Automne Ah je le reconnais, c'est déjà le souffle d'automne
Errant, qui du fond des forêts propage son tonnerre
En silence et désempare les vergers trop lourds ;
Ce vent grave qui nous ressemble et parle notre langue
Où chante à mi-voix un désastre.
Offrons-lui le déclin
Des roses, le charroi d'odeurs qui verse lentement
Dans la vallée, et la strophe d'oiseaux qu'il dénoue
Au creux de la chaleur où nous avons dormi.
Ce soir,
Longtemps fermé dans son éclat, le ciel grandi se
détache,
Entraînant l'horizon de sa voile qui penche ; et le bleu
Qui fut notre seuil coutumier s'éloigne à longues enjambées
Par les replis du val ouvert à la lecture de la pluie.
il y a 10 mois
J
Jacques Réda
@jacquesReda
Distance de l'automne Puis tel soir de septembre après tous ces jours lumineux,
Le soleil n'est plus qu'un chasseur entre les landes df
nuages ;
Il guette et la forêt se retire en elle-même, À distance du rayon froid.
Des craquements veillent partout sur le silence
Et la mûre dans les taillis tend ses grappes noires à
personne.
Ce sera donc la nuit dans une heure.
Le ciel
Très pâle se réserve et ne touche plus l'herbe ni les eaux
Qui se retournent vers la profondeur oblique.
Buvez, doux animaux.
il y a 10 mois
J
Jean-Philippe Salabreuil
@jeanPhilippeSalabreuil
Carême d'automne Il y avait un abîme de feuillages
Où tombait la rivière pour clocher
Bruissant un creux de silence ou de lumière
Aussi bien parmi nénuphars du ciel cloches des eaux
Mille étoiles bougeaient sur le cours bleu des âges
Celles qu'on ne voit pas chantaient comme l'oiseau
M'avaient accompagné mon cœur ou mon âme nichés
Au fond de moi sous les bûches les pierres
Et je tournais la loi de rocaille du bourg
Dénoncé bientôt par la lune aux deux rouges index
Puis venaient les moutons de l'un et l'autre sexes
A ma rencontre et miséricordieux toujours
Midi sonnait dans la boucherie en tempête Lorsque s'ouvrait le couchant douloureux de la bête Asseyez-vous regardez bien me disait le boucher Puis il plongeait ses mains dans la
pourpre fressure Mais pour voir passer dehors les pompiers grande
[allure J'aimais bien mieux sans bruit à peine me pencher
Quel faubourg ici-bas n'a pas connu la flamme Celui des pluies sans doute et peut-être celui des larmes O vie de si peu de poids dans le nid du bouvreuil
En as-tu laissé de ces chevrons dans ma poitrine De ces gravats fourbus je revenais et les machines Pistonnaient rouges au labour comme cœur d'écureuil
Je ne veux plus savoir le poids des entrecôtes Cela fait pour chacun somme toute peu de bonheur J'avais les mains liées j'avais entre les côtes Un sang lourd comme de bœuf
et peut-être pas
[meilleur
Avec des roulements d'été a passé mon enfance Le carême d'automne acheva les vacances.
il y a 10 mois
J
Jules Breton
@julesBreton
Automne A Jules Dupré.
La rivière s’écoule avec lenteur. Ses eaux
Murmurent, près du bord, aux souches des vieux aulnes
Qui se teignent de sang ; de hauts peupliers jaunes
Sèment leurs feuilles d’or parmi les blonds roseaux.
Le vent léger, qui croise en mobiles réseaux
Ses rides d’argent clair, laisse de sombres zones
Où les arbres, plongeant leurs dômes et leurs cônes,
Tremblent, comme agités par des milliers d’oiseaux.
Par instants se répète un cri grêle de grive,
Et, lancé brusquement des herbes de la rive,
Etincelle un joyau dans l’air limpide et bleu ;
Un chant aigu prolonge une note stridente ;
C’est le martin-pêcheur qui fuit d’une aile ardente
Dans un furtif rayon d’émeraude et de feu.
Courrières, 1875
il y a 10 mois
J
Jules Delavigne
@julesDelavigne
Les fleurs reviendront Le printemps est loin, si loin
Les champs sont roses sombres
Dans le fil d’une pensée morbide fluide
Le vieil homme crache, crapote
Comme un cochon il se fera abattre
Le lampadaire tremble dans la nuit effervescente
Les gens crient que c’est la fin du monde
Puis rient car tout n’est pas encore fini
Les fleurs et les odeurs reviendront
C’est sûr
Et on y sera, ou pas
il y a 10 mois
Jules Laforgue
@julesLaforgue
Ballade de retour Le Temps met Septembre en sa hotte,
Adieu, les clairs matins d'été !
Là-bas, l'Hiver tousse et grelotte
En son ulster de neige ouaté.
Quand les casinos ont jeté
Leurs dernières tyroliennes,
La plage est triste en vérité !
Revenez-nous, Parisiennes !
Toujours l'océan qui sanglote
Contre les brisants irrités,
Le vent d'automne qui marmotte
Sa complainte à satiété,
Un ciel gris à perpétuité,
Des averses diluviennes,
Cela doit manquer de gaieté !
Revenez-nous, Parisiennes !
il y a 10 mois
Jules Laforgue
@julesLaforgue
Complainte de l'automne monotone Automne, automne, adieux de l'Adieu !
La tisane bout, noyant mon feux ;
Le vent s'époumonne
A reverdir la bûche où mon grand cœur tisonne.
Est-il de vrais yeux ?
Nulle ne songe à m'aimer un peu.
Milieux aptères,
Ou sans divans ;
Regards levants,
Deuils solitaires,
Vers des
Sectaires !
Le vent, la pluie, oh ! le vent, la pluie !
Antigone, écartez mon rideau ;
Cet ex-ciel tout suie,
Fond-il decrescendo, statu quo, crescendo ?
Le vent qui s'ennuie,
Retourne-t-il bien les parapluies ?
Amours, gibiers !
Aux jours de givre.
Rêver sans livre,
Dans les terriers
Chauds de fumiers !
Plages, chemins de fer, ciels, bois morts.
Bateaux croupis dans les feuilles d'or.
Le quart aux étoiles,
Paris grasseyant par chic aux prises de voiles :
De trop poignants cors
M'ont hallalisé ces chers décors.
Meurtres, alertes,
Rêves ingrats !
En croix, les bras ;
Roses ouvertes,
Divines pertes !
Le soleil mort, tout nous abandonne.
Il se crut incompris.
Qu'il est loin !
Vent pauvre, aiguillonne
Ces convois de martyrs se prenant à témoins !
La terre, si bonne.
S'en va, pour sûr, passer cet automne.
Nuits sous-marines !
Pourpres forêts.
Torrents de frais.
Bancs en gésines,
Tout s'illumine !
—
Allons, fumons une pipette de tabac,
En feuilletant un de ces si vieux almanachs.
En rêvant de la petite qui unirait
Aux charmes de l'œillet ceux du chardonneret.
il y a 10 mois
Jules Laforgue
@julesLaforgue
Fiacres de nuit d'automne Les fiacres pris en automne au milieu de la nuit ; — boulangeries s'entr'ouvrant, comme mauvais lieux ; la traversée de
Paris s'éveillant.
Le lever vinasse des quais, les gares déjà grouillantes, scandées de pulsions chaotiques...
Le départ dans l'air vif — les ponts noirs ; la banlieue, comme une laque charbonnée en eau-forte avec des salissures de génie — les premiers arbrillons, des
fumées noires, des équipes de manœuvres regardant passer, les bras croisés, du vent dans leur figure terreuse qui clignote aux espaces.
il y a 10 mois
Jules Laforgue
@julesLaforgue
Petites misères d’Octobre Octobre m’a toujours fiché dans la détresse ;
Les Usines, cent goulots fumant vers les ciels….
Les poulardes s’engraissent
Pour Noël.
Oh ! qu’alors, tout bramant vers d’albes atavismes,
Je fonds mille Icebergs vers les septentrions
D’effarants mysticismes
Des Sions !….
Car les seins distingués se font toujours plus rares ;
Le légitime est tout, mais à qui bon ma cour ?
De qui bénir mes Lares
Pour toujours ?
Je ferai mes oraisons aux Premières Neiges ;
Et je crierai au Vent : » Et toi aussi, forçat !
Et rien ne vous allège
Comme ça.
(Avec la Neige, tombe une miséricorde
D’agonie ; on a vu des gens aux coeurs de cuir
Et méritant la corde
S’en languir.)
Mais vrai, s’écarteler les lobes, jeu de dupe….
Rien, partout, des saisons et des arts et des dieux,
Ne vaut deux sous de jupe,
Deux sous d’yeux.
Donc, petite, deux sous de jupe en oeillet tiède,
Et deux sous de regards, et tout ce qui s’ensuit….
Car il n’est qu’un remède
A l’ennui.
il y a 10 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Arrière-saison La couleur verte
tremble
entre les mains
de l’automne
La mort maquille
les feuilles
pour leurs noces
avec le givre
Un silence très ancien
se loge
dans la lumière
qui se tait
et le Temps jette
les heures insouciantes
dans un feu sans mémoire
il y a 10 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
L’autre saison L’illusion bleue du ciel
la froide présence du vent
l’adagio du soleil
le silence des arbres parés
et les oiseaux absents
C’est l’automne
dépouillement
disparition rituelle
de la splendeur
d’une autre lumière
il y a 10 mois
K
Kieran Wall
@kieranWall
Vagabondages L’aurore automnale amène la nostalgie
De la Bretagne et de son ocre névralgie.
La campagne y commence l’effilochement
Au quotidien de sa couverture verte ;
Le début du crépusculaire épanchement
Des feuillages dont la vitalité offerte
Se posera, dense, comme l’effigie brune
De la vie en déclin, sa substance importune.
il y a 10 mois
Léon Dierx
@leonDierx
Soir d'Octobre Un long frisson descend des coteaux aux vallées ;
Des coteaux et des bois, dans la plaine et les champs,
Le frisson de la nuit passe vers les allées.
- Oh ! l'angelus du soir dans les soleils couchants ! -
Sous une haleine froide au loin meurent les chants,
Les rires et les chants dans les brumes épaisses.
Dans la brume qui monte ondule un souffle lent ;
Un souffle lent répand ses dernières caresses,
Sa caresse attristée au fond du bois tremblant ;
Les bois tremblent ; la feuille en flocon sec tournoie,
Tournoie et tombe au bord des sentiers désertés.
Sur la route déserte un brouillard qui la noie,
Un brouillard jaune étend ses blafardes clartés ;
Vers l'occident blafard traîne une rose trace,
Et les bleus horizons roulent comme des flots,
Roulent comme une mer dont le flot nous embrasse,
Nous enlace, et remplit la gorge de sanglots.
Plein du pressentiment des saisons pluviales,
Le premier vent d'octobre épanche ses adieux,
Ses adieux frémissants sous les feuillages pâles,
Nostalgiques enfants des soleils radieux.
Les jours frileux et courts arrivent. C'est l'automne.
- Comme elle vibre en nous, la cloche qui bourdonne ! -
L'automne, avec la pluie et les neiges, demain
Versera les regrets et l'ennui monotone ;
Le monotone ennui de vivre est en chemin !
Plus de joyeux appels sous les voûtes ombreuses ;
Plus d'hymnes à l'aurore, ou de voix dans le soir
Peuplant l'air embaumé de chansons amoureuses !
Voici l'automne ! Adieu, le splendide encensoir
Des prés en fleurs fumant dans le chaud crépuscule !
Dans l'or du crépuscule, adieu, les yeux baissés,
Les couples chuchotants dont le cœur bat et brûle,
Qui vont la joue en feu, les bras entrelacés,
Les bras entrelacés quand le soleil décline !
- La cloche lentement tinte sur la colline. -
Adieu, la ronde ardente, et les rires d'enfants,
Et les vierges, le long du sentier qui chemine,
Rêvant d'amour tout bas sous les cieux étouffants !
- Âme de l'homme, écoute en frémissant comme elle
L'âme immense du monde autour de toi frémir !
Ensemble frémissez d'une douleur jumelle.
Vois les pâles reflets des bois qui vont jaunir ;
Savoure leur tristesse et leurs senteurs dernières,
Les dernières senteurs de l'été disparu ;
- Et le son de la cloche au milieu des chaumières ! -
L'été meurt ; son soupir glisse dans les lisières.
Sous le dôme éclairci des chênes a couru
Leur râle entre-choquant les ramures livides.
Elle est flétrie aussi, ta riche floraison,
L'orgueil de ta jeunesse ! et bien des nids sont vides,
Âme humaine, où chantaient dans ta jeune saison
Les désirs gazouillants de tes aurores brèves.
Âme crédule ! écoute en toi frémir encor,
Avec ces tintements douloureux et sans trêves,
Frémir depuis longtemps l'automne dans tes rêves,
Dans tes rêves tombés dès leur premier essor.
Tandis que l'homme va, le front bas, toi, son âme,
Écoute le passé qui gémit dans les bois !
Écoute, écoute en toi, sous leur cendre et sans flamme,
Tous tes chers souvenirs tressaillir à la fois
Avec le glas mourant de la cloche lointaine !
Une autre maintenant lui répond à voix pleine.
Écoute à travers l'ombre, entends avec langueur
Ces cloches tristement qui sonnent dans la plaine,
Qui vibrent tristement, longuement, dans ton cœur !
il y a 10 mois
M
Marie Krysinska
@marieKrysinska
Chanson d’automne À Charles Henry
Sur le gazon déverdi, passent – comme un troupeau d’oiseaux chimériques – les feuilles pourprées, les feuilles d’or.
Emportés par le vent qui les fait tourbillonner éperdûment. –
Sur le gazon déverdi, passent les feuilles pourprées, les feuilles d’or. –
Elles se sont parées – les tristes mortes – avec une suprême et navrante coquetterie,
Elles se sont parées avec des tons de corail, avec des tons de roses, avec des tons de lèvres ;
Elles se sont parées avec des tons d’ambre et de topaze.
Emportées par le vent qui les fait tourbillonner éperdûment,
Elles passent avec un bruit chuchoteur et plein de souvenirs.
Les platanes tendent leurs longs bras vers le soleil disparu.
Le ciel morose pleure et regrette les chansons des rossignols ;
Le ciel morose pleure et regrette les féeries des rosiers et les fiançailles des papillons ;
Le ciel morose pleure et regrette toutes les splendeurs saccagées.
Tandis que le vent, comme un épileptique, mène dans la cheminée l’hivernal orchestre,
Sonnant le glas pour les violettes mortes et pour les fougères,
Célébrant les funérailles des gardénias et des chèvrefeuilles ;
Tandis que derrière la vitre embuée les écriteaux et les contrevents dansent une fantastique sarabande,
Narguant les chères extases défuntes,
Et les serments d’amour – oubliés.
14 décembre 1882
il y a 10 mois
Max Jacob
@maxJacob
Automne Cette année est de chiffre impair
Six reines en ce bocage errent
la pluie veut que l'on en sorte
ce n'était que feuilles mortes
au bout de sceptres rouillées
n'as-tu point pitié, vent jaloux,
des nus grelottant dessous
les robes que tu découds
après les avoir fouillées.
Et toi papesse en ta paroisse
ne sois plus de ta maison neuve
en turquoise et laide au pignon
gênée, gênée jusqu'à l'angoisse
quand tu pédales, couture veuve,
car le vent lui fait édredon.
Le vent dit qu'il faut en rabattre
des six reines il reste quatre !
girouettes au-dessus des cloisons
deux martyres, deux hameçons
là où le bœuf et l'âne sont
girouettes ! à tous les coups l'on perd
cette année est de chiffre impair.
il y a 10 mois
M
Michel Helbronner
@michelHelbronner
Effet d'automne Les arbres dépouillés, sur le ciel, froidement,
Dentellent, dans la brume, en formes fantastiques.
De merveilleux vitraux d'anciens temples gothiques.
Ayant pour verrière un pâle firmament.
Les rameaux enlacés par un fol croisement,
Cisellent, dans le soir, des ogives rustiques.
Semblables à des nefs où montent les cantiques,
Que le vent, tel un orgue, entonne étrangement.
Sur le chemin givré, parvis sans fin qu'on foule.
Les feuilles mortes vont, comme une sainte foule,
Frissonnante d'extase, au tombeau de l'été.
Puis les grands vents d'automne, en leurs chants séculaires.
Exilant de la nuit la morne obscurité,
Allument dans l'azur tous les cierges stellaires.
il y a 10 mois
N
Nérée Beauchemin
@nereeBeauchemin
Rayons d’Octobre (III) Écoutez : c’est le bruit de la joyeuse airée
Qui, dans le poudroîment d’une lumière d’or,
Aussi vive au travail que preste à la bourrée,
Bat en chantant les blés du riche messidor.
Quel gala ! pour décor, le chaume qui s’effrange ;
Les ormes, les tilleuls, le jardin, le fruitier
Dont la verdure éparse enguirlande la grange,
Flotte sur les ruisseaux et jonche le sentier.
Pour musique le souffle errant des matinées ;
La chanson du cylindre égrenant les épis ;
Les oiseaux et ces bruits d’abeilles mutinées
Que font les gais enfants dans les meules tapis.
En haut, sur le gerbier que sa pointe échevèle,
La fourche enlève et tend l’ondoyant gerbillon.
En bas, la paille roule et glisse par javelle
Et vole avec la balle en léger tourbillon.
Sur l’aire, les garçons dont le torse se cambre,
Et les filles, leurs soeurs rieuses, déliant
L’orge blonde et l’avoine aux fines grappes d’ambre,
Font un groupe à la fois pittoresque et riant.
En ce concert de franche et rustique liesse,
La paysanne donne une note d’amour.
Parmi ces rudes fronts hâlés, sa joliesse
Évoque la fraîcheur matinale du jour.
De la batteuse les incessantes saccades
Ébranlent les massifs entraits du bâtiment.
Le grain doré jaillit en superbes cascades.
Tous sont fiers des surplus inouïs du froment.
Déjà tous les greniers sont pleins. Les gens de peine
Chancellent sous le poids des bissacs. Au milieu
Des siens, le père, heureux, à mesure plus pleine,
Mesure et serre à part la dîme du bon Dieu.
Il va, vient. Soupesant la précieuse charge
Et tournant vers le ciel son fier visage brun,
Le paysan bénit Celui dont la main large
Donne au pieux semeur trente setiers pour un.
il y a 10 mois
N
Nérée Beauchemin
@nereeBeauchemin
Rayons d’Octobre (IV) Maintenant, plus d’azur clair, plus de tiède haleine,
Plus de concerts dans l’arbre aux lueurs du matin :
L’oeil ne découvre plus les pourpres de la plaine
Ni les flocons moelleux du nuage argentin.
Les rayons ont pâli, leurs clartés fugitives
S’éteignent tristement dans les cieux assombris.
La campagne a voilé ses riches perspectives.
L’orme glacé frissonne et pleure ses débris.
Adieu soupirs des bois, mélodieuses brises,
Murmure éolien du feuillage agité.
Adieu dernières fleurs que le givre a surprises,
Lambeaux épars du voile étoilé de l’été.
Le jour meurt, l’eau s’éplore et la terre agonise.
Les oiseaux partent. Seul, le roitelet, bravant
Froidure et neige, reste, et son cri s’harmonise
Avec le sifflement monotone du vent.
il y a 10 mois
N
Nérée Beauchemin
@nereeBeauchemin
Roses d’automne Aux branches que l’air rouille et que le gel mordore,
Comme par un prodige inouï du soleil,
Avec plus de langueur et plus de charme encore,
Les roses du parterre ouvrent leur coeur vermeil.
Dans sa corbeille d’or, août cueillit les dernières :
Les pétales de pourpre ont jonché le gazon.
Mais voici que, soudain, les touffes printanières
Embaument les matins de l’arrière-saison.
Les bosquets sont ravis, le ciel même s’étonne
De voir, sur le rosier qui ne veut pas mourir,
Malgré le vent, la pluie et le givre d’automne,
Les boutons, tout gonflés d’un sang rouge, fleurir.
En ces fleurs que le soir mélancolique étale,
C’est l’âme des printemps fanés qui, pour un jour,
Remonte, et de corolle en corolle s’exhale,
Comme soupirs de rêve et sourires d’amour.
Tardives floraisons du jardin qui décline,
Vous avez la douceur exquise et le parfum
Des anciens souvenirs, si doux, malgré l’épine
De l’illusion morte et du bonheur défunt.
il y a 10 mois
O
Ondine Valmore
@ondineValmore
Automne Vois ce fruit, chaque jour plus tiède et plus vermeil,
Se gonfler doucement aux regards du soleil !
Sa sève, à chaque instant plus riche et plus féconde,
L’emplit, on le dirait, de volupté profonde.
Sous les feux d’un soleil invisible et puissant,
Notre coeur est semblable à ce fruit mûrissant.
De sucs plus abondants chaque jour il enivre,
Et, maintenant mûri, il est heureux de vivre.
L’automne vient : le fruit se vide et va tomber,
Mais sa gaine est vivante et demande à germer.
L’âge arrive, le coeur se referme en silence,
Mais, pour l’été promis, il garde sa semence.
il y a 10 mois
Paul Celan
@paulCelan
Corona L’automne me mange sa feuille dans la main : nous
sommes amis.
Nous délivrons le temps de l’écale des noix et lui apprenons à marcher :
le temps retourne dans l’écale.
Dans le miroir c’est dimanche,
dans le rêve on est endormi,
la bouche parle sans mentir
Mon œil descend vers le sexe de l’aimée :
nous nous regardons,
nous nous disons de l’obscur,
nous nous aimons comme pavot et mémoire,
nous dormons comme un vin dans les coquillages,
comme la mer dans le rai de sang jailli de la lune.
Nous sommes là enlacés dans la fenêtre, ils nous regardent
depuis la rue :
il est temps que l’on sache !
Il est temps que la pierre se résolve enfin à fleurir,
qu’à l’incessante absence de repos batte un cœur.
Il est temps que le temps advienne.
Il est temps.
il y a 10 mois
Paul-Jean Toulet
@paulJeanToulet
Dans le silencieux automne Dans le silencieux automne
D'un jour mol et soyeux,
Je t'écoute en fermant les yeux,
Voisine monotone.
Ces gammes de tes doigts hardis,
C'était déjà des gammes
Quand n'étaient pas encor des dames
Mes cousines, jadis ;
Et qu'aux toits noirs de la Rafette,
Où grince un fer changeant,
Les abeilles d'or et d'argent
Mettaient l'aurore en fête.
il y a 10 mois
Paul Verlaine
@paulVerlaine
Chanson d’automne Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon coeur
D’une langueur
Monotone.
Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure
Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.
il y a 10 mois
Paul Verlaine
@paulVerlaine
En Septembre Parmi la chaleur accablante
Dont nous torréfia l’été,
Voici se glisser, encor lente
Et timide, à la vérité,
Sur les eaux et parmi les feuilles,
Jusque dans ta rue, ô Paris,
La rue aride où tu t’endeuilles
De tels parfums jamais taris,
Pantin, Aubervilliers, prodige
De la Chimie et de ses jeux,
Voici venir la brise, dis-je,
La brise aux sursauts courageux…
La brise purificatrice
Des langueurs morbides d’antan,
La brise revendicatrice
Qui dit à la peste : va-t’en !
Et qui gourmande la paresse
Du poëte et de l’ouvrier,
Qui les encourage et les presse…
» Vive la brise ! » il faut crier :
» Vive la brise, enfin, d’automne
Après tous ces simouns d’enfer,
La bonne brise qui nous donne
Ce sain premier frisson d’hiver ! «
il y a 10 mois
Paul Verlaine
@paulVerlaine
Nevermore Souvenir, souvenir, que me veux-tu ? L'automne
Faisait voler la grive à travers l'air atone,
Et le soleil dardait un rayon monotone
Sur le bois jaunissant où la bise détone.
Nous étions seul à seule et marchions en rêvant,
Elle et moi, les cheveux et la pensée au vent.
Soudain, tournant vers moi son regard émouvant
" Quel fut ton plus beau jour ? " fit sa voix d'or vivant,
Sa voix douce et sonore, au frais timbre angélique.
Un sourire discret lui donna la réplique,
Et je baisai sa main blanche, dévotement.
- Ah ! les premières fleurs, qu'elles sont parfumées !
Et qu'il bruit avec un murmure charmant
Le premier oui qui sort de lèvres bien-aimées !
il y a 10 mois
Paul Verlaine
@paulVerlaine
Un soir d’Octobre L’automne et le soleil couchant ! Je suis heureux !
Du sang sur de la pourriture !
L’incendie au zénith ! La mort dans la nature !
L’eau stagnante, l’homme fiévreux !
Oh ! c’est bien là ton heure et ta saison, poète
Au cœur vide d’illusions,
Et que rongent les dents de rats des passions,
Quel bon miroir, et quelle fête !
Que d’autres, des pédants, des niais ou des fous,
Admirent le printemps et l’aube,
Ces deux pucelles-là, plus roses que leur robe ;
Moi, je t’aime, âpre automne, et te préfère à tous
Les minois d’innocentes, d’anges,
Courtisane cruelle aux prunelles étranges.
il y a 10 mois
Paul Verlaine
@paulVerlaine
Vendanges Les choses qui chantent dans la tête
Alors que la mémoire est absente,
Ecoutez, c’est notre sang qui chante…
O musique lointaine et discrète !
Ecoutez ! c’est notre sang qui pleure
Alors que notre âme s’est enfuie,
D’une voix jusqu’alors inouïe
Et qui va se taire tout à l’heure.
Frère du sang de la vigne rose,
Frère du vin de la veine noire,
O vin, ô sang, c’est l’apothéose !
Chantez, pleurez ! Chassez la mémoire
Et chassez l’âme, et jusqu’aux ténèbres
Magnétisez nos pauvres vertèbres,
il y a 10 mois
Paul-Jean Toulet
@paulJeanToulet
Ce fut par un soir de l'automne Ce fut par un soir de l'automne
A sa dernière fleur
Que l'on nous prit pour Mgr
L'Evêque de Bayonne,
Sur la route de Jurançon.
J'étais en poste, avecque
Faustine, et l'émoi d'être évêque
Lui sécha sa chanson.
Cependant cloches, patenôtres,
Volaient autour de nous.
Tout un peuple était à genoux :
Nous mêlions les nôtres,
Ô Vénus, et ton char doré,
Glissant parmi la nue,
Nous annonçait la bienvenue
Chez Monsieur Lesquerré.
il y a 10 mois
P
Philippe Delaveau
@philippeDelaveau
Automne L'automne jette aux balcons de la ville
Les douceurs tristes des campagnes.
Nous ne les verrons plus avant l'hiver; les hirondelles
Sont parties; le feu noie les éteules de brouillards;
L'arbre déploie dans le ciel blanc sa pourpre.
Tu n'es rien
Pour eux, un voyageur à peine, le solitaire dont la main
Flatte l'échiné du cheval qui trépigne et le flanc du bouleau.
Les orties croissent en bordure des pelouses.
En bas du raidillon, les brebis continuent de lever
Au moindre bruit leurs yeux trop doux, craignant
Le boucher aux mains nues, quand le soir tombe,
Rougissant les confins des vallées.
Alors
Les haies s'emplissent de bruits nocturnes dans le bocage;
Les musaraignes ont quitté les champs; le loir
Du grenier heurte aux murs sa tête aux dents luisantes.
La sève s'en retourne à la terre endormir les ardeurs
De l'été; le mica de l'insecte est déposé dans la caverne
Molle de l'hiver, puisque descend — et toi-même
Y peux-tu quelque chose? - la mort
Que nous voulions traquer parmi les ronces,
Habitante des flaques d'argile où l'eau se désapprend À chérir le rapide visage des promeneurs,
Accoutumée depuis toujours à se glisser parmi les arbres,
Pour rejoindre dans les nues d'éphémères gisants,
Lorsque l'hiver chasse les bancs d'oiseaux des plages,
Et que l'aube verse des larmes sur les dernières roses.
II
Dans le journal qui parle de décombres,
Il jettera les épluchures des légumes,
La chevelure terreuse de la pomme à cuire.
Il me reste l'amour, dit la chanson, il me reste
Le bel amour.
Les faits divers
Tordent leur encre autour des blancs du papier sale,
Tandis qu'armé du croc de
Vulcain,
L'homme dont l'ombre croît sur les murs incertains,
Irrite le vieux poêle qui tousse et craque.
Dehors
Les troupeaux de l'hiver immuable défilent sans bruit.
Ciel de
Bohême, ciel vagabond.
Ici, du monde vaste,
Nous retiendrons le nom de paix.
Un feu de bois, le soir, nous servait de repère,
Et la tasse de lait, mise à tiédir,
Il la buvait si lentement
Sous la pendule aux aiguilles agiles,
Qu'un peu de temps s'estompait pour l'attendre.
il y a 10 mois
R
Rene Depestre
@reneDepestre
Autoportrait en automne Frère des animaux et des arbres innocents c'est au poète d'annoncer le nouvel espoir et la beauté rendus à l'en-marche des hommes.
L'homme qui aime la vie a le sang relié au feu, au fleuve, au roc et à l'azur du ciel.
L'époque - féroce et sensuelle - s'avance vers lui pour lui dire :
Ton atelier va à la déroute !
libre à vous d'écouter mon histoire sans y croire :
partout où j'ai été j'ai tué mes huîtres
pour payer avec des poèmes les dettes du
Sud.
J'ai connu au
Nord le goût amer de la vie
j'ai vu l'Ouest brûler en moi tous ses vaisseaux
tandis que l'Est enfonçait ses griffes dans ma gorge.
Partout ma charrue a été mise à l'épreuve.
Où aller maintenant ?
Où porter mes outils ?
une fois de plus : blessé à chaque porte où je frappe,
gavé de soleil au flanc de mes soirs de pluie,
je me laisse pousser dans le pin maritime
qui sert de bateau à la dérive de mes songes.