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Poésie Engagée

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Poésie Engagée

Poésies de la collection poésie engagée

    Jean de La Fontaine

    Jean de La Fontaine

    @jeanDeLaFontaine

    L'ivrogne et sa femme Chacun a son défaut où toujours il revient : Honte ni peur n'y remédie. Sur ce propos, d'un conte il me souvient : Je ne dis rien que je n'appuie De quelque exemple. Un suppôt de Bacchus Altérait sa santé, son esprit et sa bourse. Telles gens n'ont pas fait la moitié de leur course Qu'ils sont au bout de leurs écus. Un jour que celui-ci plein du jus de la treille, Avait laissé ses sens au fond d'une bouteille, Sa femme l'enferma dans un certain tombeau. Là les vapeurs du vin nouveau Cuvèrent à loisir. A son réveil il treuve L'attirail de la mort à l'entour de son corps : Un luminaire, un drap des morts. Oh ! dit-il, qu'est ceci ? Ma femme est-elle veuve ? Là-dessus, son épouse, en habit d'Alecton, Masquée et de sa voix contrefaisant le ton, Vient au prétendu mort, approche de sa bière, Lui présente un chaudeau propre pour Lucifer. L'Epoux alors ne doute en aucune manière Qu'il ne soit citoyen d'enfer. Quelle personne es-tu ? dit-il à ce fantôme. - La cellerière du royaume De Satan, reprit-elle ; et je porte à manger A ceux qu'enclôt la tombe noire. Le Mari repart sans songer : Tu ne leur portes point à boire ?

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    Jean de La Fontaine

    Jean de La Fontaine

    @jeanDeLaFontaine

    Le berger et le roi Deux démons à leur gré partagent notre vie, Et de son patrimoine ont chassé la raison. Je ne vois point de cœur qui ne leur sacrifie. Si vous me demandez leur état et leur nom, J'appelle l'un, Amour ; et l'autre, Ambition. Cette dernière étend le plus loin son empire ; Car même elle entre dans l'amour. Je le ferais bien voir : mais mon but est de dire Comme un Roi fit venir un Berger à sa Cour. Le conte est du bon temps, non du siècle où nous sommes. Ce Roi vit un troupeau qui couvrait tous les champs, Bien broutant, en bon corps, rapportant tous les ans, Grâce aux soins du Berger, de trés-notables sommes. Le Berger plut au Roi par ces soins diligens. Tu mérites, dit-il, d'être Pasteur de gens ; Laisse-là tes moutons, viens conduire des hommes. Je te fais Juge Souverain. Voilà notre Berger la balance à la main. Quoi qu'il n'eût guère vu d'autres gens qu'un Ermite, Son troupeau, ses mâtins, le loup, et puis c'est tout, Il avait du bon sens ; le reste vient en suite. Bref il en vint fort bien about. L'Ermite son voisin accourut pour lui dire : Veillé-je, et n'est-ce point un songe que je vois ? Vous favori ! vous grand ! défiez-vous des Rois : Leur faveur est glissante, on s'y trompe ; et le pire, C'est qu'il en coûte cher ; de pareilles erreurs Ne produisent jamais que d'illustres malheurs. Vous ne connaissez pas l'attrait qui vous engage. Je vous parle en ami. Craignez tout. L'autre rit, Et notre Ermite poursuivit : Voyez combien déjà la cour vous rend peu sage. Je crois voir cet aveugle, à qui dans un voyage Un serpent engourdi de froid Vint s'offrir sous la main ; il le prit pour un fouet. Le sien s'était perdu tombant de sa ceinture. Il rendait grâce au Ciel de l'heureuse aventure, Quand un passant cria : Que tenez-vous ? ô Dieux ! Jetez cet animal traître et pernicieux, Ce serpent. C'est un fouet. C'est un serpent, vous dis-je : À me tant tourmenter quel intérêt m'oblige ? Prétendez-vous garder ce trésor ? Pourquoi non ? Mon fouet était usé ; j'en retrouve un fort bon ; Vous n'en parlez que par envie. L'aveugle enfin ne le crut pas, Il en perdit bien-tôt la vie : L'animal dégourdi piqua son homme au bras. Quant à vous, j'ose vous prédire Qu'il vous arrivera quelque chose de pire. Eh, que me saurait-il arriver que la mort ? Mille dégoûts viendront, dit le Prophète Ermite. Il en vint en effet ; l'Ermite n'eut pas tort. Mainte peste de Cour, fit tant par maint ressort, Que la candeur du Juge, ainsi que son mérite, Furent suspects au Prince. On cabale, on suscite Accusateurs et gens grevés par ses arrêts. De nos biens, dirent-ils, il s'est fait un Palais. Le Prince voulut voir ces richesses immenses, Il ne trouva partout que médiocrité, Louanges du désert et de la pauvreté ; C'étaient là ses magnificences. Son fait, dit-on, consiste en des pierres de prix. Un grand coffre en est plein, fermé de dix serrures. Lui-même ouvrit ce coffre, et rendit bien surpris Tous les machineurs d'impostures. Le coffre étant ouvert, on y vit des lambeaux, L'habit d'un gardeur de troupeaux, Petit chapeau, jupon, panetière, houlette, Et je pense aussi sa musette. Doux trésors, ce dit-il, chers gages qui jamais N'attirâtes sur vous l'envie et le mensonge, Je vous reprends : sortons de ces riches Palais Comme l'on sortirait d'un songe. Sire, pardonnez-moi cette exclamation. J'avais prévu ma chute en montant sur le faîte. Je m'y suis trop complu ; mais qui n'a dans la tête Un petit grain d'ambition ?

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    Jean de La Fontaine

    Jean de La Fontaine

    @jeanDeLaFontaine

    Le lion et le moucheron Va-t'en, chétif insecte, excrément de la terre ! " C'est en ces mots que le Lion Parlait un jour au Moucheron. L'autre lui déclara la guerre. "Penses-tu, lui dit-il, que ton titre de Roi Me fasse peur ni me soucie ? Un bœuf est plus puissant que toi : Je le mène à ma fantaisie. " A peine il achevait ces mots Que lui-même il sonna la charge, Fut le Trompette et le Héros. Dans l'abord il se met au large ; Puis prend son temps, fond sur le cou Du Lion, qu'il rend presque fou. Le quadrupède écume, et son œil étincelle ; Il rugit ; on se cache, on tremble à l'environ ; Et cette alarme universelle Est l'ouvrage d'un Moucheron. Un avorton de Mouche en cent lieux le harcelle : Tantôt pique l'échine, et tantôt le museau, Tantôt entre au fond du naseau. La rage alors se trouve à son faîte montée. L'invisible ennemi triomphe, et rit de voir Qu'il n'est griffe ni dent en la bête irritée Qui de la mettre en sang ne fasse son devoir. Le malheureux Lion se déchire lui-même, Fait résonner sa queue à l'entour de ses flancs, Bat l'air, qui n'en peut mais ; et sa fureur extrême Le fatigue, l'abat : le voilà sur les dents. L'insecte du combat se retire avec gloire : Comme il sonna la charge, il sonne la victoire, Va partout l'annoncer, et rencontre en chemin L'embuscade d'une araignée ; Il y rencontre aussi sa fin.

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    Jean de La Fontaine

    Jean de La Fontaine

    @jeanDeLaFontaine

    Le loup et l'agneau La raison du plus fort est toujours la meilleure : Nous l'allons montrer tout à l'heure. Un Agneau se désaltérait Dans le courant d'une onde pure. Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure, Et que la faim en ces lieux attirait. Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ? Dit cet animal plein de rage : Tu seras châtié de ta témérité. - Sire, répond l'Agneau, que votre Majesté Ne se mette pas en colère ; Mais plutôt qu'elle considère Que je me vas désaltérant Dans le courant, Plus de vingt pas au-dessous d'Elle, Et que par conséquent, en aucune façon, Je ne puis troubler sa boisson. - Tu la troubles, reprit cette bête cruelle, Et je sais que de moi tu médis l'an passé. - Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né ? Reprit l'Agneau, je tette encor ma mère. - Si ce n'est toi, c'est donc ton frère. - Je n'en ai point. - C'est donc quelqu'un des tiens : Car vous ne m'épargnez guère, Vous, vos bergers, et vos chiens. On me l'a dit : il faut que je me venge. Là-dessus, au fond des forêts Le Loup l'emporte, et puis le mange, Sans autre forme de procès.

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    Jean de La Fontaine

    Jean de La Fontaine

    @jeanDeLaFontaine

    Élégie aux nymphes de vaux Remplissez l'air de cris en vos grottes profondes ; Pleurez, Nymphes de Vaux, faites croître vos ondes, Et que l'Anqueuil enflé ravage les trésors Dont les regards de Flore ont embelli ses bords On ne blâmera point vos larmes innocentes ; Vous pouvez donner cours à vos douleurs pressantes : Chacun attend de vous ce devoir généreux ; Les Destins sont contents : Oronte est malheureux. Vous l'avez vu naguère au bord de vos fontaines, Qui, sans craindre du Sort les faveurs incertaines, Plein d'éclat, plein de gloire, adoré des mortels, Recevait des honneurs qu'on ne doit qu'aux autels. Hélas ! qu'il est déchu de ce bonheur suprême ! Que vous le trouveriez différent de lui-même ! Pour lui les plus beaux jours sont de secondes nuits Les soucis dévorants, les regrets, les ennuis, Hôtes infortunés de sa triste demeure, En des gouffres de maux le plongent à toute heure. Voici le précipice où l'ont enfin jeté Les attraits enchanteurs de la prospérité ! Dans les palais des rois cette plainte est commune, On n'y connaît que trop les jeux de la Fortune, Ses trompeuses faveurs, ses appâts inconstants ; Mais on ne les connaît que quand il n'est plus temps. Lorsque sur cette mer on vogue à pleines voiles, Qu'on croit avoir pour soi les vents et les étoiles, Il est bien malaisé de régler ses désirs ; Le plus sage s'endort sur la foi des Zéphyrs. Jamais un favori ne borne sa carrière ; Il ne regarde pas ce qu'il laisse en arrière ; Et tout ce vain amour des grandeurs et du bruit Ne le saurait quitter qu'après l'avoir détruit. Tant d'exemples fameux que l'histoire en raconte Ne suffisaient-ils pas, sans la perte d'Oronte ? Ah ! si ce faux éclat n'eût point fait ses plaisirs, Si le séjour de Vaux eût borné ses désirs, Qu'il pouvait doucement laisser couler son âge ! Vous n'avez pas chez vous ce brillant équipage, Cette foule de gens qui s'en vont chaque jour Saluer à longs flots le soleil de la Cour : Mais la faveur du Ciel vous donne en récompense Du repos, du loisir, de l'ombre, et du silence, Un tranquille sommeil, d'innocents entretiens ; Et jamais à la Cour on ne trouve ces biens. Mais quittons ces pensers : Oronte nous appelle. Vous, dont il a rendu la demeure si belle, Nymphes, qui lui devez vos plus charmants appâts, Si le long de vos bords Louis porte ses pas, Tâchez de l'adoucir, fléchissez son courage. Il aime ses sujets, il est juste, il est sage ; Du titre de clément rendez-le ambitieux : C'est par là que les rois sont semblables aux dieux. Du magnanime Henri qu'il contemple la vie : Dès qu'il put se venger il en perdit l'envie. Inspirez à Louis cette même douceur : La plus belle victoire est de vaincre son coeur. Oronte est à présent un objet de clémence ; S'il a cru les conseils d'une aveugle puissance, Il est assez puni par son sort rigoureux ; Et c'est être innocent que d'être malheureux.

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    Jean Genet

    Jean Genet

    @jeanGenet

    Le condamné à mort Le vent qui roule un cœur sur le pavé des cours, Un ange qui sanglote accroché dans un arbre, La colonne d’azur qu’entortille le marbre Font ouvrir dans ma nuit des portes de secours. Un pauvre oiseau qui tombe et le goût de la cendre, Le souvenir d’un œil endormi sur le mur, Et ce poing douloureux qui menace l’azur Font au creux de ma main ton visage descendre. Ce visage plus dur et plus léger qu’un masque, Et plus lourd à ma main qu’aux doigts du receleur Le joyau qu’il convoite ; il est noyé de pleurs. Il est sombre et féroce, un bouquet vert le casque. Ton visage est sévère : il est d’un pâtre grec. Il reste frémissant aux creux de mes mains closes. Ta bouche est d’une morte et tes yeux sont des roses, Et ton nez d’un archange est peut-être le bec. [...] Sur mon cou sans armure et sans haine, mon cou Que ma main plus légère et grave qu’une veuve Effleure sous mon col, sans que ton cœur s’émeuve, Laisse tes dents poser leur sourire de loup. O viens mon beau soleil, ô viens ma nuit d’Espagne, Arrive dans mes yeux qui seront morts demain. Arrive, ouvre ma porte, apporte-moi ta main, Mène-moi loin d’ici battre notre campagne. Le ciel peut s’éveiller, les étoiles fleurir, Et les fleurs soupirer, et des prés l’herbe noire Accueillir la rosée où le matin va boire, Le clocher peut sonner : moi seul je vais mourir. [...] Pardonnez-moi mon Dieu parce que j’ai péché ! Les larmes de ma voix, ma fièvre, ma souffrance, Le mal de m’envoler du beau pays de France, N’est-ce pas assez mon Seigneur pour aller me coucher Trébuchant d’espérance Dans vos bras embaumés, dans vos châteaux de neige ! Seigneur des lieux obscurs, je sais encore prier. C’est moi mon père, un jour, qui me suis écrié: Gloire au plus haut du ciel, au dieu qui me protège, Hermès au tendre pied ! Je demande à la mort la paix, les longs sommeils, Les chants des Séraphins, leurs parfums, leurs guirlandes, Les angelots de laine en chaudes houppelandes, Et j'espère des nuits sans lunes ni soleils Sur d’immobiles landes.

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    Jean Richepin

    Jean Richepin

    @jeanRichepin

    Sonnet ivre Pourtant, quand on est las de se crever les yeux, De se creuser le front, de se fouiller le ventre, Sans trouver de raison à rien, lorsque l’on rentre Fourbu d’avoir plané dans le vide des deux, Il faut bien oublier les désirs anxieux, Les espoirs avortés, et dormir dans son antre Comme une bête, ou boire à plus soif comme un chantre, Sans penser. Soûlons-nous, buveurs silencieux ! Oh ! les doux opiums, l’abrutissante extase ! Bitter, grenat brûlé, vermouth, claire topaze. Absinthe, lait troublé d’émeraude. Versez ! Versez, ne cherchons plus les effets ni les causes ! Les gueules du couchant dans nos cœurs terrassés Vomissent de l’absinthe entre leurs lèvres roses.

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    Jean-Baptiste Clément

    @jeanBaptisteClement

    Le temps des cerises Quand nous chanterons le temps des cerises, Et gai rossignol et merle moqueur Seront tous en fête ; Les belles auront la folie en tête Et les amoureux du soleil au cœur… Quand nous chanterons le temps des cerises, Sifflera bien mieux le merle moqueur. Mais il est bien court, le temps des cerises, Où l'on s'en va deux cueillir en rêvant Des pendants d'oreilles ! Cerises d'amour, aux robes pareilles, Tombant sous la feuille en gouttes de sang … Mais il est bien court le temps des cerises, Pendants de corail qu'on cueille en rêvant ! Quand vous en serez au temps des cerises, Si vous avez peur des chagrins d'amour, Évitez les belles. Moi qui ne crains pas les peines cruelles, Je ne vivrai point sans souffrir un jour. Quand vous en serez au temps des cerises, Vous aurez aussi des chagrins d'amour. J'aimerai toujours le temps des cerises ; C'est de ce temps là que je garde au cœur Une plaie ouverte ; Et dame Fortune, en m'étant offerte, Ne pourra jamais fermer ma douleur. J'aimerai toujours le temps des cerises Et le souvenir que je garde au cœur.

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    Johann Wolfgang von Goethe

    Johann Wolfgang von Goethe

    @johannWolfgangVonGoethe

    Pour les jeunes poètes De jeunes hommes m’envoient fort souvent des poésies allemandes, en me priant de les juger et même de dire ma pensée sur la vocation poétique de l’auteur. Mais, malgré mon désir de reconnaître cette confiance, il m’est impossible de faire par écrit, dans le cas particulier, une réponse convenable, qu’il serait assez difficile d’exprimer de vive voix. Cependant ces envois s’accordent, en général jusqu’à un certain point, et je puis me résoudre à présenter ici quelques réflexions pour l’avenir. La langue allemande est arrivée à un si haut degré de perfection, qu’il est donné à chacun, selon son talent, de s’exprimer heureusement, en prose et en vers rythmiques ou rimés, d’une manière convenable à l’objet comme au sentiment. Il s’ensuit que toute personne qui s’est un peu formée en écoutant et en lisant, dès qu’elle s’entend un peu elle-même, se sent pressée de communiquer, avec une certaine facilité, ses pensées et ses jugements, ce qu’elle a reconnu et senti. Mais il est difficile, je crois même impossible, au jeune homme de reconnaître que, dans un sens élevé, c’est encore avoir fait peu de chose. Si l’on considère attentivement ces productions, on trouve tout ce qui se passe dans l’intérieur, tout ce qui se rapporte à la personne même, plus ou moins réussi, et quelquefois si bien, que l’expression parait avoir autant de clarté que de profondeur, autant de fermeté que de grâce. Tout ce qui est général, l’Être suprême, comme la patrie, l’immense nature, avec ses merveilleux phénomènes, nous surprennent dans les poésies de jeunes hommes ; nous ne pouvons en méconnaître la valeur morale, et nous devons en trouver l’exécution digne d’éloges. Mais voici justement la difficulté. Plusieurs jeunes gens, qui entrent dans la même voie, se grouperont ensemble, et entreprendront ensemble un joyeux pèlerinage, sans s’éprouver et sans considérer si leur but n’est pas trop reculé dans le vague. Car, par malheur, un observateur bienveillant ne tarde pas à remarquer que le bien-être juvénile diminue soudain : que le regret des joies évanouies, la poursuite langoureuse des biens perdus, l’aspiration à l’inconnu, à l’inaccessible, le découragement, les invectives contre les obstacles de tout genre, la lutte contre la disgrâce, l’envie et la persécution, troublent la source claire. Et nous voyons la joyeuse société s’éparpiller et se disperser en ermites misanthropes : aussi est-il bien difficile de faire comprendre aux talents de tout genre et de tout degré que LA MUSE ACCOMPAGNE VOLONTIERS LA VIE, MAIS NE SAIT NULLEMENT LA DIRIGER. Quand nous entrons dans la vie active et forte, quelquefois fâcheuse, où nous devons tous, tels que nous sommes, nous sentir dépendants d’un grand ensemble, si nous redemandons tous nos premiers rêves, nos vœx, nos espérances et les agréments des vieux contes, la Muse s’éloigne et cherche la société de celui qui renonce avec sérénité, qui se relève aisément, qui sait dérober quelques jouissances à chaque saison, qui donne le temps convenable au chemin de glace comme au jardin de roses, qui fait taire ses propres douleurs, et cherche attentivement autour de lui où il pourrait trouver une douleur à calmer, une joie à faire éclore. Alors les années ne le sépareront point des nobles déesses, car, tout comme elles se plaisent à l’innocence ingénue, elles marchent volontiers aux côtés de la sagesse prudente ; là, favorisant dans son germe un être naissant, d’une belle espérance ici, prenant plaisir à un être accompli dans son entier développement. qu’il me soit permis de finir par quelques rimes ces épanchements. À l’âge où d’espoir on s’enivre, Jeune homme, écoute, et te souviens Que la Muse, qui sait nous suivre, À nous conduire n’entend rien.

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    J

    José Maria de Heredia

    @joseMariaDeHeredia

    L'esclave Tel, nu, sordide, affreux, nourri des plus vils mets, Esclave - vois, mon corps en a gardé les signes - Je suis né libre au fond du golfe aux belles lignes Où l'Hybla plein de miel mire ses bleus sommets. J'ai quitté l'île heureuse, hélas !... Ah ! si jamais Vers Syracuse et les abeilles et les vignes Tu retournes, suivant le vol vernal des cygnes, Cher hôte, informe-toi de celle que j'aimais. Reverrai-je ses yeux de sombre violette, Si purs, sourire au ciel natal qui s'y reflète Sous l'arc victorieux que tend un sourcil noir ? Sois pitoyable ! Pars, va, cherche Cléariste Et dis-lui que je vis encor pour la revoir. Tu la reconnaîtras, car elle est toujours triste.

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    Joël Sadeler

    @joelSadeler

    Tu me grondes Tu me grondes parce que j'ai les doigts de toutes les couleurs noir-polar ou jaune-sable des squares parfois blanc-banquise ou rouge-révolution et même bleu-contusion Tu me grondes et tu te trompes mes doigts je les ai trempés dans l'amitié des mains des enfants du quartier des enfants du monde entier

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    Langston Hughes

    Langston Hughes

    @langstonHughes

    Moi, aussi, je chante l’Amérique Moi, aussi, je chante l’Amérique. Je suis le frère à la peau sombre. Ils m’envoient manger à la cuisine Quand vient du monde. Mais je ris, Et je mange bien, Et je prends des forces. Demain, Je serai à la table Quand viendra du monde. Personne, Alors, N’osera me dire « Va manger à la cuisine ». De plus, Ils verront comme je suis beau Et ils auront honte — Moi, aussi, je suis l’Amérique.

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    Langston Hughes

    Langston Hughes

    @langstonHughes

    Noir Je suis un Noir: Aussi noir que la nuit noire, Aussi noir que les profondeurs de mon Afrique. J’ai été un esclave: César m’a ordonné de nettoyer son perron. J’ai ciré les bottes de Washington. J’ai été un ouvrier: Sous ma main les pyramides se sont dressées. J’ai fait le mortier pour le Woolworth Building. J’ai été un chanteur: Sur la route de l’Afrique à la Georgie J’ai emporté mes chansons tristes. J’ai inventé le ragtime. J’ai été une victime: Les Belges m’ont coupé les mains au Congo. On me lynche encore au Mississippi. Je suis un Noir: Aussi noir que la nuit noire, Aussi noir que les profondeurs de mon Afrique.

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    Léonard Cohen

    Léonard Cohen

    @leonardCohen

    Comment dire la poésie Prenons le mot papillon. Pour utiliser ce mot, il n’est pas nécessaire d’avoir une voix qui pèserait moins d’une livre ni de lui mettre de petites ailes poussiéreuses. Il n’est pas nécessaire d’inventer une journée ensoleillée ou un champ de jonquilles. Le mot papillon n’est pas un vrai papillon. Il y a le mot et il y a le papillon. Si tu confonds ces deux éléments, les gens ont le droit de rire de toi. N’en fais pas trop avec le mot. Est-ce que tu essaies de suggérer que tu aimes les papillons plus que n’importe qui, ou que tu comprends vraiment leur nature ? Le mot papillon n’est qu’une information. Ce n’est pas pour toi l’occasion de planer, de t’élever dans les airs, de venir en aide aux fleurs, de symboliser la beauté et la fragilité, ni en aucune façon de personnifier le papillon. Il ne faut pas jouer les mots jusqu’au bout. Jamais. N’essaie jamais de quitter le sol quand tu parles d’envol. Ne ferme jamais les yeux en rejetant la tête sur le côté quand tu parles de la mort. Ne me fixe pas avec tes yeux brûlants quand tu parles d’amour. Si tu veux m’impressionner quand tu parles d’amour, glisse ta main dans ta poche ou sous ta robe et branle-toi. Si l’ambition et la soif d’applaudissements t’ont poussé à parler d’amour, tu devrais apprendre à le faire sans te déshonorer ni déshonorer ton matériau. Quelle expression exige notre époque ? Elle n’exige aucune expression particulière. Nous avons vu des photos de mères asiatiques affligées. L’angoisse des organes que tu tripotes n’intéresse personne. Ton visage ne peut rien exprimer qui puisse rivaliser avec l’horreur de notre temps. N’essaie même pas. Tu ne ferais que t’exposer au mépris de ceux qui ont profondément ressenti ces choses. Nous avons vu des bandes d’actualité montrant des êtres humains aux limites de la souffrance et de l’effondrement. Tout le monde sait que tu manges bien et que tu es même payé pour être là. Tu joues devant des gens qui ont vécu une catastrophe, ça devrait te calmer. Dis les mots, transmets l’information, retire-toi. Tout le monde sait que tu souffres. Tu ne peux pas dire au public tout ce que tu sais sur l’amour dans chaque vers d’amour que tu dis. Retire-toi et le public saura ce que tu sais parce qu’il le sait déjà. Tu n’as rien à lui apprendre. Tu n’es pas plus beau que lui. Pas plus malin. Ne crie pas. N’essaie pas de rentrer de force, à sec. C’est une mauvaise façon de faire l’amour. Si tu tiens à montrer tes organes génitaux en vers alors tu dois tenir tes promesses. Et rappelle toi que les gens ne veulent pas d’acrobate au lit. De quoi avons-nous besoin ? De rester au plus près de l’homme naturel, de la femme naturelle. Ne fais pas semblant d’être un chanteur adulé avec un public immense et fidèle qui a suivi les hauts et les bas de ta vie jusqu’à ce moment précis. Les bombes, les lance-flammes et toutes ces merdes ont détruit bien plus que des arbres et des villages. ils ont aussi détruit la scène. Est-ce que tu penses que ta profession allait échapper à la destruction générale ? La scène n’existe plus. Les feux de la rampe n’existent plus. Tu es au milieu des gens. alors sois modeste. Dis les mots, transmets l’information, retire-toi. Sois seul. Dans ta chambre. Ne te mets pas en avant. C’est un paysage intérieur. Ça se passe à l’intérieur. C’est privé. Respecte le caractère privé de ton matériau. Ces textes sont écrits dans le silence. Le courage de ce jeu est de les dire. La discipline du jeu est de ne pas les violer. Laisse le public ressentir ton amour de la solitude même si tu ne connais aucune solitude. Sois une bonne pute. Le poème n’est pas un slogan. Il ne peut pas faire ta pub. Il ne peut pas faire la promotion de ta sensibilité. Tu n’es pas un étalon. Tu n’es pas une femme fatale. Toutes ces conneries sur les petits chefs de l’amour… Tu es un étudiant en discipline. Ne joue pas les mots jusqu’au bout. Les mots meurent quand tu les joues jusqu’au bout, ils se flétrissent et il ne nous reste que notre ambition. Dis les mots avec la même précision que tu mettrais pour vérifier une liste de blanchisserie. Ne t’attendris pas sur le corsage en dentelle. Ne te mets pas à bander quand tu dis « petite culotte ». N’aie pas de frisson à cause d’une serviette de toilette. Les draps ne devraient pas faire naître d’expression rêveuse dans tes yeux. Inutile de pleurer dans le mouchoir. Les chaussettes ne sont pas là pour te rappeler des voyages étranges et lointains. Ce n’est que ton linge sale, ce ne sont que tes vêtements. Ne joue pas au voyeur. Mets-les, c’est tout. Le poème n’est qu’une information. C’est la constitution du pays intérieur. Si tu le déclames et si tu le gonfles avec de nobles intentions, alors tu ne vaux pas mieux que les politiciens que tu méprises. Tu es quelqu’un qui agite un drapeau et qui fait bassement appel à un patriotisme sentimental. Pense aux mots comme à une science pas comme un art. Ce sont des comptes rendus. Tu parles devant une assemblée du club des Explorateurs de la Société Géographique Nationale. Ce sont des gens qui connaissent les risques de l’escalade. Ils t’honorent de considérer ce que tu dis comme allant de soi. Si tu leur mets le nez dedans, ce sera une insulte à leur hospitalité. Parle-leur de la hauteur de la montagne, de l’équipement que tu as utilisé, sois précis à propos des surfaces et du temps qu’il t’a fallu pour les escalader. Ne cherche pas à provoquer dans le public des hoquets et des soupirs. Si tu en mérites, ils ne te viendront pas de ton évaluation mais de celle de ton public. Ce sera dans les statistiques. non dans les tremblements de la voix ou les effets de manche. Ce sera dans l’information et la tranquille organisation de ta présence. Evite les fioritures. N’aie pas peur d’être faible. N’aie pas honte d’être fatigué. Tu as une bonne tête quand tu es fatigué. On dirait que tu pourrais continuer comme ça indéfiniment. Maintenant viens dans mes bras. Tu es l’image de ma beauté.

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    Louis Aragon

    Louis Aragon

    @louisAragon

    L'affiche rouge Vous n'avez réclamé ni gloire ni les larmes Ni l'orgue ni la prière aux agonisants Onze ans déjà que cela passe vite onze ans Vous vous étiez servis simplement de vos armes La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants L'affiche qui semblait une tache de sang Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles Y cherchait un effet de peur sur les passants Nul ne semblait vous voir Français de préférence Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE Et les mornes matins en étaient différents Tout avait la couleur uniforme du givre À la fin février pour vos derniers moments Et c'est alors que l'un de vous dit calmement Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses Adieu la vie adieu la lumière et le vent Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses Quand tout sera fini plus tard en Erivan Un grand soleil d'hiver éclaire la colline Que la nature est belle et que le coeur me fend La justice viendra sur nos pas triomphants Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent Vingt et trois qui donnaient le coeur avant le temps Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant.

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    Louis Aragon

    Louis Aragon

    @louisAragon

    La rose et le réséda Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Tous deux adoraient la belle (*) Prisonnière des soldats Lequel montait à l'échelle Et lequel guettait en bas Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Qu'importe comment s'appelle Cette clarté sur leur pas Que l'un fut de la chapelle Et l'autre s'y dérobât Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Tous les deux étaient fidèles Des lèvres du coeur des bras Et tous les deux disaient qu'elle Vive et qui vivra verra Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Quand les blés sont sous la grêle Fou qui fait le délicat Fou qui songe à ses querelles Au coeur du commun combat Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Du haut de la citadelle La sentinelle tira Par deux fois et l'un chancelle L'autre tombe qui mourra Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Ils sont en prison Lequel À le plus triste grabat Lequel plus que l'autre gèle Lequel préfère les rats Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Un rebelle est un rebelle Deux sanglots font un seul glas Et quand vient l'aube cruelle Passent de vie à trépas Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Répétant le nom de celle Qu'aucun des deux ne trompa Et leur sang rouge ruisselle Même couleur même éclat Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Il coule il coule il se mêle À la terre qu'il aima Pour qu'à la saison nouvelle Mûrisse un raisin muscat Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas L'un court et l'autre a des ailes De Bretagne ou du Jura Et framboise ou mirabelle Le grillon rechantera Dites flûte ou violoncelle Le double amour qui brûla L'alouette et l'hirondelle La rose et le réséda. * La France.

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    Léopold Sédar Senghor

    Léopold Sédar Senghor

    @leopoldSedarSenghor

    Cher frère blanc Quand je suis né, j'étais noir, Quand j'ai grandi, j'étais noir, Quand je suis au soleil, je suis noir, Quand je suis malade, je suis noir, Quand je mourrai, je serai noir. Tandis que toi, homme blanc, Quand tu es né, tu étais rose, Quand tu as grandi, tu étais blanc, Quand tu vas au soleil, tu es rouge, Quand tu as froid, tu es bleu, Quand tu as peur, tu es vert, Quand tu es malade, tu es jaune, Quand tu mourras, tu seras gris. Alors, de nous deux, Qui est l'homme de couleur?

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    Léopold Sédar Senghor

    Léopold Sédar Senghor

    @leopoldSedarSenghor

    Poème à mon frère blanc Cher frère blanc, Quand je suis né, j’étais noir, Quand j’ai grandi, j’étais noir, Quand je suis au soleil, je suis noir, Quand je suis malade, je suis noir, Quand je mourrai, je serai noir.

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    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    L'esclave et l'oiseau Ouvre ton aile au vent, mon beau ramier sauvage, Laisse à mes doigts brisés ton anneau d'esclavage ! Tu n'as que trop pleuré ton élément, l'amour ; Sois heureux comme lui : sauve-toi sans retour ! Que tu montes la nue, ou que tu rases l'onde, Souviens-toi de l'esclave en traversant le monde : L'esclave t'affranchit pour te rendre à l'amour ; Quitte-moi comme lui : sauve-toi sans retour ! Va retrouver dans l'air la volupté de vivre ! Va boire les baisers de Dieu, qui te délivre ! Ruisselant de soleil et plongé dans l'amour, Va-t’en ! Va-t’en ! Va-t’en ! Sauve-toi sans retour ! Moi, je garde l'anneau ; je suis l'oiseau sans ailes. Les tiennes vont aux cieux ; mon âme est devant elles. Va ! Je les sentirai frissonner dans l'amour ! Mon ramier, sois béni ! Sauve-toi sans retour ! Va demander pardon pour les faiseurs de chaînes ; En fuyant les bourreaux, laisse tomber les haines. Va plus haut que la mort, emporté dans l'amour ; Sois clément comme lui... sauve-toi sans retour !

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    Marianne Cohn

    @marianneCohn

    Je trahirai demain Je trahirai demain pas aujourd’hui. Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles, Je ne trahirai pas. Vous ne savez pas le bout de mon courage. Moi je sais. Vous êtes cinq mains dures avec des bagues. Vous avez aux pieds des chaussures Avec des clous. Je trahirai demain, pas aujourd’hui, Demain. Il me faut la nuit pour me résoudre, Il ne faut pas moins d’une nuit Pour renier, pour abjurer, pour trahir. Pour renier mes amis, Pour abjurer le pain et le vin, Pour trahir la vie, Pour mourir. Je trahirai demain, pas aujourd’hui. La lime est sous le carreau, La lime n’est pas pour le barreau, La lime n’est pas pour le bourreau, La lime est pour mon poignet. Aujourd’hui je n’ai rien à dire, Je trahirai demain.

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    M

    Martin

    @martin

    Couplets de la rue Saint Je n’aime plus la rue Saint-Martin Depuis qu’André Platard l’a quittée. Je n’aime plus la rue Saint-Martin, Je n’aime rien, pas même le vin. Je n’aime plus la rue Saint-Martin Depuis qu’André Platard l’a quittée. C’est mon ami, c’est mon copain. Nous partagions la chambre et le pain. Je n’aime plus la rue Saint-Martin.

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    Maurice Rollinat

    @mauriceRollinat

    La buveuse d’absinthe Elle était toujours enceinte, Et puis elle avait un air… Pauvre buveuse d’absinthe ! Elle vivait dans la crainte De son ignoble partner : Elle était toujours enceinte. Par les nuits où le ciel suinte, Elle couchait en plein air. Pauvre buveuse d’absinthe ! Ceux que la débauche éreinte La lorgnaient d’un œil amer : Elle était toujours enceinte ! Dans Paris, ce labyrinthe Immense comme la mer, Pauvre buveuse d’absinthe, Elle allait, prunelle éteinte, Rampant aux murs comme un ver… Elle était toujours enceinte ! Oh ! cette jupe déteinte Qui se bombait chaque hiver ! Pauvre buveuse d’absinthe !

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    M

    Maurice Rollinat

    @mauriceRollinat

    Trois ivrognes Au cabaret, un jour de grand marché forain, Un bel ivrogne, pâle, aux longs cheveux d'artiste, Dans le délire ardent de son esprit chagrin, Ainsi parla, debout, d'une voix âpre et triste : « R'bouteux, louv'tier, batteur d'étangs et de rivière, Menuisier, Avec tous ces états j'réussis qu'une affaire : M'ennuyer ! Arrangez ça ! d'un' part, j'vois q'doutance et tromp'rie ; D'l'aut' côté, J'trouv' le mensong' trop l'mêm', l'existenc' trop pourrie D'vérité. Oui ! j'cherche tant l'dessous de c'que j'touche, de c'que j'rêve Inqu'et d'tout, Que j'suis noir, idéal, mélancoliq' sans trêve, Et partout. Donc, quand ça m'prend trop fort, j'sors du bois, j'quitt' la berge, L'établi, Et, c'est plus fort que moi, ya pas ! j'rentre à l'auberge Boir' l'oubli. C'est des fameus' sorcièr', allez ! les liqueurs fortes Cont' les r'mords, Cont' soi-mêm', cont' les autr', cont' la poursuit' des mortes Et des morts ! Je m'change, à forc' de t'ter le lait rouge des treilles, L'horizon ! Vive la vign' pour brûler dans l'sang chaud des bouteilles La raison ! Étant saoul, j'os' me fier à la femm', c't'infidèle Qui nous ment, R'garder la tombe avec mes yeux d'personn' mortelle, Tranquill'ment. J'imagin' que la vie éternellement dure, Et qu'enfin, La misèr' d'ici-bas n'connaît plus la froidure Ni la faim. J'crois qu'i' n'ya plus d'méchants, plus d'avar', plus d'faussaires, Et j'suis sûr Q'l'épouse est innocent', l'ami vrai, l'homm' sincère, L'enfant pur. Terre et cieux qui, malgré tout c'que l'rêve en arrache, Rest' discrets, M'découvr' leurs vérités, m'crèv' les yeux de c'qu'i'cachent De secrets. Allons, ris ma pensée! Esprit chant' ! sois en joie Cœur amer ! Que l'bon oubli d'moi-mêm' mont', me berce et me noie Comm' la mer ! Plus d'bail avec l'ennui ! j'ai l'âm' désabonnée Du malheur, Et, dépouillé d'mon sort, j'crache à la destinée Ma douleur. T'nez ! l'paradis perdu dans la boisson j'le r'trouve : Donc, adieu Mon corps d'homm' ! C'est dans l'être un infini q'j'éprouve : Je suis Dieu ! » Deux vieux buveurs, alors, deux anciens des hameaux Sourient, et, goguenards, ils échangent ces mots : « C'citoyen-là ? j'sais pas, pourtant, j'te fais l'pari Q'c'est queq' faux campagnard, queq' échappé d'Paris. I'caus' savant comm' les monsieurs, Ça dépend ! p'têt' ben encor mieux ; Mais, tout ça c'est chimèr', tournures, Qui n'ent' pas dans nos comprenures. I'dit c't'homm' maigr', chev'lu comme un christ de calvaire, Qu'à jeun i' r'gard' la vie en d'sous, Mais qu'i' sait les s'crets des mystères Et d'vient l'bon Dieu quand il est saoul... Alors, dans c'moment-là qu'i' s'rait l'maîtr'de c'qu'i' veut, Q'pour lui changer l'tout s'rait qu'un jeu, Pourquoi qu'à son idée i' r'fait donc pas la terre ? M'sembl' qu'i' déclare aussi q'venant d'boire un bon coup I'croit qu'ya plus d'cornards, plus d'canaill', plus d'misère, Moi ! j'vois pas tout ça dans mon verre. I'dit qu'à s'enivrer i' s'quitte et qu'il oublie C'qu'il était : c'est qu'i' boit jusqu'à s'mettre en folie. Moi, j'sais ben qu'à chaqu'fois je r'trouv' dans la boisson Ma personn' dans sa mêm' façon, Sauf que les jamb' sont pas si libres Et que l'ballant du corps est moins ferm' d'équilibre, Tandis qu'à lui, son mal qu'i' croit si bien perdu Va s'r'installer plus creux, un' fois l'calme r'venu, Dans sa vieille env'lopp' d'âm' toujou sa même hôtesse. C'est ses lend'mains d'boisson qui lui font tant d'tristesse. » « J'suis d'ton avis. L'vin m'donn' plus d'langue et plus d'entrain, Sur ma route i' m'fait dérailler un brin, Avec ma vieill', des fois, rend ma bigead' plus tendre... Mais dam' ! quand ya d'l'abus, quoi que c't'homm' puiss' prétendre, La machine à gaieté d'vient machine à chagrin. Le vin, c'est comm' la f'melle : i' n'faut pas trop en prendre ! »

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    Max Jacob

    Max Jacob

    @maxJacob

    Angoisses et autres J'ai peur que tu ne t'offenses lorsque je mets en balance dans mon cœur et dans mes œuvres ton amour dont je me prive et l'autre amour dont je meurs Qu'écriras-tu en ces vers ou bien Dieu que tu déranges Dieu les prêtres et les anges ou bien tes amours d'enfer et leurs agonies gourmandes Justes rochers vieux molochs je pars je reviens j'approche de mon accessible mal mes amours sont dans ma poche je vais pleurer dans une barque Sur les remparts d'Édimbourg tant de douleur se marie ce soir avec tant d'amour que ton cheval Poésie en porte une voile noire

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    Paul Éluard

    Paul Éluard

    @paulEluard

    L'avis La nuit qui précéda sa mort Fut la plus courte de sa vie L'idée qu'il existait encore Lui brûlait le sang aux poignets Le poids de son corps l'écoeurait Sa force le faisait gémir C'est tout au fond de cette horreur Qu'il a commencé à sourire Il n'avait pas UN camarade Mais des millions et des millions Pour le venger il le savait Et le jour se leva pour lui.

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    Paul Verlaine

    Paul Verlaine

    @paulVerlaine

    Balanide II Gland point suprême de l’être De mon maître, De mon amant adoré Qu’accueille avec joie et crainte, Ton étreinte Mon heureux cul, perforé

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    Paul Verlaine

    Paul Verlaine

    @paulVerlaine

    Mille et tre Mes amants n’appartiennent pas aux classes riches : Ce sont des ouvriers faubouriens ou ruraux, Leur quinze et leurs vingt ans sans apprêts sont mal chiches De force assez brutale et de procédés gros. Je les goûte en habits de travail, cotte et veste ; Ils ne sentent pas l’ambre et fleurent de santé Pure et simple ; leur marche un peu lourde, va preste Pourtant, car jeune, et grave en élasticité ; Leurs yeux francs et matois crépitent de malice Cordiale et des mots naïvement rusés Partent non sans un gai juron qui les épice De leur bouche bien fraîche aux solides baisers ; Leur pine vigoureuse et leurs fesses joyeuses Réjouissent la nuit et ma queue et mon cu ; Sous la lampe et le petit jour, leurs chairs joyeuses Ressuscitent mon désir las, jamais vaincu. Cuisses, âmes, mains, tout mon être pêle-mêle, Mémoire, pieds, cœurs, dos et l’oreille et le nez Et la fressure, tout gueule une ritournelle, Et trépigne un chahut dans leurs bras forcenés. Un chahut, une ritournelle fol et folle Et plutôt divins qu’infernals, plus infernals Que divins, à m’y perdre, et j’y nage et j’y vole, Dans leur sueur et leur haleine, dans ces bals. Mes deux Charles l’un jeune tigre aux yeux de chattes Sorte d’enfant de chœur grandissant en soudard, L’autre, fier gaillard, bel effronté que n’épate Que ma pente vertigineuse vers son dard. Odilon, un gamin, mais monté comme un homme Ses pieds aiment les miens épris de ses orteils Mieux encore mais pas plus que son reste en somme Adorable drûment, mais ses pieds sans pareils !

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    Paul Verlaine

    Paul Verlaine

    @paulVerlaine

    Ô ne blasphème pas Ô ne blasphème pas, poète, et souviens-toi. Certes la femme est bien, elle vaut qu’on la baise, Son cul lui fait honneur, encor qu’un brin obèse Et je l’ai savouré maintes fois, quant à moi. Ce cul (et les tétons) quel nid à nos caresses ! Je l’embrasse à genoux et lèche son pertuis Tandis que mes doigts vont fouillant dans l’autre puits Et les beaux seins, combien cochonnes leurs paresses !

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    Paul Éluard

    Paul Éluard

    @paulEluard

    Couvre-feu Que voulez-vous la porte était gardée Que voulez-vous nous étions enfermés Que voulez-vous la rue était barrée Que voulez-vous la ville était matée Que voulez-vous elle était affamée Que voulez-vous nous étions désarmés Que voulez-vous la nuit était tombée Que voulez-vous nous nous sommes aimés.

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    Paul Éluard

    Paul Éluard

    @paulEluard

    Gabriel Péri Un homme est mort qui n’avait pour défense Que ses bras ouverts à la vie Un homme est mort qui n’avait d’autre route Que celle où l’on hait les fusils Un homme est mort qui continue la lutte Contre la mort contre l’oubli Car tout ce qu’il voulait Nous le voulions aussi Nous le voulons aujourd’hui Que le bonheur soit la lumière Au fond des yeux au fond du cœur Et la justice sur la terre Il y a des mots qui font vivre Et ce sont des mots innocents Le mot chaleur le mot confiance Amour justice et le mot liberté Le mot enfant et le mot gentillesse Et certains noms de fleurs et certains noms de fruits Le mot courage et le mot découvrir Et le mot frère et le mot camarade Et certains noms de pays de villages Et certains noms de femmes et d’amies Ajoutons-y Péri Péri est mort pour ce qui nous fait vivre Tutoyons-le sa poitrine est trouée Mais grâce à lui nous nous connaissons mieux Tutoyons-nous son espoir est vivant.

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