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Lieux

190 poésies en cours de vérification
Lieux

Poésies de la collection lieux

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    Elie Ayache

    @elieAyache

    Coeur de ville Ils s’abreuvent à l’eau des Fontaines Wallace Ils s’abritent à l’ombre des Colonnes Morris Arpentant les artères de Paris La même litanie en guise de plaidoirie Sollicitant la semaine et le dimanche Les passants par des effets de manches La mère mine triste portant son enfant L’unijambiste véloce, l’aveugle clairvoyant Les automobilistes assistent au triste spectacle De la résurgence de la cour des miracles Accordéonistes, flûtistes, guitaristes et chanteurs, Accompagnent mon voyage station Sacré-Cœur Le Métro parisien, rames et couloirs Music-hall sous terrain du désespoir Lits éphémères en carton de livraison Présents à toutes heures et en toutes saisons Seuls ou en compagnie d’autres infortunes Chien et chats en bonne place au clair de lune L’alcool souvent comme remède commun Pour y puiser le courage de tendre la main Terre d’indifférence, le message est clair Un litron de vin telle une bouteille à la mer Ils s’abreuvent à l’eau des Fontaines Wallace Ils s’abritent à l’ombre des Colonnes Morris

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    E

    Elodie Santos

    @elodieSantos

    Dans un coin de ma ville Dans un coin de ma ville sont posés 4 géants un peu comme un milieu, une île, une fontaine aux éléphants Dans un coin de ma ville on entend carillonner souvent, alors on cherche asile pour apprécier le temps Dans un coin de ma ville est une grande place allongée ou les gens marchent, badinent Hiver, été, le coeur léger Dans un coin de ma ville coin qui n’existe pas encore j’aime à l’imaginer fragile et doux comme un trésor

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    E

    Elodie Santos

    @elodieSantos

    J’étais ce jour de pluie La paille était bien belle et jaune comme l’été au dessus, une pelle qui n’avait pas creusé J’étais toute à l’abri sous ce toit de campagne et regardais la pluie tomber du ciel d’Espagne Allongée sur ce banc de bois, terre de Sienne je m’en allais rêvant j’étais une italienne Mes cheveux étaient noir mon corps pur comme l’eau mes pieds posés sur l’or et mes yeux un ruisseau J’étais ce jour de pluie comme je ne serai jamais plus

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    E

    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Le salon La poussière s’étend sur tout le mobilier, Les miroirs de Venise ont défleuri leur charme; Il y rôde comme un très vieux parfum de Parme, La funèbre douceur d’un sachet familier. Plus jamais ne résonne à travers le silence Le chant du piano dans les rythmes berceurs, Mendelssohn et Mozart, mariant leurs douceurs, Ne s’entendent qu’en rêve aux soirs de somnolence. Mais le poète, errant sous son massif ennui, Ouvrant chaque fenêtre aux clartés de la nuit, Et se crispant les mains, hagard et solitaire, Imagine soudain, hanté par des remords, Un grand bal solennel tournant dans le mystère, Où ses yeux ont cru voir danser les parents morts.

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    L’étable Et pleine d’un bétail magnifique, l’étable, A main gauche, près des fumiers étagés haut, Volets fermés, dormait d’un pesant sommeil chaud, Sous les rayons serrés d’un soleil irritable. Dans la moite chaleur de la ferme au repos, Dans la vapeur montant des fumantes litières, Les boeufs dressaient le roc de leurs croupes altières Et les vaches beuglaient très doux, les yeux mi-clos. Midi sonnant, les gars nombreux curaient les auges Et les comblaient de foins, de lavandes, de sauges, Que les bêtes broyaient d’un lourd mâchonnement ; Tandis que les doigts gourds et durcis des servantes Étiraient longuement les mamelles pendantes Et grappillaient les pis tendus, canaillement.

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    La crypte Égarons-nous, mon âme, en ces cryptes funestes, Où la douleur, par des crimes, se définit, Où chaque dalle, au long du mur, atteste Qu’un meurtre noir, à toute éternité, Est broyé là, sous du granit. Des pleurs y tombent sur les morts ; Des pleurs sur des corps morts Et leurs remords, Y tombent ; Des coeurs ensanglantés d’amour Se sont jadis aimés, Se sont tués, quoique s’aimant toujours, Et s’entendent, les nuits, et s’entendent, les jours, Se taire ou s’appeler, parmi ces tombes. Le vent qui passe et que l’ombre y respire, Est moite et lourd et vieux de souvenirs ; On l’écoute, le soir, l’haleine suspendue ; Et l’on surprend des effluves voler Et s’attirer et se frôler. Oh ! ces caves de marbre en sculpture tordues. La vie, au-delà de la mort encor vivante, La vie approfondie en épouvante, Perdure là, si fort, Qu’on croit sentir, dans les murailles, Avec de surhumains efforts, Battre et s’exalter encor Tous ces coeurs fous, tous ces coeurs morts, Qui ont vaincu leurs funérailles. Reposent là des maîtresses de rois Dont le caprice et le délire Ont fait se battre des empires ; Des conquérants, dont les glaives d’effroi Se brisèrent, entre des doigts de femme ; Des poètes fervents et clairs De leur ivresse et de leur flamme, Qui périrent, en chantant l’air Triste ou joyeux qu’aimait leur dame. Voici les ravageurs et les ardents Dont le baiser masquait le coup de dents ; Les fous dont le vertige aimait l’abîme Qui dépeçaient l’amour en y taillant un crime ; Les violents et les vaincus du sort Ivres de l’inconnu que leur offrait la mort ; Enfin, les princesses, les reines, Mortes – depuis quels temps et sur quels échafauds ? – Quand le peuple portait des morts, comme drapeaux, Devant ses pas rués vers la conquête humaine. Égarons-nous, mon âme, en ces cryptes de deuil, Où, sous chaque tombeau, où, dans chaque linceul, On écoute les morts si terriblement vivre. Leur désespoir superbe et leur douleur enivrent, Car, au-delà de l’agonie, ils ont planté Si fortement et si tragiquement leur volonté Que leur poussière encore est pleine Des ferments clairs de leur amour et de leur haine. Leurs passions, bien qu’aujourd’hui sans voix, S’entremordent, comme autrefois, Plus féroces depuis qu’elles se sentent Libres, dans ce palais de la clarté absente. Regard d’orgueil, regard de proie, Fondent l’un sur l’autre, sans qu’on les voie, Pour se percer et s’abîmer, en des ténèbres. Autour des vieux granits et des pierres célèbres, Parfois, un remuement de pas guerriers s’entend Et tel héros debout dans son orgueil, attend Que, sur son socle orné de combats rouges, Soudain le bronze et l’or de la bataille bougent. Tout drame y vit, les yeux hagards, le poing fermé, Et traîne, à ses côtés, le désespoir armé ; L’envie et le soupçon aux carrefours s’abouchent ; Des mots sont étouffés, par des mains, sur des bouches ; Des bras se nouent et se dénouent, ardents et las ; Dans l’ombre, on croirait voir luire un assassinat ; Mille désirs qui se lèvent et qui avortent, D’un large élan vaincu, battent toujours les portes ; L’intermittent reflet de vieux flambeaux d’airain Passe, le long des murs, en gestes surhumains ; On sent, autour de soi, les passions bandées, Sur l’arc silencieux des plus sombres idées ; Tout est muet et tout est haletant ; La nuit, la fièvre encore augmente et l’on entend Un bruit pesant sortir de terre Et se rompre les plombs et se fendre les bières ! Oh, cette vie aiguë et toute en profondeur, Si ténébreuse et si trouble, qu’elle fait peur ! Cette vie âpre, où les luttes s’accroissent A force de volonté, Jusqu’à donner l’éternité Pour mesure à son angoisse, Mon coeur, sens-tu, comme elle est effrénée En son spasme suprême et sa ferveur damnée ? Soit par pitié, soit parce qu’elle Concentre, en son ardeur, toute l’âme rebelle, Incline-toi, vers son mystère et sa terreur, Ô toi, qui veux la vie à travers tout, mon coeur ! Pèse sa crainte et suppute ses rages Et son entêtement, en ces conflits d’orages, Toujours exaspéré, jusqu’au suprême effort ; Sens les afflux de joie et les reflux de peine Passer, dans l’atmosphère, et enfiévrer la mort ; Songe à tous tes amours, songe à toutes tes haines, Et plonge-toi, sauvage et outrancier, Comme un rouge faisceau de lances, En ce terrible et fourmillant brasier De violence et de silence.

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    La cuisine Au fond, la crémaillère avait son croc pendu, Le foyer scintillait comme une rouge flaque, Et ses flammes, mordant incessamment la plaque, Y rongeaient un sujet obscène en fer fondu. Le feu s’éjouissait sous le manteau tendu Sur lui, comme l’auvent par-dessus la baraque, Dont les bibelots clairs, de bois, d’étain, de laque, Crépitaient moins aux yeux que le brasier tordu. Les rayons s’échappaient comme un jet d’émeraudes, Et, ci et là, partout, donnaient des chiquenaudes De clarté vive aux brocs de verre, aux plats d’émail, A voir sur tout relief tomber une étincelle, On eût dit – tant le feu s’émiettait par parcelle – Qu’on vannait du soleil à travers un vitrail.

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    La ferme A voir la ferme au loin monter avec ses toits, Monter, avec sa tour et ses meules en dômes Et ses greniers coiffés de tuiles et de chaumes, Avec ses pignons blancs coupés par angles droits ; A voir la ferme au loin monter dans les verdures, Reluire et s’étaler dans la splendeur des Mais, Quand l’été la chauffait de ses feux rallumés Et que les hêtres bruns l’éventaient de ramures : Si grande semblait-elle, avec ses rangs de fours, Ses granges, ses hangars, ses étables, ses cours, Ses poternes de vieux clous noirs bariolées, Son verger luisant d’herbe et grand comme un chantier, Sa masse se carrant au bout de trois allées, Qu’on eût dit le hameau tassé là, tout entier.

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    La kermesse Avec colère, avec détresse, Avec ses refrains de quadrilles, Qui sautèlent sur leurs béquilles, L’orgue canaille et lourd, Au fond du bourg, Moud la kermesse. Quelques étals, au coin des bornes, Et quelques vieilles gens, Au seuil d’un portail morne. Et quelques couples seuls qui se hasardent, Les gars braillards et les filles hagardes, Alors qu’au cimetière deux corbeaux, Sur les tombeaux, Regardent. Avec colère, avec détresse, avec blasphème, Mais, vers la fête Quand même, L’orgue s’entête. Sa musique de tintamarres Se casse, en des bagarres De cuivre vert et de fer blanc, Et crie et grince dans le vide, Obstinément, Sa note acide. Sur la place, l’église, Sous le cercueil de ses grands toits Et les linceuls de ses murs droits, Tait les reproches Solennels de ses cloches ; Un charlatan, sur un tréteau, Pantalon rouge et vert manteau, Vend à grands cris la vie ; Puis échange, contre des sous, Son remède pour loups garous Et l’histoire de point en point suivie, Sur sa pancarte, D’un bossu noir qu’il délivra de fièvre quarte. Et l’orgue rage Son quadrille sauvage. Et personne, des hameaux proches, N’est accouru ; Vides les étables — vides les poches, Et rien que la mort et la faim Dont se peuple l’armoire à pain ; Dans la misère qui les soude On sent que les hameaux se boudent, Qu’entre filles et gars d’amour La pauvreté découd les alliances Et que les jours suivant les jours Chacun des bourgs Fait son silence avec ses défiances. L’orgue grinçant et faux, Dans son armoire D’architecture ostentatoire, Criaille un bruit de faux Et de cisailles. Dans la salle de plâtre cru, Où ses cris tors et discors, dru, Contre des murs de lattes Éclatent, Des colonnes de verre et de jouants bâtons — Clinquant et or — tournent sur son fronton ; Et les concassants bruits des cors et des trompettes Et les fifres, tels des forets, Cinglent et trouent le cabaret De leurs tempêtes Et vont là-bas Contre un pignon, avec fracas, Broyer l’écho de la grand’rue. Et l’orgue avec sa rage S’ameute une dernière fois et rue Des quatre fers de son tapage Jusqu’aux lointains des champs, Jusqu’aux routes, jusqu’aux étangs, Jusqu’aux jachères de méteil, Jusqu’au soleil ; Et seuls dansent aux carrefours, Jupons gonflés et sabots lourds, Deux pauvres fous avec deux folles.

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    La ville Tous les chemins vont vers la ville. Du fond des brumes, Là-bas, avec tous ses étages Et ses grands escaliers et leurs voyages Jusques au ciel, vers de plus hauts étages, Comme d’un rêve, elle s’exhume. Là-bas, Ce sont des ponts tressés en fer Jetés, par bonds, à travers l’air; Ce sont des blocs et des colonnes Que dominent des faces de gorgones; Ce sont des tours sur des faubourgs, Ce sont des toits et des pignons, En vols pliés, sur les maisons; C’est la ville tentaculaire, Debout, Au bout des plaines et des domaines. Des clartés rouges Qui bougent Sur des poteaux et des grands mâts, Même à midi, brûlent encor Comme des œufs monstrueux d’or, Le soleil clair ne se voit pas: Bouche qu’il est de lumière, fermée Par le charbon et la fumée, Un fleuve de naphte et de poix Bat les môles de pierre et les pontons de bois; Les sifflets crus des navires qui passent Hurlent la peur dans le brouillard: Un fanal vert est leur regard Vers l’océan et les espaces. Des quais sonnent aux entrechocs de leurs fourgons, Des tombereaux grincent comme des gonds, Des balances de fer font choir des cubes d’ombre Et les glissent soudain en des sous-sols de feu; Des ponts s’ouvrant par le milieu, Entre les mâts touffus dressent un gibet sombre Et des lettres de cuivre inscrivent l’univers, Immensément, par à travers Les toits, les corniches et les murailles, Face à face, comme en bataille. Par au-dessus, passent les cabs, filent les roues, Roulent les trains, vole l’effort, Jusqu’aux gares, dressant, telles des proues Immobiles, de mille en mille, un fronton d’or. Les rails ramifiés rampent sous terre En des tunnels et des cratères Pour reparaître en réseaux clairs d’éclairs Dans le vacarme et la poussière. C’est la ville tentaculaire. La rue – et ses remous comme des câbles Noués autour des monuments – Fuit et revient en longs enlacements; Et ses foules inextricables Les mains folles, les pas fiévreux, La haine aux yeux, Happent des dents le temps qui les devance. A l’aube, au soir, la nuit, Dans le tumulte et la querelle, ou dans l’ennui, Elles jettent vers le hasard l’âpre semence De leur labeur que l’heure emporte. Et les comptoirs mornes et noirs Et les bureaux louches et faux Et les banques battent des portes Aux coups de vent de leur démence. Dehors, une lumière ouatée, Trouble et rouge, comme un haillon qui brûle, De réverbère en réverbère se recule. La vie, avec des flots d’alcool est fermentée. Les bars ouvrent sur les trottoirs Leurs tabernacles de miroirs Où se mirent l’ivresse et la bataille; Une aveugle s’appuie à la muraille Et vend de la lumière, en des boîtes d’un sou; La débauche et la faim s’accouplent en leur trou Et le choc noir des détresses charnelles Danse et bondit à mort dans les ruelles. Et coup sur coup, le rut grandit encore Et la rage devient tempête: On s’écrase sans plus se voir, en quête Du plaisir d’or et de phosphore; Des femmes s’avancent, pâles idoles, Avec, en leurs cheveux, les sexuels symboles. L’atmosphère fuligineuse et rousse Parfois loin du soleil recule et se retrousse Et c’est alors comme un grand cri jeté Du tumulte total vers la clarté: Places, hôtels, maisons, marchés, Ronflent et s’enflamment si fort de violence Que les mourants cherchent en vain le moment de silence Qu’il faut aux yeux pour se fermer. Telle, le jour – pourtant, lorsque les soirs Sculptent le firmament, de leurs marteaux d’ébène, La ville au loin s’étale et domine la plaine Comme un nocturne et colossal espoir; Elle surgit: désir, splendeur, hantise; Sa clarté se projette en lueurs jusqu’aux cieux, Son gaz myriadaire en buissons d’or s’attise, Ses rails sont des chemins audacieux Vers le bonheur fallacieux Que la fortune et la force accompagnent; Ses murs se dessinent pareils à une armée Et ce qui vient d’elle encore de brume et de fumée Arrive en appels clairs vers les campagnes. C’est la ville tentaculaire, La pieuvre ardente et l’ossuaire Et la carcasse solennelle. Et les chemins d’ici s’en vont à l’infini Vers elle.

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    Le bazar C’est un bazar, au bout des faubourgs rouges : Étalages bondés, éventaires ventrus. Tumulte et cris brandis, gestes bourrus et crus, Et lettres d’or, qui soudain bougent, En torsades, sur la façade. Chaque matin, on vend, en ce bazar, Parmi les épices, les fards Et les drogues omnipotentes, À bon marché, pour quelques sous, Les diamants dissous De la rosée immense et éclatante. Le soir, à prix numéroté, Avec le désir noir de trafiquer de la pureté, On y brocante le soleil Que toutes les vagues de la mer claire Lavent, entre leurs doigts vermeils, Aux horizons auréolaires. C’est un bazar, avec des murs géants Et des balcons et des sous-sols béants Et des tympans montés sur des corniches Et des drapeaux et des affiches, Où deux clowns noirs plument un ange. À travers boue, à travers fange, Roulent, la nuit vers le bazar, Les chars, les camions et les fardiers, Qui s’en reviennent des usines Voisines, Des cimetières et des charniers, Avec un tel poids noir de cargaisons, Que le sol bouge et les maisons. On met au clair à certains jours, En de vaines et frivoles boutiques, Ce que l’humanité des temps antiques Croyait divinement être l’amour ; Aussi les Dieux et leur beauté Et l’effrayant aspect de leur éternité Et leurs yeux d’or et leurs mythes et leurs emblèmes Et des livres qui les blasphèment. Toutes ardeurs, tous souvenirs, toutes prières Sont là, sur des étals, et s’empoussièrent. Des mots qui renfermaient l’âme du monde Et que les prêtres seuls disaient au nom de tous, Sont charriés et ballottés, dans la faconde Des camelots et des voyous. L’immensité se serre en des armoires Dérisoires et rayonne de plaies Et le sens même de la gloire Se définit par des monnaies. Lettres jusques au ciel, lettres en or qui bouge, C’est un bazar au bout des faubourgs rouges ! La foule et ses flots noirs S’y bouscule près des comptoirs ; La foule et ses désirs multipliés, Par centaines et par milliers, Y tourne, y monte, au long des escaliers, Et s’érige folle et sauvage, En spirale, vers les étages. Là haut, c’est la pensée Immortelle, mais convulsée, Avec ses triomphes et ses surprises, Qu’à la hâte on expertise. Tous ceux dont le cerveau S’enflamme aux feux des problèmes nouveaux, Tous les chercheurs qui se fixent pour cible Le front d’airain de l’impossible Et le cassent, pour que les découvertes S’en échappent, ailes ouvertes, Sont là gauches, fiévreux, distraits, Dupes des gens qui les renient Mais utilisent leur génie, Et font argent de leurs secrets. Oh ! les Edens, là-bas, au bout du monde, Avec des arbres purs à leurs sommets, Que ces voyants des lois profondes Ont exploré pour à jamais, Sans se douter qu’ils sont les Dieux. Oh ! leur ardeur à recréer la vie, Selon la foi qu’ils ont en eux Et la douceur et la bonté de leurs grands yeux, Quand, revenus de l’inconnu Vers les hommes, d’où ils s’érigent, On leur vole ce qui leur reste aux mains De vérité conquise et de destin. C’est un bazar tout en vertiges Que bat, continûment, la foule, avec ses houles Et ses vagues d’argent et d’or ; C’est un bazar tout en décors, Avec des tours de feux et des lumières, Si large et haut que, dans la nuit, Il apparaît la bête éclatante de bruit Qui monte épouvanter le silence stellaire.

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    Le port Toute la mer va vers la ville ! Son port est innombrable et sinistre de croix, Vergues transversales barrant les grands mâts droits. Son port est pluvieux de suie à travers brumes, Où le soleil comme un œil rouge et colossal larmoie. Son port est ameuté de steamers noirs qui fument Et mugissent, au fond du soir, sans qu’on les voie. Son port est fourmillant et musculeux de bras Perdus en un fouillis dédalien d’amarres. Son port est concassé de chocs et de fracas Et de marteaux tonnant dans l’air leurs tintamarres. Toute la mer va vers la ville ! Les flots qui voyagent comme les vents, Les flots légers, les flots vivants, Pour que la ville en feu l’absorbe et le respire Lui rapportent le monde en des navires. Les orients et les midis tanguent vers elle Et les Nords blancs et la folie universelle Et tous nombres dont le désir prévoit la somme. Et tout ce qui s’invente et tout ce que les hommes Tirent de leurs cerveaux puissants et volcaniques Tend vers elle, cingle vers elle et vers ses luttes : Elle est la ville en rut des humaines disputes, Elle est la ville au clair des richesses uniques Et les marins naïfs peignent son caducée Sur leur peau rousse et crevassée, À l’heure où l’ombre emplit les soirs océaniques. Toute la mer va vers la ville ! Ô les Babels enfin réalisées ! Et les peuples fondus et la cité commune ; Et les langues se dissolvant en une ; Et la ville comme une main, les doigs ouverts. Se refermant sur l’univers. Dites, les docks bondés jusques au faîte ! Et la montagne, et le désert, et les forêts, Et leurs siècles captés comme en des rets ; Dites, leurs blocs d’éternité : marbres et bois, Que l’on achète, Et que l’on vend au poids, Et puis, dites ! les morts, les morts, les morts Qu’il a fallu pour ces conquêtes. Toute la mer va vers la ville ! La mer soudaine, ardente et libre, Qui tient la terre en équilibre ; La mer que domine la loi des multitudes, La mer où les courants tracent les certitudes ; La mer et ses vagues coalisées, Comme un désir multiple et fou, Qui renversent des rocs depuis mille ans debout Et retombent et s’effacent, égalisées ; La mer dont chaque lame ébauche une tendresse Ou voile une fureur, la mer plane ou sauvage, La mer qui inquiète et angoisse et oppresse De l’ivresse de son image. Toute la mer va vers la ville ! Son port est flamboyant et tourmenté de feux Qui éclairent de hauts leviers silencieux. Son port est hérissé de tours dont les murs sonnent D’un bruit souterrain d’eau qui s’enfle et ronfle en elles. Son port est lourd de blocs taillés, où des gorgones Dardent les réseaux noirs des vipères mortelles. Son port est fabuleux de déesses sculptées À l’avant des vaisseaux dont les mâts d’or s’exaltent. Son port est solennel de tempêtes domptées En des havres d’airain de marbre et de basalte.

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    Les cathédrales Au fond du choeur monumental, D’où leur splendeur s’érige – Or, argent, diamant, cristal – Lourds de siècles et de prestiges, Pendant les vêpres, quand les soirs Aux longues prières invitent, Ils s’imposent, les ostensoirs, Dont les fixes joyaux méditent. Ils conservent, ornés de feu, Pour l’universelle amnistie, Le baiser blanc du dernier Dieu, Tombé sur terre en une hostie. Et l’église, comme un palais de marbres noirs, Où des châsses d’argent et d’ombre Ouvrent leurs yeux de joyaux sombres, Par l’élan clair de ses colonnes exulte Et dresse avec ses arcs et ses voussoirs Jusqu’au faîte, l’éternité du culte. Dans un encadrement de grands cierges qui pleurent, A travers temps et jours et heures, Les ostensoirs Sont le seul coeur de la croyance Qui luise encor, cristal et or, Dans les villes de la démence. Le bourdon sonne et sonne, A grand battant tannant, De larges glas qui sont les râles Et les sursauts des cathédrales. Et les foules qui tiennent droits, Pour refléter le ciel, les miroirs de leur foi, Réunissent, à ces appels, leurs âmes, Autour des ostensoirs de flamme. – O ces foules, ces foules, Et la misère et la détresse qui les foulent ! Voici les pauvres gens des blafardes ruelles, Barrant de croix, avec leurs bras tendus, L’ombre noire qui dort dans les chapelles. – O ces foules, ces foules, Et la misère et la détresse qui les foulent ! Voici les corps usés, voici les coeurs fendus, Voici les coeurs lamentables des veuves En qui les larmes pleuvent, Continûment, depuis des ans. – O ces foules, ces foules Et la misère et la détresse qui les foulent ! Voici les mousses et les marins du port Dont les vagues monstrueuses bercent le sort. – O ces foules, ces foules Et la misère et la détresse qui les foulent ! Voici les travailleurs cassés de peine, Aux six coups de marteaux des jours de la semaine. – O ces foules, ces foules Et la misère et la détresse qui les foulent ! Voici les enfants las de leur sang morne Et qui mendient et qui s’offrent au coin des bornes. – O ces foules, ces foules Et la misère et la détresse qui les foulent ! Voici les marguilliers massifs et mous Qui font craquer leur stalle en pliant les genoux. – O ces foules, ces foules Et la misère et la détresse qui les foulent ! Voici les armateurs dont les bateaux de fer, Fortune au vent, tanguent parmi la mer. – O ces foules, ces foules Et la misère et la détresse qui les foulent ! Voici les grands bourgeois de droit divin Qui bâtissent sur Dieu la maison de leur gain. – O ces foules, ces foules Et la misère et la détresse qui les foulent ! Les ostensoirs, qu’on élève, le soir, Vers les villes échafaudées En toits de verre et de cristal, Du haut du choeur sacerdotal, Tendent la croix des gothiques idées. Ils s’imposent dans l’or des clairs dimanches – Toussaint, Noël, Pâques et Pentecôtes blanches – Ils s’imposent dans l’or et dans les bruits de fête Du grand orgue battant du vol de ses tempêtes L’autel de marbre rouge et ses piliers vermeils ; Ils sont une âme en du soleil, Qui vit de vieux décor et d’antique mystère Autoritaire. Pourtant, dès que s’éteignent les grands cierges Et les lampes veillant le coeur des saintes vierges, Un deuil d’encens évaporé flotte et s’empreint Sur les châsses d’argent et les tombeaux d’airain ; Et les vitraux, peuplés de siècles rassemblés Devant le Christ – avec leurs papes immobiles Et leurs martyrs et leurs héros – semblent trembler Au bruit d’un train lointain qui roule sur la ville. Emile Verhaeren, Les villes tentaculaires  

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    Pauvres vieilles cités Pauvres vieilles cités par les plaines perdues, Dites de quel grand plan de gloire, Vers la vie humble et dérisoire, Toutes, vous voilà descendues. Vous ne comprenez plus vos hauts beffrois en deuil, Ni ce que disent aux nuées Tant de pierres destituées De leur ancien et bel orgueil, Vos carrefours, vos grand’places et votre port, Tout est muet et léthargique ; Tout semble aller à pas logiques Vers l’horizon, où luit la mort. Seule, quand le marché aligne au jour levé, Sur le trottoir, ses éventaires, Un peu de vie hebdomadaire Se cabre aux joints de vos pavés. Ou bien, quand la kermesse et ses cortèges d’or Mènent leur ronde autour des rues, L’émoi des foules accourues Vous fait revivre une heure encor. Vos moeurs sont pareilles à vos petits jardins : Buissons corrects, calmes verdures, Mais une odeur de moisissure Séjourne en leurs recoins malsains. Vos gestes sont prudents, mesquins et routiniers, Vous ne penchez sur vos négoces Que des yeux mornes ou féroces, Qui ne comptent que par deniers. Vos cerveaux sans révolte et vos coeurs sans fierté Se complaisent aux moindres choses, Et de pauvres apothéoses Font tressaillir vos vanités. Vous ne produisez plus ni communiers ni gueux Et vivez à la dérobée Des miettes d’ombre et d’or tombées Du festin rouge des aïeux. Pourtant, si triste et long que soit votre déclin, Notre rêve ne veut pas croire Que plus jamais la belle gloire Ne bondira de vos tremplins. Vous vous armez encore de trop d’entêtement, Damme, Courtrai, Ypres, Termonde, Pour n’être plus au vent du monde Que des tombeaux d’orgueil flamand. Et n’avoir plus aucun remords, aucun sursaut En ces heures de somnolence Où le visage du silence Se mire seul dans vos canaux.

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    Un village Des murs crépis, de pauvres toits, Un pont, un chemin de halage, Et le moulin qui fait sa croix De haut en bas, sur le village. Les appentis et les maisons S’échouent, ainsi que choses mortes. Le filet dort : et les poissons Sèchent, pendus au seuil des portes. Un chien sursaute en longs abois ; Des cris passent, lourds et funèbres ; Le menuisier coupe son bois, Presque à tâtons, dans les ténèbres. Tous les métiers à bruit discord Se sont lassés l’un après l’autre Derrière un mur, marmonne encor Un dernier bruit de patenôtres. Une pauvresse aux longues mains, Du bout de son bâton tâtonne De seuil en seuil, par les chemins ; Le soir se fait et c’est l’automne. Et puis viendra l’hiver osseux, Le maigre hiver expiatoire, Où les gens sont plus malchanceux Que les âmes en purgatoire.

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    Une heure de soir En ces heures de soirs et de brumes ployés Sur des fleuves partis vers des fleuves sans bornes, Si mornement tristes contre les quais si mornes, Luisent encor des flots comme des yeux broyés. Comme des yeux broyés luisent des flots encor, Tandis qu’aux poteaux noirs des ponts, barrant les hâvres, Quels heurts mous et pourris d’abandonnés cadavres Et de sabords de bateaux morts au Nord ? La brume est fauve et pleut dans l’air rayé, La brume en drapeaux morts pend sur la cité morte ; Quelque chose s’en va du ciel, que l’on emporte, Lamentable, comme un soleil noyé. Des tours, immensément des tours, avec des voix de glas, Pour ceux du lendemain qui s’en iront en terre, Lèvent leur vieux grand deuil de granit solitaire, Nocturnement, par au-dessus des toits en tas. Et des vaisseaux s’en vont, sans même, un paraphe d’éclair, Tels des cercueils, par ces vides de brouillard rouge, Sans même un cri de gouvernail qui bouge Et tourne, au long des chemins d’eau, qu’ils tracent vers la mer. Et si vers leurs départs, les vieux môles tendent des bras, Avec au bout des croix emblématiques, Par à travers l’embu des quais hiératiques, Les christs implorateurs et doux ne se voient pas : La brume en drapeaux morts plombe la cité morte, En cette fin de jour et de soir reployé, Et du ciel noir, comme un soleil noyé, Lamentable, c’est tout mon cœur que l’on emporte.

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    Vieille ferme à la toussaint La ferme aux longs murs blancs, sous les grands arbres jaunes, Regarde, avec les yeux de ses carreaux éteints, Tomber très lentement, en ce jour de Toussaint, Les feuillages fanés des frênes et des aunes. Elle songe et resonge à ceux qui sont ailleurs, Et qui, de père en fils, longuement s’éreintèrent, Du pied bêchant le sol, des mains fouillant la terre, A secouer la plaine à grands coups de labeur. Puis elle songe encor qu’elle est finie et seule, Et que ses murs épais et lourds, mais crevassés, Laissent filtrer la pluie et les brouillards tassés, Même jusqu’au foyer où s’abrite l’aïeule. Elle regarde aux horizons bouder les bourgs ; Des nuages compacts plombent le ciel de Flandre ; Et tristement, et lourdement se font entendre, Là-bas, des bonds de glas sautant de tour en tour. Et quand la chute en or des feuillage effleure, Larmes ! ses murs flétris et ses pignons usés, La ferme croit sentir ses lointains trépassés Qui doucement se rapprochent d’elle, à cette heure, Et pleurent.

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    E

    Emmanuel Arago

    @emmanuelArago

    Le petit endroit Vous qui venez ici dans une humble posture, Débarrasser vos flancs d’un importun fardeau, Veuillez, quand vous aurez soulagé la nature Et déposé dans l’urne un modeste cadeau, Épancher dans l’amphore un courant d’onde pure, Puis, sur l’autel fumant, placer pour chapiteau Le couvercle arrondi dont l’auguste jointure Aux parfums indiscrets doit servir de tombeau.

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    E

    Eustache Deschamps

    @eustacheDeschamps

    Adieux a Paris Adieu m'amour, adieu douces fillettes, Adieu Grand Pont, haies, estuves, bains, Adieu pourpoins, chauces, vestures nettes, Adieu harnois tant clouez comme plains, Adieu molz liz, broderie et beaus seins Adieu dances, adieu qui les hantez, Adieu connins, perdriz que je reclaims, Adieu Paris, adieu petiz pastez. Adieu chapeaulx faiz de toutes flourettes, Adieu bons vins, ypocras, doulz compains, Adieu poisson de mer, d'eaues doucettes. Adieu moustiers ou l'en voit les doulz sains Dont pluseurs sont maintefoiz chapellains. Adieu déduit et dames qui chantez ! En Languedoc m'en vois comme contrains : Adieu Paris, adieu petiz pastez. Adieu, je suis desor surespinettes Car arrebours versera mes estrains, Je pourrai bien perdre mes amourettes S'amour change pour estre trop loingtains. Crotez seray, dessirez et dessains, Car li pais est détruit et gastez. Si dirai lors pour reconfort au mains : Adieu Paris, adieu petiz pastez !

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    Federico Garcia Lorca

    Federico Garcia Lorca

    @federicoGarciaLorca

    Couleurs Au-dessus de Paris la lune est violette. Elle devient jaune dans les villes mortes. Il y a une lune verte dans toutes les légendes. Lune de toile d’araignée et de verrière brisée, et par-dessus les déserts elle est profonde et sanglante. Mais la lune blanche, la seule vraie lune, brille sur les calmes cimetières de villages.

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    Francis Etienne Sicard

    @francisEtienneSicard

    A Londres au crépuscule Les rues en diamants et leur soyeux pavage, Comme des serpentins lâchés des toits obscurs, Glissent, de pas en pas, le long de mers de murs, Tapissés du soleil de vitrine en voyage. Un bus à impériale et son rouge ramage Croise une limousine aux fourreaux de noirs purs, L’un éteignant le jour et ses rêves d’azurs, L’autre incendiant la nuit d’une ivresse volage. La Tamise soudain se pare de colliers, Et Big Ben se maquille à l’or de ses aiguilles, Chuchotant des dîners, fards des joailliers. La magicienne alors entre de scène en scène Soulevant les rideaux dont les tons de charmilles Font frissonner la ville aux plaisirs des mécènes.

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    Francis Etienne Sicard

    @francisEtienneSicard

    Bangkok à l’aube L’ivoire du matin comme un voile en satin, Repose sur les toits de la ville endormie Que des oiseaux de jais pillent par colonie, Dans un tiède silence au turgide câlin. Les bouddhas aveuglés par leur riche destin, Patronnent l’horizon de leur lente atrophie, Que l’encens et les gongs couvrent de féérie, Quand le soleil se plie à leur peau de calcin. Le fleuve saigne l’or et les rives l’argent, Comme si le ciel gris avait fondu la nuit Dans un creuset de boue aux couleurs de serpent. Imperceptiblement, les parfums de la mangue, Glissent leur chair de feu et leur saveur de fruit, A la bouche d’un jour fondant crû sous la langue.

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    Francis Etienne Sicard

    @francisEtienneSicard

    Carnavalesque esquisses Un domino de soie et son masque d’argile Hantent toutes mes nuits de leur peau de fantôme, Et gravent dans mes yeux un verset palindrome, Qu’un miroir d’argent pur lit comme un Evangile. Ganté d’or, l’arlequin, joue à pincée agile, Des mélodies d’amour sur un luth polychrome Qui charment le destin d’un lutin et d’un gnome Dont le visage nu sourit au soir fragile. Le long des quais lapés par la brume du jour, Il glisse à pas feutrés sur le marbre meurtri, Puis se fond dans la nuit comme un fin troubadour. Est-ce un ange du ciel qui s’abreuve de paix, Aux riches abreuvoirs d’un palais assoupi, Ou le diable affublé d’un corps de portefaix ?

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    Francis Etienne Sicard

    @francisEtienneSicard

    Cascade Au flanc de la bière, le triple mur de pierre, Sous la chair d’un drapeau enclavé dans le sang, Lance le mikado au-dessus des enfants Comme l’arlequin blanc qu’on voit au cimetière. L’Egypte assoiffée de nourrices et d’ornières, Valse silencieusement au fil du temps, Relevant lentement, sans gant, le pan tranchant De son tulle de gré surpiqué de lumière. Salle vide de bal, le désert qui s’endort, Veille, couché, comme un chacal perlé de feu, Déployant sa poitrine enflée de sable et d’or. Loin des terrasses, le souffle de l’aube perce Enfin, l’anneau de la nuit, du stylet de son jeu, Et dévoilant son corps, se couche sous la herse.

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    Francis Etienne Sicard

    @francisEtienneSicard

    Constantinopolis Imaginez le soir en robe de satin Et le ciel, sous un dais broché de perles pâles. Découpez dans vos rêves des bruits de pétales, Et colorez vos yeux d’un lourd parfum de marbre. Attachez-y la soie d’un voile byzantin Dont la Sainte, Sophie, aux langueurs médiévales, Fond la cire de paix sur un miroir de dalles, Et vous verrez l’Orient déguiser son destin. Bosphore et Corne d’or, la mer de Marmara, Etale son tapis de navires marchands Sur le toit des palais, d’un pas fragile et lent. Or, écoutez la voix des minarets béats, Où se froisse le souffle d’un soleil couchant, Sous l’enclume alanguie des fanions de sultans.

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    Francis Etienne Sicard

    @francisEtienneSicard

    Empire d’une illusion Des flammes de cendal éfaufilent le ciel D’une aiguille de vent en verre de Venise, Et dévorent le soir à la sombre chemise, De baisers amoureux aux essences de miel. Des barques en suspend au bord d’un arc en ciel, S’endorment lentement d’un sommeil de banquise, Où parfois glisse un cygne au souffle de la brise, Comme un peuple d’oiseaux s’effaçant du pluriel. La ruse d’un renard échappé d’une bestiaire, Trompe l’œil amusé par la pâleur lunaire D’une branche de houx d’où s’envole un hibou. Au froissement d’un pas murmuré par un ange, On reconnaît alors la sente du passage Entre l’eau qui bouillonne et l’odeur du thé bou.

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    Francis Etienne Sicard

    @francisEtienneSicard

    Images de boudoir Des flasques de cristal aux couleurs de l’aurore, Irisant un parfum à la pulpe de fruit, Glissent leurs bouches d’or au feutre de la nuit Dont le soyeux velours épouse un météore. L’âme d’un jasmin frais à l’haleine incolore, Suspendue au miel crû d’un parfum de biscuit, Grise le regard clos de cet instant fortuit Où l’enfance se mêle à l’encens de la flore. Une goutte posée à même la chair nue, Habille de satin un frisson de plaisir, Qu’une ivresse de gloire enfle de sa ciguë. Puis une main gantée annelle une émeraude, Dont les mèches de feu soudain vont engloutir Un cœur émerveillé partant à la maraude.

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    Francis Etienne Sicard

    @francisEtienneSicard

    Jarres d’étoiles Des étoffes de soie et des nappes de lin De la vaisselle en or et des cristaux de lune Scintillant des splendeurs d’une grande fortune Ensorcellent le soir aux griffes de félin. Un prince maquillé comme un fier jobelin Descend à pas tendus sous une cape brune Un escalier brumeux qui mène à la lagune Cachant sous son silence un démon gibelin. Le clocher de Saint Marc sonne la onzième heure Que des rires lointains dans une autre demeure Couvrent de leur jeunesse ignorant la rancœur. Quand la gondole glisse le long d’un quai hostile Une main de velours saisit d’un geste habile Une dague de bronze et frappe dans le cœur.

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    Francis Jammes

    Francis Jammes

    @francisJammes

    Dans le verger… Dans le Verger où sont les arbres de lumière, La pulpe des fruits lourds pleure ses larmes d’or, Et l’immense Bagdad s’alanguit et s’endort Sous le ciel étouffant qui bleuit la rivière. Il est deux heures. Les palais silencieux Ont des repas au fond des grandes salles froides Et Sindbad le marin, sous les tentures roides, Passe l’alcarazas d’un air sentencieux. Mangeant l’agneau rôti, puis les pâtes d’amandes, Tous laissent fuir la vie en écoutant pleuvoir Les seaux d’eau qu’au seuil blanc jette un esclave noir. Les passants curieux lui posent des demandes. C’est Sindbad le marin qui donne un grand repas ! C’est Sindbad, l’avisé marin dont l’opulence Est renommée et que l’on écoute en silence. Sa galère était belle et s’en allait là-bas ! Il sent bon, le camphre et les rares arômes. Sa tête est parfumée et son nez aquilin Tombe railleusement sur sa barbe de lin : Il a la connaissance et le savoir des hommes. Il parle, et le soleil oblique sur Bagdad Jette une braise immense où s’endorment les palmes, Et les convives, tous judicieux et calmes, Écoutent gravement ce que leur dit Sindbad.

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    A Paris, en été, les soirs sont étouffants… A Paris, en été, les soirs sont étouffants. Et moi, noir promeneur qu’évitent les enfants, Qui fuis la joie et fais, en flânant, bien des lieues, Je m’en vais, ces jours-là, vers les tristes banlieues. Je prends quelque ruelle où pousse le gazon Et dont un mur tournant est le seul horizon. Je me plais dans ces lieux déserts où le pied sonne, Où je suis presque sûr de ne croiser personne. Au-dessus des enclos les tilleuls sentent bon ; Et sur le plâtre frais sont écrits au charbon Les noms entrelacés de Victoire et d’Eugène, Populaire et naïf monument, que ne gêne Pas du tout le croquis odieux qu’à côté A tracé gauchement, d’un fusain effronté, En passant après eux, la débauche impubère. Et, quand s’allume au loin le premier réverbère, Je gagne la grand’ rue, où je puis encor voir Des boutiquiers prenant le frais sur le trottoir, Tandis que, pour montrer un peu ses formes grasses, Avec son prétendu leur fille joue aux grâces.

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