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Nature

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Nature

Poésies de la collection nature

    Stéphane Mallarmé

    Stéphane Mallarmé

    @stephaneMallarme

    Apparition La lune s’attristait. Des séraphins en pleurs Rêvant, l’archet aux doigts, dans le calme des fleurs Vaporeuses, tiraient de mourantes violes De blancs sanglots glissant sur l’azur des corolles. C’était le jour béni de ton premier baiser. Ma songerie aimant à me martyriser S’énivrait savamment du parfum de tristesse Que même sans regret et sans déboire laisse La cueillaison d’un rêve au coeur qui l’a cueilli. J’errais donc, l’oeil rivé sur le pavé vieilli Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue Et dans le soir, tu m’es en riant apparue Et j’ai cru voir la fée au chapeau de clarté Qui jadis sur mes beaux sommeils d’enfant gâté Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées Neiger de blancs bouquets d’étoiles parfumées.

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    Stéphane Mallarmé

    Stéphane Mallarmé

    @stephaneMallarme

    Dans le jardin La jeune dame qui marche sur la pelouse Devant l’été paré de pommes et d’appas, Quand des heures Midi comblé jette les douze, Dans cette plénitude arrêtant ses beaux pas, A dit un jour, tragique abandonnée – épouse – A la Mort séduisant son Poëte : « Trépas ! Tu mens. Ô vain climat nul ! je me sais jalouse Du faux Éden que, triste, il n’habitera pas. » Voilà pourquoi les fleurs profondes de la terre L’aiment avec silence et savoir et mystère, Tandis que dans leur coeur songe le pur pollen : Et lui, lorsque la brise, ivre de ces délices, Suspend encore un nom qui ravit les calices, A voix faible, parfois, appelle bas : Ellen !

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    Stéphane Mallarmé

    Stéphane Mallarmé

    @stephaneMallarme

    L'après-midi d'un faune Le Faune: Ces nymphes, je les veux perpétuer. Si clair, Leur incarnat léger, qu'il voltige dans l'air Assoupi de sommeils touffus. Aimai-je un rêve? Mon doute, amas de nuit ancienne, s'achève En maint rameau subtil, qui, demeuré les vrais Bois même, prouve, hélas! que bien seul je m'offrais Pour triomphe la faute idéale de roses. Réfléchissons… ou si les femmes dont tu gloses Figurent un souhait de tes sens fabuleux! Faune, l'illusion s'échappe des yeux bleus Et froids, comme une source en pleurs, de la plus chaste: Mais, l'autre tout soupirs, dis-tu qu'elle contraste Comme brise du jour chaude dans ta toison? Que non! par l'immobile et lasse pâmoison Suffoquant de chaleurs le matin frais s'il lutte, Ne murmure point d'eau que ne verse ma flûte Au bosquet arrosé d'accords; et le seul vent Hors des deux tuyaux prompt à s'exhaler avant Qu'il disperse le son dans une pluie aride, C'est, à l'horizon pas remué d'une ride Le visible et serein souffle artificiel De l'inspiration, qui regagne le ciel. O bords siciliens d'un calme marécage Qu'à l'envi de soleils ma vanité saccage Tacite sous les fleurs d'étincelles, CONTEZ Que je coupais ici les creux roseaux domptés Par le talent; quand, sur l'or glauque de lointaines Verdures dédiant leur vigne à des fontaines, Ondoie une blancheur animale au repos: Et qu'au prélude lent où naissent les pipeaux Ce vol de cygnes, non! de naïades se sauve Ou plonge…

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    Stéphane Mallarmé

    Stéphane Mallarmé

    @stephaneMallarme

    Les fleurs Des avalanches d’or du vieil azur, au jour Premier et de la neige éternelle des astres Jadis tu détachas les grands calices pour La terre jeune encore et vierge de désastres, Le glaïeul fauve, avec les cygnes au col fin, Et ce divin laurier des âmes exilées Vermeil comme le pur orteil du séraphin Que rougit la pudeur des aurores foulées, L’hyacinthe, le myrte à l’adorable éclair Et, pareille à la chair de la femme, la rose Cruelle, Hérodiade en fleur du jardin clair, Celle qu’un sang farouche et radieux arrose ! Et tu fis la blancheur sanglotante des lys Qui roulant sur des mers de soupirs qu’elle effleure A travers l’encens bleu des horizons pâlis Monte rêveusement vers la lune qui pleure ! Hosannah sur le cistre et dans les encensoirs, Notre Dame, hosannah du jardin de nos limbes ! Et finisse l’écho par les célestes soirs, Extase des regards, scintillement des nimbes ! Ô Mère qui créas en ton sein juste et fort, Calices balançant la future fiole, De grandes fleurs avec la balsamique Mort Pour le poète las que la vie étiole.

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    Stéphane Mallarmé

    Stéphane Mallarmé

    @stephaneMallarme

    Renouveau Le printemps maladif a chassé tristement L'hiver, saison de l'art serein, l'hiver lucide, Et, dans mon être à qui le sang morne préside L'impuissance s'étire en un long bâillement. Des crépuscules blancs tiédissent sous mon crâne Qu'un cercle de fer serre ainsi qu'un vieux tombeau Et triste, j'erre après un rêve vague et beau, Par les champs où la sève immense se pavane

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    Stéphane Mallarmé

    Stéphane Mallarmé

    @stephaneMallarme

    Soupir Mon âme vers ton front où rêve, ô calme sœur, Un automne jonché de taches de rousseur Et vers le ciel errant de ton œil angélique Monte, comme dans un jardin mélancolique, Fidèle, un blanc jet d'eau soupire vers l'Azur ! — Vers l'Azur attendri d'Octobre pâle et pur Qui mire aux grands bassins sa langueur infinie Et laisse, sur l'eau morte où la fauve agonie Des feuilles erre au vent et creuse un froid sillon, Se traîner le soleil jaune d'un long rayon.

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    Stéphane Mallarmé

    Stéphane Mallarmé

    @stephaneMallarme

    Tristesse d'été Le soleil, sur le sable, ô lutteuse endormie, En l'or de tes cheveux chauffe un bain langoureux Et, consumant l'encens sur ta joue ennemie, Il mêle avec les pleurs un breuvage amoureux. De ce blanc Flamboiement l'immuable accalmie T'a fait dire, attristée, ô mes baisers peureux, « Nous ne serons jamais une seule momie Sous l'antique désert et les palmiers heureux ! » Mais ta chevelure est une rivière tiède, Où noyer sans frissons l'âme qui nous obsède Et trouver ce Néant que tu ne connais pas. Je goûterai le fard pleuré par tes paupières, Pour voir s'il sait donner au cœur que tu frappas L'insensibilité de l'azur et des pierres.

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    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Ambivalence lacustre Le secret exquis noircit l’horizon lointain le mouvement représente une courbe la respiration cache un secret Concert de vagues redessinant la mer Les rameuses avancent ensemble Deux, Quatre, Huit Les mouvements s’enchaînent sémillants, itératifs, opalescents De ma falaise je transperce ce lac Beauté incendiaire ! Le rêve de Lamartine se réalise Mon regard se remplit d’ondes ambivalentes pour se dissoudre dans le vent du Nord

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    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Cascade subliminale Les rochers s’enivrent de fraîcheur intemporelle Gouttelettes éparpillées en écrins de plaisir Pinceaux aux mille larmes embellies de transparence Arc-en-ciel des désirs jaillissant de la montagne Une histoire se dessine journée ensoleillée éclat des enfants les yeux irisés par cette beauté inespérée La descente une marche après l’autre l’enfer n’est pas là La cascade a métamorphosé l’émotion Alcool sublimé, volupté L’Homme transformé en chérubin patauge dans le bénitier de la terre s’agenouillant éperdu parmi les crapauds aux regards cuivrés

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    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Juxtaposition Jardin inondé par la pluie battante sur mes pensées matinales Les petites fleurs me regardent chaque pétale tremble Les chimères lointaines crachent la folle course de la sève Vers la lune, le soleil se penche de loin insouciant du demain Je me sens transportée dans le marasme du bonheur assoupi Au fond de mon âme les souvenirs de jeunesse éclatent dans le puzzle de la vie

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    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Lilas La pluie larmoyante caresse ton parfum aime le déséquilibre éphémère des gouttelettes assoiffées de sève À chaque pétale elle découvre ta beauté symphonie d’unités réfractées Les fleurs minuscules bleutées par la lumière avancent comme un cortège joyeux dansent comme une valse d’amour Forsythias et pivoines couronnent cet instant courtisent l’allégorie Sous le sublime chapiteau de la nature un voile parfumé fleurit notre chimère

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    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Montagne aride Rêverie enneigée par le rythme du soleil cime solitaire transperçant les étoiles Au sommet la peau frémit les jambes vacillent l’âme décrit un cercle enrubanné Le randonneur puise sa puissance dans l’impuissance les dernières neiges capturent les regards Il a envie de prier les dieux de la Victoire Il s’éveille l’eau coule comme lave transparente le glacier fond la chaleur pirate son cœur asséché la glace n’est plus une larme ruisselle au creux de la montagne assoiffée à jamais

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    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Nature en deuil Vie sacrifiée d’une journée sans soleil Les arbres tombant, sans feuilles. Amie de la nature qui juge ce qui n’est pas, Ouvre ton cœur à l’espoir d’un demain sans nuages, Tu sais que rien ne te touche, rien que le silence d’une vie La tienne Vie sacrifiée, un jour sans toi.

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    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Nuit d’orage La violence inonde l’empyrée Tonnerre Esprit captif Réitération du présent Tes mains caressent la lueur de mes yeux bleus Je regarde la colline La tornade se rapproche éthérique La musique de ton souffle tambourine sur ma peau Un éclair transperce la galaxie lointaine Etoile invisible, accrochée à mon cœur Les gouttes innocentes éclaboussent notre paradis Soupirs figés Symbiose suprême Destruction

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    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Tempête Neige réitérée éblouissante blancheur balaye mon cœur asphyxié par la peur du lendemain empreinte volubile glaçon du destin un jour de plus vers l’abime Je marche sur un lac gelé à la recherche de mon âme les flocons tourbillonnent come des étoiles le cap est là devant moi figé il ne changera pas seul un rayon de soleil le fera disparaitre pour une saison mais il reviendra froid corps inanimé sublimation de la vérité perpétuelle comme les ailes d’un papillon refroidies dans l’éternité

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    Thibault Desbordes

    @thibaultDesbordes

    Le Cheval Adossé à l’un de ces murs centenaires Comme il y en a tant dans la Forêt de Marly, Un banc, une poubelle et une barrière Ressemblaient fort à un cheval qui hennit. Et le tout était planté là, dans la mousse, Le cheval galopait sur les feuilles rousses ; La canopée lui tendait de moelleux parfums ; L’heureux cheval humait, ses naseaux au matin. Il riait, et parfois montrait de grandes dents, Il couchait dehors, car c’est bien triste au-dedans, L’humus époussetait doucement sous son fer Un mucus spongieux, sans savoir quoi en faire ! Le joyeux canasson, hilare et sans raison, Teignait son crin selon l’humeur de la saison. Roulait sa croupe et son sabot sur les sentiers, Discrets forestiers dont il avait l’amitié ! Ainsi ce singulier cheval vagabondait Dans cette forêt où toute vie abondait ; Libéré des contraintes de son forgeage, Il existait ; créant le monde à son image !

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    Thibault Desbordes

    @thibaultDesbordes

    Les cônes 23h54. Un bâton de réglisse ancré entre les dents, Le béton d’un quartier battant sous ma semelle, L’odeur du chèvrefeuille exprime dans mon chant Le regard de la Lune, aussi blanche que belle. Sous cette rue livide où la lumière est jaune, Des armadas de nefs croisent en ciel obscur. Alors que sur le sol, de bien modestes cônes Pointent vers les hauteurs, exaspérés d’azur !

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    T

    Thibault Desbordes

    @thibaultDesbordes

    Les soirs orange En bas, il y a une jolie mésange Avec un ver en bec ; la voici qui le mange Dans l’air bleu. Les fantômes blancs sonnent de sons Lumineux ; la sombre complainte des bassons Ensoleille les murs, égaye les maisons. Avec ce son résonne le ban des vendanges ; La terre est colorée et nos soirs sont orange, L’astrée tourbillonne au goulot des oraisons. Ces territoires peints m’emporteront en eux, La marée des couleurs s’accrochera aux nœuds Des arbres, des épis, des mains des paysans. Je contemplerai l’air, et je verrai bien loin. Au gré du paysage en me dépaysant, J’irai, et reviendrai poèmes à la main.

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    Thomas Chaline

    @thomasChaline

    Tanière d’azur Dans ma tanière d’azur ancestrale, j’entends le monde à grands moteurs faire trembler mes montagnes. je l’entends avec douleur bousculer la lune et ce qui reste d’étoiles. Et je prie l’âme bienveillante solidement accrochée au dessus de mon berceau, d’enrayer ces moteurs et de ralentir la course de leurres Il nous faut retravailler la chaussée et les petits ponts qui traversent nos silencieux vallons blasés, refleurir nos collines de mots chaleureux et de laines cousues mains

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    Théodore de Banville

    Théodore de Banville

    @theodoreDeBanville

    Érato Nature, où sont tes Dieux ? Ô prophétique aïeule, Ô chair mystérieuse où tout est contenu, Qui pendant si longtemps as vécu de toi seule Et qui sembles mourir, parle, qu’est devenu Cet âge de vertu que chaque jour efface, Où le sourire humain rayonnait sur ta face ? Où s’est enfui le chœur de tes Olympiens ? Ô Nature à présent désespérée et vide, Jadis l’affreux désert des Éthiopiens Sous le midi sauvage ou sous la nuit livide Fut moins appesanti, moins formidable, et moins Fait pour ce désespoir qui n’a pas de témoins, Que tu ne m’apparais à présent tout entière, Depuis que tu n’as plus ce chœur mélodieux De tes fils immortels, orgueil de la Matière. Aïeule au flanc meurtri, Nature, où sont tes Dieux ? Jadis, avant, hélas ! que l’Ignorance impie T’eût dédaigneusement sous ses pieds accroupie, Nature, comme nous tu vivais, tu vivais ! Avec leurs rocs géants, leurs granits et leurs marbres, Les monts furent alors les immenses chevets Où tu dormais la nuit dans ta ceinture d’arbres. Les constellations étaient des yeux vivants, Une haleine passait dans le souffle des vents ; Leur aile frissonnante aux sauvages allures Qui brise dans les bois les grands feuillages roux, En pliant les rameaux courbait des chevelures, Et dans la mer, ces flots palpitants de courroux Ainsi que des lions, qui sous l’ardente lame Bondissent dans l’azur, étaient des seins de femme. Mais que dis-je, ô Dieux forts, Dieux éclatants, Dieux beaux, Triomphateurs ornés de dépouilles sanglantes, Porteurs d’arcs, de tridents, de thyrses, de flambeaux, De lyres, de tambours, d’armes étincelantes, Voyageurs accourus du ciel et de l’enfer, Qui parmi les buissons de Sicile et de Corse Avec vos cheveux blonds toujours vierges du fer Parliez dans le nuage et viviez dans l’écorce, Dieux exterminateurs des serpents et des loups, Non, vous n’êtes pas morts ! En vain l’homme jaloux Dit que l’Érèbe a clos vos radieuses bouches : Moi qui vous aime encor, je sais que votre voix Est vivante, et vos fronts célestes, je les vois ! Je vois l’ardent Bacchus, Diane aux yeux farouches, Vénus, et toi surtout dont le nom triomphant Écrasera toujours leur espoir chimérique, Ô Muse ! qui naguère et tout petit enfant M’a choisi pour les vers et pour le chant lyrique ! Nourrice de guerriers, louangeuse Érato ! Déjà le blanc cheval aux yeux pleins d’étincelles, Impatient du libre azur, ouvre ses ailes Et de ses pieds légers bondit sur le coteau. Saisis sa chevelure, et dans l’herbe fleurie Que le coursier t’emporte au gré de sa furie ! Puis quand tu reviendras, Muse, nous chanterons. Va voir les durs combats, les grands chocs, les mêlées, Des crinières de pourpre au vent échevelées, Des blessures brisant les bras, trouant les fronts, Et, comme un vin joyeux sort des vendanges mûres, Le rouge flot du sang coulant sur les armures, Et l’épée autour d’elle agitant ses éclairs, Et les soldats avec une âme vengeresse Bondissant, emportés par le chef aux yeux clairs. Va, mais que ni les rois, ni le peuple, ô Déesse, Ne puissent te convaincre et changer ton dessein, Car seule gouvernant les chants où tu les nommes, Plus forte que la vie et le destin des hommes, L’immuable Justice habite dans ton sein. Puis tu délaceras ta cuirasse guerrière. Alors, bravant l’orage effroyable et ses jeux, Marche, tes noirs cheveux au vent, dans la clairière, Va dans les antres sourds, gravis les rocs neigeux, Près des gouffres ouverts et sur les pics sublimes Qui fument au soleil, de glace hérissés, Respire, et plonge-toi dans les fleuves glacés. Muse, il est bon pour toi de vivre sur les cimes, De sentir sur ton sein la caresse des airs, De franchir l’âpre horreur des torrents sans rivages, Et, quand les vents affreux pleurent dans les déserts, De livrer ta poitrine à leurs bouches sauvages. Le flot aigu, le mont qu’endort l’éternité, La forêt qui grandit selon les saintes règles Vers l’azur, et la neige et les chemins des aigles Conviennent, ô Déesse, à ta virginité. Car rien ne doit ternir ta pureté première Et souiller par un long baiser matériel Ta belle chair, pétrie avec de la lumière. Ton véritable amant, chaste fille du ciel, Est celui qui, malgré ta voix qui le rassure Et ton regard penché sur lui, n’oserait pas D’une lèvre timide effleurer ta chaussure Et baiser seulement la trace de tes pas. Oui, c’est moi qui te sers et c’est moi qui t’adore. Viens ! ceux qu’on a crus morts, nous les retrouverons ! Les guerriers, les archers, les rois, les forgerons, Les reines de l’azur aux fronts baignés d’aurore ! Viens, nous retrouverons le fils des rois Titans Assis, la foudre en main, dans les cieux éclatants ; Celle qui de son front jaillit, Déesse armée, Comme jaillit l’éclair de la nue enflammée, Et celui qui se plaît aux combats, dans les cris D’horreur, et portant l’arc avec sa fierté mâle Cette amante des bois, la chasseresse pâle Qui court dans les sentiers par la neige fleuris Et montre ses bras nus tachés du sang des lices ; Celui qui dans les noirs marais vils et rampants Exterminant les nœuds d’hydres et de serpents, De ses traits lourds d’airain les tue avec délices ; Puis, celui qui régit les Déesses des flots ; Celui-là qu’on déchire en ses douleurs divines, Qui meurt pour nous et, pour apaiser nos sanglots, Dieu fort, renaît vivant et chaud dans nos poitrines ; Celle qui, s’élançant quand l’âpre hiver s’enfuit, Ressuscite du noir enfer et de la nuit, Et celle-là surtout, vierge délicieuse, Qui fait grandir, aimer, naître, sourdre, germer, Fleurir tout ce qui vit, et vient tout embaumer Et fait frémir d’amour les chênes et l’yeuse, Et fait partout courir le grand souffle indompté De l’ardente caresse et de la volupté. Près de nous brilleront le sceptre que décore Une fleur, le trident et, plus terrible encore, La ceinture qui tient les désirs en éveil ; L’épée au dur tranchant, belle et de sang vermeille, Dont la lame d’airain pour la forme est pareille À la feuille de sauge, et qui luit au soleil ; L’arc, le thyrse léger, la torche qui flamboie ; Et la grande Nature avec ses milliers d’yeux Nous verra, stupéfaite en sa tranquille joie, Voyageurs éblouis, lui ramener ses Dieux !

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    Théodore de Banville

    Théodore de Banville

    @theodoreDeBanville

    Décor Dans les grottes sans fin brillent les Stalactites. Du cyprès gigantesque aux fleurs les plus petites, Un clair jardin s’accroche au rocher spongieux, Lys de glace, roseaux, lianes, clématites. Des thyrses pâlissants, bouquets prestigieux, Naissent, et leur éclat mystique divinise Des villes de féerie au vol prodigieux. Voici les Alhambras où Grenade éternise Le trèfle pur ; voici les palais aux plafonds En feu, d’où pendent clairs les lustres de Venise. Transparents et pensifs, de grands sphinx, des griffons Projettent des regards longs et mélancoliques Sur des Dieux monstrueux aux costumes bouffons. Dans un tendre cristal aux reflets métalliques S’élancent, dessinant le rhythme essentiel, Vos clochetons à jour, ô sveltes basiliques, Et sous l’arbre sanglant et providentiel De la croix, sont éclos, enamourés des mythes, Les vitraux où revit tout le peuple du ciel. Stalactites tombant des voûtes, stalagmites Montant du sol, partout les orgueilleux glaçons Argentent de splendeurs l’horizon sans limites. Babels de diamants où courent des frissons, Colonnes à des Dieux inconnus dédiées, Souterrains éblouis, miraculeux buissons, Tout frémit : cent lueurs baignent, irradiées, Les coupoles qui sont pareilles à des cieux. Pourtant c’est le destin, voûtes incendiées ! Le voyageur, ravi dans ce lieu précieux Et sachant qu’une Nymphe auguste est son hôtesse, Parfois sur vos trésors lève un oeil soucieux. Quel trouble appesanti sur leur délicatesse Pare de la langueur mourante du sommeil Ces merveilles du rêve, et d’où vient leur tristesse ? Hélas ! l’ardent soleil de Dieu, le vrai soleil Ne les éclaire pas de son regard propice Et fait voler plus haut ses flèches d’or vermeil. Sous un mont que jamais le lierre ne tapisse, Vit cet enchantement qui tremble au son du cor, Gardé par la caverne et par le précipice. Mais (chère nymphe, ô Muse inassouvie encor, Que devance le choeur ailé des Métaphores), Pour installer ce rare et flamboyant décor, Sous ces blancs chapiteaux et ces arceaux sonores Où les métaux ont mis leur charme et leurs poisons, Il a fallu les pleurs des Soirs et des Aurores. Car, toi pour qui le roc orna ces floraisons De rose, de safran et d’azur constellées, Tu le sais, Poésie, ange de nos raisons, Ces caprices divins sont des larmes gelées !

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    Théodore de Banville

    Théodore de Banville

    @theodoreDeBanville

    Les roses Le Printemps rayonnant, qui fait rire le jour En montrant son beau front, vermeil comme l’aurore, Naît, tressaille, fleurit, chante, et dans l’air sonore Éveille les divins murmures de l’amour. O Sylphes ingénus, vous voilà de retour! De mille joyaux d’or la forêt se décore, Et blanche, regardant les corolles éclore, Titania folâtre au milieu de sa cour, A travers l’éther pur dont elle fait sa proie, Tandis que la lumière, éclatante de joie, Frissonne dans la bleue immensité des cieux. Beauté qui nous ravis avec tes molles poses, Dis, n’est-ce pas qu’il est doux et délicieux De plonger follement ta bouche dans les roses? Novembre 1888

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    Théodore de Banville

    Théodore de Banville

    @theodoreDeBanville

    Premier soleil Italie, Italie, ô terre où toutes choses Frissonnent de soleil, hormis tes méchants vins ! Paradis où l’on trouve avec des lauriers-roses Des sorbets à la neige et des ballets divins ! Terre où le doux langage est rempli de diphthongues ! Voici qu’on pense à toi, car voici venir mai, Et nous ne verrons plus les redingotes longues Où tout parfait dandy se tenait enfermé. Sourire du printemps, je t’offre en holocauste Les manchons, les albums et le pesant castor. Hurrah ! gais postillons, que les chaises de poste Volent, en agitant une poussière d’or ! Les lilas vont fleurir, et Ninon me querelle, Et ce matin j’ai vu mademoiselle Ozy Près des Panoramas déployer son ombrelle : C’est que le triste hiver est bien mort, songez-y ! Voici dans le gazon les corolles ouvertes, Le parfum de la sève embaumera les soirs, Et devant les cafés, des rangs de tables vertes Ont par enchantement poussé sur les trottoirs. Adieu donc, nuits en flamme où le bal s’extasie ! Adieu, concerts, scotishs, glaces à l’ananas ; Fleurissez maintenant, fleurs de la fantaisie, Sur la toile imprimée et sur le jaconas ! Et vous, pour qui naîtra la saison des pervenches, Rendez à ces zéphyrs que voilà revenus, Les légers mantelets avec les robes blanches, Et dans un mois d’ici vous sortirez bras nus ! Bientôt, sous les forêts qu’argentera la lune, S’envolera gaîment la nouvelle chanson ; Nous y verrons courir la rousse avec la brune, Et Musette et Nichette avec Mimi Pinson ! Bientôt tu t’enfuiras, ange Mélancolie, Et dans le Bas-Meudon les bosquets seront verts. Débouchez de ce vin que j’aime à la folie, Et donnez-moi Ronsard, je veux lire des vers. Par ces premiers beaux jours la campagne est en fête Ainsi qu’une épousée, et Paris est charmant. Chantez, petits oiseaux du ciel, et toi, poëte, Parle ! nous t’écoutons avec ravissement. C’est le temps où l’on mène une jeune maîtresse Cueillir la violette avec ses petits doigts, Et toute créature a le coeur plein d’ivresse, Excepté les pervers et les marchands de bois !

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    Théophile de Viau

    @theophileDeViau

    Le matin L'Aurore sur le front du jour Seme l'azur, l'or et l'yvoire, Et le Soleil, lassé de boire, Commence son oblique tour. Ses chevaux, au sortir de l'onde, De flame et de clarté couverts, La bouche et les nasaux ouverts, Ronflent la lumiere du monde. Ardans ils vont à nos ruisseaux Et dessous le sel et l'escume Boivent l'humidité qui fume Si tost qu'ils ont quitté les eaux. La lune fuit devant nos yeux ; La nuict a retiré ses voiles ; Peu à peu le front des estoilles S'unit à la couleur des Cieux.

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    Théophile Gautier

    Théophile Gautier

    @theophileGautier

    Ballade « Quand à peine un nuage » Quand à peine un nuage, Flocon de laine, nage Dans les champs du ciel bleu, Et que la moisson mûre, Sans vagues ni murmure, Dort sous le ciel en feu ; Quand les couleuvres souples Se promènent par couples Dans les fossés taris ; Quand les grenouilles vertes, Par les roseaux couvertes, Troublent l’air de leurs cris ; Aux fentes des murailles Quand luisent les écailles Et les yeux du lézard, Et que les taupes fouillent Les prés, où s’agenouillent Les grands bœufs à l’écart, Qu’il fait bon ne rien faire, Libre de toute affaire, Libre de tous soucis, Et sur la mousse tendre Nonchalamment s’étendre, Ou demeurer assis ; Et suivre l’araignée, De lumière baignée, Allant au bout d’un fil À la branche d’un chêne Nouer la double chaîne De son réseau subtil, Ou le duvet qui flotte, Et qu’un souffle ballotte Comme un grand ouragan, Et la fourmi qui passe Dans l’herbe, et se ramasse Des vivres pour un an, Le papillon frivole, Qui de fleurs en fleurs vole Tel qu’un page galant, Le puceron qui grimpe À l’odorant olympe D’un brin d’herbe tremblant ; Et puis s’écouter vivre, Et feuilleter un livre, Et rêver au passé En évoquant les ombres, Ou riantes ou sombres, D’un long rêve effacé, Et battre la campagne, Et bâtir en Espagne De magiques châteaux, Créer un nouveau monde Et jeter à la ronde Pittoresques coteaux, Vastes amphithéâtres De montagnes bleuâtres, Mers aux lames d’azur, Villes monumentales, Splendeurs orientales, Ciel éclatant et pur, Jaillissantes cascades, Lumineuses arcades Du palais d’Obéron, Gigantesques portiques, Colonnades antiques, Manoir de vieux baron Avec sa châtelaine, Qui regarde la plaine Du sommet des donjons, Avec son nain difforme, Son pont-levis énorme, Ses fossés pleins de joncs, Et sa chapelle grise, Dont l’hirondelle frise Au printemps les vitraux, Ses mille cheminées De corbeaux couronnées, Et ses larges créneaux, Et sur les hallebardes Et les dagues des gardes Un éclair de soleil, Et dans la forêt sombre Lévriers eu grand nombre Et joyeux appareil, Chevaliers, damoiselles, Beaux habits, riches selles Et fringants palefrois, Varlets qui sur la hanche Ont un poignard au manche Taillé comme une croix ! Voici le cerf rapide, Et la meute intrépide ! Hallali, hallali ! Les cors bruyants résonnent, Les pieds des chevaux tonnent, Et le cerf affaibli Sort de l’étang qu’il trouble ; L’ardeur des chiens redouble : Il chancelle, il s’abat. Pauvre cerf ! son corps saigne, La sueur à flots baigne Son flanc meurtri qui bat ; Son œil plein de sang roule Une larme, qui coule Sans toucher ses vainqueurs ; Ses membres froids s’allongent ; Et dans son col se plongent Les couteaux des piqueurs. Et lorsque de ce rêve Qui jamais ne s’achève Mon esprit est lassé, J’écoute de la source Arrêtée en sa course Gémir le flot glacé, Gazouiller la fauvette Et chanter l’alouette Au milieu d’un ciel pur ; Puis je m’endors tranquille Sous l’ondoyant asile De quelque ombrage obscur.

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    Théophile Gautier

    Théophile Gautier

    @theophileGautier

    Far-niente Quand je n’ai rien à faire, et qu’à peine un nuage Dans les champs bleus du ciel, flocon de laine, nage, J’aime à m’écouter vivre, et, libre de soucis, Loin des chemins poudreux, à demeurer assis Sur un moelleux tapis de fougère et de mousse, Au bord des bois touffus où la chaleur s’émousse. Là, pour tuer le temps, j’observe la fourmi Qui, pensant au retour de l’hiver ennemi, Pour son grenier dérobe un grain d’orge à la gerbe, Le puceron qui grimpe et se pend au brin d’herbe, La chenille traînant ses anneaux veloutés, La limace baveuse aux sillons argentés, Et le frais papillon qui de fleurs en fleurs vole. Ensuite je regarde, amusement frivole, La lumière brisant dans chacun de mes cils, Palissade opposée à ses rayons subtils, Les sept couleurs du prisme, ou le duvet qui flotte En l’air, comme sur l’onde un vaisseau sans pilote ; Et lorsque je suis las je me laisse endormir, Au murmure de l’eau qu’un caillou fait gémir, Ou j’écoute chanter près de moi la fauvette, Et là-haut dans l’azur gazouiller l’alouette.

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    Théophile Gautier

    Théophile Gautier

    @theophileGautier

    Le chasseur Je suis enfant de la montagne, Comme l’isard, comme l’aiglon ; Je ne descends dans la campagne Que pour ma poudre et pour mon plomb ; Puis je reviens, et de mon aire Je vois en bas l’homme ramper, Si haut placé que le tonnerre Remonterait pour me frapper. Je n’ai pour boire, après ma chasse, Que l’eau du ciel dans mes deux mains ; Mais le sentier par où je passe Est vierge encor de pas humains. Dans mes poumons nul souffle immonde En liberté je bois l’air bleu, Et nul vivant en ce bas monde Autant que moi n’approche Dieu. Pour mon berceau j’eus un nid d’aigle Comme un héros ou comme un roi, Et j’ai vécu sans frein ni règle, Plus haut que l’homme et que la loi. Après ma mort une avalanche De son linceul me couvrira, Et sur mon corps la neige blanche, Tombeau d’argent, s’élèvera.

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    Théophile Gautier

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    Le merle Un oiseau siffle dans les branches Et sautille gai, plein d'espoir, Sur les herbes, de givre blanches, En bottes jaunes, en frac noir. C'est un merle, chanteur crédule, Ignorant du calendrier, Qui rêve soleil, et module L'hymne d'avril en février. Pourtant il vente, il pleut à verse ; L'Arve jaunit le Rhône bleu, Et le salon, tendu de perse, Tient tous ses hôtes près du feu. Les monts sur l'épaule ont l'hermine, Comme des magistrats siégeant. Leur blanc tribunal examine Un cas d'hiver se prolongeant. Lustrant son aile qu'il essuie, L'oiseau persiste en sa chanson, Malgré neige, brouillard et pluie, Il croit à la jeune saison. Il gronde l'aube paresseuse De rester au lit si longtemps Et, gourmandant la fleur frileuse, Met en demeure le printemps. Il voit le jour derrière l'ombre, Tel un croyant, dans le saint lieu, L'autel désert, sous la nef sombre, Avec sa foi voit toujours Dieu. A la nature il se confie, Car son instinct pressent la loi. Qui rit de ta philosophie, Beau merle, est moins sage que toi !

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    Théophile Gautier

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    @theophileGautier

    Pendant la tempête La barque est petite et la mer immense ; La vague nous jette au ciel en courroux, Le ciel nous renvoie au flot en démence : Près du mât rompu prions à genoux ! De nous à la tombe, il n’est qu’une planche. Peut-être ce soir, dans un lit amer, Sous un froid linceul fait d’écume blanche, Irons-nous dormir, veillés par l’éclair ! Fleur du paradis, sainte Notre-Dame, Si bonne aux marins en péril de mort, Apaise le vent, fais taire la lame, Et pousse du doigt notre esquif au port. Nous te donnerons, si tu nous délivres, Une belle robe en papier d’argent, Un cierge à festons pesant quatre livres, Et, pour ton Jésus, un petit saint Jean.

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    Théophile Gautier

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    Premier sourire du printemps Tandis qu'à leurs oeuvres perverses Les hommes courent haletants, Mars qui rit, malgré les averses, Prépare en secret le printemps. Pour les petites pâquerettes, Sournoisement lorsque tout dort, Il repasse des collerettes Et cisèle des boutons d'or. Dans le verger et dans la vigne, Il s'en va, furtif perruquier, Avec une houppe de cygne, Poudrer à frimas l'amandier. La nature au lit se repose ; Lui descend au jardin désert, Et lace les boutons de rose Dans leur corset de velours vert. Tout en composant des solfèges, Qu'aux merles il siffle à mi-voix, Il sème aux prés les perce-neiges Et les violettes aux bois. Sur le cresson de la fontaine Où le cerf boit, l'oreille au guet, De sa main cachée il égrène Les grelots d'argent du muguet. Sous l'herbe, pour que tu la cueilles, Il met la fraise au teint vermeil, Et te tresse un chapeau de feuilles Pour te garantir du soleil. Puis, lorsque sa besogne est faite, Et que son règne va finir, Au seuil d'avril tournant la tête, Il dit : " Printemps, tu peux venir ! "

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