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Automne

110 poésies en cours de vérification
Automne

Poésies de la collection automne

    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    Chagrin d'automne Les lignes du labour dans les champs en automne Fatiguent l'œil, qu'à peine un toit fumant distrait, Et la voûte du ciel tout entière apparaît, Bornant d'un cercle nu la plaine monotone. En des âges perdus dont la vieillesse étonne Là même a dû grandir une vierge forêt, Où le chant des oiseaux sonore et pur vibrait, Avec l'hymne qu'au vent le clair feuillage entonne ! Les poètes chagrins redemandent aux bras Qui font ce plat désert sous des rayons sans voile La verte nuit des bois que le soleil étoile ; Ils pleurent, oubliant, dans leurs soupirs ingrats, Que des mornes sillons sort le pain qui féconde Leurs cerveaux, dont le rêve est plus beau que le monde !

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    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    L’automne L’azur n’est plus égal comme un rideau sans pli. La feuille, à tout moment, tressaille, vole et tombe ; Au bois, dans les sentiers où le taillis surplombe, Les taches de soleil, plus larges, ont pâli. Mais l’oeuvre de la sève est partout accompli : La grappe autour du cep se colore et se bombe, Dans le verger la branche au poids des fruits succombe, Et l’été meurt, content de son devoir rempli. Dans l’été de ta vie enrichis-en l’automne ; Ô mortel, sois docile à l’exemple que donne, Depuis des milliers d’ans, la terre au genre humain ; Vois : le front, lisse hier, n’est déjà plus sans rides, Et les cheveux épais seront rares demain : Fuis la honte et l’horreur de vieillir les mains vides.

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    R

    Renee Vivien

    @reneeVivien

    L’automne L’Automne s’exaspère ainsi qu’une Bacchante, Folle du sang des fruits et du sang des baisers Et dont on voit frémir les seins inapaisés… L’Automne s’assombrit ainsi qu’une Bacchante Au sortir des festins empourprés. Elle chante La moite lassitude et l’oubli des baisers. Les yeux à demi-morts, l’Automne se réveille Dans le défaillement des clartés et des fleurs, Et le soir appauvrit le faste des couleurs. Les yeux à demi-morts, l’Automne se réveille : Ses membres sont meurtris et son âme est pareille Aux coupes sans ivresse où s’effeuillent les fleurs. Ayant bu l’amertume et la haine de vivre Dans le flot triomphal des vignes de l’été, Elle a connu le goût de la satiété. L’éternelle amertume et la haine de vivre Corrompent le festin où le monde s’enivre, Étendu sur le lit de roses de l’été. L’Automne, ouvrant ses mains d’appel et de faiblesse, Se meurt du souvenir accablant de l’amour, Et n’ose en espérer l’impossible retour. Sa chair de volupté, de langueur, de faiblesse. Implore le venin de la bouche qui blesse Et qui sait recueillir les sanglots de l’amour. Le cœur à demi-mort, l’Automne se réveille Et contemple l’amour à travers le passé. Le feu vacille au fond de son regard lassé. Le cœur à demi-mort, l’Automne se réveille : La vigne se dessèche et périt sur la treille… Dans le lointain pâlit la rive du passé.

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    S

    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    La châtaigne Peut-être un hérisson qui vient de naître ? Dans la mer, ce serait un oursin, pas bien gros… Ici, la boule d’un chardon – peut-être Ou le pompon sournois d’une bardane Ou d’un cactus ? Mais non, dans le bois qui se fane, Dans le bois sans piquants, moussu, discret et clos, Cette chose a roulé subitement, d’en-haut, Comme un défi… parmi les feuilles qui se fanent. Allez, j’ai bien compris. C’est la saison. Les geais, à coups de bec, ont travaillé dans l’arbre. Même les parcs où veillent, tout pensifs, les dieux de marbre, Ont de ces chutes-là sur leurs gazons. Marron d’Inde là-bas, châtaigne ici. Châtaigne Rude et sauvage, verte encore, détachée Par force de la branche où les grands vents, déjà, l’atteignent Le vent et les geais ricaneurs, et la nichée Des écoliers armés de pierres et de gaules. Comme il faut se défendre ! Sur l’épaule De la douce prairie en pente, l’on pouvait Glisser un jour, à son heure, qui sait ? Et se blottir dans un coin tiède, pour l’hiver… Ah! Pourquoi tant d’épines, tant d’aiguilles, Tant de poignards dressés, pauvre peloton vert ? Une fente… Voici qu’un peu de satin brille Et le cœur neuf est là, dessous, et rien ne sert D’être châtaigne obscure, âpre au goût, si menue ! Fendue, on est une châtaigne presque nue… Et le coup de sabot sur la tête viendra, Et le couteau pointu, l’eau bouillante, le pot Qui sue avec de petits rires, des sanglots Dans les tisons trop rouges ; tout sera Comme il est dit en l’ordinaire histoire des châtaignes. Et vous ne voudriez pas, quand me renseigne Dans la ville brumeuse, un cri rauque : « Marrons tout chauds ! » Quand j’aperçois, joufflus, blêmes, sans peau, Ou craquelés et durs avec des taches de panthère, Les frères de ma sauvageonne, tous ses frères Vous ne le voudriez pas, que j’évoque, là-bas, Un vieil arbre perdant ses feuilles rousses, Et me souvienne du choc sourd, lourd, lourd comme un glas, De pauvres fruits tués qui tombent sur la mousse ?

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    S

    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    La graine de raisin oubliée Adieu, paniers ! Les vendanges sont faites ! Qu’attends-tu, graine que je sais, doux grain vivant Qui s’obstine, grain tendre ?… C’est le temps ! Comme les castagnettes, Claquent les feuilles sèches dans le vent. Sur les coteaux, la vigne a chanté jusqu’au bout Sur chanson rouge. Et, par toutes les routes, Les chars s’en sont allés, comme ivres. Toutes, Toutes les grappes ont saigné toutes leurs gouttes. Qu’attends-tu, graine défiant l’Automne roux ? À voix basse chante le moût, À voix haute le vigneron, À voix lointaine et sans entrain, la grive… – « Où faut-il maintenant qu’on vive ? Où faut-il ? dit la grive. Ô raisins blonds, Ô raisins noirs, ô raisins bleus ! » – « Clic, clac ! – chantent les feuilles sèches – La campagne couleur pêche, De miel et de framboise est déjà morte un peu. Elle sera morte demain pour de longs jours… » Te voilà cependant jeune et vivante, Seule au cœur de la treille en loques, dans l’attente D’on ne sait quoi d’heureux, graine de frais velours ! Graine de saphir moite à reflet de rubis, Graine mûrie après les autres, retenue Par une vrille folle entre deux branches nues, Qu’attends-tu ? Vois, le vent déchire les habits Du somptueux platane. Tu subis, Tu subiras le vent, tu subiras la pluie, Le gel… « Qu’importent l’heure enfuie, L’heure à venir, dis-tu, je vis… » Et tu veux vivre, Vivre, même boule de givre, Même chair molle, avec des rides coulissant Ta petite figure de négresse ? (Car tu deviendras vieille et noire ; je pressens Déjà ces choses tristes : la vieillesse, Le ratatinement, l’ennui…) survivre là, Dehors, parmi l’hiver aux longues plaintes, Même séchée en raisin de Corinthe, Même noyée en éponge, cela Tu le veux donc ?… soit. L’homme et l’oiseau l’oublièrent. Mais ne songes-tu pas à tant de grains, tes frères, Tes frères dont le sang rouge ou doré s’en va Par les grands chemins de la terre, Vers les ports, les villes en feu, les bourgs, là-bas, Là-bas, en tonneaux lourds ou flacons rares ? Tes frères, que sais-tu de leur vie, au-delà De ton étroit verger ? Vins brûlants ou mousseux, vins musqués, vins légers, Vins qui sentent la rose et la mûre, et se parent Des noms chantants de vieux pays… dis-moi, Que sais-tu d’eux ? – « Rien. Leur destin les mène. Je vis ; je ne suis qu’une graine… J’attends, où tu me vois, De tomber toute seule et de germer peut-être. Le sillon me fera comme un nid, sous le toit Du vieux cep grelottant, un nid où peut renaître Une tige sauvage et libre… Je veux être Encore jeune vigne aux beaux jours qui viendront ! » À pleine voix chante le vigneron, À voix lointaine et plaintive, la grive…

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    S

    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    L’heure du platane Sentez-vous cette odeur, cette odeur fauve et rousse de beau cuir neuf, chauffé par l’automne qui flambe ? Tous les cuirs du Levant sont là, venus ensemble de souks lointains saturés d’ambre et de santal. Des huiles et des gommes d’or les éclaboussent. En de jaunes parfums d’essences et de gousses, tous les cuirs précieux d’un faste oriental, cuirs gaufrés et gravés, pointillés de métal, peints et damasquinés, sont là. Ceux de Cordoue s’allongent en panneaux où la lumière joue comme dans l’escalier d’un palacio ducal ; ceux de Russie ont des reflets de pourpre ardente ; ceux de Venise la douceur d’épais velours, et ceux des Flandres aux blonds rares, aux bruns sourds, semblent chez le bourgmestre attendre une kermesse. Quelles mains ont offert à ces livres de messe la reliure somptueuse qui m’enchante ? Et ce manteau pareil à la robe de Dante, qui le tailla pour des poètes ignorés ? Beaux livres d’autrefois, je vous aime, dorés sur un fond de soleil ainsi que des Icones, et ma bibliothèque est un gala d’automne ce soir, entre les bras d’un arbre mitré d’or. La légende se brode à même le décor. Mes livres, des très vieux aux très jeunes, s’étagent de branche en branche, à la façon d’oiseaux pensifs, et par-dessus la mosaïque des massifs prennent la gamme fauve et rousse du feuillage. Car ils sont habillés de feuilles, en ce temps où les platanes roux et fauves se dépouillent. La vierge, dans l’allée, a filé sa quenouille afin que chaque page ait un signet flottant. Vous qui lisez, le front penché, dans une chambre, ne sentez-vous donc pas qu’au seuil froid de novembre tout ce maroquin neuf et ces parchemins d’or sont faits pour que, ce soir, on traduise, dehors, uniquement, les strophes du platane ? Automne, guilloché de soleil, broché d’insectes jaunes, plein de miel et de grains, et de cette odeur forte que promène le vent du sud, de porte en porte; Automne, qui donc pourrait croire aux feuilles mortes, croire, ce soir, à la tristesse de la mort ?

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    S

    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Matin d’automne C’est un matin… non pas un matin de Corot Avec des arbres et des nymphes – sur la terre, C’est un coin tout petit, entre des murs de pierres Pas bien hauts… C’est un matin dans le petit jardin du presbytère. C’est un matin d’automne : Vigne rouge, dahlias jaunes Petits doigts tortillés de chrysanthèmes roux ; Un tournesol montrant sa face de roi nègre Sous un vieux diadème de plumes raides, un peu maigres… Arrosoir vert, près du géranium en pot. C’est un matin, sans nymphes de Corot.1 Le curé dort, la maison dort, le chemin dort, Pendant que, doucement, tombent des pièces d’or… C’est un matin d’automne… L’aube, qui s’est levée à pas de loup, d’abord frissonne En peignoir rose… puis se met à rire dans le ciel, Et tout devient rose comme elle, et rit comme elle, Et ce sont des clartés roses et blondes telles Que le petit jardin doré semble irréel. Réveillée en sursaut, dans le clocher, la cloche sonne : « Vite ! Vite ! Levez-vous, bonnes gens C’est le matin ! C’est le matin d’automne ! Je sonne ! Il fait beau temps ! Entends, vieille servante au bonnet blanc, du presbytère. C’est l’heure, lève-toi… Lève-toi, vieux curé ; Vois les oiseaux, vois la lumière ! Prends ta soutane et ton bonnet carré, Ouvre ta porte et va… l’heure te presse ! L’allée a tous les tons fauves des vieux missels… Va vite, ne t’attarde pas, sous le grand ciel, Au tout petit jardin plein d’allégresse… Couleur de feu, couleur de fleurs, couleur de miel, Il est trop beau ! tu le prendrais pour un autel. Tu manquerais la messe… »

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    S

    Sabine Sicaud

    @sabineSicaud

    Vigne vierge d’automne Vous laissez tomber vos mains rouges, Vigne vierge, vous les laissez tomber Comme si tout le sang du monde était sur elles. À leur frisson, toute la balustrade bouge, Tout le mur saigne, Ô vigne vierge… Tout le ciel est imbibé D’une même lumière rouge. C’est comme un tremblement d’ailes rouges qui tombent, D’ailes d’oiseaux des îles, d’ailes Qui saignent. C’est la fin d’un règne – Ou quelque chose de plus simple infiniment. Ce sont les pieds palmés de hauts flamants Ou de fragiles pattes de colombes Qui marchent dans l’allée. (Où vont-elles, si rouges ?) Leurs traces étoilées Rejoignent l’autre vigne, où l’on vendange. Si rouge, Est-ce déjà le sang des cuves pleines ? Ah ! simplement la fête des vendanges, Simplement n’est-ce pas ? Et pourtant, que vos mains sont tremblantes ! Leurs veines Se rompent une à une… Tant de sang… Et cette odeur si fade, étrange. Ces mains qui tombent d’un air las, Ô vigne vierge, d’un air las et comme absent, Ces mains abandonnées… (Lady Macbeth n’eut-elle pas ce geste Après avoir frotté la tache si longtemps ?) Mains qui se crispent, mains qui restent En lambeaux rouges sur octobre palpitant ; Dites, oh ! dites chaque année Êtes-vous les mains meurtrières de l’Automne ? Ou chaque année, Sans rien qui s’en émeuve ni personne, Des mains assassinées Qui flottent au fil rouge de l’automne ?

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    S

    Selma Meerbaum-Eisinger

    @selmaMeerbaumEisinger

    Automne La pluie se tisse Sa chanson grise De langueur Et de douleur. Aveuglée de songes De solitude lasse Je suis un chien Et - je m’en vais. L’or mat s’éteint Le rêve mort D’amour se balance Regarde en silence. Scintillante l’écume M’enveloppe m’embrume Le désir grince De son violon. L’automne est là M’envoie ses larmes De ses yeux Délavés. Je le sais, il a vu Le bonheur se figer Me coincer le genou Et – s’en aller 30 juin 1941

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    Stéphane Mallarmé

    Stéphane Mallarmé

    @stephaneMallarme

    Soupir Mon âme vers ton front où rêve, ô calme sœur, Un automne jonché de taches de rousseur Et vers le ciel errant de ton œil angélique Monte, comme dans un jardin mélancolique, Fidèle, un blanc jet d'eau soupire vers l'Azur ! — Vers l'Azur attendri d'Octobre pâle et pur Qui mire aux grands bassins sa langueur infinie Et laisse, sur l'eau morte où la fauve agonie Des feuilles erre au vent et creuse un froid sillon, Se traîner le soleil jaune d'un long rayon.

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    S

    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Nature en deuil Vie sacrifiée d’une journée sans soleil Les arbres tombant, sans feuilles. Amie de la nature qui juge ce qui n’est pas, Ouvre ton cœur à l’espoir d’un demain sans nuages, Tu sais que rien ne te touche, rien que le silence d’une vie La tienne Vie sacrifiée, un jour sans toi.

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    T

    Thibault Desbordes

    @thibaultDesbordes

    Les soirs orange En bas, il y a une jolie mésange Avec un ver en bec ; la voici qui le mange Dans l’air bleu. Les fantômes blancs sonnent de sons Lumineux ; la sombre complainte des bassons Ensoleille les murs, égaye les maisons. Avec ce son résonne le ban des vendanges ; La terre est colorée et nos soirs sont orange, L’astrée tourbillonne au goulot des oraisons. Ces territoires peints m’emporteront en eux, La marée des couleurs s’accrochera aux nœuds Des arbres, des épis, des mains des paysans. Je contemplerai l’air, et je verrai bien loin. Au gré du paysage en me dépaysant, J’irai, et reviendrai poèmes à la main.

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    Théodore de Banville

    Théodore de Banville

    @theodoreDeBanville

    L’automne Sois le bienvenu, rouge Automne, Accours dans ton riche appareil, Embrase le coteau vermeil Que la vigne pare et festonne. Père, tu rempliras la tonne Qui nous verse le doux sommeil ; Sois le bienvenu, rouge Automne, Accours dans ton riche appareil. Déjà la Nymphe qui s’étonne, Blanche de la nuque à l’orteil, Rit aux chants ivres de soleil Que le gai vendangeur entonne. Sois le bienvenu, rouge Automne.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Envoi des feuilles f'automne a Madame *** Ce livre errant qui va l'aile brisée, Et que le vent jette à votre croisée Comme un grêlon à tous les murs cogné, Hélas ! il sort des tempêtes publiques. Le froid, la pluie, et mille éclairs obliques L'ont assailli, le pauvre nouveau-né. Il est puni d'avoir fui ma demeure. Après avoir chanté, voici qu'il pleure ; Voici qu'il boite après avoir plané ! II. En attendant que le vent le remporte, Ouvrez, Marie, ouvrez-lui votre porte. Raccommodez ses vers estropiés ! Dans votre alcôve à tous les vents bien close, Pour un instant souffrez qu'il se repose, Qu'il se réchauffe au feu de vos trépieds, Qu'à vos côtés, à votre ombre, il se couche, Oiseau plumé, qui, frileux et farouche, Tremble et palpite, abrité sous vos pieds ! Le 18 janvier 1832.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Novembre Je lui dis : La rose du jardin, comme tu sais, dure peu ; et la saison des roses est bien vite écoulée. SADI. Quand l’Automne, abrégeant les jours qu’elle dévore, Éteint leurs soirs de flamme et glace leur aurore, Quand Novembre de brume inonde le ciel bleu, Que le bois tourbillonne et qu’il neige des feuilles, Ô ma muse ! en mon âme alors tu te recueilles, Comme un enfant transi qui s’approche du feu. Devant le sombre hiver de Paris qui bourdonne, Ton soleil d’orient s’éclipse, et t’abandonne, Ton beau rêve d’Asie avorte, et tu ne vois Sous tes yeux que la rue au bruit accoutumée, Brouillard à ta fenêtre, et longs flots de fumée Qui baignent en fuyant l’angle noirci des toits. Alors s’en vont en foule et sultans et sultanes, Pyramides, palmiers, galères capitanes, Et le tigre vorace et le chameau frugal, Djinns au vol furieux, danses des bayadères, L’Arabe qui se penche au cou des dromadaires, Et la fauve girafe au galop inégal ! Alors, éléphants blancs chargés de femmes brunes, Cités aux dômes d’or où les mois sont des lunes, Imans de Mahomet, mages, prêtres de Bel, Tout fuit, tout disparaît : – plus de minaret maure, Plus de sérail fleuri, plus d’ardente Gomorrhe Qui jette un reflet rouge au front noir de Babel ! C’est Paris, c’est l’hiver. – A ta chanson confuse Odalisques, émirs, pachas, tout se refuse. Dans ce vaste Paris le klephte est à l’étroit ; Le Nil déborderait ; les roses du Bengale Frissonnent dans ces champs où se tait la cigale ; A ce soleil brumeux les Péris auraient froid. Pleurant ton Orient, alors, muse ingénue, Tu viens à moi, honteuse, et seule, et presque nue. – N’as-tu pas, me dis-tu, dans ton coeur jeune encor Quelque chose à chanter, ami ? car je m’ennuie A voir ta blanche vitre où ruisselle la pluie, Moi qui dans mes vitraux avais un soleil d’or ! Puis, tu prends mes deux mains dans tes mains diaphanes ; Et nous nous asseyons, et, loin des yeux profanes, Entre mes souvenirs je t’offre les plus doux, Mon jeune âge, et ses jeux, et l’école mutine, Et les serments sans fin de la vierge enfantine, Aujourd’hui mère heureuse aux bras d’un autre époux. Je te raconte aussi comment, aux Feuillantines, Jadis tintaient pour moi les cloches argentines ; Comment, jeune et sauvage, errait ma liberté, Et qu’à dix ans, parfois, resté seul à la brune, Rêveur, mes yeux cherchaient les deux yeux de la lune, Comme la fleur qui s’ouvre aux tièdes nuits d’été. Puis tu me vois du pied pressant l’escarpolette Qui d’un vieux marronnier fait crier le squelette, Et vole, de ma mère éternelle terreur ! Puis je te dis les noms de mes amis d’Espagne, Madrid, et son collège où l’ennui t’accompagne, Et nos combats d’enfants pour le grand Empereur ! Puis encor mon bon père, ou quelque jeune fille Morte à quinze ans, à l’âge où l’oeil s’allume et brille. Mais surtout tu te plais aux premières amours, Frais papillons dont l’aile, en fuyant rajeunie, Sous le doigt qui la fixe est si vite ternie, Essaim doré qui n’a qu’un jour dans tous nos jours.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Voici que la saison décline Voici que la saison décline, L’ombre grandit, l’azur décroît, Le vent fraîchit sur la colline, L’oiseau frissonne, l’herbe a froid. Août contre septembre lutte ; L’océan n’a plus d’alcyon ; Chaque jour perd une minute, Chaque aurore pleure un rayon. La mouche, comme prise au piège, Est immobile à mon plafond ; Et comme un blanc flocon de neige, Petit à petit, l’été fond.

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    E

    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Automne Comme la lande est riche aux heures empourprées, Quand les cadrans du ciel ont sonné les vesprées ! Quels longs effeuillements d'angélus par les chênes ! Quels suaves appels des chapelles prochaines ! Là-bas, groupes meuglants de grands boeufs aux yeux glauques Vont menés par des gars aux bruyants soliloques. La poussière déferle en avalanches grises Pleines du chaud relent des vignes et des brises. Un silence a plu dans les solitudes proches : Des Sylphes ont cueilli le parfum mort des cloches. Quelle mélancolie ! Octobre, octobre en voie ! Watteau ! que je vous aime, Autran, ô Millevoye !

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    E

    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    C'etait l'automne...et les feuilles tombaient toujours L'ANGÉLUS sonnait, et l'enfant sur sa couche de douleur souffrait d'atroces maux ; il avait à peine quinze ans, et les froids autans contribuaient beaucoup à empirer son mal. Mais pourtant sa mère qui se lamentait au pied du lit, l'attristait encore plus profondément et augmentait en quelque sorte sa douleur. Soudain, joignant ses mains pâles en une céleste supplication, et portant sur le crucifix noir de la chambre ses yeux presque éteints, il fit une humble et douce prière qui monta vers Dieu comme un parfum langoureux. Et dehors, dans la nuit froide, les faibles coups de la cloche de la petite église voisine montaient tristement, elle semblait tinter d'avance le glas funèbre du jeune malade. La chaumière, perdue au fond de la campagne, était ombragée par de hauts peupliers qui lui voilaient le lointain. De belles montagnes bleues une à une se déroulaient là-bas, mais elles paraissaient maintenant plutôt noires, car les horizons s'assombrissaient de plus en plus. Les oiseaux dans les bocages ne chantaient plus, et toutes ces jolies fauvettes qui avaient égayé le printemps et l'été s'étaient envolées vers des parages inconnus. Les feuilles tombent et la brise d'automne gémit dans la ramure ; il fait sombre dehors ; mais ces tristesses de la nature, ces gémissements prolongés du vent, ne sont que les faibles échos de cette immense douleur qui veille au chevet du malade que Dieu redemande à la mère... Onze heures sonnent à la vieille horloge de la chaumière ; l'enfant vient de faire un mouvement qui appelle encore plus près de lui celle qui lui a prodigué ses soins pendant tant de jours et pendant tant de nuits. Elle approche, défaillante, et écoute attentivement les paroles que le mourant lui murmure faiblement à l'oreille : "Mère,... dit-il, je m'en vais... mais je ne t'oublierai pas là... haut... où... j'espère... de te... retrouver un jour... ne pleure pas... approche encore une dernière fois le crucifix de mes lèvres... car je n'ai plus que quelques instants à vivre... adieu, mère chérie... tu sais la place où je m'asseyais l'été dernier... sous le grand chêne... eh bien ! c'est là... que je désire... qu'on... m'enterre... Mère adieu, prends courage... " La mère ne pleure pas ; comme Marie au pied du calvaire elle embrasse sa croix,... souffre... et fait généreusement son sacrifice... Cependant les feuilles tombent, tombent toujours ; le sol est jonché de ces présages à la fois tristes et lugubres ; dans la chaumière le silence est solennel, la lampe jette dans l'appartement mortuaire une lueur funèbre qui se projette sur la figure blanche du cadavre à peine froid, la vitre est toute mouillée des embruns de la nuit, et la brise plaintive continue à pleurer dans les clairières. La jeunesse hélas ! du jeune malade s'est évanouie comme la fleur des champs qui se meurt, faute de pluie, sous les ardents rayons d'un soleil lumineux. Que la nature, les bois, les arbres, la vallée paraissaient tristes ce jour-là, car c'était l'automne... et les feuilles tombaient toujours.

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    E

    Emile Nelligan

    @emileNelligan

    Roses d'Octobre Pour ne pas voir choir les roses d'automne, Cloître ton cœur mort en mon cœur tué. Vers des soirs souffrants mon deuil s'est rué, Parallèlement au mois monotone. Le carmin tardif et joyeux détonne Sur le bois dolent de roux ponctué… Pour ne pas voir choir les roses d'automne, Cloître ton cœur mort en mon cœur tué.

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    Il fait novembre en mon âme Rayures d'eau, longues feuilles couleur de brique, Par mes plaines d'éternité comme il en tombe ! Et de la pluie et de la pluie - et la réplique D'un gros vent boursouflé qui gonfle et qui se bombe Et qui tombe, rayé de pluie en de la pluie.

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