Titre : Comme une fôret dans l'été
Auteur : Jean-Claude Renard
Ô signes comme sur la craie les daims de très anciens âges
Du dieu dans ses falaises peint par l'odeur forte et prophé
tique !
Car visible au sang pur l'or sur toute la face de la mer
Et pour l'oreille transparent comme la parole des îles.
Mais dans ses os le peuple appelé à lier et proférer
La
Terre et la conduire au sens comme une forêt dans l'été
La tient de tous ses rocs nocturnes si dure au lait fluvial
Et à l'huile qui lave et qui nourrit la laine interne et tiède.
Ah ! si rompue, si épaisse au langage et passée par la mort
Comme dans le feu les coqs noirs, — que n'y lit plus des eaux
du roi
La natale et profonde écriture sacrée ma ville d'homme!
Terrible est maintenant l'éclat des corps qui brûlent sur
la pierre
Et soudain la
Femme arrachée au mystère vivant des noces
Pareilles au pain mûr.
Toute la sève aiguë et patiente
Attend avec les pluies de faire l'arbre frais comme le cidre
Et le raisin neuf des soleils dans la grande vigne cosmique.
Mais le sang descendu des montagnes de
Dieu n'irrigue plus
Le sable et la lune d'août est mauvaise au milieu des
bœufs rouges.
Sont déjà tant de corps et d'os dans le dessèchement des sources
Vêtus comme d'un
Christ désert où le
Christ des corps glorieux
Ne reconnaîtra même plus la chair du
Christ crucifié,
Que le mouvement avec eux des germinations du monde
Est dans l'argile suspendu comme une mine abandonnée
Sur les collines de l'Afrique et comme un pré de coton mort! Ô jours d'avant les derniers jours dans le tremblement
des
Planètes
Et la prompte approche du dieu, — laissez venir les vents de soie.
Les vents de fenouil et de foudre ensemencer les champs
du sacre.
Car il n'est plus que peu de temps, de profondeur et de silence
Devant la haute éternité qui entre en crue comme le
Nil !
Mais que vive encore un amour qui couvre les pays du sel
Des fêtes vertes du café, du térebinthe et du muscat
Et de l'antique nuit du sang assume encor la solitude.
Et comme paissent les chevaux dans les pâturages princiers
Où l'autre enfance m'exorcise — où fonde et peuple l'âge
d'homme
L'Esprit qui m'a trempé de joie quand ce fut l'été sur
mes fleuves,
Toute la
Terre transmuée recevra encor d'être heureuse.