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Nature

377 poésies en cours de vérification
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Poésies de la collection nature

    Pierre de Ronsard

    Pierre de Ronsard

    @pierreDeRonsard

    Quand je suis vingt ou trente mois Quand je suis vingt ou trente mois Sans retourner en Vendômois, Plein de pensées vagabondes, Plein d'un remords et d'un souci, Aux rochers je me plains ainsi, Aux bois, aux antres et aux ondes. Rochers, bien que soyez âgés De trois mil ans, vous ne changez Jamais ni d'état ni de forme ; Mais toujours ma jeunesse fuit, Et la vieillesse qui me suit, De jeune en vieillard me transforme. Bois, bien que perdiez tous les ans En l'hiver vos cheveux plaisants, L'an d'après qui se renouvelle, Renouvelle aussi votre chef ; Mais le mien ne peut derechef R'avoir sa perruque nouvelle. Antres, je me suis vu chez vous Avoir jadis verts les genoux, Le corps habile, et la main bonne ; Mais ores j'ai le corps plus dur, Et les genoux, que n'est le mur Qui froidement vous environne. Ondes, sans fin vous promenez Et vous menez et ramenez Vos flots d'un cours qui ne séjourne ; Et moi sans faire long séjour Je m'en vais, de nuit et de jour, Au lieu d'où plus on ne retourne.

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    Pierre de Ronsard

    Pierre de Ronsard

    @pierreDeRonsard

    Verson ces roses pres ce vin Verson ces roses pres ce vin, De ce vin verson ces roses, Et boyvon l’un à l’autre, afin Qu’au coeur noz tristesses encloses Prennent en boyvant quelque fin. La belle Rose du Printemps Aubert, admoneste les hommes Passer joyeusement le temps, Et pendant que jeunes nous sommes Esbatre la fleur de noz ans. Tout ainsi qu’elle défleurit Fanie en une matinée, Ainsi nostre âge se flestrit, Làs ! et en moins d’une journée Le printemps d’un homme perit. Ne veis-tu pas hier Brinon Parlant, et faisant bonne chere, Qui làs ! aujourd’huy n’est sinon Qu’un peu de poudre en une biere, Qui de luy n’a rien que le nom ? Nul ne desrobe son trespas, Caron serre tout en sa nasse, Rois et pauvres tombent là bas : Mais ce-pendant le temps se passe Rose, et je ne te chante pas. La Rose est l’honneur d’un pourpris, La Rose est des fleurs la plus belle, Et dessus toutes a le pris : C’est pour cela que je l’appelle La violette de Cypris. La Rose est le bouquet d’Amour, La Rose est le jeu des Charites, La Rose blanchit tout au tour Au matin de perles petites Qu’elle emprunte du Poinct du jour. La Rose est le parfum des Dieux, La Rose est l’honneur des pucelles, Qui leur sein beaucoup aiment mieux Enrichir de Roses nouvelles, Que d’un or, tant soit precieux. Est-il rien sans elle de beau ? La Rose embellit toutes choses, Venus de Roses a la peau, Et l’Aurore a les doigts de Roses, Et le front le Soleil nouveau. Les Nymphes de Rose ont le sein, Les coudes, les flancs et les hanches : Hebé de Roses a la main, Et les Charites, tant soient blanches, Ont le front de Roses tout plein. Que le mien en soit couronné, Ce m’est un Laurier de victoire : Sus, appellon le deux-fois-né, Le bon pere, et le fàison boire De ces Roses environné. Bacchus espris de la beauté Des Roses aux fueilles vermeilles, Sans elles n’a jamais esté, Quand en chemise sous les treilles Beuvoit au plus chaud de l’Esté.

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    Pierre Jean Jouve

    Pierre Jean Jouve

    @pierreJeanJouve

    Air magique Là-haut sur le toit même souffle un air magique Frisant continuellement le flot et les forêts Un air si rare au milieu des formes tragiques Harmonieuses par l'intense ciel creusé ; L'air baigne Les poumons et le cour et la chair ou douleur Le chagrin l'espérance et la mélancolie, L'air revêtu de foin et d'absente chaleur, Effaçant jusqu'au haines d'un amour _ magique, Des forêts comme l'orgue aux prologues du vert Il engendre un grand être Jouant le vrai théâtre en notre éternité.

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    Pierre Reverdy

    Pierre Reverdy

    @pierreReverdy

    Front de nuages Sous le vent qui chasse Sous le vent qui chante Le vent de la mer Le cour lourd dépasse L'esprit qui le hante Le temps est amer Le ciel bas se masque Et l'espoir se lasse Dans mes yeux ouverts J'attends que tout passe Ma douleur plus basse Sous le front couvert Aucun secret dans les rides inextricables de tes mains Aucun regret dans ton regard qui ouvre le matin Même l'oubli du sang qui coule goutte à goutte des sources du destin.

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    Pierre Reverdy

    Pierre Reverdy

    @pierreReverdy

    Grandeur nature Je vois enfin le jour à travers les paupières Les persiennes de la maison se soulèvent Et battent Mais le jour où je devais le rencontrer N'est pas encore venu Entre le chemin qui penche et les arbres il est nu Et ces cheveux au vent que soulève le soleil C'est la flamme qui entoure sa tête Au déclin du jour Au milieu du vol des chauves-souris Sous le toit couvert de mousse où fume une cheminée Lentement Il s'est évanoui Au bord de la forêt Une femme en jupon Vient de s'agenouiller

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    Rainer Maria Rilke

    Rainer Maria Rilke

    @rainerMariaRilke

    Ô nostalgie des lieux Ô nostalgie des lieux qui n’étaient point assez aimés à l’heure passagère, que je voudrais leur rendre de loin le geste oublié, l’action supplémentaire ! Revenir sur mes pas, refaire doucement – et cette fois, seul – tel voyage, rester à la fontaine davantage, toucher cet arbre, caresser ce banc … Monter à la chapelle solitaire que tout le monde dit sans intérêt ; pousser la grille de ce cimetière, se taire avec lui qui tant se tait. Car n’est-ce pas le temps où il importe de prendre un contact subtil et pieux ? Tel était fort, c’est que la terre est forte ; et tel se plaint : c’est qu’on la connaît peu.

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    René Chalupt

    @reneChalupt

    Aux paysages de France Paysages français sans fièvre et sans emphase Je voudrais infléchir le contour de mes phrases Selon vos coteaux modérés; Je voudrais que parmi mes chansons incertaines Passe l’écho précis et vif de vos fontaines Sans rien qui soit exaspéré. Je voudrais que l’odeur de la terre mouillée, Cette odeur de vanille et de feuilles rouillées Qui lorsque la pluie a pris fin Monte le long des chemins creux qu’elle parfume S’élève aussi des mots qui tombent de ma plume Et leur donne un arôme sain. Paysages français de grâce et de mesure Je suis semblable au trèfle, à la flouve, à la mûre À la glycine, au pampre mol: J’ai besoin du conseil constant de vos collines Et la sève qu’il faut pour nourrir mes racines Ne se trouve qu’en votre sol. J’aime à voir reflétés dans les vasques pensives Vos ciels qui n’ont jamais de teintes excessives, Vos ciels ni trop bleus, ni trop gris. Où les nuages doux qui glissent en silence, Sachant la vanité de toute violence, Vont selon le chemin prescrit. Paysages amis, si les sonnets me plaisent C’est que ce sont un peu des parcs à la française Passionnés et réfléchis Et je n’ai pas besoin des fontaines complices Pour retrouver en vous comme un nouveau Narcisse Mon propre reflet réfléchi. Paysages si fins et si clairs où je passe Vous êtes le miroir persistant de ma race Et vos conseils m’ont fait savoir Qu’entre les Vérités qu’on rencontre au passage La Vérité Française a le plus beau visage Et que l’Orgueil est un devoir!

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    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    La jacinthe Dans un antique vase en Grèce découvert, D’une tombe exhumé, fait d’une argile pure Et dont le col est svelte, exquise la courbure, Trempe cette jacinthe, emblème aux yeux offert. Un essor y tressaille, et le bulbe entr’ouvert Déchire le satin de sa fine pelure ; La racine s’épand comme une chevelure, Et la sève a déjà doré le bourgeon vert. L’eau du ciel et la grave élégance du vase L’assistent pour éclore et dresser son extase, Elle leur doit sa fleur et son haut piédestal. Du poète inspiré la fortune est la même : Un deuil sublime, né hors du limon natal, L’exalte, et dans les pleurs germe et croît son poème.

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    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    Le cygne Sans bruit, sous le miroir des lacs profonds et calmes, Le cygne chasse l'onde avec ses larges palmes, Et glisse. Le duvet de ses flancs est pareil À des neiges d'avril qui croulent au soleil ; Mais, ferme et d'un blanc mat, vibrant sous le zéphire, Sa grande aile l'entraîne ainsi qu'un lent navire. Il dresse son beau col au-dessus des roseaux, Le plonge, le promène allongé sur les eaux, Le courbe gracieux comme un profil d'acanthe, Et cache son bec noir dans sa gorge éclatante. Tantôt le long des pins, séjour d'ombre et de paix, Il serpente, et laissant les herbages épais Traîner derrière lui comme une chevelure, Il va d'une tardive et languissante allure ; La grotte où le poète écoute ce qu'il sent, Et la source qui pleure un éternel absent, Lui plaisent : il y rôde ; une feuille de saule En silence tombée effleure son épaule ; Tantôt il pousse au large, et, loin du bois obscur, Superbe, gouvernant du côté de l'azur, Il choisit, pour fêter sa blancheur qu'il admire, La place éblouissante où le soleil se mire. Puis, quand les bords de l'eau ne se distinguent plus, À l'heure où toute forme est un spectre confus, Où l'horizon brunit, rayé d'un long trait rouge, Alors que pas un jonc, pas un glaïeul ne bouge, Que les rainettes font dans l'air serein leur bruit Et que la luciole au clair de lune luit, L'oiseau, dans le lac sombre, où sous lui se reflète La splendeur d'une nuit lactée et violette, Comme un vase d'argent parmi des diamants, Dort, la tête sous l'aile, entre deux firmaments.

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    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    Les oiseaux Montez, montez, oiseaux, à la fange rebelles, Du poids fatal les seuls vainqueurs ! A vous le jour sans ombre et l’air, à vous les ailes Qui font planer les yeux aussi haut que les coeurs ! Des plus parfaits vivants qu’ait formés la nature, Lequel plus aisément plane sur les forêts, Voit mieux se dérouler leurs vagues de verdure, Suit mieux des quatre vents la céleste aventure, Et regarde sans peur le soleil d’aussi près ? Lequel sur la falaise a risqué sa demeure Si haut qu’il vît sous lui les bâtiments bercés ? Lequel peut fuir la nuit en accompagnant l’heure, Si prompt qu’à l’occident les roseaux qu’il effleure, Qnand il touche au levant, ne sont pas redressés ? Fuyez, fuyez, oiseaux, à la fange rebelles, Du poids fatal les seuls vainqueurs ! A vous le jour, à vous l’espace ! à vous les ailes Qui promènent les yeux aussi loin que les coeurs ! Vous donnez en jouant des frissons aux charmilles ; Vos chantres sont des bois le délice et l’honneur ; Vous êtes, au printemps, bénis dans les familles : Vous y prenez le pain sur les lèvres des filles ; Car vous venez du ciel et vous portez bonheur. Les pâles exilés, quand vos bandes lointaines Se perdent dans l’azur comme les jours heureux, Sentent moins l’aiguillon de leurs superbes haines ; Et les durs criminels chargés de justes chaînes Peuvent encore aimer, quand vous chantez pour eux. Chantez, chantez, oiseaux, à la fange rebelles, Du poids fatal les seuls vainqueurs ! A vous la liberté, le ciel ! à vous les ailes Qui font vibrer les voix aussi haut que les coeurs !

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    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    Les stalactites J'aime les grottes où la torche Ensanglante une épaisse nuit, Où l'écho fait, de porche en porche, Un grand soupir du moindre bruit. Les stalactites à la voûte Pendent en pleurs pétrifiés Dont l'humidité, goutte à goutte, Tombe lentement à mes pieds. Il me semble qu'en ces ténèbres Règne une douloureuse paix ; Et devant ces longs pleurs funèbres Suspendus sans sécher jamais, Je pense aux âmes affligées Où dorment d'anciennes amours : Toutes les larmes sont figées, Quelque chose y pleure toujours.

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    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    Mars En mars, quand s’achève l’hiver, Que la campagne renaissante Ressemble à la convalescente Dont le premier sourire est cher ; Quand l’azur, tout frileux encore, Est de neige éparse mêlé, Et que midi, frais et voilé, Revêt une blancheur d’aurore ; Quand l’air doux dissout la torpeur Des eaux qui se changeaient en marbres ; Quand la feuille aux pointes des arbres Suspend une verte vapeur ; Et quand la femme est deux fois belle, Belle de la candeur du jour, Et du réveil de notre amour Où sa pudeur se renouvelle, Oh ! Ne devrais-je pas saisir Dans leur vol ces rares journées Qui sont les matins des années Et la jeunesse du désir ? Mais je les goûte avec tristesse ; Tel un hibou, quand l’aube luit, Roulant ses grands yeux pleins de nuit, Craint la lumière qui les blesse, Tel, sortant du deuil hivernal, J’ouvre de grands yeux encore ivres Du songe obscur et vain des livres, Et la nature me fait mal.

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    Renee Vivien

    @reneeVivien

    Fleurs de séléné Elles ont des cheveux pâles comme la lune, Et leurs yeux sans amour s’ouvrent pâles et bleus, Leurs yeux que la couleur de l’aurore importune. Elles ont des regards pâles comme la lune, Qui semblent refléter les astres nébuleux. Leurs paupières d’argent, qu’un baiser importune, Recèlent des rayons langoureusement bleus. Elles viennent charmer leur âme solitaire, Dans le recueillement des sombres chastetés, De l’haleine des cieux, des souffles de la terre. Nul parfum n’a troublé leur âme solitaire. L’ivoire des hivers, la pourpre des étés Ne les effleurent point des reflets de la terre : Elles gardent l’amour des sombres chastetés. Leur robe a la lourdeur du linceul qu’on déploie, Blanche sous le regard nocturne des hiboux, Et leur sourire éteint la caresse et la joie. Leur robe a la lourdeur du linceul qu’on déploie. Elles penchent leur front et leurs gestes très doux Sur les agonisants du songe et de la joie Qui râlent sous les yeux nocturnes des hiboux. Elles aiment la mort et la blancheur des larmes… Ces vierges d’azur sont les fleurs de Séléné. Possédant le secret des philtres et des charmes, Elles aiment la mort et la lenteur des larmes, Et la fleur vénéneuse au calice fané. Elles viennent cueillir les philtres et les charmes, Et leurs yeux pâles sont les fleurs de Séléné.

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    Renee Vivien

    @reneeVivien

    Les Sept Lys de Marie Le Sept Lys ont fleuri devant l’antique porche. Chacun d’eux est plus long et plus droit qu’une torche, Leurs pistils sont pareils à des flammes de torche. Les Sept Lys ont fleuri miraculeusement Dans le silence auguste et dans l’ombre, au moment Où s’élève le Christ, miraculeusement… Sous l’imposition des mains saintes du prêtre Dans l’ombre et dans l’encens on les vit apparaître… Le peuple vit alors sourire le vieux prêtre… Et tous les contemplaient avec des yeux d’amour. Le prêtre dit, portant ses regards à l’entour : « Mes frères, contemplons les fleurs du Saint-Amour ! » Leur parfum s’exhalait vers la Divine Image. Tous ont compris le sens du glorieux Message Sur l’autel où Marie écoute le Message Et les Lys répandaient une paix autour d’eux Et l’Hostie avait moins de rayonnement qu’eux, La transparente Hostie était moins blanche qu’eux… Apparaissez encore, ô Sept Lys de Marie, Au moment où la foule à genoux pleure et prie ! Apparaissez encore en l’honneur de Marie !

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    Renee Vivien

    @reneeVivien

    Prière aux violettes Sous la protection humble des violettes Je remets les soupirs et les douleurs muettes Qui viennent m’assiéger ce soir… Ce trop beau soir !… Dans cet effondrement du final désespoir Leur parfum est semblable aux prières des Saintes… Ô fleur entre les fleurs ! Ô violettes saintes ! Lorsqu’enfin, en un temps, s’arrêtera mon cœur Las de larmes, et tout enivré de rancœur, Qu’une pieuse main les pose sur mon cœur ! Vous me ferez alors oublier, Violettes ! Le long mal qui sévit dans le cœur des poètes… Je dormirai dans la douceur des violettes !

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    Renee Vivien

    @reneeVivien

    Les algues Les algues entr’ouvraient leurs âpres cassolettes D’où montait une odeur de phosphore et de sel, Et, jetant leurs reflets empourprés vers le ciel, Semblaient, au fond des eaux, des lits de violettes. La blancheur d’un essor palpitant de mouettes Mêlait au frais nuage un frisson fraternel ; Les vagues prolongeaient leur rêve et leur appel Vers la tiédeur de l’air aux caresses muettes. Les flots très purs brillaient d’un reflet de miroir… La Sirène aux cheveux rouges comme le soir Chantait la volupté d’une mort amoureuse. Dans la nuit, sanglotait et s’agitait encor Un soupir de la vie inquiète et fiévreuse… Les étoiles pleuraient de longues larmes d’or.

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    Rhita Benjelloun

    @rhitaBenjelloun

    Fleur bleue Jeune rêveuse ainsi je te nomme Rebelle, or ton charme attire les hommes Tes yeux et tes cheveux au couleur de miel On t’a souvent baptisée souveraine tel une abeille Tu donnes sans rien attendre d’autrui Tu t’investis dans ce que tu fais et cela l’inouï On remarque la différence dès le premier regard Et on ne peut cacher qu’on te porte de l’égard Mais on n’ose pas t’approcher par peur Qu’on te fasse du mal, fragile fleur Et on s’éloigne aussi vite que le vent Pour te souffler, hélas, un nouveau tourment Toutes tes rêveries ne durent pas Et malchanceuse souvent tu te vois Et tes yeux ne brillent plus de joie Et tu n’oses plus faire aucun pas Petite fleure bleue, ne baisse pas tes pétales Ne fais pas ressortir tes épines, sinon tu râles Demain c’est un nouveau jour bien fleuri Alors reprend tes forces et souris Tu es appréciée, et tu le seras pour toujours Aux yeux de celui qui te réserve le plus grand amour N’oublie pas que le soleil apparait après les lueurs Et après tout ces chagrins tu trouveras certainement ton bonheur

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    Richard Taillefer

    @richardTaillefer

    Malgré moi L’aigle royal Plane au-dessus des crêtes Il sait bien Combien j’aime la montagne ! Les marches interminables A travers les vallons ombragés Les ruisseaux capricieux Seul Sous le bleu du ciel Dans le silence des pierres L’odeur de musc à pleins poumons Un envol de perdrix grises La course d’un lapin de garenne Crapahutant Dans les broussailles sèches Qui vous griffent les jambes Loin Des bruits de la ville La fumée des cheminées de la grande usine Pas de Tweet dévastateur Ni SMS Qui ne pense qu’à toi Oubliées les infos Qui caracolent à longueur de temps Dans nos petites têtes dévoyées Ici Je connais le vertige des sommets Ce trou Douloureux au fond de soi Parfois Je voudrais fermer les yeux Mais mon regard ne peut se détacher De cette ligne d’horizon Qui m’absorbe Malgré moi

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    Robert Tirvaudey

    @robertTirvaudey

    Ni ici ni là Cette nuit comme nuit Ai l’esprit Ni ici ni là En raison De n’être pas fleur-ci ni arbre-là ni animal-ci ni végétal-là Seulement un être humain ni là ni ici Ne sachant pas le dire complètement Est-ce là folie ?

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    Robert Tirvaudey

    @robertTirvaudey

    Sibérie La première neige accrochée à une branche Illumine l’arbre et l’ancien gazon Elle dit une contrée où tout se range Selon une même ligne d’horizon D’une Sibérie où tous les hommes sont blancs À la lumière polaire jonglant avec d’autres couleurs Tout se fond sur une glace en transparent Une antique oasis aux rayons de lueur L’homme à la peau de bêtes sauvages Ne regrette en rien la belle cathédrale Il ne connaît pas la rage, mais l’audace D’exister d’une manière magistrale

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Au jardin Le bébé, dans le jardin, Comme un petit chat se glisse. « Bonjour ! » dit le romarin. « Je sens bon » dit la mélisse. « Comme il fait beau ce matin ! » Dit le coq aux plumes lisses. « Fait beau ? » disent les poussins. « Beau » dit leur maman nourrice. « Veux-tu nous donner la main ? Vois nos gentilles cabanes ! » Disent les petits lapins. « Vois mon trou » dit le lucane. « Moi » dit l’escargot malin « Je porte ma maisonnette. » « Moi je dors dans le bassin » Dit en sautant la rainette. « Sous ma peau jaune à gros grains, Vois si mon ventre bat vite ! » Dit le crapaud tout chagrin, « Faudra-t-il que je t’évite ? » Mais le bébé du jardin Fait sa voix la plus petite Et dit : « Bonjour, mon copain, Je suis un frère en visite. Un prince, peut-être bien, Sous ta robe jaune habite ? » Le crapaud cligne un oeil fin Et sa main droite s’agite. Un prince, peut-être bien… C’est une fable au jardin.

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Bonnets de bain Voyez… voyez, la mer, comme un étang, Se jaspe de fleurs vives : Nénuphars éclatants, Rouges nélumbiums, iris jaunes des rives… Le vent du large semble avoir fauché cela Pour le jeter, dans le vieux port, en moisson folle. Moisson qui danse au chant des vagues, farandole De corolles aux tons de flamme. C’est bien là, Dites, l’Espagne toute proche ? J’ai cru voir un champ de lotus, au pied des roches, Et ce sont les oeillets de Carmen, regardez ! Les pétales en bas, ils dansent ! Renversés, luisants d’eau, sur l’écran bleu, ridé Par mille petits rires, leur présence Est la gaîté du beau soir basque, lamé d’or. Cocardes aux couleurs de quel toréador ? Pompons de mules montagnardes, Petits vases vernis et ronds, je les regarde Et je cligne des yeux, et ne veux rien savoir Des visages cachés sous les dômes de soie. Cheveux blonds ? Cheveux noirs ? Qu’importe ! Dans la joie De ces reflets qui semblent Se prendre par la main pour mieux bondir, Je songe à l’invisible fil qui vous rassemble, Ô gais ballons d’enfants ! – Lanternes de saphir, De rubis, de topaze et d’émeraude ; Fruits d’Aladin, autour de qui des poissons rôdent Et que la vague, à coups furtifs, poudre d’argent ; Coquillages magiques, surnageant Au bout de tiges qu’on prétend de chair humaine, C’est de loin que vous me plaisez, jouant au creux De cette vasque rousse et calme du Port-Vieux ! Un écho de jazz-band vous mène… Et, du haut des falaises, me penchant Sur l’anse verte, mauve, rose et rouge, Dans le faux jour oblique du couchant, C’est vous encore que je vois, taches qui bougent, Derniers petits bonnets prenant leur vol, Oiseaux-fleurs de ce châle à franges et ramages Dont, elle aussi, pour mieux avoir l’air espagnol, Se pare, à son heure, la plage… Biarritz, septembre 1925

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    La châtaigne Peut-être un hérisson qui vient de naître ? Dans la mer, ce serait un oursin, pas bien gros… Ici, la boule d’un chardon – peut-être Ou le pompon sournois d’une bardane Ou d’un cactus ? Mais non, dans le bois qui se fane, Dans le bois sans piquants, moussu, discret et clos, Cette chose a roulé subitement, d’en-haut, Comme un défi… parmi les feuilles qui se fanent. Allez, j’ai bien compris. C’est la saison. Les geais, à coups de bec, ont travaillé dans l’arbre. Même les parcs où veillent, tout pensifs, les dieux de marbre, Ont de ces chutes-là sur leurs gazons. Marron d’Inde là-bas, châtaigne ici. Châtaigne Rude et sauvage, verte encore, détachée Par force de la branche où les grands vents, déjà, l’atteignent Le vent et les geais ricaneurs, et la nichée Des écoliers armés de pierres et de gaules. Comme il faut se défendre ! Sur l’épaule De la douce prairie en pente, l’on pouvait Glisser un jour, à son heure, qui sait ? Et se blottir dans un coin tiède, pour l’hiver… Ah! Pourquoi tant d’épines, tant d’aiguilles, Tant de poignards dressés, pauvre peloton vert ? Une fente… Voici qu’un peu de satin brille Et le cœur neuf est là, dessous, et rien ne sert D’être châtaigne obscure, âpre au goût, si menue ! Fendue, on est une châtaigne presque nue… Et le coup de sabot sur la tête viendra, Et le couteau pointu, l’eau bouillante, le pot Qui sue avec de petits rires, des sanglots Dans les tisons trop rouges ; tout sera Comme il est dit en l’ordinaire histoire des châtaignes. Et vous ne voudriez pas, quand me renseigne Dans la ville brumeuse, un cri rauque : « Marrons tout chauds ! » Quand j’aperçois, joufflus, blêmes, sans peau, Ou craquelés et durs avec des taches de panthère, Les frères de ma sauvageonne, tous ses frères Vous ne le voudriez pas, que j’évoque, là-bas, Un vieil arbre perdant ses feuilles rousses, Et me souvienne du choc sourd, lourd, lourd comme un glas, De pauvres fruits tués qui tombent sur la mousse ?

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    La glycine Ô beau pied de glycine Qui rampes sur le toit ! Glycine en fleurs, tendre glycine – bleu pavois Des grilles, des balcons, des murs trop neufs, des toits Trop vieux – souple glycine ! Ce matin, sous le ciel frémissant comme toi, C’est dans tes grappes et tes feuilles, Tout le miracle bleu du printemps qui m’accueille ! En papillons, du bleu s’effeuille… Du bleu… du bleu nuancé de lilas, De violet si doux qu’on ne sait pas Si l’on voit des touffes d’iris ou de lilas. Par terre est un champ de pétales. Jacinthes, violettes pâles ? Non, mais, en l’air, une guirlande qui s’étale, Qui s’effrange, qui glisse en gouttes de satin… Il pleut mauve. Il a plu cette nuit, ce matin. La terre est mauve ; l’herbe mauve. Le jardin Est un jardin pareil à ceux que j’imagine Autour d’un petit pont sur des lotus, en Chine. Jardins d’Asie… Ombre au pied des collines, Toits retroussés, bassins fleuris et murmurants… C’est comme un frais bonheur inconnu qui me prend, Un bonheur du matin, fait d’air si transparent, De couleurs et d’odeurs si fines, Qu’on y sent toute l’âme en fête des glycines ! Ô glycine, collier des gouttières chagrines, Manteau léger du parc aux grands escaliers blancs Et de la pierre des vieux bancs Devant les chaumes en ruines ; – Treille aux raisins d’azur, festons d’argent, Vitrail d’évêque où chaque palme dessine Entre des pendentifs d’améthystes, en rangs ; Flocons d’encens, clairs sachets odorants, Qui tombent sur mon front, sur ma poitrine, Comme un présent de mai ! – Glycine, Dont le nom grec veut dire : doux, douceur, Vin sucré… dont le nom est comme une liqueur, Comme un parfum dans la brise câline, Dont le nom, doucement, glisse comme tes fleurs, Je te salue au seuil du Bel Été, Glycine…

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    La graine de raisin oubliée Adieu, paniers ! Les vendanges sont faites ! Qu’attends-tu, graine que je sais, doux grain vivant Qui s’obstine, grain tendre ?… C’est le temps ! Comme les castagnettes, Claquent les feuilles sèches dans le vent. Sur les coteaux, la vigne a chanté jusqu’au bout Sur chanson rouge. Et, par toutes les routes, Les chars s’en sont allés, comme ivres. Toutes, Toutes les grappes ont saigné toutes leurs gouttes. Qu’attends-tu, graine défiant l’Automne roux ? À voix basse chante le moût, À voix haute le vigneron, À voix lointaine et sans entrain, la grive… – « Où faut-il maintenant qu’on vive ? Où faut-il ? dit la grive. Ô raisins blonds, Ô raisins noirs, ô raisins bleus ! » – « Clic, clac ! – chantent les feuilles sèches – La campagne couleur pêche, De miel et de framboise est déjà morte un peu. Elle sera morte demain pour de longs jours… » Te voilà cependant jeune et vivante, Seule au cœur de la treille en loques, dans l’attente D’on ne sait quoi d’heureux, graine de frais velours ! Graine de saphir moite à reflet de rubis, Graine mûrie après les autres, retenue Par une vrille folle entre deux branches nues, Qu’attends-tu ? Vois, le vent déchire les habits Du somptueux platane. Tu subis, Tu subiras le vent, tu subiras la pluie, Le gel… « Qu’importent l’heure enfuie, L’heure à venir, dis-tu, je vis… » Et tu veux vivre, Vivre, même boule de givre, Même chair molle, avec des rides coulissant Ta petite figure de négresse ? (Car tu deviendras vieille et noire ; je pressens Déjà ces choses tristes : la vieillesse, Le ratatinement, l’ennui…) survivre là, Dehors, parmi l’hiver aux longues plaintes, Même séchée en raisin de Corinthe, Même noyée en éponge, cela Tu le veux donc ?… soit. L’homme et l’oiseau l’oublièrent. Mais ne songes-tu pas à tant de grains, tes frères, Tes frères dont le sang rouge ou doré s’en va Par les grands chemins de la terre, Vers les ports, les villes en feu, les bourgs, là-bas, Là-bas, en tonneaux lourds ou flacons rares ? Tes frères, que sais-tu de leur vie, au-delà De ton étroit verger ? Vins brûlants ou mousseux, vins musqués, vins légers, Vins qui sentent la rose et la mûre, et se parent Des noms chantants de vieux pays… dis-moi, Que sais-tu d’eux ? – « Rien. Leur destin les mène. Je vis ; je ne suis qu’une graine… J’attends, où tu me vois, De tomber toute seule et de germer peut-être. Le sillon me fera comme un nid, sous le toit Du vieux cep grelottant, un nid où peut renaître Une tige sauvage et libre… Je veux être Encore jeune vigne aux beaux jours qui viendront ! » À pleine voix chante le vigneron, À voix lointaine et plaintive, la grive…

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Les trois chansons Entends la chanson de l’eau… Comme il pleut, comme il pleut vite ! Il semble que des grelots Dans la gouttière s’agitent. À l’abri dans ton dodo Entends la chanson de l’eau ! Entends la chanson du vent… Comme les branches s’agitent ! Les nids d’oiseaux, bien souvent, Sont bercés, bercés trop vite. À l’abri des rideaux blancs Entends la chanson du vent. Entends la chanson du feu… Comme les flammes s’agitent ! Le feu jaune, rouge et bleu Pour te chauffer brûle vite. Quand tes yeux clignent un peu, Entends la chanson du feu. Écoute les trois chansons Qui se font toutes petites Et douces comme un ronron Pour que tu dormes plus vite. Si tu veux, bébé, dormons Au bruit léger des chansons.

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Pluviôse Il pleut. Il pleut à petit bruit Sur le vieux chemin de traverse… – Quel Dieu, pour nous punir te verse, Ô campagne, le jour, la nuit, Cette pluie à si menu bruit ? – C’est comme un chagrin qui nous suit Et goutte à goutte nous transperce, Un gris sans fin qui porte en lui Tant de lassitude et d’ennui Que le cœur tout entier s’y noie. – Un linceul d’eau grise tournoie Sur les vieux chemins qui se noient… – Ô luisantes feuilles de soie Qui dans le soleil et la joie Brodaient les vergers lourds de fruits ! Jardinet rose autour d’un puits… – Se peut-il que l’hiver s’emploie À gâcher tous les coins de joie ? – On va, songeant aux nids détruits. La corde pleure sur le puits, Les arbres pleurent dans la plaine… – Comme dans le cœur de Verlaine, Il pleut, il pleure à petit bruit. C’est comme un chagrin qui nous suit… Et peut-être aussi qui nous mène, – Vers où, vers quoi, si tôt, si tard ? Au glas persistant des gouttières Un château se meurt quelque part ! – Des chaumes s’effondrent, épars… – Et des yeux gris, dans le brouillard, (Est-ce une toile de Carrière ?) Regardent au loin, quelque part, Vers la ville aux jaunes lumières…

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Potager basque Le rouge du piment, celui de la tomate, Luisent joyeusement contre le petit mur. Le bel oignon de cuivre et le melon trop mûr Joignent leur blondeur fauve à la gamme écarlate. Des grains de malaga qui font songer aux dattes Achèvent de confire au haut du petit mur. Le cardonnette en fleurs mêle une ombre d’azur Aux doigts fins de l’hysope offrant ses aromates, Mais le crépi de cahxu qui par morceaux éclate Semble jusqu’à la nuit, le long du petit mur, Réfléchir un soleil si blanc, tapant si dur, Que les lézards ont dû fermer leurs yeux d’agate.

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    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    La solitude Solitude … Pour vous cela veut dire seul, Pour moi – qui saura me comprendre ? Cela veut dire : vert, vert dru, vivace tendre, Vert platane, vert calycanthe, vert tilleul. Mot vert. Silence vert. Mains vertes De grands arbres penchés, d’arbustes fous ; Doigts mêlés de rosiers, de lauriers, de bambous, Pieds de cèdres âgés où se concertent Les bêtes à Bon Dieu ; rondes alertes De libellules sur l’eau verte… Dans l’eau, reflets de marronniers, D’ifs bruns, de vimes blonds, de longues menthes Et de jeune cresson ; flaques dormantes Et courants vifs où rament les « meuniers » ; Rainettes à ressort et carpes vénérables ; Martin-pêcheur… En mars, étoiles de pruniers, De poiriers, de pommiers ; grappes d’érables. En mai, la fête des ciguës, Celle des boutons d’or : splendeur des prés. Clochers blancs des yuccas, lances aiguës Et tiges douces, chèvrefeuille aux brins serrés, Vigne-vierge aux bras lourds chargés de palmes, Et toujours, et partout, fraîche, luisante, calme, L’invasion du lierre à petits flots lustrés Gagnant le mur des cours, les carreaux des fenêtres, Les toits des pavillons vainement retondus… Lierre nouant au front du chêne, au cou du hêtre, Ses bouquets de grains noirs comme un piège tendu À la grive hésitante ; vert royaume Des merles en habit – royaume qui s’étend Ainsi que dans un parc de Florence ou de Rome En nappes d’émeraude et cordages flottants… Lierre de cette allée au porche de lumière Dont les platanes séculaires, chaque été, Font une longue cathédrale verte – lierre De la grotte en rocaille où dorment abrités Chaque hiver, les callas et les cactus fragiles ; Housse, que la poussière blanche de la ville Givre à peine les soirs de très grand vent – pour moi, Vert obligé des vieilles pierres, Des arbres vieux, des toits qui penchent, des vieux toits – Un château ? Non, Madame, une gentilhommière, Un ermitage vert qui sent les bois, le foin, Où les bruits de la route arrivent d’assez loin Pour n’être plus qu’une musique en demi-teintes. Un train sur le talus se hâte avec des plaintes, Mais l’horizon tout rose et mauve qu’il rejoint Transpose le voyage en couleurs de légende. On regarde un instant vers ces trains qui s’en vont Traînant leur barbe grise – et c’est vrai qu’ils répandent Un peu de nostalgie au fil de l’été blond… Mais le jazz des moineaux fait rage dans les feuilles, Les pigeons blancs s’exaltent, le cyprès Est la tour enchantée où des notes s’effeuillent Autour du rossignol. Du pré, Monte la fièvre des grillons, des sauterelles, Toutes les herbes ont des pattes, ont des ailes – Et l’Âne et le Cheval 2 de la Fable sont là Et Chantecler3 se joue en grand gala Jour et nuit dans la cour où des plumes voltigent. Au clair de l’eau, c’est l’éternel prodige Du têtard de velours devenu crapaud d’or, De la voix de cristal parmi les râpes neuves D’innombrables grenouilles. Le chat dort. Dickette – chien s’affaire – et sur leur tête pleuvent Des pastilles de lune ou de soleil brûlant. S’il pleut vraiment, la pluie à pleins seaux ruisselants S’éparpille de même aux doigts verts qui l’arrêtent. Un tilleul, des bambous. L’abri vert du poète, Du vert, comprenez-vous ? Pour qu’aux vieilles maisons Rien ne blesse les yeux sous leurs paupières lasses. Douceur de l’arbre, de la mousse, du gazon… Vous dites : Solitude ? Ah ! dans l’heure qui passe, Est-il rien de vivant plus vivant qu’un jardin, De plus mystérieux, parfumé, dru, tenace, Et peuplé – si peuplé qu’il arrive soudain Qu’on y discourt avec mille petits génies Sortis l’on ne sait d’où, comme chez Aladin. Un mot vert… Qui dira la fraîcheur infinie D’un mot couleur de sève et de source et de l’air Qui baigne une maison depuis toujours la vôtre, Un mot désert peut-être et desséché pour d’autres, Mais pour soi, familier, si proche, tendre, vert Comme un îlot, un cher îlot dans l’univers ?…

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    Sophie d'Arbouville

    @sophieDarbouville

    L'hirondelle Ô petite hirondelle Qui bats de l'aile, Et viens contre mon mur, Comme abri sûr, Bâtir d'un bec agile Un nid fragile, Dis-moi, pour vivre ainsi Sans nul souci, Comment fait l'hirondelle Qui bat de l'aile ? Moi, sous le même toit, je trouve tour à tour Trop prompt, trop long, le temps que peut durer un jour. J'ai l'heure des regrets et l'heure du sourire, J'ai des rêves divers que je ne puis redire ; Et, roseau qui se courbe aux caprices du vent, L'esprit calme ou troublé, je marche en hésitant. Mais, du chemin je prends moins la fleur que l'épine, Mon front se lève moins, hélas ! qu'il ne s'incline ; Mon cœur, pesant la vie à des poids différents, Souffre plus des hivers qu'il ne rit des printemps. Ô petite hirondelle Qui bats de l'aile, Et viens contre mon mur, Comme abri sûr, Bâtir d'un bec agile Un nid fragile, Dis-moi, pour vivre ainsi Sans nul souci, Comment fait l'hirondelle Qui bat de l'aile ? J'évoque du passé le lointain souvenir ; Aux jours qui ne sont plus je voudrais revenir. De mes bonheurs enfuis, il me semble au jeune agi N'avoir pas à loisir savouré le passage, Car la jeunesse croit qu'elle est un long trésor, Et, si l'on a reçu, l'on attend plus encor. L'avenir nous parait l'espérance éternelle, Promettant, et restant aux promesses fidèle ; On gaspille des biens que l'on rêve sans fin... Mais, qu'on voudrait, le soir, revenir au matin ! Ô petite hirondelle Qui bats de l'aile, Et viens contre mon mur, Comme abri sûr, Bâtir d'un bec agile Un nid fragile, Dis-moi, pour vivre ainsi Sans nul souci, Comment fait l'hirondelle Qui bat de l'aile ? De mes jours les plus doux je crains le lendemain, Je pose sur mes yeux une tremblante main. L'avenir est pour nous un mensonge, un mystère ; N'y jetons pas trop tôt un regard téméraire. Quand le soleil est pur, sur les épis fauchés Dormons, et reposons longtemps nos fronts penchés ; Et ne demandons pas si les moissons futures Auront des champs féconds, des gerbes aussi mûres. Bornons notre horizon.... Mais l'esprit insoumis Repousse et rompt le frein que lui-même avait mis. Ô petite hirondelle Qui bats de l'aile, Et viens contre mon mur, Comme abri sûr, Bâtir d'un bec agile Un nid fragile, Dis-moi, pour vivre ainsi Sans nul souci, Comment fait l'hirondelle Qui bat de l'aile ? Souvent de mes amis j'imagine l'oubli : C'est le soir, au printemps, quand le jour affaibli Jette l'ombre en mon cœur ainsi que sur la terre ; Emportant avec lui l'espoir et la lumière ; Rêveuse, je me dis : « Pourquoi m'aimeraient-ils ? De nos affections les invisibles fils Se brisent chaque jour au moindre vent qui passe, Comme on voit que la brise enlève au loin et casse Ces fils blancs de la Vierge, errants au sein des cieux ; Tout amour sur la terre est incertain comme eux ! » Ô petite hirondelle Qui bats de l'aile, Et viens contre mon mur, Comme abri sûr, Bâtir d'un bec agile Un nid fragile, Dis-moi, pour vivre ainsi Sans nul souci, Comment fait l'hirondelle Qui bat de l'aile ? C'est que, petit oiseau, tu voles loin de nous ; L'air qu'on respire au ciel est plus pur et plus doux. Ce n'est qu'avec regret que ton aile légère, Lorsque les cieux sont noirs, vient effleurer la terre. Ah ! que ne pouvons-nous, te suivant dans ton vol, Oubliant que nos pieds sont attachés au sol, Élever notre cœur vers la voûte éternelle, Y chercher le printemps comme fait l'hirondelle, Détourner nos regards d'un monde malheureux, Et, vivant ici-bas, donner notre âme aux cieux ! Ô petite hirondelle Qui bats de l'aile, Et viens contre mon mur, Comme abri sûr, Bâtir d'un bec agile Un nid fragile, Dis-moi, pour vivre ainsi Sans nul souci, Comment fait l'hirondelle Qui bat de l'aile ?

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