Titre : Pour la lumière et pour le vin
Auteur : Jean-Claude Renard
Comme entre les os proférés
la parole mère — le feu
dans le lit natal de la nuit,
qu'ainsi la tête de taureau
luisante de laits et d'anis
sous l'arbre de la lune, — un peuple
avec la pierre prophétique
se lève encore pour sacrer
la science des noces peintes
dans la profondeur des cerfs rouges !
Car malgré le sang et la mort
toute planète pour la fable
à reconnaître et inventer
d'un même amour — d'un même amour
à recevoir et à mûrir
comme dans l'incantation
la terre hantée d'une autre terre,
n'a pas le nom des foudroiements.
Ô voyages magnétisés!
Dans la mémoire sous la laine,
dans le mystère entre les morts
n'est pas détruite la racine
qui charge d'herbe et d'or la chair,
mais séparée — et la narine
dure à la force de ton sel,
ô mon soleil !
Cette semence
plantée plus vive que la vie
aux origines du silence
cherche pourtant, dedans le corps
frappé déjà d'éternité,
à le changer en elle-même.
Et comme d'un seul poumon mues
les hautes respirations,
c'est de toutes glaises obscures
une traversée, une enfance
vers l'eau centrale de l'été.
Les augures teints sur la roche
sont d'agneaux noirs, la mer acide,
et dans les pays enterrés
brûlée, noyée la femme aux neiges.
Mais ton amour est sous la menthe
et ta chair déjà sous la chair
et sous le malheur le pain pur.
Car une joie d'iode et de bois
depuis le premier jour du monde
fait une fête essentielle
à travers signes et figures
vers le seul corps royal — ô
Christ,
afin qu'en lui seul soit par lui
la patience de la vigne
fraîche aux captures solennelles,
libre dans la métamorphose
pour la lumière et pour le vin.