à ces noms immortels; Il m’apparaît alors, celui dont l’éloquence Des demi-dieux romains releva les autels; Le Sophocle français, l’orgueil de sa patrie, L’égal de ses héros, celui qui crayonna L’âme du grand Pompée et l’esprit do Cinna; Emu d’un saint respect, je l’admire et m’écrie; << Chantre de ces guerriers fameux, << Grand homme, ô Corneille, ô mon maître, << Tu n'as pas habité comme eux << Cette Rome où tu devais naître; << Mais les dieux t'avaient au berceau << Révélé sa grandeur passée, << Et sans fléchir sous ton fardeau, << Tu la portais dans ta pensée! << Ah! tu dois errer sur ces bords, << Où le Tibre te rend hommage! << Viens converser avec les morts << Dont ta main retraça l'image. << Viens, et, ranimés pour te voir, << Ils vont se lever sur tes traces; << Viens, grand Corneille, viens t'asseoir << Au pied du tombeau des Horaces! << De quel noble-frémissement << L'orgueil doit agiter ton âme, << Lorsque sur ce froid monument << De tes vers tu répands la flamme! << Il tremble, et dans son sein profond << J'entends murmurer sur la terre << Deux fils morts, dont la voix répond << Au qu'il mourût de leur vieux père. << Beau comme ces marbres vivants << Dont l'art enfanta les merveilles, << Ton front vaste abandonne aux vents << Ses cheveux blanchis par les veilles; << Et quand les fils de Romulus << Autour de toi couvrent ces plaines, << Je crois voir un Romain de plus << Évoquant les ombres romaines. << Je pars, mais ces morts me suivront: << Ta muse a soufflé sur leur cendre. << En renaissant ils grandiront << Dans tes vers, qui vont me les rendre; << Et l'airain, qui, vainqueur du temps, << Jusqu'aux cieux porta leurs images, << Les plaça sur des monuments << Moins sublimes que tes ouvrages! >>

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

    @casimirDelavigne

    Le jeune diacre, ou la Grèce chrétienne À M. Pouqueville De Messène au cercueil fille auguste et plaintive, Muse des grands revers et des nobles douleurs, Désertant ton berceau, tu pleuras nos malheurs ; Comme la Grèce alors la France était captive… De Messène au cercueil fille auguste et plaintive, Reviens sur ton berceau, reviens verser des pleurs. Entre le mont évan et le cap de Ténare, La mer baigne les murs de la triste Coron ; Coron, nom malheureux, nom moderne et barbare, Et qui de Colonis détrôna le beau nom. Les grecs ont tout perdu : la langue de Platon, La palme des combats, les arts et leurs merveilles, Tout, jusqu’aux noms divins qui charmaient nos oreilles. Ces murs battus des eaux, à demi renversés Par le choc des boulets que Venise a lancés, C’est Coron. Le croissant en dépeupla l’enceinte ; Le turc y règne en paix au milieu des tombeaux. Voyez-vous ces turbans errer sur les créneaux ? Du profane étendard qui chassa la croix sainte Voyez-vous, sur les tours, flotter les crins mouvans ? Entendez-vous, de loin, la voix de l’infidèle, Qui se mêle au bruit sourd de la mer et des vents ? Il veille, et le mousquet dans ses mains étincelle. Au bord de l’horizon le soleil suspendu Regarde cette plage, autrefois florissante, Comme un amant en deuil, qui, pleurant son amante, Cherche encor dans ses traits l’éclat qu’ils ont perdu, Et trouve, après la mort, sa beauté plus touchante. Que cet astre, à regret, s’arrache à ses amours ! Que la brise du soir est douce et parfumée ! Que des feux d’un beau jour la mer brille enflammée ! … Mais pour un peuple esclave il n’est plus de beaux jours. Qu’entends-je ? C’est le bruit de deux rames pareilles, Ensemble s’élevant, tombant d’un même effort, Qui de leur chute égale ont frappé mes oreilles. Assis dans un esquif, l’œil tourné vers le bord, Un jeune homme, un chrétien, glisse sur l’onde amère. Il remplit dans le temple un humble ministère : Ses soins parent l’autel ; debout sur les degrés, Il fait fumer l’encens, répond aux mots sacrés, Et présente le vin durant le saint mystère. Les rames de sa main s’échappent à la fois ; Un luth qui les remplace a frémi sous ses doigts. Il chante… Ainsi chantaient David et les prophètes ; Ainsi, troublant le cœur des pâles matelots, Un cri sinistre et doux retentit sur les flots, Quand l’alcyon gémit, au milieu des tempêtes : « Beaux lieux, où je n’ose m’asseoir, Pour vous chanter dans ma nacelle Au bruit des vagues, chaque soir, J’accorde ma lyre fidèle ; Et je pleure sur nos revers, Comme les hébreux dans les fers, Quand Sion descendit du trône, Pleuraient au pied des saules verts Près les fleuves de Babylone. Mais dans les fers, seigneur, ils pouvaient t’adorer ; Du tombeau de leur père ils parlaient sans alarmes ; Souffrant ensemble, ensemble ils pouvaient espérer : Il leur était permis de confondre leurs larmes : Et je m’exile pour pleurer. « Le ministre de ta colère Prive la veuve et l’orphelin Du dernier vêtement de lin Qui sert de voile à leur misère. De leurs mains il reprend encor, Comme un vol fait à son trésor, Un épi glané dans nos plaines ; Et nous ne buvons qu’à prix d’or L’eau qui coule de nos fontaines. « De l’or ! Ils l’ont ravi sur nos autels en deuil ; Ils ont brisé des morts la pierre sépulcrale, Et de la jeune épouse écartant le linceuil, Arraché de son doigt la bague nuptiale, Qu’elle emporta dans le cercueil. « Ô nature, ta voix si chère S’éteint dans l’horreur du danger ; Sans accourir pour le venger, Le frère voit frapper son frère ; Aux tyrans qu’il n’attendait pas Le vieillard livre le repas Qu’il a dressé pour sa famille ; Et la mère, au bruit de leurs pas, Maudit la beauté de sa fille. « Le lévite est en proie à leur férocité ; Ils flétrissent la fleur de son adolescence, Ou, si d’un saint courroux son cœur s’est révolté, Chaste victime, il tombe avec son innocence Sous le bâton ensanglanté. « Les rois, quand il faut nous défendre, Sont avares de leurs soldats. Ils se disputent des états, Des peuples, des cités en cendre ; Et tandis que, sous les couteaux, Le sang chrétien, à longs ruisseaux, Inonde la terre où nous sommes, Comme on partage des troupeaux, Les rois se partagent des hommes. « Un récit qui s’efface, ou quelques vains discours, À des indifférens parlent de nos misères, Amuse de nos pleurs l’oisiveté des cours : Et nous sommes chrétiens, et nous avons des frères, Et nous expirons sans secours ! « L’oiseau des champs trouve un asile Dans le nid qui fut son berceau, Le chevreuil sous un arbrisseau, Dans un sillon le lièvre agile ; Effrayé par un léger bruit, Le ver qui serpente et s’enfuit Sous l’herbe ou la feuille qui tombe, Échappe au pied qui le poursuit… Notre asile à nous, c’est la tombe ! « Heureux qui meurt chrétien ! Grand dieu, leur cruauté Veut convertir les cœurs par le glaive et les flammes Dans le temple où tes saints prêchaient la vérité, Où de leur bouche d’or descendaient dans nos ames L’espérance et la charité. « Sur ce rivage, où des idoles S’éleva l’autel réprouvé, Ton culte pur s’est élevé Des semences de leurs paroles. Mais cet arbre, enfant des déserts, Qui doit ombrager l’univers, Fleurit pour nous sur des ruines, Ne produit que des fruits amers, Et meurt tranché dans ses racines. « Ô dieu, la Grèce libre en ses jours glorieux N’adorait pas encor ta parole éternelle ; Chrétienne, elle est aux fers, elle invoque les cieux. Dieu vivant, seul vrai dieu, feras-tu moins pour elle Que Jupiter et ses faux dieux ? » Il chantait, il pleurait, quand d’une tour voisine Un musulman se lève, il court, il est armé. Le turban du soldat sur son mousquet s’incline, L’étincelle jaillit, le salpêtre a fumé, L’air siffle, un cri s’entend… L’hymne pieux expire. Ce cri, qui l’a poussé ? Vient-il de ton esquif ? Est-ce toi qui gémis, Lévite ? Est-ce ta lyre Qui roule de tes mains avec ce bruit plaintif ? Mais de la nuit déjà tombait le voile sombre ; La barque, se perdant sous un épais brouillard, Et sans rame, et sans guide, errait comme au hasard ; Elle resta muette et disparut dans l’ombre. La nuit fut orageuse. Aux premiers feux du jour, Du golfe avec terreur mesurant l’étendue, Un vieillard attendait, seul, au pied de la tour. Sous des flocons d’écume un luth frappe sa vue, Un luth qu’un plomb mortel semble avoir traversé, Qui n’a plus qu’une corde à demi détendue, Humide et rouge encor d’un sang presque effacé. Il court vers ce débris, il se baisse, il le touche… D’un frisson douloureux soudain son corps frémit ; Sur les tours de Coron il jette un œil farouche ! Veut crier… La menace expire dans sa bouche ; Il tremble à leur espect, se détourne et gémit. Mais du poids qui l’oppresse enfin son cœur se lasse ; Il fuit des yeux cruels qui gênent ses douleurs ; Et regardant les cieux, seul témoin de ses pleurs, Le long des flots bruyans il murmure à voix basse : « Je t’attendais hier, je t’attendis long-temps ; tu ne reviendras plus, et c’est toi qui m’attends ! »

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    L'horloge Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible, Dont le doigt nous menace et nous dit : "Souviens-toi ! Les vibrantes Douleurs dans ton cœur plein d'effroi Se planteront bientôt comme dans une cible, Le plaisir vaporeux fuira vers l'horizon Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse ; Chaque instant te dévore un morceau du délice A chaque homme accordé pour toute sa saison. Trois mille six cents fois par heure, la Seconde Chuchote : Souviens-toi ! - Rapide, avec sa voix D'insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois, Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde ! Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor ! (Mon gosier de métal parle toutes les langues.) Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or !

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    L'amour du mensonge Quand je te vois passer, ô ma chère indolente, Au chant des instruments qui se brise au plafond Suspendant ton allure harmonieuse et lente, Et promenant l'ennui de ton regard profond ; Quand je contemple, aux feux du gaz qui le colore, Ton front pâle, embelli par un morbide attrait, Où les torches du soir allument une aurore, Et tes yeux attirants comme ceux d'un portrait, Je me dis : Qu'elle est belle ! et bizarrement fraîche ! Le souvenir massif, royale et lourde tour, La couronne, et son coeur, meurtri comme une pêche, Est mûr, comme son corps, pour le savant amour. Es-tu le fruit d'automne aux saveurs souveraines ? Es-tu vase funèbre attendant quelques pleurs, Parfum qui fait rêver aux oasis lointaines, Oreiller caressant, ou corbeille de fleurs ? Je sais qu'il est des yeux, des plus mélancoliques Qui ne recèlent point de secrets précieux ; Beaux écrins sans joyaux, médaillons sans reliques, Plus vides, plus profonds que vous-mêmes, ô Cieux ! Mais ne suffit-il pas que tu sois l'apparence, Pour réjouir un coeur qui fuit la vérité ? Qu'importe ta bêtise ou ton indifférence ? Masque ou décor, salut ! J'adore ta beauté.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    L'ennemi Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage, Traversé çà et là par de brillants soleils ; Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage, Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils. Voilà que j'ai touché l'automne des idées, Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux Pour rassembler à neuf les terres inondées, Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux. Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve Trouveront dans ce sol lavé comme une grève Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ? - Ô douleur ! ô douleur ! Le Temps mange la vie, Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le cœur Du sang que nous perdons croît et se fortifie !

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    La chevelure Ô toison, moutonnant jusque sur l’encolure ! Ô boucles ! Ô parfum chargé de nonchaloir ! Extase ! Pour peupler ce soir l’alcôve obscure Des souvenirs dormant dans cette chevelure, Je la veux agiter dans l’air comme un mouchoir ! La langoureuse Asie et la brûlante Afrique, Tout un monde lointain, absent, presque défunt, Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique ! Comme d’autres esprits voguent sur la musique, Le mien, ô mon amour ! nage sur ton parfum. J’irai là-bas où l’arbre et l’homme, pleins de sève, Se pâment longuement sous l’ardeur des climats ; Fortes tresses, soyez la houle qui m’enlève ! Tu contiens, mer d’ébène, un éblouissant rêve De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts : Un port retentissant où mon âme peut boire A grands flots le parfum, le son et la couleur ; Où les vaisseaux, glissant dans l’or et dans la moire, Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire D’un ciel pur où frémit l’éternelle chaleur. Je plongerai ma tête amoureuse d’ivresse Dans ce noir océan où l’autre est enfermé ; Et mon esprit subtil que le roulis caresse Saura vous retrouver, ô féconde paresse, Infinis bercements du loisir embaumé ! Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues, Vous me rendez l’azur du ciel immense et rond ; Sur les bords duvetés de vos mèches tordues Je m’enivre ardemment des senteurs confondues De l’huile de coco, du musc et du goudron. Longtemps ! toujours ! ma main dans ta crinière lourde Sèmera le rubis, la perle et le saphir, Afin qu’à mon désir tu ne sois jamais sourde ! N’es-tu pas l’oasis où je rêve, et la gourde Où je hume à longs traits le vin du souvenir ?

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    La vie antérieure J’ai longtemps habité sous de vastes portiques Que les soleils marins teignaient de mille feux, Et que leurs grands piliers, droits et majestueux, Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques. Les houles, en roulant les images des cieux, Mêlaient d’une façon solennelle et mystique Les tout-puissants accords de leur riche musique Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux. C’est là que j’ai vécu dans les voluptés calmes, Au milieu de l’azur, des vagues, des splendeurs Et des esclaves nus, tout imprégnés d’odeurs, Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes, Et dont l’unique soin était d’approfondir Le secret douloureux qui me faisait languir.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Le cygne I Andromaque, je pense à vous ! Ce petit fleuve, Pauvre et triste miroir où jadis resplendit L'immense majesté de vos douleurs de veuve, Ce Simoïs menteur qui par vos pleurs grandit, A fécondé soudain ma mémoire fertile, Comme je traversais le nouveau Carrousel. Le vieux Paris n'est plus (la forme d'une ville Change plus vite, hélas ! que le coeur d'un mortel) ; Je ne vois qu'en esprit, tout ce camp de baraques, Ces tas de chapiteaux ébauchés et de fûts, Les herbes, les gros blocs verdis par l'eau des flaques, Et, brillant aux carreaux, le bric-à-brac confus. Là s'étalait jadis une ménagerie ; Là je vis, un matin, à l'heure où sous les cieux Froids et clairs le travail s'éveille, où la voirie Pousse un sombre ouragan dans l'air silencieux, Un cygne qui s'était évadé de sa cage, Et, de ses pieds palmés frottant le pavé sec, Sur le sol raboteux traînait son blanc plumage. Près d'un ruisseau sans eau la bête ouvrant le bec Baignait nerveusement ses ailes dans la poudre, Et disait, le coeur plein de son beau lac natal : " Eau, quand donc pleuvras-tu ? quand tonneras-tu, foudre ? " Je vois ce malheureux, mythe étrange et fatal,

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Le goût du néant Morne esprit, autrefois amoureux de la lutte, L'Espoir, dont l'éperon attisait ton ardeur, Ne veut plus t'enfourcher ! Couche-toi sans pudeur, Vieux cheval dont le pied à chaque obstacle butte.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Recueillement Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici : Une atmosphère obscure enveloppe la ville, Aux uns portant la paix, aux autres le souci. Pendant que des mortels la multitude vile, Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci, Va cueillir des remords dans la fête servile, Ma douleur, donne-moi la main ; viens par ici, Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Sur les balcons du ciel, en robes surannées ; Surgir du fond des eaux le Regret souriant ; Le Soleil moribond s'endormir sous une arche, Et, comme un long linceul traînant à l'Orient, Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.

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    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    Lassitude Pendant de longues périodes dans la vie courte, je m'efforce à rassembler mes pensées qui s'enfuient, je cherche les visions des bonnes heures. Mais je trouve que mon âme est comme une maison désertée par les serviteurs. Le maître parcourt inquiet les corridors froids, n'ayant pas les clefs des pièces hospitalières où sont les merveilles qu'il a rapportées de tant de voyages. Les ravissements, les instants où je savais tenir l'univers en ma main royale, ont été bien courts et bien rares. Presque aussi rares sont pour moi les périodes de pensée normale. Le plus souvent je suis impuissant, je suis fou; ce dont je me cache au dehors, sous les richesses conquises aux bonnes heures. Quelle drogue me rendra plus fréquente la pensée normale? Quand je l'ai, quand elle se prolonge, ma poitrine puissante me permet de monter là où nulle senleur terrestre n'arrive plus, là où, dans le ravissement, j'exerce ma royauté. Après de mauvais sommeils (d'où viennent-ils?) voici que je ne suis plus là-haut. Je n'ai plus que le regret de ce que j'y ai senti. A peine me reste-t-il assez de lucidité et de courage pour rendre compte aux hommes de ce que j'y ai fait et me justifier auprès d'eux. J'ai eu toutes les fiertés; j'ai dédaigné les comptes à rendre et les justifications. Mais quand la fièvre pesante m'a égaré et fait redescendre, puis-je vivre seul et sans soleil entre des murs de haine? Pourtant, les efforts que je consens à faire, malgré ma lassitude, loin de m'ètre comptés, ne me désignent-ils pas plutôt à la fureur des empressés qui s'agitent en bas?

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    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    Testament Si mon âme claire s’éteint Comme une lampe sans pétrole, Si mon esprit, en haut, déteint Comme une guenille folle, Si je moisis, diamantin, Entier, sans tache, sans vérole, Si le bégaiement bête atteint Ma persuasive parole, Et si je meurs, soûl, dans un coin C’est que ma patrie est bien loin Loin de la France et de la terre. Ne craignez rien, je ne maudis Personne. Car un paradis Matinal, s’ouvre et me fait taire.

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    Charles d'Orléans

    @charlesDorleans

    En regardant vers le pays de France En regardant vers le pays de France, Un jour m’advint, à Douvres sur la mer, Qu’il me souvint de la douce plaisance Que je soulais au dit pays trouver ; Si commençai de cœur à soupirer, Combien certes que grand bien me faisoit De voir France que mon cœur aimer doit

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    Charles d'Orléans

    @charlesDorleans

    France, jadis on te soulait nommer France, jadis on te soulait nommer, En tous pays, le trésor de noblesse, Car un chacun pouvait en toi trouver Bonté, honneur, loyauté, gentillesse, Clergie, sens, courtoisie, prouesse. Tous étrangers aimaient te suivre. Et maintenant vois, dont j'ai déplaisance, Qu'il te convient maint grief mal soustenir, Très chrétien, franc royaume de France. Sais-tu d'où vient ton mal, à vrai parler ? Connais-tu point pourquoi es en tristesse ? Conter le veux, pour vers toi m'acquitter, Ecoute-moi et tu feras sagesse. Ton grand orgueil, glotonnie, paresse, Convoitise, sans justice tenir, Et luxure, dont as eu abondance, Ont pourchacié vers Dieu de te punir, Très chrétien, franc royaume de France.

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    Charles Peguy

    Charles Peguy

    @charlesPeguy

    Adieu à la Meuse Adieu, Meuse endormeuse et douce à mon enfance, Qui demeures aux prés, où tu coules tout bas. Meuse, adieu : j'ai déjà commencé ma partance En des pays nouveaux où tu ne coules pas.

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    Chloe Douglas

    @chloeDouglas

    N’oublions pas ! N’oublions pas Néanmoins cela nous peine L’objectif est mis au point Une vision interne. Le ciel pleut du rouge Avec d’espions galants Qui parachutent Dans des lits De coquelicots Pour accomplir ou échouer À leur mission. Enfin, et à la place de, Certains marcheront Passer des villes désertes Et puis des maisons fantômes. Tous essayent de se rendre chez eux Visages sans nom Organes et ceinture abdominale Sur travaillés Et les membres lourds. Humain, juste, Prêts pour gâchettes sensibles Les yeux guettent De droite à gauche. Encore de cauchemars Dans le dur Blessures et cicatrices Continuent à sécher Assoiffées de caresses. À la surface De tout, Nourriture vraie Grâce aux étrangers Aimables, prennent le risque. Une fois de plus Les cafés sont ouverts Les marchés sont dehors, Peur et dégout Fondent Comme la promesse De mai, Et la fin de la guerre ? Toute cette absurdité À vrai dire, Avec le recul, Révélations torturent Nos esprits, Notre humanité. Finalement, Aux plages de Normandie, Corps jeunes et vieux Tentent les vagues Pour enlever la cendre, Les décombres, Et se faire remonter Jusqu’aux côtes de Blighty. La dérive intermittente, Bercés par le doux balancement, À travers ces régions vertes, Et la campagne Jacinthe des bois, de Kent, Vers les rues en fleur de cerisier Dodelinent Œillets rose Et les Saxifrage Fierté de Londres Près de portes d’entrée ouvertes, Tables à tréteau garnies De limonade et gâteaux, Les bras étendus de chères familles. Foules s’alignent Le bord des routes Jusqu’à Trafalgar Square Une coupe pleine de jeunes et vieux ; Bouffée de rires enjoués Et bonne gaieté, Et des sourires en thé dansant, Tous recueillis en joie Ensemble ici Tous chers, N’oublions pas !

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    Christian Mégrelis

    @christianMegrelis

    Antipodes Atteintes antipodes et vous îles lointaines Dans mes rêves d’enfant jetées loin devant moi, Rêveuses vahinés, glaciers profonds, forêts hautaines, M’y voici homme fait, l’avenir derrière moi. Je m’étais figuré de fabuleux domaines Peuples d’animaux fous où les riants émois D’heureux peuples oubliés au fond de leurs Edens Volaient au gré des vents ondoyant leurs trémois. J’ai vu des terres marines, patries de peuples braves Travaillant au milieu des geysers et des laves Libres des continents qui les ont exilés Mes rêves en vieillissant plus vrais sont devenus Et plus libres, et mon âme qui les voit défiler Retient l’amer plaisir d’abolir l’inconnu.

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    Christian Mégrelis

    @christianMegrelis

    Elle & Lui Comme vont s’abolir les arbres et la côte Au milieu d’une brume emprisonnant la mer Ainsi va s’apprêter leur cœur. Est-ce leur faute Si le temps qui s’enfuit paraissait bien amer ? Méandres lagunaires et toutes les eaux mortes Alentour des palais qui cachèrent leurs pairs Les voici ! D’une ère bientôt morte Ils viennent savourer les délices dernières. Leurs ombres frôleront les lions de l’Arsenal Torcello et ses vierges qui veillent aux murailles Le temps les oubliera le long du Grand Canal. Douce comme toujours aux âmes chuchotantes La brume empêchera que jamais ne s’en aillent Lui pour toujours amant, Elle à jamais aimante.

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    Christiane Durussel

    @christianeDurussel

    Voyage Oiseau de liberté aux ailes transparentes, messager de mes mots au cou voluptueux, dans un rai de lumière tu t'en vas, silencieux et je jette sur toi le reflet de mes songes. O long et doux baiser déposé sur ton ventre, voilà qu'est revenu le moment de l'adieu. O doux silence où s'affrontent à la fois le calme et la tempête Tu es dans ma tête et je parle avec toi Comme si nous étions là assis l'un près de l'autre. Irrésistible, pourtant tu me reviens toujours Par la porte entr'ouverte Sous les sabots du vent.

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    Christophe Bregaint

    @christopheBregaint

    Aggiornamento Flammes Emportez Aux quatre vents Les mots et photos D’hier Lames Découpez Les sentiments Aggiornamento D’ère.. Yeux Regardez L’envie Merveilleuse De l’amour.. Feux Entourez la vie Somptueuse D’autres jours

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    C

    Cécile Carrara

    @cecileCarrara

    Les yeux vieillis Yeux qui ont tout vécu que peuvent-ils encore voir? qui saurait retenir l’ombre de leur regard? Yeux fatigués de lire le monde qui les entoure qui l’ont vu défiler et n’ont pas pu s’enfuir. Yeux vieillis qu’on rallume au son des battements des battements du coeur de la tête à la plume. Yeux qui brillent soudain rappelant le passé retrouvant au présent leur éclat incertain.

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    De Saintes Michel

    @deSaintesMichel

    Signature Je suis de Saintes, D'autres sont de Soweto. Je suis de cette pierre blonde Qui de tous ces lieux à la ronde Illumine comme une plainte Les heures douloureuses de ce ghetto. Je suis de Saintes, D'autres sont de Palestine. Je suis de cette rivière profonde Qui de tous ces lieux à la ronde Mouille comme une plainte Cette terre de luttes intestines. Je suis de Saintes, Et sous ce ciel bleu et fragile Je vais sans plaintes A travers les temps, jamais immobile.

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    Didier Venturini

    @didierVenturini

    La maison des ombres Il est des ronces et du silence Où se fatiguent moellons et tuiles De cette maison qui prend patience Sur son lopin comme en exil Elle s’abandonne sans aucun cri A cette lente progression du temps Et seul le vent peut suivre ici Ses lézardes et rides de ciment Elle se repose sur cette colline Où l’air vient lui brunir les flancs Dans ses mousses passent encore des rythmes Des soupirs des frisson’ments Elle se laisse porter immobile Par la voix lugubre des orages Et les chênes lui font comme une île Sur les traits sombres de son visage Il est dans les oracles du soir Sous la multitude des jours Dans ces douloureuses langueurs noires Un long rappel des doux séjours Le chant de sa jeunesse passée Quand l’homme frôlait le grain des murs S’ajoute aux cimes des peupliers Dans le solitude de l’azur La vie s’est chargée de désert Puis entraînée loin des paroles Elle s’est défaite de ses repères Comme d’une peau morte qui se désole Alors qu’a-t-elle donc d’éternel Peut-être ces pierres mêlées au lierre Ou ces cailloux cornés de gel Ou bien le spectre de ces lisières.

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    Didier Venturini

    @didierVenturini

    Les rails rouillés Les rails sont rouillés mais gardent la mémoire de ces trains déportés les yeux fermés des gares une foule et des bagages des enfants dans les bras la nuit est du voyage elle est d’un noir de croix s’éteignent les étoiles dans cette nuit ferroviaire sur elle tombera le voile d’un oubli ordinaire dans ces wagons bestiaux s’est perdue l’innocence d’un dieu et son troupeau ses hommes de complaisance ils furent Charon, cerbères des passeurs incessants les valets d’un enfer mais pour quel châtiment? les rails sont rouillés mais gardent la mémoire de ces trains déportés sous les yeux clos des gares

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    Dominique Bernier

    @dominiqueBernier

    Espoir de tendresse Depuis sa tendre jeunesse, Le cœur noyé dans l’écume Blanche, suave et épaisse Elle avance dans sa brume. Ses yeux rivés sur la mer, Le regard sombre et enfoui, Aux passés durs et amers Elle ressasse jour et nuit Son histoire lointaine, L’histoire de sa jeunesse Qui décuple ses peines Et ignore toute tendresse.

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    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    La fuite de l’enfance Par les jardins anciens foulant la paix des cistes, Nous revenons errer, comme deux spectres tristes, Au seuil immaculé de la Villa d’antan. Gagnons les bords fanés du Passé. Dans les râles De sa joie il expire. Et vois comme pourtant Il se dresse sublime en ses robes spectrales. Ici sondons nos coeurs pavés de désespoirs. Sous les arbres cambrant leurs massifs torses noirs Nous avons les Regrets pour mystérieux hôtes. Et bien loin, par les soirs révolus et latents, Suivons là-bas, devers les idéales côtes, La fuite de l’Enfance au vaisseau des Vingt ans.

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    Esther Granek

    @estherGranek

    J’ai connu tant de ciels J’ai connu tant de ciels Et de terres de hasard Pour gens de toutes parts Venus on ne sait d’où Et ne t’ai point trouvée J’ai suivi les chemins Des chiens et des gamins Sortis de nulle part Et qui vont n’importe où Et ne t’ai point trouvée Et j’ai chanté le vin Les chagrins les refrains Qui sont nés autre part Et qu’on entend partout Et ne t’ai point trouvée J’ai connu tant de filles Les douces et les aigries Les rondes les aplaties Les vives et les bornées Et ne t’ai point trouvée Et j’ai bu le nectar Et j’ai usé l’espoir Des partout des nulle part Qui se moquent de vous Et ne t’ai point trouvée

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    E

    Esther Granek

    @estherGranek

    Le défilé Ils vont et viennent à n’en finir. Le revoilà le défilé de souvenirs, bons et mauvais, ou mornes ou tristes, ou qui font rire. On est seul avec son passé. Tous ces souvenirs sont en fête. Ils tiennent le haut du pavé. Et toujours prêts à grimacer, ils font de vous ce que vous êtes. On est seul avec son passé. Il en est qu’on enfouirait dans la pénombre des années. Il en est qu’on ne sortirait que pour leur faire un pied de nez. On est seul avec son passé. Il en est qui se chanteraient. Ils sont écrins pleins de lumière. Ils sont bouées, ils sont repères. Qu’il est doux de s’y accrocher ! On est seul avec son passé.

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    Francis Etienne Sicard

    @francisEtienneSicard

    Livresque pantalonnade Une perle d’ivoire a gonflé mon chagrin D’une moire de nuit attachée à ma vie, Comme un lacet de soie en fil de broderie, Dont mes rires d’antan frappent le tambourin. Une armure en argent et son écu carmin Habillent mes amours d’une tâche de lie, Qu’un échanson divin verse sur la vessie D’un pauvre homme en sandale échappé d’un bousin. La besace de pluie aux replis de dentelle, Gisant sur le sofa d’une douce donzelle, Trahira ma vertu comme un rat le vaisseau. Mais si dans mon cahier de poèmes en flamme, On retrouve vos yeux dans un fin calligramme C’est que votre amour fou m’ôte du caniveau.

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    Bouquetière Un maître, de qui la palette Se plaisait aux sombres couleurs, A peint un élégant squelette Portant un frais panier de fleurs. Près de lui la danse macabre, Comme les plis d’un noir drapeau, Ondoie ; et reîtres à grand sabre, Écoliers la pipe au chapeau, Moines chauves, rois lourds d’hermine, Bourgeois à ventres de bedeaux, Mendiants fiers de leur vermine, L’emplâtre à l’œil, la loque au dos, Tous passent, enlaçant des filles, Ou marchant d’un air rogue et sec, Ou clochetant sur des béquilles, Au son du fifre et du rebec. Pourtant la bande tout entière Suspend sa danse et son caquet Devant la maigre bouquetière, Et chacun lui prend un bouquet. Vieil artiste mélancolique, Quels sont ces fous ? Dans quel dessein Cachent-ils comme une relique Ces fleurs mortelles dans leur sein ? Je ne sais. Mais sur ma poitrine, Souvenir des amours défunts, Une fleur jadis purpurine A vécu ses derniers parfums. Ainsi qu’on fait d’une amulette, Je la garde là, mais j’en meurs : Et je songe au morne squelette Prodiguant ses funèbres fleurs.

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