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Angoisse

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Angoisse

Poésies de la collection angoisse

    A

    Adélaïde Dufrenoy

    @adelaideDufrenoy

    La jalousie Dernier trésor d’une amie, Toi dont les chastes amours Aux jours sombres de ma vie Font succéder de beaux jours, Ah ! Pardonne à ma tendresse Le caprice et le soupçon ; Quand on aime avec ivresse On perd souvent la raison. Je sais que ton âme pure Méprise un art imposteur, Que je te fais une injure En soupçonnant ta candeur. J’abhorre la jalousie, Qui m’atteint de son poison ; Mais je t’aime à la folie ; Je perds souvent la raison. À mes injustes alarmes Loin d’opposer des froideurs, Lorsque tu verras mes larmes Presse ton cœur sur mon cœur ; Qu’un regard, un doux sourire, Bannissent mon noir soupçon ; Montre-moi plus de délire, Et j’aurai plus de raison.

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    Alfred Jarry

    Alfred Jarry

    @alfredJarry

    La peur Roses de feu, blanches d’effroi, Les trois Filles sur le mur froid Regardent luire les grimoires ; Et les spectres de leurs mémoires Sont évoqués sur les parquets, Avec l’ombre de doigts marqués Aux murs de leurs chemises blanches, Et de griffes comme des branches. Le poêle noir frémit et mord Des dents de sa tête de mort Le silence qui rampe autour. Le poêle noir, comme une tour Prêtant secours à trois guerrières. Ouvre ses yeux de meurtrières ! Roses de feu, blanches d’effroi, En longues chemises de cygnes, Les trois Filles, sur le mur froid Regardant grimacer les signes, Ouvrent, les bras d’effroi liés, Leurs yeux comme des boucliers.

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    A

    Alix Lerman Enriquez

    @alixLermanEnriquez

    Corps et plaintes Le vent grinçant entre les plinthes des portes, faisait entrer la pluie et la plainte d’un ciel gris. A l’aube, offrait à la nuit glacée percée d’étoiles le jour parcheminé de plaies et des fruits rouges de solitude. Jour balafré de mes blessures de corps et de cœur offerts à tous les vents. Corps brisé, tatoué d’opérations à cœur ouvert qui entendait la plainte des corbeaux dans le soir, qui attendait sa délivrance nue au dessus d’un ciel de suie perforé de silence et de nuit.

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    A

    Alix Lerman Enriquez

    @alixLermanEnriquez

    Insomnie Je ne parviens pas à dormir. Dehors, une poudre d’étoiles illumine le ciel mat. Ma tasse de thé a refroidi, les volutes de fumée se sont rétrécies. Les lucioles restent à la surface des ténèbres. Je les aperçois par la fenêtre de ma chambre. Parfois, j’ai l’impression qu’elles traversent la vitre, qu’elles me parlent, fendant la toile trouée du ciel, la parsemant de milliers d’étoiles blondes. Tandis que s’éloigne l’ombre de la lune, les lucioles me chuchotent des comptines oubliées dans le silence écroué du soir. Dans cette nuit fauve, je compte les moutons qui défilent dans ma tête : un, deux, trois jusqu’à ce que mon esprit s’embrouille, ne sachant plus faire la différence entre le passé, le présent, le futur, entre le jour bleu ou bien la nuit infinie entre la tessiture du chant de l’oiseau et celle d’une fourmi. Je compte les moutons jusqu’à ce que le marchand de sable vienne alourdir mes yeux, jeter des grains de sable sur mes paupières de chair perméables à la nuit, jusqu’à ce qu’enfin, dans la nuit froide, je tombe dans les bras infinis de Morphée.

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    L’homme À lord Byron Toi, dont le monde encore ignore le vrai nom, Esprit mystérieux, mortel, ange, ou démon, Qui que tu sois, Byron, bon ou fatal génie, J’aime de tes concerts la sauvage harmonie, Comme j’aime le bruit de la foudre et des vents Se mêlant dans l’orage à la voix des torrents ! La nuit est ton séjour, l’horreur est ton domaine : L’aigle, roi des déserts, dédaigne ainsi la plaine; Il ne veut, comme toi, que des rocs escarpés Que l’hiver a blanchis, que la foudre a frappés; Des rivages couverts des débris du naufrage, Ou des champs tout noircis des restes du carnage. Et, tandis que l’oiseau qui chante ses douleurs Bâtit au bord des eaux son nid parmi les fleurs, Lui, des sommets d’Athos franchit l’horrible cime, Suspend aux flancs des monts son aire sur l’abîme, Et là, seul, entouré de membres palpitants, De rochers d’un sang noir sans cesse dégouttants, Trouvant sa volupté dans les cris de sa proie, Bercé par la tempête, il s’endort dans sa joie. Et toi, Byron, semblable à ce brigand des airs, Les cris du désespoir sont tes plus doux concerts. Le mal est ton spectacle, et l’homme est ta victime. Ton oeil, comme Satan, a mesuré l’abîme, Et ton âme, y plongeant loin du jour et de Dieu, A dit à l’espérance un éternel adieu ! Comme lui, maintenant, régnant dans les ténèbres, Ton génie invincible éclate en chants funèbres; Il triomphe, et ta voix, sur un mode infernal, Chante l’hymne de gloire au sombre dieu du mal. Mais que sert de lutter contre sa destinée ? Que peut contre le sort la raison mutinée ? Elle n’a comme l’œil qu’un étroit horizon. Ne porte pas plus loin tes yeux ni ta raison : Hors de là tout nous fuit, tout s’éteint, tout s’efface; Dans ce cercle borné Dieu t’a marqué ta place. Comment ? pourquoi ? qui sait ? De ses puissantes mains Il a laissé tomber le monde et les humains, Comme il a dans nos champs répandu la poussière, Ou semé dans les airs la nuit et la lumière; Il le sait, il suffit : l’univers est à lui, Et nous n’avons à nous que le jour d’aujourd’hui ! Notre crime est d’être homme et de vouloir connaître : Ignorer et servir, c’est la loi de notre être. Byron, ce mot est dur : longtemps j’en ai douté; Mais pourquoi reculer devant la vérité ? Ton titre devant Dieu c’est d’être son ouvrage ! De sentir, d’adorer ton divin esclavage; Dans l’ordre universel, faible atome emporté, D’unir à tes desseins ta libre volonté, D’avoir été conçu par son intelligence, De le glorifier par ta seule existence ! Voilà, voilà ton sort. Ah ! loin de l’accuser, Baise plutôt le joug que tu voudrais briser; Descends du rang des dieux qu’usurpait ton audace; Tout est bien, tout est bon, tout est grand à sa place; Aux regards de celui qui fit l’immensité, L’insecte vaut un monde : ils ont autant coûté ! Mais cette loi, dis-tu, révolte ta justice; Elle n’est à tes yeux qu’un bizarre caprice, Un piège où la raison trébuche à chaque pas. Confessons-la, Byron, et ne la jugeons pas ! Comme toi, ma raison en ténèbres abonde, Et ce n’est pas à moi de t’expliquer le monde. Que celui qui l’a fait t’explique l’univers ! Plus je sonde l’abîme, hélas ! plus je m’y perds. Ici-bas, la douleur à la douleur s’enchaîne. Le jour succède au jour, et la peine à la peine. Borné dans sa nature, infini dans ses vœux, L’homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux; Soit que déshérité de son antique gloire, De ses destins perdus il garde la mémoire; Soit que de ses désirs l’immense profondeur Lui présage de loin sa future grandeur : Imparfait ou déchu, l’homme est le grand mystère. Dans la prison des sens enchaîné sur la terre, Esclave, il sent un cœur né pour la liberté; Malheureux, il aspire à la félicité; Il veut sonder le monde, et son œil est débile ; Il veut aimer toujours : ce qu’il aime est fragile ! Tout mortel est semblable à l’exilé d’Eden : Lorsque Dieu l’eut banni du céleste jardin, Mesurant d’un regard les fatales limites, Il s’assit en pleurant aux portes interdites. Il entendit de loin dans le divin séjour L’harmonieux soupir de l’éternel amour, Les accents du bonheur, les saints concerts des anges Qui, dans le sein de Dieu, célébraient ses louanges; Et, s’arrachant du ciel dans un pénible effort, Son oeil avec effroi retomba sur son sort. Malheur à qui du fond de l’exil de la vie Entendit ces concerts d’un monde qu’il envie ! Du nectar idéal sitôt qu’elle a goûté, La nature répugne à la réalité : Dans le sein du possible en songe elle s’élance; Le réel est étroit, le possible est immense; L’âme avec ses désirs s’y bâtit un séjour, Où l’on puise à jamais la science et l’amour; L’homme, altéré toujours, toujours se désaltère; Et, de songes si beaux enivrants son sommeil, Ne se reconnaît plus au moment du réveil. Hélas ! tel fut ton sort, telle est ma destinée. J’ai vidé comme toi la coupe empoisonnée; Mes yeux, comme les tiens, sans voir se sont ouverts; Jai cherché vainement le mot de l’univers. J’ai demandé sa cause à toute la nature, J’ai demandé sa fin à toute créature; Dans l’abîme sans fond mon regard a plongé; De l’atome au soleil, j’ai tout interrogé; J’ai devancé les temps, j’ai remonté les âges. Tantôt passant les mers pour écouter les sages, Mais le monde à l’orgueil est un livre fermé ! Tantôt, pour deviner le monde inanimé, Fuyant avec mon âme au sein de la nature, J’ai cru trouver un sens à cette langue obscure. J’étudiai la loi par qui roulent les cieux : Dans leurs brillants déserts Newton guida mes yeux, Des empires détruits je méditai la cendre : Dans ses sacrés tombeaux Rome m’a vu descendre; Des mânes les plus saints troublant le froid repos, J’ai pesé dans mes mains la cendre des héros. J’allais redemander à leur vaine poussière Cette immortalité que tout mortel espère ! Que dis-je ? suspendu sur le lit des mourants, Mes regards la cherchaient dans des yeux expirants; Sur ces sommets noircis par d’éternels nuages, Sur ces flots sillonnés par d’éternels orages, J’appelais, je bravais le choc des éléments. Semblable à la sybille en ses emportements, J’ai cru que la nature en ces rares spectacles Laissait tomber pour nous quelqu’un de ses oracles; J’aimais à m’enfoncer dans ces sombres horreurs. Mais en vain dans son calme, en vain dans ses fureurs, Cherchant ce grand secret sans pouvoir le surprendre, J’ai vu partout un Dieu sans jamais le comprendre ! J’ai vu le bien, le mal, sans choix et sans dessein, Tomber comme au hasard, échappés de son sein; Mes yeux dans l’univers n’ont vu qu’un grand peut-être, J’ai blasphémé ce Dieu, ne pouvant le connaître; Et ma voix, se brisant contre ce ciel d’airain, N’a pas même eu l’honneur d’arrêter le destin. Mais, un jour que, plongé dans ma propre infortune, J’avais lassé le ciel d’une plainte importune, Une clarté d’en haut dans mon sein descendit, Me tenta de bénir ce que j’avais maudit, Et, cédant sans combattre au souffle qui m’inspire, L’hymne de la raison s’élança de ma lyre. – « Gloire à toi, dans les temps et dans l’éternité ! Éternelle raison, suprême volonté ! Toi, dont l’immensité reconnaît la présence ! Toi, dont chaque matin annonce l’existence ! Ton souffle créateur s’est abaissé sur moi; Celui qui n’était pas a paru devant toi ! J’ai reconnu ta voix avant de me connaître, Je me suis élancé jusqu’aux portes de l’être : Me voici ! le néant te salue en naissant; Me voici ! mais que suis-je ? un atome pensant ! Qui peut entre nous deux mesurer la distance ? Moi, qui respire en toi ma rapide existence, A l’insu de moi-même à ton gré façonné, Que me dois-tu, Seigneur, quand je ne suis pas né ? Rien avant, rien après : Gloire à la fin suprême : Qui tira tout de soi se doit tout à soi-même ! Jouis, grand artisan, de l’œuvre de tes mains : Je suis, pour accomplir tes ordres souverains, Dispose, ordonne, agis; dans les temps, dans l’espace, Marque-moi pour ta gloire et mon jour et ma place; Mon être, sans se plaindre, et sans t’interroger, De soi-même, en silence, accourra s’y ranger. Comme ces globes d’or qui dans les champs du vide Suivent avec amour ton ombre qui les guide, Noyé dans la lumière, ou perdu dans la nuit, Je marcherai comme eux où ton doigt me conduit; Soit que choisi par toi pour éclairer les mondes, Réfléchissant sur eux les feux dont tu m’inondes, Je m’élance entouré d’esclaves radieux, Et franchisse d’un pas tout l’abîme des cieux; Soit que, me reléguant loin, bien loin de ta vue, Tu ne fasses de moi, créature inconnue, Qu’un atome oublié sur les bords du néant, Ou qu’un grain de poussière emporté par le vent, Glorieux de mon sort, puisqu’il est ton ouvrage, J’irai, j’irai partout te rendre un même hommage, Et, d’un égal amour accomplissant ma loi, Jusqu’aux bords du néant murmurer : Gloire à toi ! – « Ni si haut, ni si bas ! simple enfant de la terre, Mon sort est un problème, et ma fin un mystère; Je ressemble, Seigneur, au globe de la nuit Qui, dans la route obscure où ton doigt le conduit, Réfléchit d’un côté les clartés éternelles, Et de l’autre est plongé dans les ombres mortelles. L’homme est le point fatal où les deux infinis Par la toute-puissance ont été réunis. A tout autre degré, moins malheureux peut-être, J’eusse été… Mais je suis ce que je devais être, J’adore sans la voir ta suprême raison, Gloire à toi qui m’as fait ! Ce que tu fais est bon ! – « Cependant, accablé sous le poids de ma chaîne, Du néant au tombeau l’adversité m’entraîne; Je marche dans la nuit par un chemin mauvais, Ignorant d’où je viens, incertain où je vais, Et je rappelle en vain ma jeunesse écoulée, Comme l’eau du torrent dans sa source troublée. Gloire à toi ! Le malheur en naissant m’a choisi; Comme un jouet vivant, ta droite m’a saisi; J’ai mangé dans les pleurs le pain de ma misère, Et tu m’as abreuvé des eaux de ta colère. Gloire à toi ! J’ai crié, tu n’as pas répondu; J’ai jeté sur la terre un regard confondu. J’ai cherché dans le ciel le jour de ta justice; Il s’est levé, Seigneur, et c’est pour mon supplice ! Gloire à toi ! L’innocence est coupable à tes yeux : Un seul être, du moins, me restait sous les cieux; Toi-même de nos jours avais mêlé la trame, Sa vie était ma vie, et son âme mon âme; Comme un fruit encor vert du rameau détaché, Je l’ai vu de mon sein avant l’âge arraché ! Ce coup, que tu voulais me rendre plus terrible La frappa lentement pour m’être plus sensible; Dans ses traits expirants, où je lisais mon sort, J’ai vu lutter ensemble et l’amour et la mort; J’ai vu dans ses regards la flamme de la vie, Sous la main du trépas par degrés assoupie, Se ranimer encore au souffle de l’amour ! Je disais chaque jour : Soleil ! encore un jour ! Semblable au criminel qui, plongé dans les ombres, Et descendu vivant dans les demeures sombres, Près du dernier flambeau qui doive l’éclairer, Se penche sur sa lampe et la voit expirer, Je voulais retenir l’âme qui s’évapore; Dans son dernier regard je la cherchais encore ! Ce soupir, ô mon Dieu ! dans ton sein s’exhala; Hors du monde avec lui mon espoir s’envola ! Pardonne au désespoir un moment de blasphème, J’osai… Je me repens : Gloire au maître suprême ! Il fit l’eau pour couler, l’aquilon pour courir, Les soleils pour brûler, et l’homme pour souffrir ! – « Que j’ai bien accompli cette loi de mon être ! La nature insensible obéit sans connaître; Moi seul, te découvrant sous la nécessité, J’immole avec amour ma propre volonté, Moi seul, je t’obéis avec intelligence; Moi seul, je me complais dans cette obéissance; Je jouis de remplir, en tout temps, en tout lieu, La loi de ma nature et l’ordre de mon Dieu; J’adore en mes destins ta sagesse suprême, J’aime ta volonté dans mes supplices même, Gloire à toi ! Gloire à toi ! Frappe, anéantis-moi ! Tu n’entendras qu’un cri : Gloire à jamais à toi ! » Ainsi ma voix monta vers la voûte céleste : Je rendis gloire au ciel, et le ciel fit le reste. Fais silence, ô ma lyre ! Et toi, qui dans tes mains Tiens le cœur palpitant des sensibles humains, Byron, viens en tirer des torrents d’harmonie : C’est pour la vérité que Dieu fit le génie. Jette un cri vers le ciel, ô chantre des enfers ! Le ciel même aux damnés enviera tes concerts ! Peut-être qu’à ta voix, de la vivante flamme Un rayon descendra dans l’ombre de ton âme ? Peut-être que ton cœur, ému de saints transports, S’apaisera soi-même à tes propres accords, Et qu’un éclair d’en haut perçant ta nuit profonde, Tu verseras sur nous la clarté qui t’inonde ? Ah ! si jamais ton luth, amolli par tes pleurs, Soupirait sous tes doigts l’hymne de tes douleurs, Ou si, du sein profond des ombres éternelles, Comme un ange tombé, tu secouais tes ailes, Et prenant vers le jour un lumineux essor, Parmi les chœurs sacrés tu t’asseyais encor; Jamais, jamais l’écho de la céleste voûte, Jamais ces harpes d’or que Dieu lui-même écoute, Jamais des séraphins les chœurs mélodieux, De plus divins accords n’auront ravi les cieux ! Courage ! enfant déchu d’une race divine ! Tu portes sur ton front ta superbe origine ! Tout homme en te voyant reconnaît dans tes yeux Un rayon éclipsé de la splendeur des cieux ! Roi des chants immortels, reconnais-toi toi-même ! Laisse aux fils de la nuit le doute et le blasphème; Dédaigne un faux encens qu’on offre de si bas, La gloire ne peut être où la vertu n’est pas. Viens reprendre ton rang dans ta splendeur première, Parmi ces purs enfants de gloire et de lumière, Que d’un souffle choisi Dieu voulut animer, Et qu’il fit pour chanter, pour croire et pour aimer !

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    A

    Amina Saïd

    @aminaSaid

    Angoisse Dans le sourire des pierres nuit de leur cri là-bas le seuil pour qui est ivre de mourir

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    A

    Anastasia Choquet-Veith

    @anastasiaChoquetVeith

    Chevrotine Je t'explose Tu m'éclates Je te vise Tu me figes De vols brisés En éclats de rire Tout foutre en l'air Puis s'assoupir Cri sur la temps Plomb sur le temps DÉTENTE Et puis le cœur Et puis le cœur Rongé d'acide Rongé de vers De fils d'aiguille En fils de fer Nos forces vives Chaleur viride Et l'âme criblée de chevrotine Et nos regards Et nos regards Rails on the road En larmes de fond L'or parsemé de cicatrices L'âme perforée de chevrotine Lambeaux des leurres Flambeaux des heures Et ce démon trop fustigé Qui nous demande D'être des leurs Métal vibrant qui s'immacule L'âme couturée de chevrotine Les flaques poudreuses et vomitives L'alcool sacré et nauséeux Les oripeaux D'offrandes votives Tu en crèveras Nous en crèverons Ô candélabres opiacés L'étain sans fard de nos miroirs Et l'âme percée de chevrotine A Dieu le père qui prend les armes Et met en joue nos corps à corps Nos membres informes et multiformes Qui se déparent et se déploient Dans la tourmente priez pour moi

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Angoisse Se peut-il qu'Elle me fasse pardonner les ambitions continuellement écrasées, — qu'une fin aisée répare les âges d'indigence, — qu'un jour de succès nous endorme sur la honte de notre inhabileté fatale ? (Ô palmes ! diamant ! — Amour, force ! — plus haut que toutes joies et gloires ! — de toutes façons, partout, — démon, dieu, — Jeunesse de cet être-ci ; moi !) Que des accidents de féerie scientifique et des mouvements de fraternité sociale soient chéris comme restitution progressive de la franchise première ?... Mais la Vampire qui nous rend gentils commande que nous nous amusions avec ce qu'elle nous laisse, ou qu'autrement nous soyons plus drôles. Rouler aux blessures, par l'air lassant et la mer ; aux supplices, par le silence des eaux et de l'air meurtriers ; aux toriures qui rient, dans leur silence atrocement houleux.

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    A

    Auguste Lacaussade

    @augusteLacaussade

    L’origine du poète Quand il eut mérité le châtiment de vivre Sur cette terre, Esprit de son monde exilé, Des temps futurs s’ouvrit à ses regards le livre : Il put lire son sort dans l’avenir scellé. Ce qu’un jour il sera devant lui se déroule, De ses maux évoqués morne procession. De revers en revers, flot après flot s’écoule Sa lamentable vie, — amère vision ! Ce fut là sa douleur première, l’agonie D’un Esprit que sa faute ici-bas va bannir. De ses bonheurs passés il doit, âme punie, Espérance et remords, garder le souvenir. Homme, dans les labeurs de l’humaine misère, Gravissant les degrés par l’ange descendus, Un jour il reverra, montant de sphère en sphère, Rachetés par ses pleurs, les cieux qu’il a perdus. Or voici qu’un Esprit, une âme fraternelle, L’ami, son compagnon dans la sainte Cité, Lui révèle en ces mots la sentence éternelle, L’irrévocable arrêt que le maître a porté : « Frère, entre nous ta chute, hélas ! ouvre un abîme Que l’expiation seule un jour peut fermer. La Justice suprême en châtiant le crime Attend le repentir qui doit la désarmer. « Entre ton juge et toi ta faute est un mystère Interdit aux regards même de l’amitié ; Mais dans l’ange tombé je vois toujours le frère, Et l’éternel permet l’éternelle pitié ! « Esprit, tu dois subir une prison charnelle, Te revêtir d’un corps à mourir condamné ; Tu naîtras de la femme, et, t’absorbant en elle, Un jour tu comprendras le malheur d’être né. « L’exil sera ta vie et ton séjour la terre. Traînant partout le deuil de ton climat natal, En tous lieux étranger, en tous lieux solitaire, Tu connaîtras l’amer tourment de l’idéal. « Tu garderas tes dons ! ta puissance secrète Sans cesse autour de toi fera l’isolement : Poète parmi nous, tu resteras poète Chez l’homme, et ce sera ton plus dur châtiment. « Cependant du Très-Haut la clémence infinie Me laisse à ton malheur pour guide et pour soutien. Invisible et présent, âme à ton âme unie, Pars, je reste ton frère et ton ange gardien. « Mais en quittant le ciel pour ta longue souffrance, De notre azur natal qu’un jour tu dois revoir, Avec le souvenir, emporte l’espérance : Dieu sait tout pardonner, tout hors le désespoir. » Il dit ; et l’exilé sent dans le vide immense S’évanouir son âme et s’éteindre les cieux : L’ange en lui disparaît et l’homme en lui commence, L’homme, — le monstre-énigme à soi-même odieux.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    La fontaine de sang Il me semble parfois que mon sang coule à flots, Ainsi qu’une fontaine aux rythmiques sanglots. Je l’entends bien qui coule avec un long murmure, Mais je me tâte en vain pour trouver la blessure. À travers la cité, comme dans un champ clos, Il s’en va, transformant les pavés en îlots, Désaltérant la soif de chaque créature, Et partout colorant en rouge la nature. J’ai demandé souvent à des vins captieux D’endormir pour un jour la terreur qui me mine ; Le vin rend l’œil plus clair et l’oreille plus fine ! J’ai cherché dans l’amour un sommeil oublieux ; Mais l’amour n’est pour moi qu’un matelas d’aiguilles Fait pour donner à boire à ces cruelles filles !

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    Charles Bukowski

    Charles Bukowski

    @charlesBukowski

    Vies de merde Le vent souffle fort ce soir un vent glacial et je pense aux copains à la rue. j’espère que quelques-uns ont une bouteille de rouge. c’est quand on est à la rue qu’on remarque que tout est propriété de quelqu’un et qu’il y a des serrures sur tout. c’est comme ça qu’une démocratie fonctionne : on prend ce qu’on peut, on essaie de le garder et d’ajouter d’autres biens si possible. c’est comme ça qu’une dictature aussi fonctionne seulement elle a soit asservi soit détuit ses rebuts. nous on se contente d’oublier les nôtres. dans les deux cas le vent est fort et glacial.

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    C

    Charles Marie René Leconte de Lisle

    @charlesMarieReneLeconteDeLisle

    La vipère Si les chastes amours avec respect louées Éblouissent encor ta pensée et tes yeux, N’effleure point les plis de leurs robes nouées, Garde la pureté de ton rêve pieux. Ces blanches visions, ces vierges que tu crées Sont ta jeunesse en fleur épanouie au ciel ! Verse à leurs pieds le flot de tes larmes sacrées, Brûle tous tes parfums sur leur mystique autel. Mais si l’amer venin est entré dans tes veines, Pâle de volupté pleurée et de langueur, Tu chercheras en vain un remède à tes peines : L’angoisse du néant te remplira le coeur. Ployé sous ton fardeau de honte et de misère, D’un exécrable mal ne vis pas consumé : Arrache de ton sein la mortelle vipère, Ou tais-toi, lâche, et meurs, meurs d’avoir trop aimé !

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    C

    Charles Marie René Leconte de Lisle

    @charlesMarieReneLeconteDeLisle

    Les oiseaux de proie Je m’étais assis sur la cime antique Et la vierge neige, en face des Dieux ; Je voyais monter dans l’air pacifique La procession des Morts glorieux. La Terre exhalait le divin cantique Que n’écoute plus le siècle oublieux, Et la chaîne d’or du Zeus homérique D’anneaux en anneaux l’unissait aux cieux. Mais, ô Passions, noirs oiseaux de proie, Vous avez troublé mon rêve et ma joie : Je tombe du ciel, et n’en puis mourir ! Vos ongles sanglants ont dans mes chairs vives Enfoncé l’angoisse avec le désir, Et vous m’avez dit : – Il faut que tu vives. –

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    Claire Raphaël

    @claireRaphael

    Automne L’automne inonde nos regrets d’un lustre inconséquent et d’une couleur bronze ces regrets orgueilleux réveillés par le sucre d’un vin capiteux qui s’abreuvent du sang de nos mémoires sombres qu’on avait achetés à des marchands de mort pour habiller nos corps d’un drap de larmes rouges. Ces regrets qui remplacent le repentir sincère par des frissons de fièvre incisifs et tenaces qui nous laissent fautifs d’être aujourd’hui si vieux plus vieux que les serments qui n’ont pas eu le temps de mûrir au printemps. L’automne abreuve nos souvenirs de flammes meurtrières coupantes comme hier nous avons délaissé nos plaisirs ordinaires pour des postures noires pleines d’anxiété.

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    C

    Claire Raphaël

    @claireRaphael

    L’angoisse L’angoisse est régulière elle a son propre corps et sa propre matière dont je suis le support elle est le vêtement d’un deuil irréparable dont je suis habillé comme couvert du sang de ceux qui se lamentent d’être les grands perdants d’une guerre implacable. Elle est un métronome et l’histoire est usée elle est une matrone et je suis le sujet elle assourdit l’automne et mon âme s’affole s’abîme dans l’outrance s’effrite dans l’effroi comme une fleur dépose chacun de ses pétales mimant l’apothéose d’une douleur finale. L’angoisse est régulière comme une nuit précoce elle imprègne les membres d’un squelette orphelin qui est le corps éteint de mon coeur bien trop tendre j’avais perdu l’entrain comme une inspiration devenue lettre morte j’échoue face à l’ennui et la trivialité d’un monde taciturne et soudain si violent je perds mes illusions et la peur m’enveloppe j’y invente mon deuil nourri de vieux remords comme la flamme éteinte assèche la lumière mimant le vent glacé des abîmes du temps.

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    C

    Claude Luezior

    @claudeLuezior

    Cauchemar En meutes carnassières des cauchemars inassouvis sans cesse à la maraude traquent mes chairs chiens de chasse à l’automne ensanglanté ils vagabondent et mordent toute pensée en fuite loques et outrages ici se contorsionnent et se démembrent par lambeaux des caresses espérées suis-je moi-même gibier en sursis ou acteur insensé d’une fureur vive ? en voilà qui halètent de leur langue rugueuse encadrée par des crocs d’écume et d’ivoire se hérissent les hurlées de louves en gésine dans un clair de nuit que je crains hostile * pourtant ma petite chienne s’est enroulée sur moi-même apaisée sous ma main tout près, en un soupir tiède

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    C

    Cécile Sauvage

    @cecileSauvage

    Je ne peux rien retenir Je ne peux rien retenir, Ni la lune ni la brise, Ni la couleur rose et grise D’un étang plein de dormir ; Ni l’amitié ni ma vie, Ombre fuyante et pâlie Dont je perds le souvenir.

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    C

    Cécile Sauvage

    @cecileSauvage

    Mes pieds touchent-ils le pré ? Mes pieds touchent-ils le pré ? Une hirondelle s’envole. Ah ! comme le jour doré Pèse peu sur mes épaules ; Comme il pâlit et se fond Dans la brume de la lune Et m’entraîne et me confond Avec la ramure brune.

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    D

    Didier Sicchia

    @didierSicchia

    La salamandre rouge J’ai sur le coeur dans la foetale position Une rouge salamandre mélancolique Et ce facétieux amphibien glauque et mignon Démange mon être tant il râle et supplique. On lui accorde dans l’occulte érudition Quelques éternelles aptitudes magiques ; Elle ne craint ni la flamme ni l’ébullition Et se joue de chacun – l’anathème mythique. Nutrisco – extinguo, nec pluribus impar ; Elle a su se blottir en mon être bâtard. Ainsi, c’est le trouble de ma conscience atone Où passent le surin et l’eau dans la gouttière. C’est aussi mon échine râblée qui frissonne Quand au cou me souffle le soir : « Clos tes paupières ! »

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    Didier Sicchia

    @didierSicchia

    L’insecte frivole Sylphide créature aux allants mécaniques, La demoiselle s’abandonne aux migrations Pour l’azur meilleur et dans sa folle ascension L’insolente poursuit son envolée oblique. Quel est donc cet orfèvre des arts métalliques Qui te vêt des tourmalines attributions ? Diaphanes élytres sous les hélianthes scions – Ton enveloppe flamboie de feux organiques. La libellule, ma passionnelle bestiole Sait consoler dûment mes peines vitrioles. Les ondines lui préfèrent les papillons Aux alentours de mes pénibles marécages. Diaphanes élytres sous les hélianthes scions, L’insecte frivole enflamme mes paysages.

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    Didier Venturini

    @didierVenturini

    La vie en noire Diables bleus pour idées noires dans leur jeu le cafard douze mesures pour l’hypnotisme l’écriture exorcisme le goulot d’une bouteille glissando sur les cordes sans sommeil du dobro blues singers du ghetto broient des vers pleins d’argot les voix rauques dans les bastringues bien plus glauques celles des flingues le désir sous les humeurs adoucir les aigreurs sur leurs manches électrifiés la revanche sur les nuits blanches qui se balancent au bout des branches quelques kings pour les grands soirs foule anonyme pleine d’espoirs sous mes doigts le souvenir maladroit du plaisir de gratter quelques accords pour sonner moins blanc encore Si mon âme un peu trop claire sur leur gamme ne jouait ni bleu, ni noir c’est ainsi mais je vois dans mes histoires quelques fois leur cafard

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    Dominique Bernier

    @dominiqueBernier

    Espoir de tendresse Depuis sa tendre jeunesse, Le cœur noyé dans l’écume Blanche, suave et épaisse Elle avance dans sa brume. Ses yeux rivés sur la mer, Le regard sombre et enfoui, Aux passés durs et amers Elle ressasse jour et nuit Son histoire lointaine, L’histoire de sa jeunesse Qui décuple ses peines Et ignore toute tendresse.

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    Edgar Georges

    @edgarGeorges

    Randonneuse Apprendre à descendre vite la vie est faite de montagnes de chutes inattendues, de cascades infinies de paysages verticaux sublimes, de couchers de soleils eternels Ne jamais s’arrêter Ne jamais s’arrêter même au creux de la vallée où le chemin se rétrécit sans cesse et les sommets s’écroulent, sans fondations S’essouffler, crier détresse Je me réveille les jambes lourdes je fixe l’horizon je prends ma bouteille d’eau et la jette contre le rocher je regarde pendant des heures chaque goutte descendre Je rentre par la forêt le rêve peut recommencer sans qu’elle puisse me voir sans qu’elle puisse me parler

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    Edgar Georges

    @edgarGeorges

    Rectangle triangulaire L’allée est silencieuse Je n’entends pas les oiseaux ce matin Cette fois tous les arbres sont verts autour de la gare Un mécanisme de vérité s’est mis en route inexorablement Voilà pourquoi je ne comprends plus rien Ce printemps ne ressemble plus à celui où j’étais fidèle à toutes mes femmes J’attends l’heure éternelle de volupté Semblable à la délicatesse des sens Qui occupait l’espace d’une vie La joie n’aura plus jamais sa place maintenant C’est l’heure de la folie destructrice Que nous attendons tous

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    Les fièvres La plaine, au loin, est uniforme et morne Et l’étendue est veule et grise Et Novembre qui se précise Bat l’infini, d’une aile grise. De village en village, un vent moisi Appose aux champs sa flétrissure ; L’air est moite ; le sol, ainsi Que pourriture et bouffissure. Sous leurs torchis qui se lézardent, Les chaumières, là-bas, regardent Comme des bêtes qui ont peur, Et seuls les grands oiseaux d’espace Jettent sur les chaumes et leur frayeur, Le cri des angoisses qui passent. L’heure est venue où les soirs mous Pèsent sur les terres envenimées Où les marais visqueux et blancs, Dans leurs remous, À longs bras lents. Brassent les fièvres empoisonnées. Sur les étangs en plates-bandes Les fleurs, comme des glandes, Et les mousses comme des viandes, S’étendent. Bosses et creux et stigmates d’ulcères, Quelques saules bordent les anses, Où des flottilles de viscères, À la surface, se balancent, Parfois, comme un hoquet, Un flot pâteux mine la rive Et la glaise, comme un paquet, Tombe dans l’eau de bile et de salive. L’étang s’apaise, qui remuait ses rides, Les crapauds noirs, à fleur de boue, Gonflent leur peau et leur gadoue. Et la lune monstrueuse préside : Telle l’hostie De l’inertie. De la vase profonde et jaune D’où s’érigent, longues d’une aune, Les herbes d’eaux et les roseaux, Des brouillards lents comme des traînes, Déplient leur flottement, parmi les draines ; On les peut suivre, à travers champs, Vers les chaumes et les murs blancs ; Leurs fils subtils de pestilence Tissent la robe de silence, Gaze verte, tuile blême, Avec laquelle, au loin, la fièvre se promène. La fièvre, Elle est celle qui marche, Sournoisement, courbée en arche, Et personne n’entend son pas. Si la poterne des fermes ne s’ouvre pas, Si la fenêtre est close, Elle pénètre quand même et se repose, Sur la chaise des vieux que les ans ploient, Dans les berceaux où les petits larmoient Et quelquefois elle se couche Aux lits profonds où l’on fait souche. Avec ses vieilles mains dans l’âtre encor rougeâtre, Elle attise les maladies Non éteintes, quoique engourdies ; Elle se mêle au pain qu’on mange À l’eau morne changée en fange ; Elle monte jusqu’aux greniers, Dort dans les sacs et les paniers Et, comme une impalpable cendre, Sans rien voir, on sent d’elle la mort descendre. Inutiles, vœux et pèlerinages Et seins où l’on abrite les petits Et bras en croix vers les images Des bons anges et des vieux Christs. Le mal have s’est installé dans la demeure. Il vient, chaque vesprée, à tel moment Déchiqueter la plainte et le tourment, Au régulier tic-tac de l’heure ; Les mendiants n’arrivent plus souvent À la porte ni à l’auvent Prier qu’on les gare du froid, Les moineaux francs quittent le toit, Et l’horloge surgit déjà Celle, debout, qui sonnera, Après la voix éteinte et la raison finie, L’agonie. En attendant, les mois se passent à languir. Les malades rapetissés Leurs habits lourds, leurs bras cassés, Avec, en main, leurs chapelets, Quittant leur lit, s’y recouchant, Fuyant la mort et la cherchant, Bégaient et vacillent leurs plaintes, Pauvres lumières, presque éteintes. Ils se traînent de chaumière en chaumière Et d’âtre en âtre, Se voir et doucement s’apitoyer Sur la dîme d’hommes qu’il faut payer, Atrocement à leur terre marâtre ; Des silences profonds coupent les litanies De leurs misères infinies ; Et, longuement, parfois, ils se regardent Au jour douteux de la fenêtre, Et longuement, avec des pleurs, Comme s’ils voulaient se reconnaître Lorsque leurs yeux seront ailleurs. Ils se sentent de trop autour des tables Où l’on mange rapidement Un repas pauvre et lamentable ; Leur cœur se serre atrocement, On les isole et les bêtes les flairent Et les jurons et les colères Volent autour de leur tourment. Aussi, lorsque la nuit, ne dormant pas, Ils s’agitent entre leurs draps, Songeant qu’aux alentours, de village en village, Les brouillards blancs sont en voyage, Voudraient-ils ouvrir la porte Pour que d’un coup la fièvre les emporte, Vers les étangs en plates-bandes Où les plantes comme des glandes Et les mousses comme des viandes S’étendent, Où s’écoute, comme un hoquet, Va flot pâteux minant la rive Où leur corps mort, comme un paquet, Choirait dans l’eau de bile et de salive. Mais la lune, là-bas, préside, Telle l’hostie De l’inertie.

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    Ephraïm Jouy

    @ephraimJouy

    Sans titre Elle ne sait plus rien de ce cœur aride, de cet isthme malingre qu’elle a consumé. Elle imagine, simplement peut-être, la possibilité d’une voix, d’un désir nouveau qui s’ouvrirait à leurs corps perdus. Elle a encore cette grâce, ce ravissement qu’elle suscite à qui sait s’en saisir, celui-là même qui l’a dévasté, sans retour, à l’aube d’un jour de cendre. Elle voudrait le retrouver, le posséder de nouveau, lui qui erre dans le charnier brûlant de son âme cannibale, Mais, elle reste seule, dans la clameur naissante de son cœur ivre noir où résonne la stridence du néant et les cohortes silencieuses de ses amours lacérés.

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    Esther Granek

    @estherGranek

    Au féminin Vais-je traîner toute ma vie en moi cette sorte de litanie qui ne me laisse point de repos et met ma conscience en morceaux ? Car voyez-vous, quoi que je fasse, toujours quelque chose me tracasse et mes actes les plus louables au fond de moi me crient : coupable ! Coupable je suis, sachez-le. Comment, pourquoi importent peu car mes réponses mille fois reprises sans fin en moi se contredisent. Coupable je suis de telle sorte qu’à y penser toute chose me porte et mes regrets sempiternels me sont punition éternelle. Ainsi donc, n’ayant nulle paix, de moi-même faisant le portrait, je rumine l’énumération de mes actions et inactions… J’adore me prélasser au lit, lisant, me cultivant l’esprit. Mais le remords, comme un démon, sitôt m’insuffle son poison. Alors je m’attèle à la tâche et comme une brute, fais le ménage, mais en même temps je me répète : ma fille, tu seras toujours bête ! Je veux, ai-je raison ou tort ? aussi m’occuper de mon corps pour être épouse désirable d’un effet quelque peu durable. Mais dès qu’à mes soins je m’adonne, une voix perfide me chantonne : tu as raison, ne pense qu’à toi, ils attendront pour le repas ! Alors, retrouvant mes casseroles, échevelée et l’air d’une folle, je me redis dans un sermon : toujours seras-tu une souillon ? Parfois, avide de détente, je me complais à ce qui tente, croyant voler quelques bonnes heures au temps à consacrer ailleurs. Mais au lieu de me réjouir, je ne cherche qu’à troubler ma fête car de mes cent tâches non faites, je me punis comme à plaisir ! Ainsi donc, n’ayant nulle paix… De moi-même faisant le procès…

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    Esther Granek

    @estherGranek

    Bien dans sa peau Paraît que pour être au plus haut faut se sentir bien dans sa peau. Si donc nous nous y sentons mal ça peut nous bouffer le moral et c’est porte ouverte aux dégâts… Aussi soyons de notre temps car qui voudrait tels embarras ? Solutionnons en nous soignant Ché pas si j’ai bien expliqué. P’têt’ qu’un ajout peut y aider… * Paraît que pour s’épanouir avant tout faut se définir. S’adore-t-on ? Quand ? Et comment ? Se déteste-t-on mêmement ? Si c’était les deux à la fois (car connaît-on ce qu’on engrange ?) faut en situer les pourquoi et clarifier un tel mélange. Ché pas si j’ai bien expliqué. P’têt’ qu’un ajout peut y aider… * Paraît que pour être serein faut pas jouer au p’tit malin. N’hésitons pas à exposer ce qui en nous fut enterré dans les entrailles du non-dit depuis peu, ou des décennies, et qui pourtant respire encore causant en nous le plus grand tort. Ché pas si j’ai bien expliqué. P’têt’ qu’un ajout peut y aider… * Paraît que pour tourner le dos aux dépressions et autres maux, faut réparer là où ça craque. Si vous pensez : « J’en ai ma claque. Je me croyais hier un génie et moins qu’une merde aujourd’hui », pour vous sortir de ce micmac au plus tôt videz votre sac. Ché pas si j’ai bien expliqué. P’têt’ qu’un ajout peut y aider… * Paraît que pour s’équilibrer, en soi autant qu’en société, les procédés courent les rues. Y’a qu’à mettre son âme à nu et décortiquer sa substance. L’implication de mille traits s’entremêlant en permanence ne devrait pas vous affoler… Ché pas si j’ai bien expliqué. P’têt’ qu’un ajout… ?

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    Esther Granek

    @estherGranek

    Contemplation Attendrissant, ce blond, lumineuse auréole de mèches douces et folles te caressant le front. Si émouvant, ce bleu où baigne ton regard. Ne te ferai d’aveu. Car me taire est ma part. Et troublant, cet ourlet au contour de tes lèvres où mon regard en fièvre s’attarde, triste et muet. Meurtrissants, tes silences. Sortes d’affreux départs où je n’ai nulle part ni aucune présence. Et torturant, ton rire. Tu me blesses en ta joie. Encor je reste coi, ne sachant que te dire. Combien narguant, ce châle entourant tes épaules !… Je lui envie son rôle et n’en ai que plus mal. Mais apaisant, ce gris où tu aimes t’asseoir à l’approche du soir. Chien fidèle, je t’y suis. N’est-il plaisant mon lot ? Ta vue m’est un cadeau dont je me sens empli. Mon bonheur n’a de prix. Attendrissant, ce blond… Lumineuse auréole…

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    Esther Granek

    @estherGranek

    La lettre Et mon temps devient fête Et j’attends… et je guette… Et entre deux facteurs Je ronronne en mon coeur Ecris-moi… ou je crève… Et mon temps devient lent Chaque jour est un an… Et entre deux questions Je m’instille un poison Ecris-moi. Ou je crève… Et mon temps devient laid Triste, lourd et inquiet… Et en dedans de moi Je gueule à pleine voix Ecris-moi ! ou je crève ! Et mon temps devient gris Et je m’y perds d’ennui… Et entre deux sanglots Je supplie sans un mot Ecris-moi…! ou je crève Et mon temps devient fiel S’y meurtrit mon appel Et d’espoir en dépit Bouche cousue je dis Ecris-moi… (ou je crève…) Et mon temps devient sec Je ne suis qu’ongles, bec… Et mon temps devient fou Comme un rêve debout… Et mon temps devient… rien Et mon temps devient leurre… Et entre deux facteurs… Ecris-moi ou je crève… Ecris-moi ou je crève… Ecris-moi ou je crève…!

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