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Victor Hugo

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Victor Hugo, parfois surnommé l'Homme océan ou, de manière posthume, l'Homme siècle, est un poète, dramaturge, écrivain, romancier et dessinateur romantique français, né le 7 ventôse an X (26 février 1802) à Besançon et mort le 22 mai 1885 à Paris. Il est considéré comme l'un des écrivains de la langue française et de la littérature mondiale les plus importants. Hugo est aussi une personnalité politique et un intellectuel engagé qui a un rôle idéologique majeur et occupe une place marquante dans l'histoire des lettres françaises au XIXe siècle. Au théâtre, Victor Hugo s'impose comme un des chefs de file du romantisme français en présentant sa conception du drame romantique dans les préfaces qui introduisent Cromwell en 1827, puis Hernani en 1830, qui sont de véritables manifestes, puis par ses autres œuvres dramatiques, en particulier Lucrèce Borgia en 1833 et Ruy Blas en 1838. Son œuvre poétique comprend plusieurs recueils de poèmes lyriques, dont les plus célèbres sont Odes et Ballades paru en 1826, Les Feuilles d'automne en 1831 et Les Contemplations en 1856. Victor Hugo est aussi un poète engagé contre Napoléon III dans Les Châtiments, paru en 1853, et un poète épique dans La Légende des siècles, publié de 1859 à 1883. Comme romancier, il rencontre un grand succès populaire, d'abord avec Notre-Dame de Paris en 1831, et plus encore avec Les Misérables en 1862. Son œuvre multiple comprend aussi des écrits et discours politiques, des récits de voyages, des recueils de notes et de mémoires, des commentaires littéraires, une correspondance abondante, près de quatre mille dessins dont la plupart réalisés à l'encre, ainsi que la conception de décors intérieurs et une contribution à la photographie. Très impliqué dans le débat public, Victor Hugo est parlementaire sous la monarchie de Juillet et sous la Deuxième et Troisième République. Il s'exile pendant près de vingt ans à Jersey et Guernesey sous le Second Empire, dont il est l'un des grands opposants. Attaché à la paix et à la liberté et sensible à la misère humaine, il s'exprime en faveur de nombreuses avancées sociales, s'oppose à la peine de mort et à l'esclavage. Il soutient aussi l'idée d'une Europe unifiée. Son engagement résolument républicain dans la deuxième partie de sa vie et son immense œuvre littéraire font de lui un personnage emblématique, que la Troisième République honore par des funérailles nationales et le transfert de sa dépouille au Panthéon de Paris le 1er juin 1885, dix jours après sa mort. Pendant les deux jours où sa tombe est exposée au public, plus de deux millions de personnes se déplacent pour lui rendre hommage. Ayant fortement contribué au renouvellement de la poésie et du théâtre et ayant marqué son époque par ses prises de position politiques et sociales, Victor Hugo est encore célébré aujourd'hui, en France et à l'étranger, comme un personnage illustre, dont la vie et l'œuvre font l'objet de multiples commentaires et hommages.

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Poésies

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    Demain, dès l'aube Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends. J'irai par la forêt, j'irai par la montagne. Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées, Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit. Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe, Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

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    Depuis six mille ans la guerre Depuis six mille ans la guerre Plait aux peuples querelleurs, Et Dieu perd son temps à faire Les étoiles et les fleurs. Les conseils du ciel immense, Du lys pur, du nid doré, N'ôtent aucune démence Du coeur de l'homme effaré. Les carnages, les victoires, Voilà notre grand amour ; Et les multitudes noires Ont pour grelot le tambour. La gloire, sous ses chimères Et sous ses chars triomphants, Met toutes les pauvres mères Et tous les petits enfants. Notre bonheur est farouche ; C'est de dire : Allons ! mourons ! Et c'est d'avoir à la bouche La salive des clairons. L'acier luit, les bivouacs fument ; Pâles, nous nous déchaînons ; Les sombres âmes s'allument Aux lumières des canons. Et cela pour des altesses Qui, vous à peine enterrés, Se feront des politesses Pendant que vous pourrirez, Et que, dans le champ funeste, Les chacals et les oiseaux, Hideux, iront voir s'il reste De la chair après vos os ! Aucun peuple ne tolère Qu'un autre vive à côté ; Et l'on souffle la colère Dans notre imbécillité. C'est un Russe ! Egorge, assomme. Un Croate ! Feu roulant. C'est juste. Pourquoi cet homme Avait-il un habit blanc ? Celui-ci, je le supprime Et m'en vais, le coeur serein, Puisqu'il a commis le crime De naître à droite du Rhin. Rosbach ! Waterloo ! Vengeance ! L'homme, ivre d'un affreux bruit, N'a plus d'autre intelligence Que le massacre et la nuit. On pourrait boire aux fontaines, Prier dans l'ombre à genoux, Aimer, songer sous les chênes ; Tuer son frère est plus doux. On se hache, on se harponne, On court par monts et par vaux ; L'épouvante se cramponne Du poing aux crins des chevaux. Et l'aube est là sur la plaine ! Oh ! j'admire, en vérité, Qu'on puisse avoir de la haine Quand l'alouette a chanté.

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    Dieu Dieu. À travers ce qu'on sent confusément bruire, C'est lui qui fait trembler, c'est lui qui fait reluire L'oeil sous le cil baissé, l'eau sous la berge en fleurs ; Le rayon de la lune au bas des monts paisibles Et le vague reflet des choses invisibles Au front incliné des rêveurs.

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    Dieu invisible au philosophe Le philosophe allait sur son âne; prophète, Prunelle devant l'ombre horrible stupéfaite, Il allait, il pensait. Devin des nations, Il vendait aux païens des malédictions, Sans savoir si des mains dans les ténèbres blêmes S'ouvraient pour recevoir ces vagues anathèmes. Il venait de Phétor; il allait chez Balac, Fils des Gomorrhéens qui dorment sous le lac, Mage d'Assur et roi du peuple moabite. Il avait quitté l'ombre où l'épouvante habite, Et le hideux abri des chênes chevelus Que l'ouragan secoue en ses larges reflux. Morne, il laissait marcher au hasard sa monture, Son esprit cheminant dans une autre aventure; Il se demandait: -Tout est-il vide ? et le fond N'est-il que de l'abîme où des spectres s'en vont ? L'ombre prodigieuse est-elle une personne ? Le flot qui murmure, est-ce une voix qui raisonne ? Depuis quatre-vingts ans, je vis dans un réduit, Regardant la sueur des antres de la nuit, Écoutant les sanglots de l'air dans les nuées. Le gouffre est-il vivant ? Larves exténuées, Qu'est-ce que nous cherchons ? Je sais l'assyrien, L'arabe, le persan, l'hébreu; je ne sais rien. De quel profond néant sommes-nous les ministres ?...- Ainsi, pâle, il songeait sous les branches sinistres, Les cheveux hérissés par les souffles des bois. L'âne s'arrêta court et lui dit: -Je le vois.-

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    Elle avait pris ce pli Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin De venir dans ma chambre un peu chaque matin ; Je l'attendais ainsi qu'un rayon qu'on espère ; Elle entrait, et disait : Bonjour, mon petit père ; Prenait ma plume, ouvrait mes livres, s'asseyait Sur mon lit, dérangeait mes papiers, et riait, Puis soudain s'en allait comme un oiseau qui passe. Alors, je reprenais, la tête un peu moins lasse, Mon oeuvre interrompue, et, tout en écrivant, Parmi mes manuscrits je rencontrais souvent Quelque arabesque folle et qu'elle avait tracée, Et mainte page blanche entre ses mains froissée Où, je ne sais comment, venaient mes plus doux vers. Elle aimait Dieu, les fleurs, les astres, les prés verts, Et c'était un esprit avant d'être une femme. Son regard reflétait la clarté de son âme. Elle me consultait sur tout à tous moments. Oh ! que de soirs d'hiver radieux et charmants Passés à raisonner langue, histoire et grammaire, Mes quatre enfants groupés sur mes genoux, leur mère Tout près, quelques amis causant au coin du feu ! J'appelais cette vie être content de peu ! Et dire qu'elle est morte ! Hélas ! que Dieu m'assiste ! Je n'étais jamais gai quand je la sentais triste ; J'étais morne au milieu du bal le plus joyeux Si j'avais, en partant, vu quelque ombre en ses yeux.

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    Elle est gaie et pensive Elle est gaie et pensive ; elle nous fait songer À tout ce qui reluit malgré de sombres voiles, Aux bois pleins de rayons, aux nuits pleines d'étoiles. L'esprit en la voyant s'en va je ne sais où. Elle a tout ce qui peut rendre un pauvre homme fou. Tantôt c'est un enfant, tantôt c'est une reine. Hélas ! quelle beauté radieuse et sereine ! Elle a de fiers dédains, de charmantes faveurs, Un regard doux et bleu sous de longs cils rêveurs, L'innocence, et l'amour qui sans tristesse encore Flotte empreint sur son front comme une vague aurore, Et puis je ne sais quoi de calme et de vainqueur ! Et le ciel dans ses yeux met l'enfer dans mon coeur !

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    Elle était déchaussée, elle était décoiffée Elle était déchaussée, elle était décoiffée, Assise, les pieds nus, parmi les joncs penchants ; Moi qui passais par là, je crus voir une fée, Et je lui dis : Veux-tu t'en venir dans les champs ? Elle me regarda de ce regard suprême Qui reste à la beauté quand nous en triomphons, Et je lui dis : Veux-tu, c'est le mois où l'on aime, Veux-tu nous en aller sous les arbres profonds ?

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    En mai Une sorte de verve étrange, point muette, Point sourde, éclate et fait du printemps un poëte ; Tout parle et tout écoute et tout aime à la fois ; Et l'antre est une bouche et la source une voix ; L'oiseau regarde ému l'oiselle intimidée, Et dit : Si je faisais un nid ? c'est une idée ! Comme rêve un songeur le front sur l'oreiller, La nature se sent en train de travailler, Bégaie un idéal dans ses noirs dialogues, Fait des strophes qui sont les chênes, des églogues Qui sont les amandiers et les lilas en fleur, Et se laisse railler par le merle siffleur ; Il lui vient à l'esprit des nouveautés superbes ; Elle mêle la folle avoine aux grandes herbes ; Son poëme est la plaine où paissent les troupeaux ; Savante, elle n'a pas de trêve et de repos Jusqu'à ce qu'elle accouple et combine et confonde L'encens et le poison dans la sève profonde ; De la nuit monstrueuse elle tire le jour ; Souvent avec la haine elle fait de l'amour ; Elle a la fièvre et crée, ainsi qu'un sombre artiste ; Tout ce que la broussaille a d'hostile et de triste, Le buisson hérissé, le steppe, le maquis, Se condense, ô mystère, en un chef-d'œuvre exquis Que l'épine complète et que le ciel arrose ; Et l'inspiration des ronces, c'est la rose.

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    Encore Dieu, mais avec des restrictions Quel beau lieu ! Là le cèdre avec l'orme chuchote, L'âne est Iyrique et semble avoir vu Don Quichotte, Le tigre en cage a l'air d'un roi dans son palais, Les pachydermes sont effroyablement laids ; Et puis c'est littéraire, on rêve à des idylles De Viennet en voyant bâiller les crocodiles. Là, pendant qu'au babouin la singesse se vend, Pendant que le baudet contemple le savant, Et que le vautour fait au hibou bon visage, Certes, c'est un emploi du temps digne d'un sage De s'en aller songer dans cette ombre, parmi Ces arbres pleins de nids, où tout semble endormi Et veille, où le refus consent, où l'amour lutte, Et d'écouter le vent, ce doux joueur de flûte. Apprenons, laissons faire, aimons, les cieux sont grands ; Et devenons savants, et restons ignorants. Soyons sous l'infini des auditeurs honnêtes ; Rien n'est muet ni sourd ; voyons le plus de bêtes Que nous pouvons ; tirons partie de leurs leçons. Parce qu'autour de nous tout rêve, nous pensons. L'ignorance est un peu semblable à la prière ; L'homme est grand par devant et petit par derrière ; C'est, d'Euclide à Newton, de Job à Réaumur, Un indiscret qui veut voir par-dessus le mur, Et la nature, au fond très moqueuse, paraphe Notre science avec le cou de la girafe. Tâchez de voir, c'est bien. Épiez. Notre esprit Pousse notre science à guetter ; Dieu sourit, Vieux malin. Je l'ai dit, Dieu prête à la critique. Il n'est pas sobre. Il est débordant, frénétique, Inconvenant ; ici le nain, là le géant, Tout à la fois ; énorme ; il manque de néant. Il abuse du gouffre, il abuse du prisme. Tout, c'est trop. Son soleil va jusqu'au gongorisme ; Lumière outrée. Oui, Dieu vraiment est inégal ; Ici la Sibérie, et là le Sénégal ; Et partout l'antithèse ! il faut qu'on s'y résigne ; S'il fait noir le corbeau, c'est qu'il fit blanc le cygne ; Aujourd'hui Dieu nous gèle, hier il nous chauffait. Comme à l'académie on lui dirait son fait ! Que nous veut la comète ? À quoi sert le bolide ? Quand on est un pédant sérieux et solide, Plus on est ébloui, moins on est satisfait ; La férule à Batteux, le sabre à Galifet Ne tolèrent pas Dieu sans quelque impatience ; Dieu trouble l'ordre ; il met sur les dents la science ; À peine a-t-on fini qu'il faut recommencer ; Il semble que l'on sent dans la main vous glisser On ne sait quel serpent tout écaillé d'aurore. Dès que vous avez dit : assez ! il dit : encore ! Ce démagogue donne au pauvre autant de fleurs Qu'au riche ; il ne sait pas se borner ; ses couleurs, Ses rayons, ses éclairs, c'est plus qu'on ne souhaite. Ah ! tout cela fait mal aux yeux ! dit la chouette. Et la chouette, c'est la sagesse. Il est sûr Que Dieu taille à son gré le monde en plein azur ; Il mêle l'ironie à son tonnerre épique ; Si l'on plane il foudroie et si l'on broute il pique. (Je ne m'étonne pas que Planche eût l'air piqué.) Le vent, voix sans raison, sorte de bruit manqué, Sans jamais s'expliquer et sans jamais conclure, Rabâche, et l'océan n'est pas exempt d'enflure. Quant à moi, je serais, j'en fais ici l'aveu, Curieux de savoir ce que diraient de Dieu, Du monde qu'il régit, du ciel qu'il exagère, De l'infini, sinistre et confuse étagère, De tout ce que ce Dieu prodigue, des amas D'étoiles de tout genre et de tous les formats, De sa façon d'emplir d'astres le télescope, Nonotte et Baculard dans le café Procope.

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    Envoi des feuilles f'automne a Madame *** Ce livre errant qui va l'aile brisée, Et que le vent jette à votre croisée Comme un grêlon à tous les murs cogné, Hélas ! il sort des tempêtes publiques. Le froid, la pluie, et mille éclairs obliques L'ont assailli, le pauvre nouveau-né. Il est puni d'avoir fui ma demeure. Après avoir chanté, voici qu'il pleure ; Voici qu'il boite après avoir plané ! II. En attendant que le vent le remporte, Ouvrez, Marie, ouvrez-lui votre porte. Raccommodez ses vers estropiés ! Dans votre alcôve à tous les vents bien close, Pour un instant souffrez qu'il se repose, Qu'il se réchauffe au feu de vos trépieds, Qu'à vos côtés, à votre ombre, il se couche, Oiseau plumé, qui, frileux et farouche, Tremble et palpite, abrité sous vos pieds ! Le 18 janvier 1832.

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    Espoir en Dieu Espère, enfant ! demain ! et puis demain encore ! Et puis toujours demain ! croyons dans l'avenir. Espère ! et chaque fois que se lève l'aurore, Soyons là pour prier comme Dieu pour bénir ! Nos fautes, mon pauvre ange, ont causé nos souffrances. Peut-être qu'en restant bien longtemps à genoux, Quand il aura béni toutes les innocences, Puis tous les repentirs, Dieu finira par nous ! Octobre 18...

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    Exil Si je pouvais voir, ô patrie, Tes amandiers et tes lilas, Et fouler ton herbe fleurie, Hélas ! Si je pouvais, - mais, ô mon père, O ma mère, je ne peux pas, Prendre pour chevet votre pierre, Hélas ! Dans le froid cercueil qui vous gêne, Si je pouvais vous parler bas, Mon frère Abel, mon frère Eugène, Hélas ! Si je pouvais, ô ma colombe, Et toi, mère, qui t'envolas, M'agenouiller sur votre tombe, Hélas ! Oh ! vers l'étoile solitaire, Comme je lèverais les bras ! Comme je baiserais la terre, Hélas ! Loin de vous, ô morts que je pleure, Des flots noirs j'écoute le glas ; Je voudrais fuir, mais je demeure, Hélas ! Pourtant le sort, caché dans l'ombre, Se trompe si, comptant mes pas, Il croit que le vieux marcheur sombre Est las.

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    Fonction du poète (I) Pourquoi t'exiler, ô poète, Dans la foule où nous te voyons ? Que sont pour ton âme inquiète Les partis, chaos sans rayons ? Dans leur atmosphère souillée Meurt ta poésie effeuillée : Leur souffle égare ton encens ; Ton cœur, dans leurs luttes serviles, Est comme ces gazons des villes Rongés par les pieds des passants. Dans les brumeuses capitales N'entends-tu pas avec effroi, Comme deux puissances fatales, Se heurter le peuple et le roi ? De ces haines que tout réveille À quoi bon remplir ton oreille, Ô poète, ô maître, ô semeur ? Tout entier au Dieu que tu nommes, Ne te mêle pas à ces hommes Qui vivent dans une rumeur ! Va résonner, âme épurée, Dans le pacifique concert ! Va t'épanouis, fleur sacrée, Sous les larges cieux du désert ! Ô rêveur, cherche les retraites, Les abris, les grottes discrètes, Et l'oubli pour trouver l'amour, Et le silence afin d'entendre La voix d'en haut, sévère et tendre, Et l'ombre afin de voir le jour ! Va dans les bois ! va sur les plages ! Compose tes chants inspirés Avec la chanson des feuillages Et l'hymne des flots azurés ! Dieu t'attend dans les solitudes ; Dieu n'est pas dans les multitudes ; L'homme est petit, ingrat et vain. Dans les champs tout vibre et soupire. La nature est la grande lyre, Le poète est l'archet divin ! Sors de nos tempêtes, ô sage ! Que pour toi l'empire en travail, Qui fait son périlleux passage Sans boussole et sans gouvernail, Soit comme un vaisseau qu'en décembre Le pêcheur, du fond de sa chambre Où pendent ses filets séchés, Entend la nuit passer dans l'ombre Avec un bruit sinistre et sombre De mâts frissonnants et penchés !

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    Fonction du poète (II) Peuples ! écoutez le poète ! Écoutez le rêveur sacré ! Dans votre nuit, sans lui complète, Lui seul a le front éclairé. Des temps futurs perçant les ombres, Lui seul distingue en leurs flancs sombres Le germe qui n'est pas éclos. Homme, il est doux comme une femme. Dieu parle à voix basse à son âme Comme aux forêts et comme aux flots. C'est lui qui, malgré les épines, L'envie et la dérision, Marche, courbé dans vos ruines, Ramassant la tradition. De la tradition féconde Sort tout ce qui couvre le monde, Tout ce que le ciel peut bénir. Toute idée, humaine ou divine, Qui prend le passé pour racine A pour feuillage l'avenir. Il rayonne ! il jette sa flamme Sur l'éternelle vérité ! Il la fait resplendir pour l'âme D'une merveilleuse clarté. Il inonde de sa lumière Ville et désert, Louvre et chaumière, Et les plaines et les hauteurs ; À tous d'en haut il la dévoile ; Car la poésie est l'étoile Qui mène à Dieu rois et pasteurs !

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    Force des choses Que devant les coquins l'honnête homme soupire ; Que l'histoire soit laide et plate ; que l'empire Boîte avec Talleyrand ou louche avec Parieu ; Qu'un tour d'escroc bien fait ait nom grâce de Dieu ; Que le pape en massue ait changé sa houlette ; Qu'on voie au Champ de Mars piaffer sous l'épaulette Le Meurtre général, le Vol aide de camp ; Que hors de l'Elysée un prince débusquant, Qu'un flibustier quittant l'île de la Tortue, Assassine, extermine, égorge, pille et tue ; Que les bonzes chrétiens, cognant sur leur tam-tam Hurlent devant Soufflard : Attollite portam ! Que pour claqueurs le crime ait cent journaux infâmes, Ceux qu'à la maison d'or, sur les genoux des femmes, Griffonnent les Romieux, le verre en main, et ceux Que saint-Ignace inspire à des gredins crasseux ; Qu'en ces vils tribunaux, où le regard se heurte De Moreau de la Seine à Moreau de la Meurthe, La justice ait reçu d'horribles horions ; Que, sur un lit de camp, par des centurions La loi soit violée et râle à l'agonie ; Que cet être choisi, créé par Dieu génie, L'homme, adore à genoux le loup fait empereur ; Qu'en un éclat de rire abrégé par l'horreur, Tout ce que nous voyons aujourd'hui se résume ; Qu'Hautpoul vende son sabre et Cucheval sa plume ; Que tous les grands bandits, en petit copiés, Revivent ; qu'on emplisse un sénat de plats-pieds Dont la servilité négresse et mamelouque Eût révolté Mahmoud et lasserait Soulouque ; Que l'or soit le seul culte, et qu'en ce temps vénal, Coffre-fort étant Dieu, Gousset soit cardinal ; Que la vieille Thémis ne soit plus qu'une gouine Baisant Mandrin dans l'antre où Mongis baragouine ; Que Montalembert bave accoudé sur l'autel ; Que Veuillot sur Sibour crève sa poche au fiel ; Qu'on voie aux bals de cour s'étaler des guenipes Qui le long des trottoirs traînaient hier leurs nippes, Beautés de lansquenet avec un profil grec ; Que Haynau dans Brescia soit pire que Lautrec ; Que partout, des Sept-Tours aux colonnes d'Hercule, Napoléon, le poing sur la hanche, recule, Car l'aigle est vieux, Essling grisonne, Marengo À la goutte, Austerlitz est pris d'un lombago ; Que le czar russe ait peur tout autant que le nôtre ; Que l'ours noir et l'ours blanc tremblent l'un devant l'autre ; Qu'avec son grand panache et sur son grand cheval Rayonne Saint-Arnaud, ci-devant Florival, Fort dans la pantomime et les combats à l'hache ; Que Sodome se montre et que Paris se cache ; Qu'Escobar et Houdin vendent le même onguent ; Que grâce à tous ces gueux qu'on touche avec le gant, Tout dorés au dehors, au dedans noirs de lèpres, Courant les bals, courant les jeux, allant à vêpres, Grâce à ces bateleurs mêlés aux scélérats, La Saint-Barthélemy s'achève en mardi gras ; Ô nature profonde et calme, que t'importe ! Nature, Isis voilée assise à notre porte, Impénétrable aïeule aux regards attendris, Vieille comme Cybèle et fraîche comme Iris, Ce qu'on fait ici-bas s'en va devant ta face ; À ton rayonnement toute laideur s'efface ; Tu ne t'informes pas quel drôle ou quel tyran Est fait premier chanoine à Saint-Jean-de-Latran ; Décembre, les soldats ivres, les lois faussées, Les cadavres mêlés aux bouteilles cassées, Ne te font rien ; tu suis ton flux et ton reflux. Quand l'homme des faubourgs s'endort et ne sait plus Bourrer dans un fusil des balles de calibre ; Quand le peuple français n'est plus le peuple libre ; Quand mon esprit, fidèle au but qu'il se fixa, Sur cette léthargie applique un vers moxa, Toi, tu rêves ; souvent du fond des geôles sombres, Sort, comme d'un enfer, le murmure des ombres Que Baroche et Rouher gardent sous les barreaux, Car ce tas de laquais est un tas de bourreaux ; Etant les cœurs de boue, ils sont les cœurs de roche ; Ma strophe alors se dresse, et, pour cingler Baroche, Se taille un fouet sanglant dans Rouher écorché ; Toi, tu ne t'émeus point ; flot sans cesse épanché, La vie indifférente emplit toujours tes urnes ; Tu laisses s'élever des attentats nocturnes, Des crimes, des fureurs, de Rome mise en croix, De Paris mis aux fers, des guets-apens des rois, Des pièges, des serments, des toiles d'araignées, L'orageuse clameur des âmes indignées ; Dans ce calme où toujours tu te réfugias, Tu laisses le fumier croupir chez Augias, Et renaître un passé dont nous nous affranchîmes, Et le sang rajeunir les abus cacochymes, La France en deuil jeter son suprême soupir, Les prostitutions chanter, et se tapir Les lâches dans leurs trous, la taupe en ses cachettes, Et gronder les lions, et rugir les poètes ! Ce n'est pas ton affaire à toi de t'irriter. Tu verrais, sans frémir et sans te révolter, Sur tes fleurs, sous tes pins, tes ifs et tes érables, Errer le plus coquin de tous ces misérables. Quand Troplong, le matin, ouvre un œil chassieux, Vénus, splendeur sereine éblouissant les cieux, Vénus, qui devrait fuir courroucée et hagarde, N'a pas l'air de savoir que Troplong la regarde ! Tu laisserais cueillir une rose à Dupin ! Tandis que, de velours recouvrant le sapin, L'escarpe couronné que l'Europe surveille, Trône et guette, et qu'il a, lui parlant à l'oreille, D'un côté Loyola, de l'autre Trestaillon, Ton doigt au blé dans l'ombre entrouvre le sillon. Pendant que l'horreur sort des sénats, des conclaves, Que les États-Unis ont des marchés d'esclaves Comme en eut Rome avant que Jésus-Christ passât, Que l'américain libre à l'africain forçat Met un bât, et qu'on vend des hommes pour des piastres, Toi, tu gonfles la mer, tu fais lever les astres, Tu courbes l'arc-en-ciel, tu remplis les buissons D'essaims, l'air de parfums et les nids de chansons, Tu fais dans le bois vert la toilette des roses, Et tu fais concourir, loin des hommes moroses, Pour des prix inconnus par les anges cueillis, La candeur de la vierge et la blancheur du lys. Et quand, tordant ses mains devant les turpitudes, Le penseur douloureux fuit dans tes solitudes, Tu lui dis : Viens ! c'est moi ! moi que rien ne corrompt ! Je t'aime ! et tu répands dans l'ombre, sur son front Où de l'artère ardente il sent battre les ondes, L'âcre fraîcheur de l'herbe et des feuilles profondes ! Par moments, à te voir, parmi les trahisons, Mener paisiblement tes mois et tes saisons, À te voir impassible et froide, quoi qu'on fasse, Pour qui ne creuse point plus bas que la surface, Tu sembles bien glacée, et l'on s'étonne un peu. Quand les proscrits, martyrs du peuple, élus de Dieu, Stoïques, dans la mort se couchent sans se plaindre, Tu n'as l'air de songer qu'à dorer et qu'à peindre L'aile du scarabée errant sur leurs tombeaux. Les rois font les gibets, toi, tu fais les corbeaux. Tu mets le même ciel sur le juste et l'injuste. Occupée à la mouche, à la pierre, à l'arbuste, Aux mouvements confus du vil monde animal, Tu parais ignorer le bien comme le mal ; Tu laisses l'homme en proie à sa misère aiguë. Que t'importe Socrate ! et tu fais la ciguë. Tu créas le besoin, l'instinct et l'appétit ; Le fort mange le faible et le grand le petit, L'ours déjeune du rat, l'autour de la colombe, Qu'importe ! allez, naissez, fourmillez pour la tombe, Multitudes ! vivez, tuez, faites l'amour, Croissez ! le pré verdit, la nuit succède au jour, L'âne brait, le cheval hennit, le taureau beugle. Ô figure terrible, on te croirait aveugle ! Le bon et le mauvais se mêlent sous tes pas. Dans cet immense oubli, tu ne vois même pas Ces deux géants lointains penchés sur ton abîme, Satan, père du mal, Caïn, père du crime ! Erreur ! erreur ! erreur ! ô géante aux cent yeux, Tu fais un grand labeur, saint et mystérieux ! Oh ! qu'un autre que moi te blasphème, ô nature Tandis que notre chaîne étreint notre ceinture, Et que l'obscurité s'étend de toutes parts, Les principes cachés, les éléments épars, Le fleuve, le volcan à la bouche écarlate, Le gaz qui se condense et l'air qui se dilate, Les fluides, l'éther, le germe sourd et lent, Sont autant d'ouvriers dans l'ombre travaillant ; Ouvriers sans sommeil, sans fatigue, sans nombre. Tu viens dans cette nuit, libératrice sombre ! Tout travaille, l'aimant, le bitume, le fer, Le charbon ; pour changer en éden notre enfer, Les forces à ta voix sortent du fond des gouffres. Tu murmures tout bas : — Race d'Adam qui souffres, Hommes, forçats pensants au vieux monde attachés, Chacune de mes lois vous délivre. Cherchez ! — Et chaque jour surgit une clarté nouvelle, Et le penseur épie et le hasard révèle ; Toujours le vent sema, le calcul récolta. Ici Fulton, ici Galvani, là Volta, Sur tes secrets profonds que chaque instant nous livre, Rêvent ; l'homme ébloui déchiffre enfin ton livre. D'heure en heure on découvre un peu plus d'horizon Comme un coup de bélier au mur d'une prison, Du genre humain qui fouille et qui creuse et qui sonde, Chaque tâtonnement fait tressaillir le monde. L'hymen des nations s'accomplit. Passions, Intérêts, mœurs et lois, les révolutions Par qui le cœur humain germe et change de formes, Paris, Londres, New-York, les continents énormes, Ont pour lien un fil qui tremble au fond des mers. Une force inconnue, empruntée aux éclairs, Mêle au courant des flots le courant des idées. La science, gonflant ses ondes débordées, Submerge trône et sceptre, idole et potentat. Tout va, pense, se meut, s'accroît. L'aérostat Passe, et du haut des cieux ensemence les hommes. Chanaan apparaît ; le voilà, nous y sommes ! L'amour succède aux pleurs et l'eau vive à la mort, Et la bouche qui chante à la bouche qui mord. La science, pareille aux antiques pontifes, Attelle aux chars tonnants d'effrayants hippogriffes Le feu souffle aux naseaux de la bête d'airain. Le globe esclave cède à l'esprit souverain. Partout où la terreur régnait, où marchait l'homme, Triste et plus accablé que la bête de somme, Traînant ses fers sanglants que l'erreur a forgés, Partout où les carcans sortaient des préjugés, Partout où les césars, posant le pied sur l'âme, Etouffaient la clarté, la pensée et la flamme, Partout où le mal sombre, étendant son réseau, Faisait ramper le ver, tu fais naître l'oiseau ! Par degrés, lentement, on voit sous ton haleine La liberté sortir de l'herbe de la plaine, Des pierres du chemin, des branches des forêts, Rayonner, convertir la science en décrets, Du vieil univers mort briser la carapace, Emplir le feu qui luit, l'eau qui bout, l'air qui passe, Gronder dans le tonnerre, errer dans les torrents, Vivre ! et tu rends le monde impossible aux tyrans ! La matière, aujourd'hui vivante, jadis morte, Hier écrasait l'homme et maintenant l'emporte. Le bien germe à toute heure et la joie en tout lieu. Oh ! sois fière en ton cœur, toi qui, sous l'œil de Dieu, Nous prodigues les dons que ton mystère épanche, Toi qui regardes, comme une mère se penche Pour voir naître l'enfant que son ventre a porté, De ton flanc éternel sortir l'humanité ! Vie ! idée ! avenir bouillonnant dans les têtes ! Le progrès, reliant entre elles ses conquêtes, Gagne un point après l'autre, et court contagieux. De cet obscur amas de faits prodigieux Qu'aucun regard n'embrasse et qu'aucun mot ne nomme, Tu nais plus frissonnant que l'aigle, esprit de l'homme, Refaisant mœurs, cités, codes, religion. Le passé n'est que l'oeuf d'où tu sors, Légion ! Ô nature ! c'est là ta genèse sublime. Oh ! l'éblouissement nous prend sur cette cime ! Le monde, réclamant l'essor que Dieu lui doit, Vibre, et dès à présent, grave, attentif, le doigt Sur la bouche, incliné sur les choses futures, Sur la création et sur les créatures, Une vague lueur dans son œil éclatant, Le voyant, le savant, le philosophe entend Dans l'avenir, déjà vivant sous ses prunelles, La palpitation de ces millions d'ailes ! Jersey, le 23 mai 1853.

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    Fuis l'éden des anges déchus Fuis l'éden des anges déchus ; Ami, prends garde aux belles filles ; Redoute à Paris les fichus, Redoute à Madrid les mantilles. Tremble pour tes ailes, oiseau, Et pour tes fils, marionnette. Crains un peu l'oeil de Calypso, Et crains beaucoup l'oeil de Jeannette. Quand leur tendresse a commencé, Notre servitude est prochaine. Veux-tu savoir leur A B C ? Ami, c'est Amour, Baiser, Chaîne. Le soleil dore une prison, Un rosier parfume une geôle, Et c'est là, vois-tu, la façon Dont une fille nous enjôle. Pris, on a sa pensée au vent Et dans l'âme une sombre lyre, Et bien souvent on pleure avant Qu'on ait eu le temps de sourire. Viens dans les prés, le gai printemps Fait frissonner les vastes chênes, L'herbe rit, les bois sont contents, Chantons ! Oh, les claires fontaines !

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    Gare ! On a peur, tant elle est belle ! Fût-on don Juan ou Caton. On la redoute rebelle ; Tendre, que deviendrait-on ? Elle est joyeuse et céleste ! Elle vient de ce Brésil Si doré qu'il fait du reste De l'univers un exil. À quatorze ans épousée, Et veuve au bout de dix mois. Elle a toute la rosée De l'aurore au fond des bois. Elle est vierge ; à peine née. Son mari fut un vieillard ; Dieu brisa cet hyménée De Trop tôt avec Trop tard. Apprenez qu'elle se nomme Doña Rosita Rosa ; Dieu, la destinant à l'homme, Aux anges la refusa. Elle est ignorante et libre, Et sa candeur la défend. Elle a tout, accent qui vibre, Chanson triste et rire enfant, Tout, le caquet, le silence, Ces petits pieds familiers Créés pour l'invraisemblance Des romans et des souliers, Et cet air des jeunes Èves Qu'on nommait jadis fripon, Et le tourbillon des rêves Dans les plis de son jupon. Cet être qui nous attire, Agnès cousine d'Hébé, Enivrerait un satyre, Et griserait un abbé. Devant tant de beautés pures, Devant tant de frais rayons, La chair fait des conjectures Et l'âme des visions. Au temps présent l'eau saline, La blanche écume des mers S'appelle la mousseline ; On voit Vénus à travers. Le réel fait notre extase ; Et nous serions plus épris De voir Ninon sous la gaze Que sous la vague Cypris. Nous préférons la dentelle Au flot diaphane et frais ; Vénus n'est qu'une immortelle ; Une femme, c'est plus près. Celle-ci, vers nous conduite Comme un ange retrouvé, Semble à tous les coeurs la suite De leur songe inachevé. L'âme admire, enchantée Par tout ce qu'a de charmant La rêverie ajoutée Au vague éblouissement. Quel danger ! on la devine. Un nimbe à ce front vermeil ! Belle, on la rêve divine, Fleur, on la rêve soleil. Elle est lumière, elle est onde, On la contemple. On la croit Reine et fée, et mer profonde Pour les perles qu'on y voit. Gare, Arthur ! gare, Clitandre ! Malheur à qui se mettait À regarder d'un air tendre Ce mystérieux attrait ! L'amour, où glissent les âmes, Est un précipice ; on a Le vertige au bord des femmes Comme au penchant de l'Etna. On rit d'abord. Quel doux rire ! Un jour, dans ce jeu charmant, On s'aperçoit qu'on respire Un peu moins facilement. Ces feux-là troublent la tête. L'imprudent qui s'y chauffait S'éveille à moitié poète Et stupide tout à fait. Plus de joie. On est la chose Des tourments et des amours. Quoique le tyran soit rose, L'esclavage est noir toujours. On est jaloux ; travail rude ! On n'est plus libre et vivant, Et l'on a l'inquiétude D'une feuille dans le vent. On la suit, pauvre jeune homme ! Sous prétexte qu'il faut bien Qu'un astre ait un astronome Et qu'une femme ait un chien. On se pose en loup fidèle ; On est bête, on s'en aigrit, Tandis qu'un autre, auprès d'elle, Aimant moins, a plus d'esprit. Même aux bals et dans les fêtes, On souffre, fût-on vainqueur ; Et voilà comment sont faites Les aventures du coeur. Cette adolescente est sombre À cause de ses quinze ans Et de tout ce qu'on voit d'ombre Dans ses beaux yeux innocents. On donnerait un empire Pour tous ces chastes appas ; Elle est terrible ; et le pire, C'est qu'elle n'y pense pas.

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    Grand âge et bas âge mêlés I. Mon âme est faite ainsi que jamais ni l'idée, Ni l'homme, quels qu'ils soient, ne l'ont intimidée ; Toujours mon cœur, qui n'a ni bible ni Coran, Dédaigna le sophiste et brava le tyran ; Je suis sans épouvante étant sans convoitise ; La peur ne m'éteint pas et l'honneur seul m'attise ; J'ai l'ankylose altière et lourde du rocher ; Il est fort malaisé de me faire marcher Par désir en avant ou par crainte en arrière ; Je résiste à la force et cède à la prière, Mais les biens d'ici-bas font sur moi peu d'effet ; Et je déclare, amis, que je suis satisfait, Que mon ambition suprême est assouvie, Que je me reconnais payé dans cette vie, Et que les dieux cléments ont comblé tous mes veux. Tant que sur cette terre, où vraiment je ne veux Ni socle olympien, ni colonne trajane, On ne m'ôtera pas le sourire de Jeanne.

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    Guerre civile La foule était tragique et terrible ; on criait : À mort ! Autour d’un homme altier, point inquiet, Grave, et qui paraissait lui-même inexorable, Le peuple se pressait : À mort le misérable ! Et lui, semblait trouver toute simple la mort. La partie est perdue, on n’est pas le plus fort, On meurt, soit. Au milieu de la foule accourue, Les vainqueurs le traînaient de chez lui dans la rue. — À mort l’homme ! — On l’avait saisi dans son logis ; Ses vêtements étaient de carnage rougis ; Cet homme était de ceux qui font l’aveugle guerre Des rois contre le peuple, et ne distinguent guère Scévola de Brutus, ni Barbès de Blanqui ; Il avait tout le jour tué n’importe qui ; Incapable de craindre, incapable d’absoudre, Il marchait, laissant voir ses mains noires de poudre ; Une femme le prit au collet : « À genoux ! C’est un sergent de ville. Il a tiré sur nous ! — C’est vrai, dit l’homme. — À bas ! à mort ! qu’on le fusille ! Dit le peuple. — Ici ! Non ! Plus loin ! À la Bastille ! À l’arsenal ! Allons ! Viens ! Marche ! — Où vous voudrez », Dit le prisonnier. Tous, hagards, les rangs serrés, Chargèrent leurs fusils. « Mort au sergent de ville ! Tuons-le comme un loup ! — Et l’homme dit, tranquille : — C’est bien, je suis le loup, mais vous êtes les chiens. — Il nous insulte ! À mort ! » Les pâles citoyens Croisaient leurs poings crispés sur le captif farouche ; L’ombre était sur son front et le fiel dans sa bouche ; Cent voix criaient : « À mort ! À bas ! Plus d’empereur ! » On voyait dans ses yeux un reste de fureur Remuer vaguement comme une hydre échouée ; Il marchait poursuivi par l’énorme huée, Et, calme, il enjambait, plein d’un superbe ennui, Des cadavres gisants, peut-être faits par lui. Le peuple est effrayant lorsqu’il devient tempête ; L’homme sous plus d’affronts levait plus haut la tête ; Il était plus que pris, il était envahi. Dieu ! comme il haïssait ! comme il était haï ! Comme il les eût, vainqueur, fusillés tous ! « Qu’il meure ! Il nous criblait encor de balles tout à l’heure ! À bas cet espion, ce traître, ce maudit ! À mort ! c’est un brigand ! » Soudain on entendit Une petite voix qui disait : « C’est mon père ! » Et quelque chose fit l’effet d’une lumière. Un enfant apparut. Un enfant de six ans. Ses deux bras se dressaient suppliants, menaçants. Tous criaient : « Fusillez le mouchard ! Qu’on l’assomme ! » Et l’enfant se jeta dans les jambes de l’homme, Et dit, ayant au front le rayon baptismal : « Père, je ne veux pas qu’on te fasse de mal ! » Et cet enfant sortait de la même demeure. Les clameurs grossissaient : « À bas l’homme ! Qu’il meure ! À bas ! finissons-en avec cet assassin ! Mort ! » Au loin le canon répondait au tocsin. Toute la rue était pleine d’hommes sinistres. À bas les rois ! À bas les prêtres, les ministres, Les mouchards ! Tuons tout ! c’est un tas de bandits ! » Et l’enfant leur cria : « Mais puisque je vous dis Que c’est mon père ! — Il est joli, dit une femme, Bel enfant ! » On voyait dans ses yeux bleus une âme ; Il était tout en pleurs, pâle, point mal vêtu. Une autre femme dit : « Petit, quel âge as-tu ? Et l’enfant répondit : — Ne tuez pas mon père ! » Quelques regards pensifs étaient fixés à terre, Les poings ne tenaient plus l’homme si durement. Un de plus furieux, entre tous inclément, Dit à l’enfant : « Va-t’en ! — Où ? — Chez toi. — Pourquoi faire ? — Chez ta mère. — Sa mère est morte, dit le père. — Il n’a donc plus que vous ? — Qu’est-ce que cela fait ? » Dit le vaincu. Stoïque et calme, il réchauffait Les deux petites mains dans sa rude poitrine, Et disait à l’enfant : « Tu sais bien, Catherine ? — Notre voisine ? — Oui. Va chez elle. — Avec toi ? — J’irai plus tard. — Sans toi je ne veux pas. — Pourquoi ? — Parce qu’on te ferait du mal. » Alors le père Parla tout bas au chef de cette sombre guerre : « Lâchez-moi le collet. Prenez-moi par la main, Doucement. Je vais dire à l’enfant : À demain ! Vous me fusillerez au détour de la rue, Ailleurs, où vous voudrez. — Et, d’une voix bourrue : — Soit, dit le chef, lâchant le captif à moitié. Le père dit : — Tu vois. C’est de bonne amitié. Je me promène avec ces messieurs. Sois bien sage, Rentre. » Et l’enfant tendit au père son visage, Et s’en alla content, rassuré, sans effroi. « Nous sommes à notre aise à présent, tuez-moi, Dit le père aux vainqueurs ; où voulez-vous que j’aille ? » Alors, dans cette foule où grondait la bataille, On entendit passer un immense frisson, Et le peuple cria : « Rentre dans ta maison ! »

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    Guitare Gastibelza, l’homme à la carabine, Chantait ainsi:  » Quelqu’un a-t-il connu doña Sabine ? Quelqu’un d’ici ? Dansez, chantez, villageois ! la nuit gagne Le mont Falù. – Le vent qui vient à travers la montagne Me rendra fou ! Quelqu’un de vous a-t-il connu Sabine, Ma señora ? Sa mère était la vieille maugrabine D’Antequera Qui chaque nuit criait dans la Tour-Magne Comme un hibou … – Le vent qui vient à travers la montagne Me rendra fou ! Dansez, chantez! Des biens que l’heure envoie Il faut user. Elle était jeune et son oeil plein de joie Faisait penser. – À ce vieillard qu’un enfant accompagne jetez un sou ! … – Le vent qui vient à travers la montagne Me rendra fou. Vraiment, la reine eût près d’elle été laide Quand, vers le soir, Elle passait sur le pont de Tolède En corset noir. Un chapelet du temps de Charlemagne Ornait son cou … – Le vent qui vient à travers la montagne Me rendra fou. Le roi disait en la voyant si belle A son neveu : – Pour un baiser, pour un sourire d’elle, Pour un cheveu, Infant don Ruy, je donnerais l’Espagne Et le Pérou ! – Le vent qui vient à travers la montagne Me rendra fou. Je ne sais pas si j’aimais cette dame, Mais je sais bien Que pour avoir un regard de son âme, Moi, pauvre chien, J’aurais gaîment passé dix ans au bagne Sous le verrou … – Le vent qui vient à travers la montagne Me rendra fou. Un jour d’été que tout était lumière, Vie et douceur, Elle s’en vint jouer dans la rivière Avec sa soeur, Je vis le pied de sa jeune compagne Et son genou … – Le vent qui vient à travers la montagne Me rendra fou. Quand je voyais cette enfant, moi le pâtre De ce canton, Je croyais voir la belle Cléopâtre, Qui, nous dit-on, Menait César, empereur d’Allemagne, Par le licou … – Le vent qui vient à travers la montagne Me rendra fou. Dansez, chantez, villageois, la nuit tombe ! Sabine, un jour, A tout vendu, sa beauté de colombe, Et son amour, Pour l’anneau d’or du comte de Saldagne, Pour un bijou … – Le vent qui vient à travers la montagne Me rendra fou. Sur ce vieux banc souffrez que je m’appuie, Car je suis las. Avec ce comte elle s’est donc enfuie ! Enfuie, hélas ! Par le chemin qui va vers la Cerdagne, Je ne sais où … – Le vent qui vient à travers la montagne Me rendra fou. Je la voyais passer de ma demeure, Et c’était tout. Mais à présent je m’ennuie à toute heure, Plein de dégoût, Rêveur oisif, l’âme dans la campagne, La dague au clou … – Le vent qui vient à travers la montagne M’a rendu fou !

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    Hermina J'atteignais l'âge austère où l'on est fort en thème, Où l'on cherche, enivré d'on ne sait quel parfum, Afin de pouvoir dire éperdument Je t'aime ! Quelqu'un. J'entrais dans ma treizième année. Ô feuilles vertes ! Jardins ! croissance obscure et douce du printemps ! Et j'aimais Hermina, dans l'ombre. Elle avait, certes, Huit ans. Parfois, bien qu'elle fût à jouer occupée, J'allais, muet, m'asseoir près d'elle, avec ferveur, Et je la regardais regarder sa poupée, Rêveur. Il est une heure étrange où l'on sent l'âme naître ; Un jour, j'eus comme un chant d'aurore au fond du coeur. Soit, pensai-je, avançons, parlons ! c'est l'instant d'être Vainqueur ! Je pris un air profond, et je lui dis : - Minette, Unissons nos destins. Je demande ta main. - Elle me répondit par cette pichenette : - Gamin !

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    Hier, la nuit d'été Hier, la nuit d'été, qui nous prêtait ses voiles, Etait digne de toi, tant elle avait d'étoiles ! Tant son calme était frais ! tant son souffle était doux ! Tant elle éteignait bien ses rumeurs apaisées ! Tant elle répandait d'amoureuses rosées Sur les fleurs et sur nous ! Moi, j'étais devant toi, plein de joie et de flamme, Car tu me regardais avec toute ton âme ! J'admirais la beauté dont ton front se revêt. Et sans même qu'un mot révélât ta pensée, La tendre rêverie en ton cœur commencée Dans mon cœur s'achevait ! Et je bénissais Dieu, dont la grâce infinie Sur la nuit et sur toi jeta tant d'harmonie, Qui, pour me rendre calme et pour me rendre heureux, Vous fit, la nuit et toi, si belles et si pures, Si pleines de rayons, de parfums, de murmures, Si douces toutes deux ! Oh oui, bénissons Dieu dans notre foi profonde ! C'est lui qui fit ton âme et qui créa le monde ! Lui qui charme mon cœur ! lui qui ravit mes yeux ! C'est lui que je retrouve au fond de tout mystère ! C'est lui qui fait briller ton regard sur la terre Comme l'étoile aux cieux ! C'est Dieu qui mit l'amour au bout de toute chose, L'amour en qui tout vit, l'amour sur qui tout pose ! C'est Dieu qui fait la nuit plus belle que le jour. C'est Dieu qui sur ton corps, ma jeune souveraine, A versé la beauté, comme une coupe pleine, Et dans mon cœur l'amour ! Laisse-toi donc aimer ! — Oh ! l'amour, c'est la vie. C'est tout ce qu'on regrette et tout ce qu'on envie Quand on voit sa jeunesse au couchant décliner. Sans lui rien n'est complet, sans lui rien ne rayonne. La beauté c'est le front, l'amour c'est la couronne : Laisse-toi couronner ! Ce qui remplit une âme, hélas ! tu peux m'en croire, Ce n'est pas un peu d'or, ni même un peu de gloire, Poussière que l'orgueil rapporte des combats, Ni l'ambition folle, occupée aux chimères, Qui ronge tristement les écorces amères Des choses d'ici-bas ; Non, il lui faut, vois-tu, l'hymen de deux pensées, Les soupirs étouffés, les mains longtemps pressées, Le baiser, parfum pur, enivrante liqueur, Et tout ce qu'un regard dans un regard peut lire, Et toutes les chansons de cette douce lyre Qu'on appelle le cœur ! Il n'est rien sous le ciel qui n'ait sa loi secrète, Son lieu cher et choisi, son abri, sa retraite, Où mille instincts profonds nous fixent nuit et jour ; Le pêcheur a la barque où l'espoir l'accompagne, Les cygnes ont le lac, les aigles la montagne, Les âmes ont l'amour ! Le 21 mai 1833.

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    Il est des jours abjects où, séduits par la joie Il est des jours abjects où, séduits par la joie Sans honneur, Les peuples au succès se livrent, triste proie Du bonheur. Alors des nations, que berce un fatal songe Dans leur lit, La vertu coule et tombe, ainsi que d'une éponge L'eau jaillit. Alors, devant le mal, le vice, la folle, Les vivants Imitent les saluts du vil roseau qui plie Sous les vents. Alors festins et jeux ; rien de ce que dit l'âme Ne s'entend ; On boit, on mange, on chante, on danse, on est infâme Et content. Le crime heureux, servi par d'immondes ministres, Sous les cieux Rit, et vous frissonnez, grands ossements sinistres Des aïeux. On vit honteux, les yeux troubles, le pas oblique, Hébété Tout à coup un clairon jette aux vents : République ! Liberté ! Et le monde, éveillé par cette âpre fanfare, Est pareil Aux ivrognes de nuit qu'en se levant effare Le soleil. Jersey, 1853.

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    Je ne demande pas autre chose aux forêts Je ne demande pas autre chose aux forêts Que de faire silence autour des antres frais Et de ne pas troubler la chanson des fauvettes. Je veux entendre aller et venir les navettes De Pan, noir tisserand que nous entrevoyons Et qui file, en tordant l'eau, le vent, les rayons, Ce grand réseau, la vie, immense et sombre toile Où brille et tremble en bas la fleur, en haut l'étoile.

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    Il fait froid L’hiver blanchit le dur chemin Tes jours aux méchants sont en proie. La bise mord ta douce main ; La haine souffle sur ta joie. La neige emplit le noir sillon. La lumière est diminuée… Ferme ta porte à l’aquilon ! Ferme ta vitre à la nuée ! Et puis laisse ton coeur ouvert ! Le coeur, c’est la sainte fenêtre. Le soleil de brume est couvert ; Mais Dieu va rayonner peut-être ! Doute du bonheur, fruit mortel ; Doute de l’homme plein d’envie ; Doute du prêtre et de l’autel ; Mais crois à l’amour, ô ma vie ! Crois à l’amour, toujours entier, Toujours brillant sous tous les voiles ! A l’amour, tison du foyer ! A l’amour, rayon des étoiles ! Aime, et ne désespère pas. Dans ton âme, où parfois je passe, Où mes vers chuchotent tout bas, Laisse chaque chose à sa place. La fidélité sans ennui, La paix des vertus élevées, Et l’indulgence pour autrui, Eponge des fautes lavées. Dans ta pensée où tout est beau, Que rien ne tombe ou ne recule. Fais de ton amour ton flambeau. On s’éclaire de ce qui brûle. A ces démons d’inimitié Oppose ta douceur sereine, Et reverse leur en pitié Tout ce qu’ils t’ont vomi de haine. La haine, c’est l’hiver du coeur. Plains-les ! mais garde ton courage. Garde ton sourire vainqueur ; Bel arc-en-ciel, sors de l’orage ! Garde ton amour éternel. L’hiver, l’astre éteint-il sa flamme ? Dieu ne retire rien du ciel ; Ne retire rien de ton âme !

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    Il faut que le poète Il faut que le poète, épris d'ombre et d'azur, Esprit doux et splendide, au rayonnement pur, Qui marche devant tous, éclairant ceux qui doutent, Chanteur mystérieux qu'en tressaillant écoutent Les femmes, les songeurs, les sages, les amants, Devienne formidable à de certains moments. Parfois, lorsqu'on se met à rêver sur son livre, Où tout berce, éblouit, calme, caresse, enivre, Où l'âme à chaque pas trouve à faire son miel, Où les coins les plus noirs ont des lueurs du ciel, Au milieu de cette humble et haute poésie, Dans cette paix sacrée où croit la fleur choisie, Où l'on entend couler les sources et les pleurs, Où les strophes, oiseaux peints de mille couleurs, Volent chantant l'amour, l'espérance et la joie, Il faut que par instants on frissonne, et qu'on voie Tout à coup, sombre, grave et terrible au passant, Un vers fauve sortir de l'ombre en rugissant ! Il faut que le poète aux semences fécondes Soit comme ces forêts vertes, fraîches, profondes, Pleines de chants, amour du vent et du rayon, Charmantes, où soudain l'on rencontre un lion. Paris, mai 1842.

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    Il lui disait : Vois-tu.. Il lui disait : « Vois-tu, si tous deux nous pouvions, L’âme pleine de foi, le coeur plein de rayons, Ivres de douce extase et de mélancolie, Rompre les mille noeuds dont la ville nous lie ; Si nous pouvions quitter ce Paris triste et fou, Nous fuirions ; nous irions quelque part, n’importe où, Chercher loin des vains bruits, loin des haines jalouses, Un coin où nous aurions des arbres, des pelouses ; Une maison petite avec des fleurs, un peu De solitude, un peu de silence, un ciel bleu, La chanson d’un oiseau qui sur le toit se pose, De l’ombre ; — et quel besoin avons-nous d’autre chose ? » Juillet 18…

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    J'ai vu pendant trois jours de haine J'ai vu pendant trois jours de haine et de remords L'eau refléter des feux et charrier des morts Dans une grande et noble ville. Le tisserand, par l'ombre et la faim énervé, De son dernier métier brûlé sur le pavé Attisait la guerre civile. Le soldat fratricide égorgeait l'ouvrier ; L'ouvrier sacrilège, aveugle meurtrier, Massacrait le soldat son frère ; Peuple, armée, oubliaient qu'ils sont du même sang ; Et les sages pensifs disaient en frémissant : Ô siècle ! ô patrie ! ô misère ! Durant trois nuits la ville, hélas ! ne dormit plus. Tous luttaient. Le tocsin fut le seul angélus Qu'eurent ces sinistres aurores. Les noirs canons, roulant à travers la cité, Ébranlaient, au-dessus du fleuve ensanglanté, L'arche sombre des ponts sonores ! Ah ! la nature et Dieu, devant l'humanité, Même étalant leur grâce avec leur majesté, N'empêchent pas ces tristes choses ! Car ces événements se passaient, ô destin, Sur les bords où Lyon à l'horizon lointain Voit resplendir les Alpes roses. Le 4 septembre 1841.

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    Janvier est revenu. Ne crains rien, noble femme ! Janvier est revenu. Ne crains rien, noble femme ! Qu'importe l'an qui passe et ceux qui passeront ! Mon amour toujours jeune est en fleur dans mon âme ; Ta beauté toujours jeune est en fleur sur ton front. Sois toujours grave et douce, ô toi que j'idolâtre ; Que ton humble auréole éblouisse les yeux ! Comme on verse un lait pur dans un vase d'albâtre, Emplis de dignité ton cœur religieux. Brave le temps qui fuit. Ta beauté te protège. Brave l'hiver. Bientôt mai sera de retour. Dieu, pour effacer l'âge et pour fondre la neige, Nous rendra le printemps et nous laisse l'amour.

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    Victor Hugo

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    Je prendrai par la main les deux petits enfants Je prendrai par la main les deux petits enfants ; J’aime les bois où sont les chevreuils et les faons, Où les cerfs tachetés suivent les biches blanches Et se dressent dans l’ombre effrayés par les branches ; Car les fauves sont pleins d’une telle vapeur Que le frais tremblement des feuilles leur fait peur. Les arbres ont cela de profond qu’ils vous montrent Que l’éden seul est vrai, que les coeurs s’y rencontrent, Et que, hors les amours et les nids, tout est vain ; Théocrite souvent dans le hallier divin Crut entendre marcher doucement la ménade. C’est là que je ferai ma lente promenade Avec les deux marmots. J’entendrai tour à tour Ce que Georges conseille à Jeanne, doux amour, Et ce que Jeanne enseigne à George. En patriarche Que mènent les enfants, je réglerai ma marche Sur le temps que prendront leurs jeux et leurs repas, Et sur la petitesse aimable de leurs pas. Ils cueilleront des fleurs, ils mangeront des mûres. Ô vaste apaisement des forêts ! ô murmures ! Avril vient calmer tout, venant tout embaumer. Je n’ai point d’autre affaire ici-bas que d’aimer.

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