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Campagne

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Campagne

Poésies de la collection campagne

    Federico Garcia Lorca

    Federico Garcia Lorca

    @federicoGarciaLorca

    Ode à Salvador Dali Une rose dans le haut jardin que tu désires. Une roue dans la pure syntaxe de l’acier. Elle est nue la montagne de brume impressionnistes. Les gris en sont à leurs dernières balustrades. Dans leurs blancs studios, les peintres modernes Coupent la fleur aseptique de la racine carrée. Sur les eaux de la Seine, un iceberg de marbre Refroidit les fenêtres et dissipe les lierres. L’homme, d’un pas ferme, foule les rues dallées Et les vitres esquivent la magie du reflet. Le Gouvernement a fermé les boutiques de parfums. La machine éternise ses mouvements binaires. C’est une absence de forêts, de paravents, d’entre-sourcils Qui rôde par les terrasses des maisons antiques. Et c’est l’air qui polit son prisme sur la mer, C’est l’horizon qui monte comme un grand aqueduc. Les marins ignorant le vin et la pénombre Décapitent les sirènes sur des mers de plomb. La Nuit, noire statue de la prudence, Tient le miroir rond de la lune dans sa main. Un désir nous gagne, de formes, de limites. Voici l’homme qui voit à l’aide d’un mètre jaune. Venus est une blanche nature-morte. Voici que les collectionneurs de papillons s’effacent. * Cadaquès, sur le fléau de l’eau et de la colline, Soulève des gradins et enfouit des coquilles. Des flûtes de bois pacifient l’air. Un vieux dieu sylvestre donne des fruits aux enfants. Sans avoir pris le temps de s’endormir, les pêcheurs dorment sur la sable. En haute mer, ils ont une rose pour boussole. L’horizon vierge de mouchoirs blessés Joint les masses vitrifiées du poisson et de la lune. Une dure couronne de blanches brigantines Ceint des fronts amers, des cheveux de sable. Les sirènes persuasives ne nous suggestionnent pas. Elles apparaissent au premier verre d’eau douce. * Ô Salvador Dali à la voix olivée ! Je ne vante pas ton imparfait pinceau adolescent, Ni ta couleur qui courtise la couleur de ton temps. Je chante ton angoisse, ô limité, limité éternel ! Âme hygiénique, tu vis sur des marbres nouveaux. Tu fuis l’obscure selve des formes incroyables. Où atteignent tes mains, ta fantaisie atteint, Et tu jouis du sonnet de la mer dans ta fenêtre. Aux premières bornes que l’homme rencontre, Le monde n’est que désordre et que sourde pénombre. Mais déjà les étoiles, cachant les paysages, Désignent le schéma parfait de ses orbites. Le courant du temps s’apaise et s’ordonne Dans les formes numériques d’un siècle, et d’un autre siècle. La Mort vaincue se réfugie en tremblant Dans le cercle étroit de la minute présente. En prenant ta palette, dont l’aile est trouée d’un coup de feu, Tu demandes la lumière qui anime la coupe renversée de l’olivier. Large lumière de Minerve, constructrice d’échafaudages, Lumière où ni le songe, ni sa flore inexacte n’ont place. Tu demandes la lumière antique qui reste sur le front, Qui ne descend ni à la bouche, ni au cœur de l’homme. Lumière que craignent les vignes poignantes de Bacchus Et la force désordonnée qui porte l’eau courbe. Tu as raison de banderoler la limite obscure, Toute brillante de nuit. Et en tant que peintre, Tu ne veux pas que ta forme soit amollie Par le coton changeant d’un nuage imprévu. Le poisson dans le vivier, l’oiseau dans la cage, Tu ne veux pas les inventer dans la mer ou le vent. Après les avoir, de tes honnêtes pupilles, bien regardés, Tu stylises ou copies les petits corps agiles. Tu aimes une matière définie et exacte Où le champignon ne puisse dresser sa tente. Tu aimes l’architecture qui contruit dans l’absent Et tu prends le drapeau pour une simple plaisanterie. Le compas d’acier rythme son court vers élastique. La sphère déjà dément les îles inconnues. La ligne droite exprime son effort vertical Et les cristaux savants chantent leurs géométries. * Mais encore et toujours la rose du jardin où tu vis. Toujours la rose, toujours ! nord et sud de nous-mêmes ! Tranquille et concentrée comme une statue aveugle, Ignorante des efforts souterrains qu’elle cause. Rose pure, abolissant artifices et croquis Et nous ouvrant les ailes ténues du sourire. (Papillon cloué qui médite son vol). Rose de l’équilibre sans douleurs voulues. Toujours la rose ! * Ô Salvador Sali à la voix olivée ! Je dis ce que me disent ta personne et tes tableaux. Je ne loue pas ton imparfait pinceau adolescent, Mais je chante la parfaite direction de tes flèches. Je chante ton bel effort de lumières catalanes Et ton amour pour tout ce qui explicable. Je chante ton cœur astronomique et tendre, Ton cœur de jeu de cartes, ton cœur sans blessure. Je chante cette anxiété de statue que tu poursuis sans trêve, La peur de l’émotion qui t’attend dans la rue. Je chante la petite sirène de la mer qui te chante, Montée sur une bicyclette de coraux et de coquillages. Mais avant tout je chante une pensée commune Qui nous unit aux heures obscures et dorées. L’art, sa lumière ne gâche pas nos yeux. C’est l’amour, l’amitié, l’escrime qui nous aveuglent. Bien avant le tableau que, patient, tu dessines, Bien avant le sein de Thérèse, à la peau d’insomnie, Bien avant la boucle serrée de Mathilde l’ingrate, Passe notre amitié peinte comme un jeu d’oie. Que des traces dactylographiques de sang sur l’or Rayant le cœur de la Catalogne éternelle ! Que les étoiles comme des poings sans faucon t’illuminent, Pendant que ta peinture et que ta vie fleurissent. Ne regarde pas la clepsydre aux ailes membraneuses, Ni la dure faux des allégories. Habille et déshabille toujours ton pinceau dans l’air, Face à la mer peuplée de barques et de marins.

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    Francis Etienne Sicard

    @francisEtienneSicard

    Campanile d’Hiver La vigne endolorie sous le poids des nuages, Pareille au clapotis des barques enchainées, Gémit, pleure et s’éteint comme un brasier mouillé Par la rage du ciel et son gravier d’outrages. Les lavoirs de soleil et leurs lourds sarcophages Ruissellent de tumeurs aux couleurs bigarrées, Comme si leur destin se tissait sous les dès De gouttes détachées d’un suaire sauvage. Seule, morne et feutrée, une cloche d’airain Sonne un glas parfumé d’une douce beauté Dont le silence boit la mélodie sans fin. Or la vigne endurcie, comme un oratorio, Fugue le long de mots brillants de nouveauté, Que ce poème joue sur un pas d’adagio.

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    Francis Jammes

    Francis Jammes

    @francisJammes

    Au beau soleil Au beau soleil qui sonnait, de pauvres femmes, au seuil d’une maison pauvre comme mon âme, désignaient quelque chose. On entendait un char. Sur les coteaux marrons le ciel était en nacre comme les écailles d’huîtres en arc-en-ciel. Le chemin grimpait, doux comme un grand sommeil, et les poules chaudes ondulaient dans la poussière, avec, sous les ailes, un roseau en lumière. … Une autre femme à un enfant cherchait des poux. Un coq chantait. Une pie volait. Tout était doux. On allait inoculer de la tuberculine à la pauvre vache qui tousse et qui s’escrime. Les pieux de la haie, près des lierres, étaient roses comme ta bouche, amie aimée à la main douce…

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    Francis Jammes

    Francis Jammes

    @francisJammes

    Comme un insecte… Comme un insecte, la faucheuse mécanique parcourt le foin. Son cliquetis irrégulier semble accroître la torpeur qui se communique à la vigne et à l’horloge de l’escalier. Laissez-moi ne penser à rien. C’est un ennui que de n’entendre parler que d’appendicite, de Nietzsche, de la Vie, d’on ne sait quoi ensuite. Les cornes des beaux bœufs luisent violemment, et la lumière bleue enflamme le froment. Les roses du jardin ont une odeur terrible, et leurs pétales secs sont de sable torride. Et la lourde écolière ainsi qu’un tournesol s’endort et son atlas est tombé sur le sol.

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    La cueillette des cerises Espiègle ! j’ai bien vu tout ce que vous faisiez, Ce matin, dans le champ planté de cerisiers Où seule vous étiez, nu-tête, en robe blanche. Caché par le taillis, j’observais. Une branche, Lourde sous les fruits mûrs, vous barrait le chemin Et se trouvait à la hauteur de votre main. Or, vous avez cueilli des cerises vermeilles, Coquette ! et les avez mises à vos oreilles, Tandis qu’un vent léger dans vos boucles jouait. Alors, vous asseyant pour cueillir un bleuet Dans l’herbe, et puis un autre, et puis un autre encore, Vous les avez piqués dans vos cheveux d’aurore ; Et, les bras recourbés sur votre front fleuri, Assise dans le vert gazon, vous avez ri ; Et vos joyeuses dents jetaient une étincelle. Mais pendant ce temps-là, ma belle demoiselle, Un seul témoin, qui vous gardera le secret, Tout heureux de vous voir heureuse, comparait, Sur votre frais visage animé par les brises, Vos regards aux bleuets, vos lèvres aux cerises.

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    Les aïeules À madame Judith Mendès À la fin de juillet les villages sont vides. Depuis longtemps déjà des nuages livides, Menaçant d’un prochain orage à l’occident, Conseillaient la récolte au laboureur prudent. Donc voici la moisson, et bientôt la vendange ; On aiguise les faux, on prépare la grange, Et tous les paysans, dès l’aube rassemblés, Joyeux vont à la fête opulente des blés. Or, pendant tout ce temps de travail, les aïeules Au village, devant les portes, restent seules, Se chauffant au soleil et branlant le menton, Calmes et les deux mains jointes sur leur bâton ; Car les travaux des champs leur ont courbé la taille. Avec leur long fichu peint de quelque bataille, Leur jupe de futaine et leur grand bonnet blanc, Elles restent ainsi tout le jour sur un banc, Heureuses, sans penser peut-être et sans rien dire, Adressant un béat et mystique sourire Au clair soleil qui dore au loin le vieux clocher Et mûrit les épis que leurs fils vont faucher. Ah ! c’est la saison douce et chère aux bonnes vieilles ! Les histoires autour du feu, les longues veilles Ne leur conviennent plus. Leur vieux mari, l’aïeul, Est mort, et, quand on est très-vieux, on est tout seul : La fille est au lavoir, le gendre est à sa vigne. On vous laisse ; et pourtant encore on se résigne, S’il fait un beau soleil aux rayons réchauffants. Elles aimaient naguère à bercer les enfants. Le cœur des vieilles gens, surtout à la campagne, Bat lentement et très-volontiers s’accompagne Du mouvement rythmique et calme des berceaux. Mais les petits sont grands aujourd’hui ; ces oiseaux Ont pris leur vol ; ils n’ont plus besoin de défense ; Et voici, que les vieux, dans leur seconde enfance, N’ont même plus, hélas ! ce suprême jouet. Elles pourraient encor bien tourner le rouet ; Mais sur leurs yeux pâlis le temps a mis son voile ; Leurs maigres doigts sont las de filer de la toile ; Car de ces mêmes mains, que le temps fait pâlir, Elles ont déjà dû souvent ensevelir Des chers défunts la froide et lugubre dépouille Avec ce même lin filé par leur quenouille. Mais ni la pauvreté constante, ni la mort Des troupeaux, ni le fils aîné tombant au sort, Ni la famine après les mauvaises récoltes, Ni les travaux subis sans cris et sans révoltes, Ni la fille, servante au loin, qui n’écrit pas, Ni les mille tourments qui font pleurer tout bas, En cachette, la nuit, les craintives aïeules, Ni la foudre du ciel incendiant les meules, Ni tout ce qui leur parle encore du passé Dans l’étroit cimetière à l’église adossé Où vont jouer les blonds enfants après l’école, Et qui cache, parmi l’herbe et la vigne folle, Plus d’une croix de bois qu’elles connaissent bien, Rien n’a troublé leur cœur héroïque et chrétien. Et maintenant, à l’âge où l’âme se repose, Elles ne semblent pas désirer autre chose Que d’aller, en été, s’asseoir, vers le midi, Sur quelque banc de pierre au soleil attiédi, Pour regarder d’un œil plein de sereine extase Les canards bleus et verts caquetant dans la vase, Entendre la chanson des laveuses et voir Les chevaux de labour descendre à l’abreuvoir. Leur sourire d’enfant et leur front blanc qui tremble Rayonnent de bien-être et de candeur ; il semble Qu’elles ne songent plus à leurs chagrins passés, Qu’elles pardonnent tout, et que c’est bien assez Pour elles que d’avoir, dans leurs vieilles années, Les peines d’autrefois étant bien terminées, Et pour donner la joie à leurs quatre-vingts ans, Le grand soleil, ce vieil ami des paysans.

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    Un rêve de bonheur… Un rêve de bonheur qui souvent m’accompagne, C’est d’avoir un logis donnant sur la campagne, Près des toits, tout au bout du faubourg prolongé, Où je vivrais ainsi qu’un ouvrier rangé. C’est là, me semble-t-il, qu’on ferait un bon livre. En hiver, l’horizon des coteaux blancs de givre ; En été, le grand ciel et l’air qui sent les bois ; Et les rares amis, qui viendraient quelquefois Pour me voir, de très loin, pourraient me reconnaître, Jouant du flageolet, assis à ma fenêtre.

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    F

    François Fabié

    @francoisFabie

    Ma maison Face au midi, bien adossée A l’ancien étang féodal Dont elle épaule la chaussée, Elle fut le moulin banal Où deux ou trois pauvres villages Et quelques petits mas perdus, Avec leurs maigres attelages Plusieurs siècles sont descendus Moudre, au tic tac vieillot et grêle D’un mécanisme trébuchant, Tout ce que la dîme ou la grêle Laissaient de seigle sur leur champ… Mais lorsque le soc populaire Démantela le vieux château, Et que, sous un flot de colère, Son granit roula du coteau, Mon aïeul, – un Jacques Bonhomme Très longtemps meunier chez autrui, – Ayant été très économe, Put devenir meunier chez lui. Il acheta l’humble ruine, Prit la truelle du maçon, Et fit un moulin à farine De l’antique moulin de son, Exhaussa le tout d’un étage Large, aéré, plein de soleil, D’où l’on entend le caquetage De la trémie à son réveil ; Puis crânement, sur la toiture, Comme un noble arbore un blason, D’une meule en miniature Il girouetta sa maison. Il planta – car celui qui plante A foi vraiment en l’avenir – Des arbres à croissance lente Qui font durer le souvenir, Et qui, maintenant séculaires, Sur le vieux toit coubés du vent, Parlent à voix hautes et claires De l’ancêtre en eux survivant… Il prit femme ; et ma bonne aïeule Se mit a l’oeuvre sans façons, Berçant au refrain de sa meule Trois filles et quatre garçons Qui remplirent de cris, de joies, De luttes et de jeux sans fin La maison, le pâtis aux oies Et tous les halliers du ravin, Puis si vaillamment essaimèrent Et si gaîment, quoique pieds nus, Que des vieillards qui les aimèrent Sont fiers de les avoir connus… C’est là ma maison paternelle, C’est là le nid qui m’a bercé : Que ne puis-je y ployer mon aile Et n’y vivre que du passé ?

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    F

    François Fabié

    @francoisFabie

    Notre nid A Madelaine F. Un jardin tout planté de poiriers en plein vent, Auxquels depuis trente ans le pinson est fidèle, Une blanche maison où revient l’hirondelle, Voilà le nid heureux que je rêve souvent. Un bouquet de sureaux au parfum énervant, Par les midis en feu, servirait de tonnelle ; J’aurais un banc très court pour être plus près d’Elle Et mieux sentir son doux regard noir me couvant. Puis des murs tapissés de ronces et de treilles, Des carrés tout remplis de fèves et de pois, Dont les fleurs à ta joue, ô chère ! sont pareilles. Là, nous apporterions un livre quelquefois, Je te lirais mes vers au bruit de nos abeilles, Et tu t’endormirais doucement à ma voix.

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    François Fabié

    @francoisFabie

    Paysanne de guerre Héroïque, elle aussi, de coeur haut, de bras ferme, La veuve paysanne à qui, depuis vingt mois, Incombent les labours, les marchés, les charrois Et le gouvernement tout entier de la ferme. Au début on lui prend soudain ses trois garçons (Et deux sont morts déjà), son valet de charrue Et son berger… Sa fille, un instant accourue, Lui laisse ses marmots, et repart sans façons… Et plus un journalier valide en la contrée ; Un chemineau douteux pour garder le troupeau. Mais la veuve n’a point plié sous le fardeau, Car plus la tâche est rude et plus elle est sacrée. Repas des gens, repas des bêtes, basse-cour, La traite des brebis, une heure avant l’aurore, Le lavoir, les oisons qui vont bientôt éclore, Et, pour se délasser, semailles et labour. Car elle guide aussi la charrue et la herse, Ses pieds dans des sabots et ses jupes au vent, A travers les guérets, – les corbeaux la suivant Dont le cri de malheur par instant la transperce… Il faut porter le lait an village lointain, Faire aiguiser le soc et la pioche à la forge, Aller moudre au moulin perdu dans quelque gorge, Mettre le bois au four et la pâte au pétrin. * * * Elle rentre le soir, à la ferme en détresse Où tout l’attend, où tout l’appelle, où tout a faim, Les bêtes de provende, et les marmots de pain ; Tous, d’une voix connue et d’une âme maîtresse. Jette du grain, fermière ! emplis les râteliers ; Rends à l’agneau plaintif sa brebis implorante ; Verse à tes petits-fils la marmite odorante ; Prie ensuite avec eux pour les morts familiers : Pour ton mari, parti le premier, avant l’heure, Pour ceux de tes enfants soldats déjà fauchés, Sans qu’ou puisse savoir où leurs corps sont couchés, Et pour d’autres encor, qu’aux alentours on pleure ; Et pour que Dieu conserve à tes ans un appui, Qu’il sauve des périls et bientôt te ramène Ton dernier-né, dernier espoir de ce domaine Qui demain tomberait en quenouille sans lui… * * * Puis, quand tous dormiront, marmots, vacher, servante, Toi, veille encor, reprise ou ravaude des bas ; Réponds à ton petit qui se morfond là-bas, Dans la neige et la boue, la nuit et l’épouvante. Pleure enfin dans ton lit, jusqu’à ce que tes yeux Sentent par le sommeil tarir leur source amère, Et goûte dans un songe un repos éphémère Qu’abrégera le coq d’un clairon furieux. Car déjà demain luit aux vitres de la ferme : Debout, fermière ! et lutte ainsi jusqu’à la fin, Contre le deuil, l’absence, et la terre et la faim, Dans un combat dont nul ne peut prévoir le terme ; Lutte pour conserver les bois, les champs, les prés, Le nom et le renom de la maison ancienne Qui te prit jeune femme, un soir, et te fit sienne, T’enchaînant à jamais par des liens sacrés !… * * * Plus grande que ne fut, certes, la veuve antique, Plus que les Pénélope en secret ourdissant Leur vaine toile pour se garder à l’absent, Nous devons t’admirer, Providence rustique ! Aussi, quand nous aurons chassé l’envahisseur Et que nous fêterons la sainte délivrance, Je voudrais qu’on te mît, toi, mère, ou veuve, ou soeur, Au milieu des héros, à la place d’honneur, Gardienne du sol, Paysanne de France ! François Fabié, Fleurs de genêts

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    F

    François Fabié

    @francoisFabie

    Terre de France Oui, partout elle est bonne et partout elle est belle, Notre terre de France aux mille aspects divers ! Belle sur les sommets où trônent les hivers, Et dans la lande fauve à l’araire rebelle, Belle au bord des flots bleus, belle au fond des bois verts ! Belle et bonne aux coteaux où la vigne s’accroche, Et dans la plaine grasse où moutonnent les blés ; Bonne dans les pâtis où les boeufs rassemblés Mugissent ; bonne encore aux fentes de la roche Où les oliviers gris aux figuiers sont mêlés ! Au front des pics neigeux où l’aigle pend son aire, Et dont le soleil fait des tours de diamant, Dans le glacier d’où sort le gave en écumant, Et d’où parfois, avec un fracas de tonnerre, L’avalanche bondit sur nos champs de froment ; Belle et bonne toujours, à la fois forte et douce, Notre terre se dresse en granit menaçant, Tourne vers l’étranger son plus âpre versant, Et nous déroule l’autre en gradins, sans secousse, Comme un tapis moelleux qui d’un palais descend. Et là-bas, tout au bout du morne promontoire D’où s’élèvent, le soir, les cris et les sanglots Des mères et des soeurs pleurant nos matelots, Notre terre est superbe en sa double victoire De ses feux sur la nuit, de ses rocs sur les flots ! Elle est belle surtout au pays d’où nous sommes, Provençaux ou Lorrains, Rouergats ou Bretons, Au pays qu’en nos coeurs partout nous emportons, Dont nous gardons l’accent, dont nous vantons les hommes, Et que, depuis Brizeux, à Paria nous chantons ! Elle est douce au vallon où joua notre enfance Et dont l’esprit toujours reprend l’étroit chemin ; Douce ou l’on nous connaît, où l’on nous tend la main, Douce où dorment nos morts, douce où l’on a d’avance Marqué la place où l’on ira dormir demain !… Mais plus belle et plus douce à notre âme meurtrie Est la terre d’Alsace arrachée à nos flancs, La terre où sont tombés nos cuirassiers sanglants, Et d’où leur ombre encore éperdument nous crie :  » Frères, comme à venir vers nous vous êtes lents ! «  La terre qu’il faudra reprendre par l’épée, Quitte à donner nos fils la les plus forts, les plus beaux, – Mères, vous le savez ! – en pâture aux corbeaux, Mais qui, plus belle encor de notre sang trempée, Verra se soulever les morts de leurs tombeaux Pour regarder venir, au sommet des collines, Nos drapeaux bien-aimés qui claqueront au vent, Pour ouïr nos clairons sonner en les suivant, Tandis que sous le ciel, en notes cristallines, Ses clochers chanteront dans le soleil levant !… Terre de France, terre entre toutes féconde, Dont on a pu blesser mais non tarir le sein, Ruche d’où part vibrant le glorieux essaim Que depuis trois mille ans Dieu mène par le monde A l’accomplissement de quelque grand dessein ; Terre où le soc demain peut se changer en glaive, Et le canon bondir en écrasant des fleurs, Mère d’un peuple fier que trempent les douleurs, Qui trop souvent faiblit, mais toujours se relève, Plus grand au lendemain de ses plus grands malheurs ; Terre de laboureurs, d’apôtres, de poètes Qui font beau ton passé, triste et doux ton présent ; Terre d’où l’Idéal son vol puissant Et monte dans le ciel avec tes alouettes Dès que l’aigle a cessé de réclamer du sang ; Pardonne à l’un de ceux que tes beautés enchantent, Qui t’aime dans tes monts, tes plaines et tes bois, Tes douleurs d’aujourd’hui, tes gloires d’autrefois, De te chanter, un peu comme nos pâtres chantent, Avec beaucoup de coeur, sans art, à pleine voix.

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    François-René de Chateaubriand

    François-René de Chateaubriand

    @francoisReneDeChateaubriand

    L’amour de la campagne Que de ces prés l’émail plaît à mon cœur ! Que de ces bois l’ombrage m’intéresse ! Quand je quittai cette onde enchanteresse, L’hiver régnoit dans toute sa fureur. Et cependant mes yeux demandoient ce rivage ; Et cependant d’ennuis, de chagrins dévoré. Au milieu des palais, d’hommes froids entouré, Je regrettois partout mes amis du village. Mais le printemps me rend mes champs et mes beaux jours. Vous m’allez voir encore, ô verdoyantes plaines ! Assis nonchalamment auprès de vos fontaines, Un Tibulle à la main, me nourrissant d’amours. Fleuve de ces vallons, là, suivant tes détours, J’irai seul et content gravir ce mont paisible Souvent tu me verras, inquiet et sensible, Arrêté sur tes bords en regardant ton cours. J’y veux terminer ma carrière ; Rentré dans la nuit des tombeaux, Mon ombre, encor tranquille et solitaire, Dans les forêts cherchera le repos. Au séjour des grandeurs mon nom mourra sans gloire, Mais il vivra longtemps sous les toits de roseaux, Mais d’âge en âge en gardant leurs troupeaux, Des bergers attendris feront ma courte histoire : « Notre amî, diront-ils, naquit sous ce berceau ; Il commença sa vie à l’ombre de ces chênes ; Il la passa couché près de cette eau, Et sous les Heurs sa tombe est dans ces plaines. »

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    A

    Alexis-Félix Arvers

    @alexisFelixArvers

    L’anniversaire Oh ! qui me donnera d’aller dans vos prairies, Promener chaque jour mes tristes rêveries, Rivages fortunés où parmi les roseaux L’Yonne tortueuse égare au loin ses eaux ! Oui, je veux vous revoir, poétiques ombrages, Bords heureux, à jamais ignorés des orages, Peupliers si connus, et vous, restes touchants, Qui m’avez inspiré jadis mes premiers chants

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    G

    Gaston Couté

    @gastonCoute

    L’odeur du fumier C’est eun’ volé’ d’môssieux d’Paris Et d’ péquit’s dam’s en grand’s touélettes Qui me r’gard’nt curer l’écurie Et les « téts » ousque gît’nt les bêtes : Hein ?… de quoué qu’c’est, les villotiers, Vous faisez pouah ! en r’grichant l’nez Au-d’ssus d’la litière embernée?… Vous trouvez qu’i’ pu’, mon feumier? Ah ! bon guieu, oui, l’ sacré cochon ! J’en prends pus avec mes narines Qu’avec les deux dents d’ mon fourchon Par oùsque l’ jus i’ dégouline, – I’ pu’ franch’ment, les villotiers ! Mais vous comprendrez ben eun’ chouse, C’est qu’ i’ peut pas senti’ la rouse ! … C’est du feumier… i’ sent l’ feumier ! Pourtant, j’en laiss’ pas pard’e un brin, J’ râtle l’ pus p’tit fêtu qu’enrrouse La pus michant’ goutt’ de purin, Et j’ râcle à net la moind’er bouse ! – Ah ! dam itou, les villotiers, Malgré qu’on seye en pein’ d’avouer Un « bien » pas pus grand qu’un mouchouer, On n’en a jamais d’ trop d’ feumier ! C’est sous sa chaleur que l’ blé lève En hivar, dans les tarr’s gelives ; I’ dounn’ de la force à la sève En avri’, quand la pousse est vive ! Et quand ej’ fauch’ – les villotiers ! Au mois d’Août les épis pleins Qui tout’ l’anné’ m’ dounn’ront du pain, Je n’ trouv’ pas qu’i’ pu’, mon feumier ! C’est d’ l’ordur’ que tout vient à nait’e : Bieauté des chous’s, bounheur du monde, Ainsi qu’ s’étal’ su’ l’ fient d’mes bêtes La glorieus’té d’la mouésson blonde… Et vous, tenez, grous villotiers Qu’êt’s pus rich’s que tout la coummeune, Pour fair’ veni’ pareill’ forteune En a-t-y fallu du feumier ! !! Dam’ oui, l’ feumier des capitales Est ben pus gras que c’ti des champs : Ramas de honte et de scandales… Y a d’la boue et, des foués, du sang !… – Ah ! disez donc, les villotiers, Avec tous vos micmacs infâmes Ousque tremp’nt jusqu’aux culs d’vos femmes… I’ sent p’tét’ bon, vous, vout’ feumier?… Aussi, quand ej’ songe à tout ça En décrottant l’ dedans des « téts » J’ trouv’ que la baugé’ des verrats A ‘cor comme un goût d’ properté ! Et, croyez-moué, les villotiers, C’est pas la pein’ de fèr’ des magnes D’vant les tas d’feumier d’ la campagne : I’ pu’ moins que l’vout’… nout’ feumier !

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    G

    Georges Haldas

    @georgesHaldas

    Campagne d'hiver Peupliers un vent faible allaitait le silence Et c'étaient soldats morts pour des patries lointaines pour des drapeaux fourbus De neige et de douleur les larmes nous coulaient Te souviens-tu ma mère ? Et toi qu'aurais-tu fait pendant la longue marche ? Je voyais les villages posés près des forêts Je voyais la montagne mais on n'entendait rien Patries patries amères où le vent seul parlait où le gel était dur comme l'apôtre Pierre Celui qui reniait La vérité craquait pareille à la banquise Et quand revenait l'aube de ces journées d'hiver Pour la seconde fois tous les soldats mouraient

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    Les saltimbanques Dans la plaine les baladins S’éloignent au long des jardins Devant l’huis des auberges grises Par les villages sans églises. Et les enfants s’en vont devant Les autres suivent en rêvant Chaque arbre fruitier se résigne Quand de très loin ils lui font signe. Ils ont des poids ronds ou carrés Des tambours, des cerceaux dorés L’ours et le singe, animaux sages Quêtent des sous sur leur passage.

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    Guy de Maupassant

    Guy de Maupassant

    @guyDeMaupassant

    Promenade à seize ans La terre souriait au ciel bleu. L’herbe verte De gouttes de rosée était encor couverte. Tout chantait par le monde ainsi que dans mon coeur. Caché dans un buisson, quelque merle moqueur Sifflait. Me raillait-il ? Moi, je n’y songeais guère. Nos parents querellaient, car ils étaient en guerre Du matin jusqu’au soir, je ne sais plus pourquoi. Elle cueillait des fleurs, et marchait près de moi. Je gravis une pente et m’assis sur la mousse A ses pieds. Devant nous une colline rousse Fuyait sous le soleil jusques à l’horizon. Elle dit : « Voyez donc ce mont, et ce gazon Jauni, cette ravine au voyageur rebelle ! » Pour moi je ne vis rien, sinon qu’elle était belle. Alors elle chanta. Combien j’aimais sa voix ! Il fallut revenir et traverser le bois. Un jeune orme tombé barrait toute la route ; J’accourus ; je le tins en l’air comme une voûte Et, le front couronné du dôme verdoyant, La belle enfant passa sous l’arbre en souriant. Émus de nous sentir côte à côte, et timides, Nous regardions nos pieds et les herbes humides. Les champs autour de nous étaient silencieux. Parfois, sans me parler, elle levait les yeux ; Alors il me semblait (je me trompe peut-être) Que dans nos jeunes coeurs nos regards faisaient naître Beaucoup d’autres pensers, et qu’ils causaient tout bas Bien mieux que nous, disant ce que nous n’osions pas.

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    Gérard de Nerval

    Gérard de Nerval

    @gerardDeNerval

    Le réveil en voiture Voici ce que je vis : Les arbres sur ma route Fuyaient mêlés, ainsi qu’une armée en déroute, Et sous moi, comme ému par les vents soulevés, Le sol roulait des flots de glèbe et de pavés ! Des clochers conduisaient parmi les plaines vertes Leurs hameaux aux maisons de plâtre, recouvertes En tuiles, qui trottaient ainsi que des troupeaux De moutons blancs, marqués en rouge sur le dos ! Et les monts enivrés chancelaient, – la rivière Comme un serpent boa, sur la vallée entière Étendu, s’élançait pour les entortiller… — J’étais en poste, moi, venant de m’éveiller !

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    Iris-Véronique Henry

    @irisVeroniqueHenry

    Mes yeux se perdirent Mes yeux se perdirent . La pluie amorphe amortit mes labiles traces . Sous les rameaux dépouillés , chétifs, guenilleux Une ombrette affouilla des vers grenus , voraces . Se perdirent mes yeux pérégrinés , crayeux, Dans le silène ombragé couvert d'ombellule, Que dispersa le jardinet plein de russule . Un svelte échassier blanc déguerpit prestement , Par le bruit de mes pas craquant dans les fougères . Maussade , effarouché , pantois , sur le liman Il jaillit bondissant parmi les lunigères . Penaude à cet envol , poursuivie en regret , Ma silhouette émue ayant été contrite , Se plia dantesque au chant brusque indiscret, Qui bruissant d' être esseulé , se mut aigret Sur le pampre effané dont campait son afrite . iris-véronique henry-benzazon

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    Iris-Véronique Henry

    @irisVeroniqueHenry

    Une buée Se fige une buée , éclose à la fenêtre Esquissant au pastel humide , un trait fluet Sur la vitre imbibée , où mon regard muet S'interroge inquiet , de l' ébauche à paraître . Une cruche émaillée encombrée en bleuet , Se devine ébauchée , et prend peur du salpêtre. Se fige une buée . La pluie agrémente , et peint son fard désuet , Que la chambre infuse , afin de vouloir connaître La fresque griffonnée . Elle accueille , voit naître Le suintement de mes cils mouillant le couet . Se figue une buée .

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    Isabelle Callis-Sabot

    @isabelleCallisSabot

    Le doux bonheur n’est plus Dans les vastes forêts j’aime venir encore, Je me plais à flâner sous les arbres feuillus ; Mais si le lieu m’enchante un ennui me dévore : Les enfants sont partis, le doux bonheur n’est plus. À l’orée des sous-bois comme avant je frissonne, Je m’enivre d’espoir, de rêves éperdus ; Mais un écho lointain funestement résonne : Les amies m’ont quittée, le doux bonheur n’est plus. La pénombre est remplie de promesses nouvelles, Je sens des grandes joies, des songes inconnus ; L’amour est toujours là, la vie est toujours belle… Mais le long des sentiers, le doux bonheur n’est plus.

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    Isabelle Callis-Sabot

    @isabelleCallisSabot

    Nostalgie J’ai laissé, loin de moi, à l’abri des montagnes Un village blotti au milieu des coteaux, La brise du matin, les fleurs de la campagne Et le grand mimosa où nichent les oiseaux… J’ai laissé, quelque part, souffler la Tramontane Emportant les saisons, emportant les soupirs, Une petite place une allée de platanes Les rêves, les chagrins, et tous les souvenirs… J’ai laissé ma maison, j’ai laissé ma jeunesse, Mais il m’arrive encore au profond de l’hiver D’entendre, comme avant, à travers l’ombre épaisse L’écho d’une sardane ou le chant de la mer.

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    Jean Racine

    Jean Racine

    @jeanRacine

    Le soleil est toujours riant Le soleil est toujours riant, Depuis qu’il part de l’orient Pour venir éclairer le monde. Jusqu’à ce que son char soit descendu dans l’onde. La vapeur des brouillards ne voile point les cieux ; Tous les matins un vent officieux En écarte toutes les nues : Ainsi nos jours ne sont jamais couverts ; Et, dans le plus fort des hivers, Nos campagnes sont revêtues De fleurs et d’arbres toujours verts. Les ruisseaux respectent leurs rives, Et leurs naïades fugitives Sans sortir de leur lit natal, Errent paisiblement et ne sont point captives Sous une prison de cristal. Tous nos oiseaux chantent à l’ordinaire, Leurs gosiers n’étant point glacés ; Et n’étant pas forcés De se cacher ou de se taire, Ils font l’amour en liberté. L’hiver comme l’été. Enfin, lorsque la nuit a déployé ses voiles, La lune, au visage changeant, Paraît sur un trône d’argent, Et tient cercle avec les étoiles, Le ciel est toujours clair tant que dure son cours, Et nous avons des nuits plus belles que vos jours.

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    Jean Richepin

    Jean Richepin

    @jeanRichepin

    Ballade du rôdeur des champs Nul ne peut dire où je juche : Je n’ai ni lit ni hamac. Je ne connais d’autre huche Si ce n’est mon estomac. Mais j’ai planté mon bivac Dans le pays de maraude, Où sans lois, sans droits, sans trac, Je suis le bon gueux qui rôde. Le loup poursuivi débuche. Quand la faim me poursuit, crac ! Aux œufs je tends une embûche : Les poules font cotcodac Et pondent dans mon bissac. Puis dans une cave en fraude Je bois vin, cidre ou cognac. Je suis le bon gueux qui rôde. Quand j’ai sifflé litre ou cruche, Ma cervelle est en mic-mac ; Bourdonnant comme une ruche, Mon sang fait tic-tac tic-tac. Alors je descends au bac Où chante quelque faraude Qui me prend pour son verrac. Je suis le bon gueux qui rôde. Envoi Prince au cul bleu comme un lac, Cogne dont l’œil me taraude, Pique des deux, va ! Clic, clac ! Je suis le bon gueux qui rôde.

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    Jean Richepin

    Jean Richepin

    @jeanRichepin

    Oiseaux de passage C’est une cour carrée et qui n’a rien d’étrange : Sur les flancs, l’écurie et l’étable au toit bas ; Ici près, la maison ; là-bas, au fond, la grange Sous son chapeau de chaume et sa jupe en plâtras. Le bac, où les chevaux au retour viendront boire, Dans sa berge de bois est immobile et dort. Tout plaqué de soleil, le purin à l’eau noire Luit le long du fumier gras et pailleté d’or. Loin de l’endroit humide où gît la couche grasse, Au milieu de la cour, où le crottin plus sec Riche de grains d’avoine en poussière s’entasse, La poule l’éparpille à coups d’ongle et de bec. Plus haut, entre les deux brancards d’une charrette, Un gros coq satisfait, gavé d’aise, assoupi, Hérissé, l’œil mi-clos recouvert par la crête, Ainsi qu’une couveuse en boule est accroupi. Des canards hébétés voguent, l’œil en extase. On dirait des rêveurs, quand, soudain s’arrêtant, Pour chercher leur pâture au plus vert de la vase Ils crèvent d’un plongeon les moires de l’étang. Sur le faîte du toit, dont les grises ardoises Montrent dans le soleil leurs écailles d’argent, Des pigeons violets aux reflets de turquoises De roucoulements sourds gonflent leur col changeant. Leur ventre bien lustré, dont la plume est plus sombre, Fait tantôt de l’ébène et tantôt de l’émail, Et leurs pattes, qui sont rouges parmi cette ombre, Semblent sur du velours des branches de corail. Au bout du clos, bien loin, on voit paître les oies, Et vaguer les dindons noirs comme des huissiers. Oh ! qui pourra chanter vos bonheurs et vos joies, Rentiers, faiseurs de lards, philistins, épiciers ? Ô vie heureuse des bourgeois ! Qu’avril bourgeonne Ou que décembre gèle, ils sont fiers et contents. Ce pigeon est aimé trois jours par sa pigeonne, Ça lui suffit : il sait que l’amour n’a qu’un temps. Ce dindon a toujours béni sa destinée. Et quand vient le moment de mourir, il faut voir Cette jeune oie en pleurs : « C’est là que je suis née ; Je meurs près de ma mère et j’ai fait mon devoir. » Son devoir ! C’est-à-dire elle blâmait les choses Inutiles, car elle était d’esprit zélé ; Et, quand des papillons s’attardaient sur des roses, Elle cassait la fleur et mangeait l’être ailé. Elle a fait son devoir ! C’est-à-dire que oncque Elle n’eut de souhait impossible, elle n’eut Aucun rêve de lune, aucun désir de jonque L’emportant sans rameurs sur un fleuve inconnu. Elle ne sentit pas lui courir sous la plume De ces grands souffles fous qu’on a dans le sommeil, Pour aller voir la nuit comment le ciel s’allume Et mourir au matin sur le cœur du soleil. Et tous sont ainsi faits ! Vivre la même vie Toujours, pour ces gens-là cela n’est point hideux. Ce canard n’a qu’un bec, et n’eut jamais envie Ou de n’en plus avoir ou bien d’en avoir deux. Aussi, comme leur vie est douce, bonne et grasse ! Qu’ils sont patriarcaux, béats, vermillonnés, Cinq pour cent ! Quel bonheur de dormir dans sa crasse, De ne pas voir plus loin que le bout de son nez ! N’avoir aucun besoin de baiser sur les lèvres, Et, loin des songes vains, loin des soucis cuisants, Posséder pour tout cœur un viscère sans fièvres, Un coucou régulier et garanti dix ans ! Oh ! les gens bienheureux !… Tout à coup, dans l’espace, Si haut qu’il semble aller lentement, un grand vol En forme de triangle arrive, plane et passe. Où vont-ils ? Qui sont-ils ? Comme ils sont loin du sol ! Les pigeons, le bec droit, poussent un cri de flûte Qui brise les soupirs de leur col redressé, Et sautent dans le vide avec une culbute. Les dindons d’une voix tremblotante ont gloussé. Les poules picorant ont relevé la tête. Le coq, droit sur l’ergot, les deux ailes pendant, Clignant de l’œil en l’air et secouant la crête, Vers les hauts pèlerins pousse un appel strident. Qu’est-ce que vous avez, bourgeois ? Soyez donc calmes. Pourquoi les appeler, sot ? Ils n’entendront pas. Et d’ailleurs, eux qui vont vers le pays des palmes, Crois-tu que ton fumier ait pour eux des appas ? Regardez-les passer ! Eux, ce sont les sauvages. Ils vont où leur désir le veut, par-dessus monts, Et bois, et mers, et vents, et loin des esclavages. L’air qu’ils boivent ferait éclater vos poumons. Regardez-les ! Avant d’atteindre sa chimère, Plus d’un, l’aile rompue et du sang plein les yeux, Mourra. Ces pauvres gens ont aussi femme et mère, Et savent les aimer aussi bien que vous, mieux. Pour choyer cette femme et nourrir cette mère, Ils pouvaient devenir volaille comme vous. Mais ils sont avant tout les fils de la chimère, Des assoiffés d’azur, des poètes, des fous. Ils sont maigres, meurtris, las, harassés. Qu’importe ! Là-haut chante pour eux un mystère profond. À l’haleine du vent inconnu qui les porte Ils ont ouvert sans peur leurs deux ailes. Ils vont. La bise contre leur poitrail siffle avec rage. L’averse les inonde et pèse sur leur dos. Eux, dévorent l’abîme et chevauchent l’orage. Ils vont, loin de la terre, au dessus des badauds. Ils vont, par l’étendue ample, rois de l’espace. Là-bas ils trouveront de l’amour, du nouveau. Là-bas un bon soleil chauffera leur carcasse Et fera se gonfler leur cœur et leur cerveau. Là-bas, c’est le pays de l’étrange et du rêve, C’est l’horizon perdu par delà les sommets, C’est le bleu paradis, c’est la lointaine grève Où votre espoir banal n’abordera jamais. Regardez-les, vieux coq, jeune oie édifiante ! Rien de vous ne pourra monter aussi haut qu’eux, Et le peu qui viendra d’eux à vous, c’est leur fiente. Les bourgeois sont troublés de voir passer les gueux.

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    Jean-Pierre Villebramar

    @jeanPierreVillebramar

    Catalunya Dans ma vallée, on entre par une route étroite et dangereuse ni questionnaire, ni douanier ceux qui passent savent qu’il y a danger ils passent Dans ma vallée, les chemins montent vers des cortals, en 39, des gens avec des noms pas de chez nous posaient leur sac quand ils en avaient un dans ma vallée, il y a des clandestins et des passeurs, les gens ne sont ni saints, ni des héros, seulement des paysans têtus, restés de la dernière guerre ; il se dit qu’un guerrillero avec un fusil-mitrailleur a ralenti une colonne de soldats venus de l’étranger elle a fini par arriver au village, et l’a brûlé mais il n’y avait personne dans les rues, ni dans les maisons, pour y brûler avec, et ils sont revenus Dans ma vallée, il n’y a pas de savants en physique des particules, le temps coule comme bon lui semble, les humains naissent, aiment et se détestent, puis meurent sans y faire d’histoires les vivants savent : « c’est le champ d’Untel », (ou d’une telle), il avait mauvais caractère et un fusil de chasse calibre 12, avec du petit plomb sur le feu, la cuisine du soir un verre de café sur la table pour celui qui montait les voir, et des histoires de voisins, ça faisait rire des fois, pas gentiment dans ma vallée, on entre par une gorge étroite et dangereuse il n’y a pas de panneau « danger » ceux qui montent savent qu’il y a danger ils passent

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    J

    Jean-Pierre Villebramar

    @jeanPierreVillebramar

    Haute lande J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages! Charles Baudelaire Dans la Haute Lande je suis le cours d’un ruisseau, les traces de chevreuils et de sangliers me disent le chemin. Eau jaune. Écume blanche. Ciels bleus ciels gris, nuages, pluies et soleils et nous. Dans la lande, les ruisseaux ignorent le monde, ils suivent la pente de dunes anciennes. Que ne suis-je ruisseau moi-même descendant les dunes, laissant dans le sable des traces que bientôt brouilleront les passages de chevreuils. *** Dans la Haute Lande je suis le cours d’un ruisseau, descendant les dunes, laissant dans le sable des traces mon aimée et moi, nous donnant la main

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    Jean-Pierre Villebramar

    @jeanPierreVillebramar

    Monde chien Si l’ Monde est chien c’est pas d’ ma faute j’y suis pour rien si l’ Monde est chien ça fait des tonn’s d’années qu’ça dure c’est pas d’ ma faute si l’ Monde est chien y en a qui pleur’nt d’aut’s qui s’indignent c’est pas normal si l’ Monde est chien moi j’dis : ok c’est quoi ‘vous faîtes pour changer l’ Monde s’il est pas bien ? Y’en a qui cherchent des p’tites bébêtes qui trouv’ ceci, qui cherch’ cela d’aut’ font péter la planèt’ c’est pas com ça qu’on avans’ra moi chaque fois qu’je peux, j’me tire à la campagne, c’est plus calmos si l’ Monde est chien, les ceuss d’la ville qu’i s’débrouillent à ronger leur os avec moi j’emmène plein d’livres des Kant, des Pascal, mêm’ Karl Marx j’le montre pas, ya plein d’ bouseux c’est sûr qu’y z’aimeraient pas çax

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    Jules Breton

    @julesBreton

    Aurore La glèbe, à son réveil, verte et toute mouillée, Autour du bourg couvert d’une épaisse feuillée Où les toits assoupis fument tranquillement ; Dans la plaine aux replis soyeux que rien ne cerne, Parmi les lins d’azur, l’oeillette et la luzerne, Berce les jeunes blés pleins de frissonnement. Sereine et rafraîchie aux brumes dilatées, Sous l’humide baiser de leurs traînes lactées, Elle semble frémir dans l’ivresse des pleurs, Et, ceinte des trésors dont son flanc large abonde, Sourire à l’éternel époux qui la féconde, Au grand soleil qui sort, vibrant, d’un lit de fleurs. L’astre vermeil ruisselle en sa gerbe éclatante ; Chaque fleur, alanguie aux langueurs de l’attente, Voluptueusement, vers le foyer du jour Tourne sa tige et tend son avide calice, Et boit ton charme, Aurore, et rougit de délice… Et le germe tressaille aux chauds rayons d’amour. Juillet 1871.

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    Jules Breton

    @julesBreton

    Courrières Lorsqu’à travers ta brume, ô plaine de Courrière, L’ombre monte au clocher dans l’or bruni du soir, Que s’inclinent tes blés comme pour la prière, Et que ton marais fume, immobile encensoir ; Quand reviennent des bords fleuris de ta rivière, Portant le linge frais qu’a blanchi le lavoir, Tes filles le front ceint d’un nimbe de lumière, Je n’imagine rien de plus charmant à voir. D’autres courent bien loin pour trouver des merveilles ; Laissons-les s’agiter : dans leurs fiévreuses veilles, Ils ne sentiraient pas ta tranquille beauté. Tu suffis à mon cœur, toi qui vis mes grands-pères, Lorsqu’ils passaient joyeux, en leurs heures prospères, Sur ces mêmes chemins, aux mêmes soirs d’été.

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