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Amour

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Amour

Poésies de la collection amour

    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    Avril Lorsqu’un homme n’a pas d’amour, Rien du printemps ne l’intéresse ; Il voit même sans allégresse, Hirondelles, votre retour ; Et, devant vos troupes légères Qui traversent le ciel du soir, Il songe que d’aucun espoir Vous n’êtes pour lui messagères. Chez moi ce spleen a trop duré, Et quand je voyais dans les nues Les hirondelles revenues, Chaque printemps, j’ai bien pleuré. Mais depuis que toute ma vie A subi ton charme subtil, Mignonne, aux promesses d’Avril Je m’abandonne et me confie. Depuis qu’un regard bien-aimé A fait refleurir tout mon être, Je vous attends à ma fenêtre, Chères voyageuses de Mai. Venez, venez vite, hirondelles, Repeupler l’azur calme et doux, Car mon désir qui va vers vous S’accuse de n’avoir pas d’ailes.

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    À une jeune Marseillaise Paris, certes, est une merveille ; Mais, s'il pouvait avoir Vos yeux de diamant noir, Il serait un petit Marseille.

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    Intimités I Afin de louer mieux vos charmes endormeurs, Souvenirs que j’adore, hélas ! et dont je meurs, J’évoquerai, dans une ineffable ballade, Aux pieds du grand fauteuil d’une reine malade, Un page de douze ans aux traits déjà pâlis, Qui, dans les coussins bleus brodés de fleurs de lys, Soupirera des airs sur une mandoline, Pour voir, pâle parmi la pâle mousseline, La reine soulever son beau front douloureux, Et surtout pour sentir, trop précoce amoureux, Dans ses lourds cheveux blonds, où le hasard la laisse, Une fiévreuse main jouer avec mollesse. Il se mourra du mal des enfants trop aimés ; Et, parfois, regardant par les vitraux fermés La route qui s’en va, le nuage qui passe, La voile sur le fleuve et l’oiseau dans l’espace, La liberté, l’azur, le lointain, l’horizon, Il songera qu’il est heureux dans sa prison, Qu’aux salubres parfums des forêts il préfère La chambre obscure et son étouffante atmosphère, Que ces choses ne lui font rien, qu’il aime mieux Sa mort exquise et lente, et qu’il n’est envieux Que si, par la douleur arrachée à son rêve, La reine sur le coude un moment se soulève Et regarde longtemps de ses yeux assoupis Le lévrier qui dort en rond sur le tapis. II Elle viendra ce soir ; elle me l’a promis. Tout est bien prêt. Je viens d’éloigner mes amis, De brûler des parfums, d’allumer les bougies Et de jeter au feu les fades élégies Que j’ai faites alors qu’elle ne venait pas ; Et j’attends. Tout à l’heure elle viendra. Son pas Retentira, léger comme un pas de gazelle, Et déjà ce seul bruit me paiera de mon zèle. Elle entrera, troublée et voilant sa pâleur. Nous nous prendrons les mains, et la douce chaleur De la chambre fera sentir bon sa toilette. O les premiers baisers à travers la voilette ! III C’est lâche ! J’aurais dû me fâcher, j’aurais dû Lui dire ce que c’est qu’un bonheur attendu Si longtemps et qui manque, et qu’une nuit pareille Qu’on passe, l’œil fixé sur l’horloge et l’oreille Tendue au moindre bruit vague de l’escalier. C’est lâche ! J’aurais dû me faire supplier, Avoir à pardonner la faute qu’on avoue Et boire en un baiser ses larmes sur sa joue. Mais elle avait un air si tranquille et si doux Qu’en la voyant je suis tombé sur les genoux ; Et, me cachant le front dans les plis de sa jupe, J’ai savouré longtemps la douceur d’être dupe. Je n’ai pas exigé de larmes ni d’aveux, Car ses petites mains jouaient dans mes cheveux ; Tandis que ses deux bras m’enlaçaient de leur chaîne, D’avance j’absolvais la trahison prochaine. Et, vil esclave heureux de reprendre ses fers, J’ai demandé pardon des maux que j’ai soufferts. IV Il faisait presque nuit. La chambre était obscure. Nous étions dans ce calme alangui que procure La fatigue, et j’étais assis à ses genoux. Ses yeux cernés, mais plus caressants et plus doux, Se souvenaient encor de l’extase finie, Et ce regard voilé, long comme une agonie, Me faisait palpiter le cœur à le briser. Le logis était plein d’une odeur de baiser. Ses magnétiques yeux me tenaient sous leurs charmes ; Et je lui pris les mains et les couvris de larmes. Moi qui savais déjà l’aimer jusqu’à la mort, Je vis que je l’aimais bien mieux et bien plus fort Et que ma passion s’était encore accrue. Et j’écoutais rouler les fiacres dans la rue. V Sa chambre bleue est bien celle que je préfère. Mon bouquet du matin s’y fane, et l’atmosphère Languissante s’empreint de parfums assoupis ; Les longs et fins rideaux, tombant sur le tapis, Attendrissent encor le jour discret et sobre Que leur verse une tiède après-midi d’octobre. Au coin du feu mourant deux fauteuils rapprochés Semblent causer entre eux de nos prochains péchés. Un coussin traîne là sans raison ; mais le fourbe S’offrira tout à l’heure au genou qui se courbe. VI La plus lente caresse, amie, est la meilleure, N’est-ce pas ? Et tu hais l’instant funeste où l’heure Rappelle avec son chant métallique et glacé Qu’il se fait tard, très tard, et qu’il est dépassé Déjà le temps moral d’un bain ou d’une messe ; Car ce sont les adieux alors et la promesse De revenir. — Et puis nous oublions encor ! Mais l’horloge implacable avec son timbre d’or Recommence. Tu veux te sauver ; tu te troubles. Hélas ! et nous devons mettre les baisers doubles. VII Septembre au ciel léger taché de cerfs-volants Est favorable à la flânerie à pas lents, Par la rue, en sortant de chez la femme aimée, Après un tendre adieu dont l’âme est parfumée. Pour moi, je crois toujours l’aimer mieux et bien plus Dans ce mois-ci, car c’est l’époque où je lui plus. L’après-midi, je vais souvent la voir en fraude ; Et, quand j’ai dû quitter la chambre étroite et chaude, Après avoir promis de bientôt revenir, Je m’en vais devant moi, distrait. Le Souvenir Me fait monter au cœur ses effluves heureuses ; Et de mes vêtements et de mes mains fiévreuses Se dégage un arome exquis et capiteux, Dont je suis à la fois trop fier et trop honteux Pour en bien définir la volupté profonde, — Quelque chose comme une odeur qui serait blonde. VIII Le crépuscule est triste et doux comme un adieu. À l’orient déjà, dans le ciel sombre et bleu Où lentement la nuit qui monte étend ses voiles, De timides clartés, vagues espoirs d’étoiles, Contemplent l’occident clair encore, y cherchant Le rose souvenir d’un beau soleil couchant. Le vent du soir se tait. Nulle feuille ne tremble, Même dans le frisson harmonieux du tremble ; Et l’immobilité se fait dans les roseaux Que l’étang réfléchit au miroir de ses eaux. En un parfum ému chaque fleur s’évapore Pure, et les rossignols ne chantent pas encore. Pour échanger tout bas nos éternels aveux, Chère, nous choisirons cette heure, si tu veux. Nous prendrons le chemin tournant de la colline. Mon front se penchera vers ton front qui s’incline ; Et nos baisers feront des concerts infinis, Si doux que les oiseaux, réveillés dans leurs nids, Trouveront la musique, à cette heure, indiscrète Et se demanderont quelle bergeronnette Ou quel chardonneret est assez débauché Pour faire l’amour quand le soleil s’est couché. IX À Paris, en été, les soirs sont étouffants. Et moi, noir promeneur qu’évitent les enfants, Qui fuis la joie et fais, en flânant, bien des lieues, Je m’en vais, ces jours-là, vers les tristes banlieues. Je prends quelque ruelle où pousse le gazon Et dont un mur tournant est le seul horizon. Je me plais dans ces lieux déserts où le pied sonne, Où je suis presque sûr de ne croiser personne. Au-dessus des enclos les tilleuls sentent bon ; Et sur le plâtre frais sont écrits au charbon Les noms entrelacés de Victoire et d’Eugène, Populaire et naïf monument, que ne gêne Pas du tout le croquis odieux qu’à côté A tracé gauchement, d’un fusain effronté, En passant après eux, la débauche impubère. Et quand s’allume au loin le premier réverbère, Je gagne la grand’rue, où je puis encor voir Des boutiquiers prenant le frais sur le trottoir, Tandis que, pour montrer un peu ses formes grasses, Avec son prétendu leur fille joue aux grâces. X Je suis un pâle enfant du vieux Paris, et j’ai Le regret des rêveurs qui n’ont pas voyage. Au pays bleu mon âme en vain se réfugie, Elle n’a jamais pu perdre la nostalgie Des verts chemins qui vont là-bas, à l’horizon. Comme un pauvre captif vieilli dans sa prison Se cramponne aux barreaux étroits de sa fenêtre Pour voir mourir le jour et pour le voir renaître, Ou comme un exilé, promeneur assidu, Regarde du coteau le pays défendu Se dérouler au loin sous l’immensité bleue, Ainsi je fuis la ville et cherche la banlieue. Avec mon rêve heureux j’aime partir, marcher Dans la poussière, voir le soleil se coucher Parmi la brume d’or, derrière les vieux ormes, Contempler les couleurs splendides et les formes Des nuages baignés dans l’occident vermeil, Et, quand l’ombre succède à la mort du soleil, M’éloigner encor plus par quelque agreste rue Dont l’ornière rappelle un sillon de charrue, Gagner les champs pierreux, sans songer au départ, Et m’asseoir, les cheveux au vent, sur le rempart. Au loin, dans la lueur blême du crépuscule, L’amphithéâtre noir des collines recule, Et, tout au fond du val profond et solennel, Paris pousse à mes pieds son soupir éternel. Le sombre azur du ciel s’épaissit. Je commence À distinguer des bruits dans ce murmure immense, Et je puis, écoutant, rêveur et plein d’émoi, Le vent du soir froissant lés herbes près de moi, Et, parmi le chaos des ombres débordantes, Le sifflet douloureux des machines stridentes, Ou l’aboiement d’un chien, ou le cri d’un enfant, Ou le sanglot d’un orgue au lointain s’étouffant, Ou le tintement clair d’une tardive enclume, Voir la nuit qui s’étoile et Paris qui s’allume. XI Elle est un peu pédante, et, lorsque nous lisons, Tout en laissant rôtir sa pantoufle aux tisons, Elle laisse échapper un fin mot de critique. Moi, comme j’ai fait choix d’un livre sympathique, Comme il est quelquefois signé par un ami, Je le défends, mais trop faiblement, à demi, Les amoureux ayant des lâchetés infâmes. — Les poètes pourtant sont bien compris des femmes, Non ceux que le lyrisme emporte aux fiers sommets, Mais les doux, les souffrants, mais Sainte-Beuve, mais Musset, quand il s’abstient de rire, et Baudelaire, Lorsque pour engourdir son mal et sa colère Il se plonge dans les parfums lourds de langueur. — Elle aime ces divers interprètes du cœur. Moi, je lis à ses pieds et relis le passage Où, comme elle l’a dit, l’auteur n’était pas sage, Doux nid de vers où des baisers étaient tapis. Et le livre souvent tombe sur le tapis. XII Quelquefois tu me prends les mains et tu les serres, Tu fixes sur les miens tes yeux bons et sincères, Et, me parlant avec cette ferme douceur Qui tient du camarade et qui tient de la sœur, Mêlant dans tes discours les douces réprimandes Aux encouragements tendres, tu me demandes Quelles longues douleurs et quels chagrins aigris M’ont fait le front si pâle et les yeux si meurtris. Je prétexte d’abord des tristesses confuses, Des ennuis qu’il vaut mieux taire ; mais tu refuses De me croire, et j’avoue un souci bien banal. Je te confie alors, tout honteux, qu’un journal Qui trouve des oisifs quelconques pour le lire Vient d’insulter mon art, mes frères et la Lyre, Que je m’en suis ému, mais que je m’y ferai. — Alors, amie, avec ton regard préféré, Qui se charge un moment de bienveillants reproches, Pour me mettre les bras au cou tu te rapproches, Et, donnant à ta voix son charme captivant, Tu me railles tout bas, et tu me dis : — « Enfant ! Enfant, qui se permet de garder ce front blême Et ces grands yeux remplis de chagrin, quand on l’aime ! Ces poètes ingrats ! ils sont trop adorés. Nous les reconnaissons à leurs beaux doigts dorés Encor d’avoir saisi les papillons du rêve, Et nous sentons frémir nos cœurs de filles d’Ève. C’est d’abord un attrait vaguement vaniteux Qui nous séduit ; car nous savons que ce sont eux Qui domptent la pensée et le rythme rebelles Pour dire aux temps futurs combien nous fumes belles. Mais, les Èves toujours écoutant les démons, Nous les aimons, et puis après nous les aimons Encor, parce qu’eux seuls savent parler aux femmes. Ainsi donc vous auriez les rêves et les âmes, Poètes, vous seriez les heureux, vous auriez La rose qui parfume et fleurit vos lauriers, Vous auriez cette joie, et, parce que l’envie Aura mordu le vers qu’une femme ravie La veille avait trouvé peut-être le plus beau, Ainsi qu’un écolier qui se plaint d’un bobo, Vous nous reviendriez tout pleurants et moroses ! » — Je t’écoute, mignonne, et tu me dis ces choses D’un accent qui caresse et, doucement moqueur, Éveille la gaîté franche qui vient du cœur Et tu me les redis jusqu’à ce qu’applaudisse Ma pensée oubliant la haine et l’injustice ; Et tu n’en parles plus que lorsque l’entretien Te fait bien voir mon cœur heureux comme le tien. Ainsi nous devisons longtemps à l’aventure ; Et, quand c’est bien assez parler littérature, Afin que ton conseil me soit plus précieux, Tu me fais le baiser que tu sais, sur les yeux. XIII Le soleil froid donnait un ton rose au grésil, Et le ciel de novembre avait des airs d’avril. Nous voulions profiter de la belle gelée. Moi chaudement vêtu, toi bien emmitouflée Sous le manteau, sous la voilette et sous les gants, Nous franchissions, parmi les couples élégants, La porte de la blanche et joyeuse avenue, Quand soudain jusqu’à nous une enfant presque nue Et livide, tenant des fleurettes en main, Accourut, se frayant à la hâte un chemin Entre les beaux habits et les riches toilettes, Nous offrir un petit bouquet de violettes. Elle avait deviné que nous étions heureux Sans doute et s’était dit : Ils seront généreux. Elle nous proposa ses fleurs d’une voix douce, En souriant avec ce sourire qui tousse. Et c’était monstrueux, cette enfant de sept ans Qui mourait de l’hiver en offrant le printemps. Ses pauvres petits doigts étaient pleins d’engelures. Moi, je sentais le fin parfum de tes fourrures, Je voyais ton cou rose et blanc sous la fanchon, Et je touchais ta main chaude dans ton manchon. — Nous fîmes notre offrande, amie, et nous passâmes ; Mais la gaîté s’était envolée, et nos âmes Gardèrent jusqu’au soir un souvenir amer. Mignonne, nous ferons l’aumône cet hiver. XIV Je ne suis plus l’entant et tu n’es plus l’espiègle Qui naguère, le long des verts épis de seigle, Effarions les oiseaux du printemps par nos jeux, Ou qui marchions, le long des aubépins neigeux Dont la branche en passant vous taquine et vous frôle, Enlacés et l’épaule appuyée à l’épaule, Parlant tout bas d’amour qu’on ne peut épuiser, Et ton front juste à la hauteur de mon baiser. Six ans se sont passés depuis lors, six années ! Et le beau temps n’est plus des blondes matinées, Du ciel dans le regard, du vent dans les cheveux, De la lèvre chanteuse et facile aux aveux, Et des perles d’argent du rire qui s’égrène Comme une fleur qui sème au loin sa folle graine. — Nous ne regrettons pas, sans doute, nos vingt ans, Car notre amour loyal grandit avec le temps ; Mais le mien ne devient ni courageux ni mule. Je suis toujours enfant pour souffrir ; et plus pâle Est mon front, et mon cœur plus sombre et plus amer. Tel qu’à l’écueil revient le lourd paquet de mer, La cigogne au clocher, et la flèche à la cible, Tel je reviens toujours à mon rêve impossible, À ton amour pour moi, qui te met en danger ; Aux courts instants d’oubli qu’il nous faut abréger, Car nous savons tous deux qu’un espion les compte ; À ce bonheur, que nous cachons comme une honte ; À ce logis, que j’ose à peine orner de fleurs, Où je viens en secret, comme font les voleurs, Et dans lequel tu vis, hélas ! emprisonnée ; À tes chagrins, et puis à la vingtième année ; Au temps des longs chemins qu’on fait à petits pas, Échangeant des serments légers, ne sachant pas Qu’il faudra tant souffrir et que c’est pour la vie ; Au bon temps où, parmi la nature ravie, On s’aime en ne songeant qu’à la beauté des cieux ; — Et je t’écris cela les larmes dans les yeux. XV Au fond je suis resté naïf, et mon passé, Bien que sombre, n’a pas tout à fait effacé De mon cœur la première et candide chimère ; Et, lorsque je rencontre allant devant leur mère, Timides sous les yeux ardents des connaisseurs, Deux fillettes de seize à dix-huit ans, deux sœurs Se ressemblant, avec d’identiques toilettes, Et portant, comme deux joyeuses goélettes Dont les mêmes couleurs pavoisent les haubans, Le même air d’innocence et les mêmes rubans, Je suis heureux ; j’en ai quelquefois pour des heures À me bercer alors d’espérances meilleures, À rêver d’un doux nid, d’un amour de mon choix Et d’un bonheur très long, très calme et très bourgeois. J’imagine déjà la saveur indicible Du livre qu’on ferait près du foyer paisible, Tandis qu’une adorée, aux cheveux blonds ou noirs, Promènerait les flots neigeux de ses peignoirs Par la chambre à coucher étroite et familière, Pour allumer la lampe et remplir la théière. Mais cette illusion ne dure pas longtemps. Et tu reviens avec tes désirs irritants, Passé, passé fatal, par qui ma vie est prise, Poison amer et doux, dont on meurt, mais qui grise ! Et toutes les ardeurs du mauvais souvenir, Qui viennent s’imposer à mes sens et ternir Les naïves blancheurs à peine encore écloses, Sont comme des moineaux qui, dans le mois des roses, S’installeraient, parmi tous les autres jardins, Pour prendre leurs ébats effrontés et badins, Se becqueter à l’aise et palpiter des ailes, Dans un pensionnat déjeunes demoiselles. XVI L’autre soir, en parlant à cette jeune fille D’un rien, du chiffon blanc que brodait son aiguille, Du ruban que parmi ses nattes elle avait, Vain prétexte pour mieux admirer le duvet Des petits cheveux blonds frisant près de l’oreille Et cette ombre, au reflet d’une rose pareille, Du menton mollement replié sur le cou, Tout en causant, je fis, dis-je, ce rêve fou : Que rien n’était charmant comme une demi-teinte, Que cette enfant avait la timidité sainte Des longs cils d’or voilant les chastes regards bleus, Et des gestes d’hermine effrayés et frileux ; Et déjà ma pensée absorbante et jalouse Se la représentait comme une blanche épouse, Pure et douce, au milieu d’un frais intérieur Égayé par les jeux d’un bel enfant rieur. Et cette impression qu’elle m’avait donnée Dura le lendemain toute la matinée, Si bien que j’espérais presque un amour naissant. Le bon rêve ! j’étais comme un convalescent Faible encore et fiévreux, mais qui se sent renaître Et qui, dans les coussins, auprès de sa fenêtre, Devant un ciel d’avril plein d’azur rajeuni, Sourit en se disant que tout n’est pas fini, Tandis qu’un feu discret meurt dans les cendres chaudes Et qu’il voit au jardin en vives émeraudes Sur les arbustes noirs éclater les bourgeons. Les nuages, avec lesquels nous voyageons, Lui parlent d’horizon, d’air pur, de libres courses Dans les grands bois charmés du murmure des sources, De la ferme, avec son bonnet de chaumes blonds, Croulante sous l’assaut fantasque des houblons Et de loin devinée à son odeur d’étable, Où, vers le soir, dans la salle basse, on s’attable ; Et, tout en caressant son menton amaigri, Heureux, tendre, oubliant déjà son mal guéri, Qui lui fut un miroir des amitiés fidèles, Il songe au tout prochain retour des hirondelles.

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    François Coppée

    François Coppée

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    Lendemain Puisque, à peine désenlacée De l’étreinte de mes deux bras, Tu demandes à ma pensée Ces vers qu’un jour tu brûleras, Il faut, ce soir, que je surmonte L’état d’adorable langueur Où je rougis un peu de honte, Tout en souriant de bonheur. Pourtant je l’aime, ma fatigue. C’est ton oeuvre, et le long baiser De ta bouche ardente et prodigue A pu seule ainsi m’épuiser ; Et tu veux que je la secoue, Petite coquette ! tu veux Voir rimer les lys de ta joue Avec la nuit de tes cheveux. Tu veux que, dissipant le voile Qui trouble mon cerveau si las, Je dise tes regards d’étoile Et ton haleine de lilas. Mais la preuve, ô capricieuse, Que je ne pense qu’à t’aimer, C’est la fièvre délicieuse Qui m’empêche de l’exprimer. Ainsi, respecte ma paresse ; Ton souvenir passe au travers. Demande des baisers, maîtresse ; Ne me demande pas des vers.

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    François Coppée

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    Les trois oiseaux J’ai dit au ramier : – Pars et va quand même, Au delà des champs d’avoine et de foin, Me chercher la fleur qui fera qu’on m’aime. Le ramier m’a dit : – C’est trop loin ! Et j’ai dit à l’aigle : – Aide-moi, j’y compte, Et, si c’est le feu du ciel qu’il me faut, Pour l’aller ravir prends ton vol et monte. Et l’aigle m’a dit : – C’est trop haut ! Et j’ai dit enfin au vautour : – Dévore Ce coeur trop plein d’elle et prends-en ta part. Laisse ce qui peut être intact encore. Le vautour m’a dit : – C’est trop tard !

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    François Coppée

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    Mai Depuis un mois, chère exilée, Loin de mes yeux tu t’en allas, Et j’ai vu fleurir les lilas Avec ma peine inconsolée. Seul, je fuis ce ciel clair et beau Dont l’ardente effluve me trouble, Car l’horreur de l’exil se double De la splendeur du renouveau. En vain j’entends contre les vitres, Dans la chambre où je m’enfermai, Les premiers insectes de Mai Heurter leurs maladroits élytres ; En vain le soleil a souri ; Au printemps je ferme ma porte Et veux seulement qu’on m’apporte Un rameau de lilas fleuri ; Car l’amour dont mon âme est pleine Retrouve, parmi ses douleurs, Ton regard dans ces chères fleurs Et dans leur parfum ton haleine.

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    François Coppée

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    Ruines du coeur Mon coeur était jadis comme un palais romain, Tout construit de granits choisis, de marbres rares. Bientôt les passions, comme un flot de barbares, L’envahirent, la hache ou la torche à la main. Ce fut une ruine alors. Nul bruit humain. Vipères et hiboux. Terrains de fleurs avares. Partout gisaient, brisés, porphyres et carrares ; Et les ronces avaient effacé le chemin. Je suis resté longtemps, seul, devant mon désastre. Des midis sans soleil, des minuits sans un astre, Passèrent, et j’ai, là, vécu d’horribles jours ; Mais tu parus enfin, blanche dans la lumière, Et, bravement, afin de loger nos amours, Des débris du palais j’ai bâti ma chaumière.

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    François Coppée

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    Rédemption Pour aimer une fois encor, mais une seule, Je veux, libertin repentant, La vierge qui, rêveuse aux genoux d’une aïeule, Sans m’avoir jamais vu m’attend. Elle est pieuse et sage, elle dit ses prières Tous les soirs et tous les matins, Et ne livre jamais aux doigts des chambrières Ses modestes cheveux châtains. Quelquefois, le dimanche, en robe étroite et grise, Elle sort au bras d’un vieillard, Laissant errer la vague extase et la surprise Innocente de son regard. Et les oisifs n’ont point de pensers d’infamies Devant ses yeux calmes et doux, Lorsque dans les jardins, chez les fleurs, ses amies, Elle arrive à ses rendez-vous. Elle est ainsi, n’aimant que les choses fleuries, Préférant, pour passer le soir, Les patients travaux de ses tapisseries Aux sourires de son miroir. Elle a le charme exquis de tout ce qui s’ignore, Elle est blanche, elle a dix-sept ans, Elle rayonne, elle a la clarté de l’aurore Comme elle a l’âge du printemps. Les heures des longs jours pour elle passent brèves Et, s’exhalant comme un parfum, Elle voit chaque nuit des blancheurs dans ses rêves, Et toute sa vie en est un. Telle elle est, ou du moins je la devine telle, Lys candide, cygne ingénu. Je la cherche, et bientôt, quand j’aurai dit : « C’est elle ! » Quand elle m’aura reconnu, Je veux lui donner tout, ma vie et ma pensée, Ma gloire et mon orgueil, et veux Choisir pour la nommer enfin ma fiancée Une nuit propice aux aveux. Elle viendra s’asseoir sur un vieux banc de pierre, Au fond du parc inexploré, Et me regardera sans baisser la paupière, Et moi, je m’agenouillerai. Doucement, dans mes mains, je presserai les siennes Comme on tient des oiseaux captifs, Et je lui conterai des choses très anciennes, Les choses des cœurs primitifs. Elle m’écoutera, pensive et sans rien dire, Mais fixant sur moi ses grands yeux, Avec tout ce qu’on peut mettre dans un sourire D’amour pur et religieux. Et ses yeux me diront, éloquences muettes, Ce que disent à demi-voix Les amants dont on voit les claires silhouettes Blanchir l’obscurité des bois. Et sans bruit, pour que seul, oh ! seul, je puisse entendre L’ineffable vibration, Jusqu’à moi son baiser descendra, grave et tendre Comme une bénédiction. Et quand elle aura, pure, à ma coupable lèvre Donné le baiser baptismal, Sans doute je pourrai guérir enfin ma fièvre Et t’expulser, regret du mal. Oui, bien qu’autour de moi plane toujours et rôde L’épouvante de mon passé, Que mon lit garde encor ta place toute chaude, Ô désir vainement chassé, Je pourrai, je pourrai, Nixe horrible, Sirène, Secouer enfin la langueur De mes sens et purger, ô femme, la gangrène Dont tu m’as saturé le cœur, Ainsi que fait du fard brûlant dont il se grime L’histrion, chanteur d’opéras, Ou comme un spadassin essuie, après le crime, L’épée atroce sous son bras !

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    F

    François-Marie Robert Dutertre

    @francoisMarieRobertDutertre

    Aime-moi d'amour Ce que j'aime à voir, ce que j'aime au monde, Ce que j'aime à voir, Veux-tu le savoir ? Ce sont tes beaux yeux, c'est ta taille ronde, Ce sont tes beaux yeux, Tes yeux langoureux. Ce que j'aime encore je vais te l'apprendre, Ce que j'aime encore Plus qu'aucun trésor, Ce sont tes doux chants, c'est ta voix si tendre, Ce sont tes doux chants, Plaintifs et touchants. Ce qui cause en moi la plus douce ivresse, Ce qui cause en moi Le plus tendre émoi, C'est de voir ton cœur vibrer de tendresse, C'est de voir ton cœur Trembler de bonheur. Enfin, si tu veux répondre à ma flamme, Enfin si tu veux Combler tous mes vœux, Jusqu'au dernier jour garde-moi ton âme, Jusqu'au dernier jour Aime-moi d'amour.

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    François-René de Chateaubriand

    François-René de Chateaubriand

    @francoisReneDeChateaubriand

    A Lydie Lydie, es-tu sincère ? Excuse mes alarmes : Tu t’embellis en accroissant mes feux ; Et le même moment qui t’apporte des charmes Ride mon front et blanchit mes cheveux. Au matin de tes ans, de la foule chérie, Tout est pour toi joie, espérance, amour ; Et moi, vieux voyageur, sur ta route fleurie Je marche seul et vois finir le jour. Ainsi qu’un doux rayon quand ton regard humide Pénètre au fond de mon coeur ranimé, J’ose à peine effleurer d’une lèvre timide De ton beau front le voile parfumé. Tout à la fois honteux et fier de ton caprice, Sans croire en toi, je m’en laisse enivrer. J’adore tes attraits, mais je me rends justice : Je sens l’amour et ne puis l’inspirer. Par quel enchantement ai-je pu te séduire ? N’aurais-tu point dans mon dernier soleil Cherché l’astre de feu qui sur moi semblait luire Quand de Sapho je chantais le réveil ? Je n’ai point le talent qu’on encense au Parnasse. Eussé-je un temple au sommet d’Hélicon, Le talent ne rend point ce que le temps efface ; La gloire, hélas ! ne rajeunit qu’un nom. Le Guerrier de Samos , le Berger d’Aphélie [Deux ouvrages d’Alcée. (N.d.A.)] , Mes fils ingrats, m’ont-ils ravi ta foi ? Ton admiration me blesse et m’humilie : Le croirais-tu ? je suis jaloux de moi. Que m’importe de vivre au delà de ma vie ? Qu’importe un nom par la mort publié ? Pour moi-même un moment aime-moi, ma Lydie, Et que je sois à jamais oublié !

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    A

    Alexis-Félix Arvers

    @alexisFelixArvers

    À Gianetta Près des ruisseaux, près des cascades, Dans les champs d’oliviers fleuris, Sur les rochers, sous les arcades Dont le temps sape les débris, Sous les murs du vieux monastère. Dans le bois qu’aime le mystère, Sous l’ombre du pin solitaire, Sous le platane aux frais abris ; A l’heure où, sous l’humble chaumière. Le chevrier prend son repas, A l’heure où brille la lumière, A l’heure où le jour ne luit pas ; L’été, quand sous le vert ombrage Tu viens t’asseoir après l’ouvrage : L’hiver, par le froid, par l’orage ; Toujours, partout, je suis tes pas. Lorsque les cloches argentines Réveillent l’oiseau dans son nid, C’est moi qui te suis à matines : Et quand la prière finit. Au sortir du temple gothique, C’est moi qui vais sous le portique T’offrir, suivant l’usage antique. L’eau sainte et le rameau bénit. Quand, vers la fin de la journée, Tu vas près du saint tribunal, Devant l’ermite prosternée. Incliner ton front virginal, C’est moi qui d’un air humble et tendre. Quand l’Angélus s’est fait entendre, Esclave assidu, vais t’attendre Auprès du confessionnal. Viens, je te dirai le cantique Que je suis allé, ce matin. Choisir pour toi dans la boutique D’un colporteur napolitain, Et contre la dent meurtrière Des loups errants dans la clairière, Je t’apprendrai quelle prière Il faut réciter en latin. Je mettrai dans ton oratoire Un missel à fermoirs dorés, Où des moines ont peint l’histoire De nos anciens livres sacrés ; Des apôtres les douze images, La bonne Vierge, et les trois Mages Au Christ apportant leurs hommages, Et baisant ses pieds adorés. Oh, regarde-moi sans colère ! Promets-moi que tu m’aimeras : Ne me défends pas de te plaire, Laisse-toi serrer dans mes bras ! Que cette froideur t’abandonne ; A péché secret Dieu pardonne, Et je mettrai sur ta madone Le voile que tu quitteras.

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    Alexis-Félix Arvers

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    À mon ami *** Tu sais l’amour et son ivresse Tu sais l’amour et ses combats ; Tu sais une voix qui t’adresse Ces mots d’ineffable tendresse Qui ne se disent que tout bas. Sur un beau sein, ta bouche errante Enfin a pu se reposer, Et sur une lèvre mourante Sentir la douceur enivrante Que recèle un premier baiser… Maître de ces biens qu’on envie Ton cœur est pur, tes jours sont pleins ! Esclave à tes vœux asservie, La fortune embellit ta vie Tu sais qu’on t’aime, et tu te plains ! Et tu te plains ! et t’exagères Ces vagues ennuis d’un moment, Ces chagrins, ces douleurs légères, Et ces peines si passagères Qu’on ne peut souffrir qu’en aimant ! Et tu pleures ! et tu regrettes Cet épanchement amoureux ! Pourquoi ces maux que tu t’apprêtes ? Garde ces plaintes indiscrètes Et ces pleurs pour les malheureux ! Pour moi, de qui l’âme flétrie N’a jamais reçu de serment, Comme un exilé sans patrie, Pour moi, qu’une voix attendrie N’a jamais nommé doucement, Personne qui daigne m’entendre, A mon sort qui saigne s’unir, Et m’interroge d’un air tendre, Pourquoi je me suis fait attendre Un jour tout entier sans venir. Personne qui me recommande De ne rester que peu d’instants Hors du logis ; qui me gourmande Lorsque je rentre et me demande Où je suis allé si longtemps. Jamais d’haleine caressante Qui, la nuit, vienne m’embaumer ; Personne dont la main pressante Cherche la mienne, et dont je sente Sur mon cœur les bras se fermer ! Une fois pourtant – quatre années Auraient-elles donc effacé Ce que ces heures fortunées D’illusions environnées Au fond de mon âme ont laissé ? Oh ! c’est qu’elle était si jolie ! Soit qu’elle ouvrit ses yeux si grands, Soit que sa paupière affaiblie Comme un voile qui se déplie Éteignit ses regards mourants ! – J’osai concevoir l’espérance Que les destins moins ennemis, Prenant pitié de ma souffrance, Viendraient me donner l’assurance D’un bonheur qu’ils auraient permis : L’heure que j’avais attendue, Le bonheur que j’avais rêvé A fui de mon âme éperdue, Comme une note suspendue, Comme un sourire inachevé ! Elle ne s’est point souvenue Du monde qui ne la vit pas ; Rien n’a signalé sa venue, Elle est passée, humble, inconnue, Sans laisser trace de ses pas. Depuis lors, triste et monotone, Chaque jour commence et finit : Rien ne m’émeut, rien ne m’étonne, Comme un dernier rayon d’automne J’aperçois mon front qui jaunit. Et loin de tous, quand le mystère De l’avenir s’est refermé, Je fuis, exilé volontaire ! – Il n’est qu’un bonheur sur la terre, Celui d’aimer et d’être aimé.

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    Alexis-Félix Arvers

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    Déclaration Jeune femme aux yeux noirs, étourdie, inconstante, Entre mille pensers indécise et flottante, Qui veut et ne veut pas, et bientôt ne sait plus Où prendre ni fixer, tes voeux irrésolus, Qui n’aime point le mal et pourtant ne peut faire Un seul pas vers le bien que ton âme préfère, Insouciante, et va livrant chaque matin, Tes projets au hasard et ta vie au destin, Sais-tu pourquoi je t’aime, et quelle main cachée Retiens mon âme au char où tu l’as attachée, Pourquoi je me plains tant dans tes bras, et ressens Quelque chose de plus que l’ivresse des sens ? C’est qu’il est, vois-tu bien, certaines destinées Par des liens secrets l’une à l’autre enchaînées : C’est qu’il peut arriver, parfois, que deux esprits Se soient du premier coup reconnus et compris ; Une triste clarté, de long regrets suivie, De ses illusions a dépouillé ma vie ; Elle a flétri ma joie, et n’a plus rien laissé Dans le fond de mon coeur profondément blessé ; Et toi, ton âme aussi, triste et désenchantée De ces vestiges vains qui l’avaient trop flattée, A reconnu leur vide et va bientôt finir Ces rêves dissipés pour ne plus revenir. C’est ce que j’aime en toi, c’est cette connaissance Des misères de l’homme et de son impuissance ; C’est ce bizarre aspect d’une femme à vingt ans Dont la raison précoce a devancé le temps, Que rien ne touche plus, et qui, jeune et jolie, Ne croit pas à l’amour et sait comme on oublie, C’est ce qui me ravit, m’enchante, et sur tes pas Me retient malgré moi, car enfin n’est-ce pas Quelque chose de neuf que de nous voir ensemble Vieillards prématurés qu’un même esprit rassemble, Avec ces cheveux noirs, avec ce jeune front Qui des ans destructeurs n’a pas subi l’affront, Discourir gravement des choses de la vie, Railler, d’un rire amer, ces plaisirs qu’on envie, Oublier le présent, ne pas nous souvenir Que nous sommes tout seuls et parler d’avenir ? C’est ce qui m’a frappé, moi, c’est ce caractère Sérieux à la fois et léger, ce mystère D’une humeur si mobile et d’un coeur si changeant, De désirs en désirs sans cesse voltigeant. Je t’aime, si fantasque et si capricieuse ; Bonne femme d’ailleurs, point avaricieuse, Au contraire prodigue, et jetant sans regrets Son or, quand elle en a, sauf à compter après.

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    Alexis-Félix Arvers

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    La première passion I « Minuit ! ma mère dort : je me suis relevée : Je craignais de laisser ma lettre inachevée ; J’ai voulu me hâter, car peut-être ma main Ne sera-t-elle plus assez forte demain ! Tu connais mon malheur ; je t’ai dit que mon père A voulu me dicter un choix, et qu’il espère Sans doute me trouver trop faible pour oser Refuser cet époux qu’il prétend m’imposer. O toi qui m’appartiens ! ô toi qui me fis naître Au bonheur, à l’amour que tu m’as fait connaître ; Toi qui sus le premier deviner le secret Et trouver le chemin d’un cœur qui s’ignorait, Crois-tu qu’à d’autres lois ton amante enchaînée Méconnaisse jamais la foi qu’elle a donnée ; Qu’elle puisse oublier ces rapides momens Où nos voix ont ensemble échangé leurs sermens, Où sa tremblante main a frémi dans la tienne, Et qu’à d’autre qu’à toi jamais elle appartienne ? Tu veux fuir, m’as-tu dit : fuis ; mais n’espère pas M’empêcher de te suivre attachée à tes pas ! Qu’importe où nous soyons si nous sommes ensemble ; Est-il donc un désert si triste, qui ne semble Plus riant qu’un palais, quand il est animé Par l’aspect du bonheur et de l’objet aimé ? Et que me font à moi tous ces biens qui m’attendent ? Lorsqu’on s’est dit : je t’aime ! et que les cœurs s’entendent, Que sont tous les trésors, qu’est l’univers pour eux. Et que demandent-ils de plus pour être heureux ? Mais comment fuir ? comment tromper la vigilance D’un père soupçonneux qui m’épie en silence ? Je m’abusais ! Eh bien, écoute le serment Que te jure ma bouche en cet affreux moment : Puisqu’on l’a résolu, puisqu’on me sacrifie. Puisqu’on veut mon malheur, eh bien ! je les défie : Ils ne m’auront que morte, et je n’aurai laissé Pour traîner à l’autel qu’un cadavre glacé ! » II Lorsque je l’ai revue, elle était mariée Depuis cinq ans passés : « Ah ! s’est-elle écriée, C’est vous ! bien vous a pris d’être venu nous voir : Mais où donc étiez-vous ? Et ne peut-on savoir Pourquoi, depuis un siècle, éloigné de la France, Vous nous avez ainsi laissés dans l’ignorance ? Quant à nous, tout va bien : le sort nous a souri. — J’ai parlé bien souvent de vous à mon mari ; C’est un homme d’honneur, que j’aime et je révère, Sage négociant, de probité sévère, Qui par son zèle actif chaque jour agrandit L’essor de son commerce, et double son crédit : Et puisque le hasard à la fin nous rassemble ; Je vous présenterai, vous causerez ensemble ; Il vous recevra bien, empressé de saisir Pareille occasion de me faire plaisir. Vous verrez mes enfans : j’en ai trois. Mon aînée Est chez mes belles-sœurs, qui me l’ont emmenée ; Je l’attends samedi matin : vous la verrez. Oh, c’est qu’elle est charmante ! ensuite, vous saurez Qu’elle lit couramment, écrit même, et commence A jouer la sonate et chanter la romance. Et mon fils ! il aura ses trois ans et demi Le vingt du mois prochain ; du reste, mon ami, Vous verrez comme il est grand et fort pour son âge ; C’est le plus bel enfant de tout le voisinage. Et puis, j’ai mon petit. — Je ne l’ai pas nourri : Mes couches ont été pénibles ; mon mari, Qui craignait pour mon lait, a voulu que je prisse Sur moi de le laisser aux mains d’une nourrice. Mais de cet embarras je vais me délivrer, Et le docteur a dit qu’on pouvait le sevrer. — Ainsi dans mes enfans, dans un époux qui m’aime, J’ai trouvé le bonheur domestique ; et vous même, Vous dépendez de vous, j’imagine, et partant Qui peut vous empêcher d’en faire un jour autant ? Je sais qu’en pareil cas le choix est difficile. Que vous avez parfois une humeur indocile ; Mais on peut réussir, et vous réussirez : Vous prendrez une femme, et nous l’amènerez, Elle viendra passer l’été dans notre terre : Jusque-là toutefois, libre et célibataire, Pensez à vos amis, et venez en garçon Nous demander dimanche à dîner sans façon. »

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    Alexis-Félix Arvers

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    Le livre de mon coeur La Porte-Saint-Martin va donner des Mystères Où Paris tout entier se hâte d’accourir. Tout manque, les balcons, les loges, les parterres ; J’ai pourtant une place et je vais vous l’offrir. Ce théâtre où jadis je vous ai rencontrée Me rappelle un passé bien cruel et bien doux. C’était un soir d’été, douce et chaude soirée ; Je m’en souviens encor : vous en souvenez-vous ? Que de choses depuis ! — La vie est ainsi faite. Je voulais vous avoir, vous n’avez pas voulu Et j’ouvris devant vous oublieuse et distraite Le livre de mon cœur où vous n’avez rien lu. Eh bien, il est au moins un bienfait que j’implore, Triste et suprême appel que vous fera ma voix, Qu’une dernière fois je vous revoie encore Aux lieux où je vous vis pour la première fois ! Comme un oiseau blessé qui vient, l’aile meurtrie, Mourir près de son nid, au bord de son ruisseau. Qu’ainsi mon pauvre amour, brisé par vous, Marie. Vienne chercher sa tombe auprès de son berceau !

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    Alexis-Félix Arvers

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    Le retour de la bien-aimée I Que ces vallons déserts, que ces vastes prairies Où j’allais promener mes tristes rêveries, Que ces rivages frais, que ces bois, que ces champs, Que tout prenne une voix et retrouve des chants Et porte jusqu’au sein de Ta Toute Puissance Un hymne de bonheur et de reconnaissance ! Celle, qui dans un chaste et pur embrassement, A reçu mon amour et mon premier serment, Celle à qui j’ai juré de consacrer ma vie Par d’injustes parents m’avait été ravie ; Ils avaient repoussé mes pleurs, et les ingrats Avaient osé venir l’arracher de mes bras ; Et jaloux de m’ôter la dernière espérance Qui pût me soutenir et calmer ma souffrance, Un message trompeur nous avait informés Que sur un bord lointain ses yeux s’étaient fermés. Celui qui fut aimé, celui qui put connaître Ce bonheur enivrant de confondre son être, De vivre dans un autre, et de ne plus avoir Que son cœur pour sentir, et que ses yeux pour voir, Celui-là pourra seul deviner et comprendre Ce qu’une voix humaine est impuissante à rendre ; Celui-là saura seul tout ce que peut souffrir Un homme, et supporter de tourments sans mourir. Mais la main qui sur moi s’était appesantie Semble de mes malheurs s’être enfin repentie. Leur cœur s’est attendri, soit qu’un pouvoir caché, Que sais-je ? Ou que la voix du remords l’ait touché. Celle que je pleurais, que je croyais perdue, Elle vit ! elle vient ! et va m’être rendue ! Ne demandez donc plus, amis, pourquoi je veux Qu’on mêle ces boutons de fleurs dans mes cheveux. Non ! Je n’ai point souffert et mes douleurs passées En cet heureux instant sont toutes effacées ; Que sont tous mes malheurs, que sont tous mes ennuis. Et ces rêves de deuil qui tourmentaient mes nuits ? Et moi ! J’osais du ciel accuser la colère ! Je reconnais enfin sa bonté tutélaire. Et je bénis ces maux d’un jour qui m’ont appris Que mes yeux ne devaient la revoir qu’à ce prix ! II Quel bonheur est le mien ! Pourtant — ces deux années Changent bien des projets et bien des destinées ; — Je ne puis me celer, à parler franchement, Que ce retour me gêne un peu, dans ce moment. Certes, le souvenir de notre amour passé N’est pas un seul instant sorti de ma pensée ; Mais enfin je ne sais comment cela s’est fait : Invité cet hiver aux bals chez le préfet. J’ai vu sa fille aînée, et par étourderie Risqué de temps en temps quelque galanterie : Je convins aux parents, et fus bientôt admis Dans cette intimité qu’on réserve aux amis. J’y venais tous les soirs, je faisais la lecture, Je présentais la main pour monter en voiture ; Dans nos réunions en petit comité, Toujours près de la fille, assis à son côté. Je me rendais utile à tout, j’étais son page. Et quand elle chantait, je lui tournais la page. Enfin, accoutumé chaque jour à la voir. 60 Que sais-je ? J’ai rendu, sans m’en apercevoir, Et bien innocemment, des soins, que je soupçonne N’être pas dédaignés de la jeune personne : Si bien que je ne sais trop comment m’arranger : On jase, et les parents pourront bien exiger Que j’ôte ce prétexte à la rumeur publique, Et, quelque beau matin, vouloir que je m’explique. C’est ma faute, après tout, je me suis trop pressé, Et, comme un débutant, je me suis avancé. Mais, d’un autre côté, comment prévoir… ? N’importe, Mes serments sont sacrés, et mon amour l’emporte, J’irai demain trouver le père, et s’il vous plaît,- Je lui raconterai la chose comme elle est. — C’est bien ! — Mais que va-t-on penser, que va-t-on dire ? Le monde est si méchant, et si prompt à médire ! — Je le brave ! et s’il faut, je verserai mon sang… Oui : mais toujours est-il que c’est embarrassant. III Comme tout ici-bas se flétrit et s’altère, Et comme les malheurs changent un caractère ! J’ai cherché vainement, et n’ai point retrouvé Cette aimable candeur qui m’avait captivé. Celle que j’avais vue autrefois si craintive. Dont la voix résonnait si douce et si plaintive, Hautaine, au parler bref, et parfois emporté, A rejeté bien loin cette timidité. A moi, qui n’ai vécu, n’ai souffert que pour elle. Est-ce qu’elle n’a pas déjà cherché querelle ? Jetant sur le passé des regards curieux, Elle m’a demandé d’un air impérieux Si, pendant tout ce temps que j’ai passé loin d’elle. Mon cœur à sa mémoire était resté fidèle : Et de quel droit, bon Dieu ? Nous n’étions point liés. Et nous aurions très bien pu nous être oubliés ! J’avais juré, promis ! — Qu’est-ce que cela prouve ? Tous les jours, en amour, on jure ; et lorsqu’on trouve Quelque distraction, on laisse rarement Perdre l’occasion de trahir son serment : Il n’est pas défendu d’avoir un cœur sensible, Et ce n’est point du « tout un crime irrémissible. Et puis d’ailleurs, après ce que j’ai découvert. Entre nous, soyons franc, parlons à cœur ouvert : J’en avais fait mon deuil, et la pauvre exilée S’est bien de son côté quelque peu consolée ; Et si je persistais à demander sa main. C’était par conscience, et par respect humain ; Je m’étais étourdi. Mais elle a, la première. Fait ouvrir, par bonheur, mes yeux à la lumière, Et certes, j’aime mieux encore, à beaucoup près, Qu’elle se soit ainsi montrée avant qu’après. Car enfin, rien n’est fait, au moins, et le notaire N’a point à nos serments prêté son ministère. — Mais quels emportements ! quels pleurs ! car elle croit Exiger une dette et réclamer un droit. Or il faut en finir : quoi qu’elle dise ou fasse, J’en ai pris mon parti ; j’irai lui dire en face, — Quoi ? — Que son caractère est à n’y pas tenir. — Elle avait bien besoin aussi de revenir ! Nous étions si bien tous, quand son humeur altière Vint troubler le repos d’une famille entière ! On nous la disait morte ; et je croirais aussi Qu’il vaudrait beaucoup mieux que cela fût ainsi.

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    Alexis-Félix Arvers

    @alexisFelixArvers

    L’amour caché Mon âme a son secret, ma vie a son mystère, Un amour éternel en un moment conçu : Le mal est sans espoir, aussi j’ai dû le taire, Et celle qui l’a fait n’en a jamais rien su. Hélas ! j’aurai passé près d’elle inaperçu, Toujours à ses côtés, et pourtant solitaire. Et j’aurai jusqu’au bout fait mon temps sur la terre, N’osant rien demander et n’ayant rien reçu. Pour elle, quoique Dieu l’ait faite douce et tendre, Elle suit son chemin, distraite et sans entendre Ce murmure d’amour élevé sur ses pas. À l’austère devoir, pieusement fidèle, Elle dira, lisant ces vers tout remplis d’elle  » Quelle est donc cette femme ?  » et ne comprendra pas.

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    Alexis-Félix Arvers

    @alexisFelixArvers

    Sonnet à mon ami R J'avais toujours rêvé le bonheur en ménage, Comme un port où le cœur, trop longtemps agité, Vient trouver, à la fin d'un long pèlerinage, Un dernier jour de calme et de sérénité. Une femme modeste, à peu près de mon âge Et deux petits enfants jouant à son côté ; Un cercle peu nombreux d'amis du voisinage, Et de joyeux propos dans les beaux soirs d'été. J'abandonnais l'amour à la jeunesse ardente Je voulais une amie, une âme confidente, Où cacher mes chagrins, qu'elle seule aurait lus ; Le ciel m'a donné plus que je n'osais prétendre ; L'amitié, par le temps, a pris un nom plus tendre, Et l'amour arriva qu'on ne l'attendait plus.

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    Gaston Couté

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    Dans vos yeux Dans vos yeux J’ai lu l’aveu de votre âme En caractères de flamme Et je m’en suis allé joyeux Bornant alors mon espace Au coin d’horizon qui passe Dans vos yeux. Dans vos yeux J’ai vu s’amasser l’ivresse Et d’une longue caresse J’ai clos vos grands cils soyeux. Mais cette ivresse fut brève Et s’envola comme un rêve De vos yeux. Dans vos yeux Profonds comme des abîmes J’ai souvent cherché des rimes Aux lacs bleus et spacieux Et comme en leurs eaux sereines J’ai souvent noyé mes peines Dans vos yeux. Dans vos yeux J’ai vu rouler bien des larmes Qui m’ont mis dans les alarmes Et m’ont rendu malheureux. J’ai vu la trace des songes Et tous vos petits mensonges Dans vos yeux. Dans vos yeux Je ne vois rien à cette heure Hors que l’Amour est un leurre Et qu’il n’est plus sous les cieux D’amante qui soit fidèle A sa promesse… éternelle Dans vos yeux.

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    Gaston Couté

    @gastonCoute

    La rose de l’absent Le beau chevalier était à la guerre… Le beau chevalier avait dit adieu A sa dame aimée, Anne de Beaucaire Aux yeux plus profonds que le grand ciel bleu. Le beau chevalier, à genoux près d’elle, Avait soupiré, lui baisant la main :  » Je suis tout à vous ! soyez-moi fidèle ; A bientôt !… je vais me mettre en chemin.  » Anne répondit avec un sourire :  » Toujours, sur le Christ ! je vous aimerai, Emportez mon coeur ! allez, mon beau sire, Il vous appartient tant que je vivrai.  » Alors, le vaillant, tendant à sa dame Une rose blanche en gage d’amour, S’en était allé près de l’oriflamme De son Suzerain, duc de Rocamour. Le beau chevalier était à la guerre… Anne, la perfide aux yeux de velours, Foulant son naÏf serment de naguère, Reniait celui qui l’aimait toujours ; Et, sa blanche main dans les boucles folles D’un page mignard, elle murmurait Doucement, tout bas, de tendres paroles A l’éphèbe blond qui s’abandonnait. Mais, soudain, voulant respirer la rose Du fier paladin oublié depuis, Elle eut peur et vit perler quelque chose De brillant avec des tons de rubis. Cela s’étendait en tache rougeâtre Sur la fleur soyeuse aux pétales blancs Comme ceux des lis et comme l’albâtre… La rose échappa de ses doigts tremblants ; La rose roula tristement par terre… Une voix alors sortit de son coeur ; Cette voix était la voix du mystère, La voix du reproche et de la douleur.  » Il est mort, méchante, il est mort en brave ! Et songeant à toi, le beau chevalier ; Son âme est au ciel, chez le bon Dieu grave Et doux, où jamais tu n’iras veiller ; Où tu n’iras pas, même une seconde, Car ta lèvre doit éternellement Souffrir et brûler, par dans l’autre monde, Au feu des baisers d’un démon méchant…  » Et la voix se tut sous le coup du charme, La fleur se flétrit, Anne, se baissant N’aperçut plus rien, plus rien qu’une larme Avec une goutte épaisse de sang.

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    Gaston Couté

    @gastonCoute

    Les bohémiens Les Bohémiens, les mauvais gas Se sont am’nés dans leu’ roulotte Qui geint d’vieillesse et qui cahotte A la queu’ d’un ch’val qui n’ va pas ; Et, pour fair’ bouilli’ leu’ popote, Nos biens ont subi leu’s dégâts. Ah ! mes bonn’s gens ! J’ai ben grand’peine ! Ces gueux d’ Bohémiens m’ont volé : Un tas d’ bourré’s dans mon bois d’ chêne, Un baiscieau d’ gerb’s dans mon champ d’blé, Mais c’est pas tout ça qui m’ caus’ si grand’ peine ! … Au mitan de c’tte band’ de loups S’ trouvait eun’ garce si jolie Avec sa longu’ criniér’ fleurie Comme un bouquet de soucis roux ; Si joli’ que je vous défie D’en trouver eun’ pareill’ cheu nous. Ah ! mes bonn’s gens ! J’ai ben grand’peine ! Pasque ces Bohémiens d’ malheur Qu’ont pillé mon bois et ma plaine Ont encore emporté mon coeur. Et c’est surtout ça qui m’ caus’ si grand’peine ! Les Bohémiens, les mauvais gas, Sont repartis dans leu’ roulotte Qui geint d’ vieillesse et qui cahotte Au derriér’ d’un ch’val qui n’ va pas ; Et la bell’ qui fait leu’ popotte F’ra p’têt’ cuir’ mon coeur pour leu’ r’pas. Ah ! mes bonn’s gens ! J’ai ben grand’peine ! J’ veux qu’i’s m’ volent tout les Bohémiens Mais qu’i’s dis’nt à la Bohémienne Qu’à m’ rend’ mon coeur qu’i’ y’ appartient, Ou sans ça j’mourrai d’avoir si grand’ peine ! …

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    Gaston Couté

    @gastonCoute

    L’aveu A ma dame. Ton âme avait alors la blancheur des grands lys Que berce la chanson des vents rasant la terre ; L’Amour était encor pour toi tout un mystère, Et la sainte candeur te drapait dans les plis De sa robe… Ce fut par les bois reverdis, A l’heure où dans le ciel perce la lune austère. Je te vis, je t’aimai, je ne pus te le taire Et tout naïvement alors je te le dis. Tu fixas sur mes yeux tes yeux de jeune vierge, Brillants de la clarté douce et pure d’un cierge, Ton front rougit… tu n’osas pas me repousser. Et l’aveu tremblotant, dans un soupir de fièvre, S’exhala de ton coeur pour errer sur ta lèvre, Où je le recueillis dans un premier baiser.

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    Gaston Couté

    @gastonCoute

    L’épicier V’là trois ans qu’je m’sés marié Pasqu’i’ fallait ben qu’je m’marie : Faut eun’ femme à tout épicier Pour teni’ son fonds d’épic’rie ; J’en ai pris eun’ qu’avait quéq’ssous Mais vieille à pouvoir êt’ ma mère. Songeant qu’bouchett’ rose et z-yeux doux Val’nt moins qu’vieux bas plein, en affaire. Va chemineux, va, lidéra ! Suis ton coeur oùs qu’i t’mén’ra ! A c’t’heure, après la r’cett’ du jour Quand ej’ me couch’ comme m’incombe Auprès d’ma femm’ qu’a pus d’amour, Mon lit me fait l’effet d’eun’ tombe ; Et dir’ que j’me bute à chaqu’ pas Dans joli’ brune et belle blonde Mais ren qu’ de m’voir leu causer bas Ça pourrait fair’ clabauder l’monde. Va chemineux, va, lidéra ! Suis ton coeur oùs qu’i t’mén’ra ! Quant à c’tte vieill’ qui m’fait horreur, Pas possibl’ de m’séparer d’elle : C’est comme eun’ pierr’ que j’ai su l’coeur Et qui yempéch’ de bouger l’aile ; La fair’ cornette, en vérité F’rait ben mal aux yeux d’la « pratique » Et, si j’venions à nous quitter, Ça s’rait la mort de ma boutique. Va chemineux, va, lidéra ! Suis ton coeur oùs qu’i t’mén’ra !

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    George Sand

    George Sand

    @georgeSand

    Lettre Lettre envoyée par George Sand à Alfred de Musset Je suis très émue de vous dire que j’ai bien compris l’autre soir que vous aviez toujours une envie folle de me faire danser. Je garde le souvenir de votre baiser et je voudrais bien que ce soit là une preuve que je puisse être aimée par vous. Je suis prête à vous montrer mon affection toute désintéressée et sans cal- cul, et si vous voulez me voir aussi vous dévoiler sans artifice mon âme toute nue, venez me faire une visite. Nous causerons en amis, franchement. Je vous prouverai que je suis la femme sincère, capable de vous offrir l’affection la plus profonde comme la plus étroite amitié, en un mot la meilleure preuve que vous puissiez rêver, puisque votre âme est libre. Pensez que la solitude où j’ha- bite est bien longue, bien dure et souvent difficile. Ainsi en y songeant j’ai l’âme grosse. Accourez donc vite et venez me la faire oublier par l’amour où je veux me mettre. NB : Relisez-la en sautant les lignes paires George Sand (1835) ————————– Alfred de Musset à Georges Sand : Quand je vous jure, hélas! un éternel hommage Voulez-vous qu’un instant je change de langage ? Vous seule possédez mon esprit et mon cœur. Que ne puis-je pas avec vous goûter le vrai bonheur ! Je vous aime, ma belle, et ma plume en délire Couche sur le papier ce que je n’ose dire Avec soin, de mes vers, lisez les premiers mots, Vous saurez quel remède apporter à mes maux. La réponse de Georges Sand :

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    Germain Nouveau

    Germain Nouveau

    @germainNouveau

    Amour Je ne crains pas les coups du sort, Je ne crains rien, ni les supplices, Ni la dent du serpent qui mord, Ni le poison dans les calices, Ni les voleurs qui fuient le jour, Ni les sbires ni leurs complices, Si je suis avec mon Amour. Je me ris du bras le plus fort, Je me moque bien des malices, De la haine en fleur qui se tord, Plus caressante que les lices ; Je pourrais faire mes délices De la guerre au bruit du tambour, De l'épée aux froids artifices, Si je suis avec mon Amour. Haine qui guette et chat qui dort N'ont point pour moi de maléfices ; Je regarde en face la mort, Les malheurs, les maux, les sévices ; Je braverais, étant sans vices, Les rois, au milieu de leur cour, Les chefs, au front de leurs milices, Si je suis avec mon Amour. ENVOI. Blanche Amie aux noirs cheveux lisses, Nul Dieu n'est assez puissant pour Me dire : « Il faut que tu pâlisses », Si je suis avec mon Amour.

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    Germain Nouveau

    Germain Nouveau

    @germainNouveau

    L'amour de l'amour I. Aimez bien vos amours ; aimez l'amour qui rêve Une rose à la lèvre et des fleurs dans les yeux ; C'est lui que vous cherchez quand votre avril se lève, Lui dont reste un parfum quand vos ans se font vieux. Aimez l'amour qui joue au soleil des peintures, Sous l'azur de la Grèce, autour de ses autels, Et qui déroule au ciel la tresse et les ceintures, Ou qui vide un carquois sur des coeurs immortels. Aimez l'amour qui parle avec la lenteur basse Des Ave Maria chuchotés sous l'arceau ; C'est lui que vous priez quand votre tête est lasse, Lui dont la voix vous rend le rythme du berceau. Aimez l'amour que Dieu souffla sur notre fange, Aimez l'amour aveugle, allumant son flambeau, Aimez l'amour rêvé qui ressemble à notre ange, Aimez l'amour promis aux cendres du tombeau ! Aimez l'antique amour du règne de Saturne, Aimez le dieu charmant, aimez le dieu caché, Qui suspendait, ainsi qu'un papillon nocturne, Un baiser invisible aux lèvres de Psyché ! Car c'est lui dont la terre appelle encore la flamme, Lui dont la caravane humaine allait rêvant, Et qui, triste d'errer, cherchant toujours une âme, Gémissait dans la lyre et pleurait dans le vent. Il revient ; le voici : son aurore éternelle A frémi comme un monde au ventre de la nuit, C'est le commencement des rumeurs de son aile ; Il veille sur le sage, et la vierge le suit. Le songe que le jour dissipe au coeur des femmes, C'est ce Dieu. Le soupir qui traverse les bois, C'est ce Dieu. C'est ce Dieu qui tord les oriflammes Sur les mâts des vaisseaux et des faîtes des toits. Il palpite toujours sous les tentes de toile, Au fond de tous les cris et de tous les secrets ; C'est lui que les lions contemplent dans l'étoile ; L'oiseau le chante au loup qui le hurle aux forêts. La source le pleurait, car il sera la mousse, Et l'arbre le nommait, car il sera le fruit, Et l'aube l'attendait, lui, l'épouvante douce Qui fera reculer toute ombre et toute nuit. Le voici qui retourne à nous, son règne est proche, Aimez l'amour, riez ! Aimez l'amour, chantez ! Et que l'écho des bois s'éveille dans la roche, Amour dans les déserts, amour dans les cités ! Amour sur l'Océan, amour sur les collines ! Amour dans les grands lys qui montent des vallons ! Amour dans la parole et les brises câlines ! Amour dans la prière et sur les violons ! Amour dans tous les coeurs et sur toutes les lèvres ! Amour dans tous les bras, amour dans tous les doigts ! Amour dans tous les seins et dans toutes les fièvres ! Amour dans tous les yeux et dans toutes les voix ! Amour dans chaque ville : ouvrez-vous, citadelles ! Amour dans les chantiers : travailleurs, à genoux ! Amour dans les couvents : anges, battez des ailes ! Amour dans les prisons : murs noirs, écroulez-vous ! II. Mais adorez l'Amour terrible qui demeure Dans l'éblouissement des futures Sions, Et dont la plaie, ouverte encor, saigne à toute heure Sur la croix, dont les bras s'ouvrent aux nations.

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    Germain Nouveau

    Germain Nouveau

    @germainNouveau

    L'âme Comme un exilé du vieux thème, J'ai descendu ton escalier ; Mais ce qu'a lié l'Amour même, Le temps ne peut le délier. Chaque soir quand ton corps se couche Dans ton lit qui n'est plus à moi, Tes lèvres sont loin de ma bouche ; Cependant, je dors près de Toi. Quand je sors de la vie humaine, J'ai l'air d'être en réalité Un monsieur seul qui se promène ; Pourtant je marche à ton côté. Ma vie à la tienne est tressée Comme on tresse des fils soyeux, Et je pense avec ta pensée, Et je regarde avec tes yeux. Quand je dis ou fais quelque chose, Je te consulte, tout le temps ; Car je sais, du moins, je suppose, Que tu me vois, que tu m'entends. Moi-même je vois tes yeux vastes, J'entends ta lèvre au rire fin. Et c'est parfois dans mes nuits chastes Des conversations sans fin. C'est une illusion sans doute, Tout cela n'a jamais été ; C'est cependant, Mignonne, écoute, C'est cependant la vérité. Du temps où nous étions ensemble, N'ayant rien à nous refuser, Docile à mon désir qui tremble, Ne m'as-tu pas, dans un baiser, Ne m'as-tu pas donné ton âme ? Or le baiser s'est envolé, Mais l'âme est toujours là, Madame ; Soyez certaine que je l'ai.

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    Germain Nouveau

    Germain Nouveau

    @germainNouveau

    La rencontre Vous mîtes votre bras adroit, Un soir d’été, sur mon bras… gauche. J’aimerai toujours cet endroit, Un café de la Rive-Gauche ; Au bord de la Seine, à Paris Un homme y chante la Romance Comme au temps… des lansquenets gris ; Vous aviez emmené Clémence. Vous portiez un chapeau très frais Sous des noeuds vaguement orange, Une robe à fleurs… sans apprêts, Sans rien d’affecté ni d’étrange ; Vous aviez un noir mantelet, Une pèlerine, il me semble, Vous étiez belle, et… s’il vous plaît, Comment nous trouvions-nous ensemble ? J’avais l’air, moi, d’un étranger ; Je venais de la Palestine A votre suite me ranger, Pèlerin de ta Pèlerine. Je m’en revenais de Sion, Pour baiser sa frange en dentelle, Et mettre ma dévotion Entière à vos pieds d’Immortelle. Nous causions, je voyais ta voix Dorer ta lèvre avec sa crasse, Tes coudes sur la table en bois, Et ta taille pleine de grâce ; J’admirais ta petite main Semblable à quelque serre vague, Et tes jolis doigts de gamin, Si chics ! qu’ils se passent de bague ; J’aimais vos yeux, où sans effroi Battent les ailes de votre Âme, Qui font se baisser ceux du roi Mieux que les siens ceux d’une femme ; Vos yeux splendidement ouverts Dans leur majesté coutumière… Etaient-ils bleus ? Etaient-ils verts ? Ils m’aveuglaient de ta lumière. Je cherchais votre soulier fin, Mais vous rameniez votre robe Sur ce miracle féminin, Ton pied, ce Dieu, qui se dérobe ! Tu parlais d’un ton triomphant, Prenant aux feintes mignardises De tes lèvres d’amour Enfant Les coeurs, comme des friandises. La rue où rit ce cabaret, Sur laquelle a pu flotter l’Arche, Sachant que l’Ange y descendrait, Porte le nom d’un patriarche. Charmant cabaret de l’Amour Je veux un jour y peindre à fresque Le Verre auquel je fis ma cour. Juin, quatre-vingt-cinq, minuit… presque.

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    Gianluca Stival

    @gianlucaStival

    À côté de moi Ils disent que tôt ou tard le cercle se ferme, ils disent que le bien revient à ceux qui l'ont cédé, ils disent que le courage appartient à ceux qui risquent, et je crois que t'avoir, dans ma vie est un des plus beaux miracles. Je crois que s'il n’y avait plus de temps, je reviendrais pour reprendre tes mains. Je crois que si je n'avais plus de souffle, j'utiliserais le dernier rayon de voix pour crier que je t'aime. La voix que tu as quand tu vas dormir et les yeux que tu as à ton réveil, me révèlent toute la pureté du monde et me racontent qu’il est doux le bien que tu me fais. Le sensuel parfum qui danse autour de toi est tout un univers qui explose sans fracas et il me fait oublier la terre brûlée, les rêves négligés, les pensées tourmentées. Ils disent qu'il y a des éléments inséparables, et toi, tu es mon élément. À côté de moi.

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    Adieu L’amour est libre il n’est jamais soumis au sort O Lou le mien est plus fort encor que la mort Un cœur le mien te suit dans ton voyage au Nord Lettres Envoie aussi des lettres ma chérie On aime en recevoir dans notre artillerie Une par jour au moins une au moins je t’en prie Lentement la nuit noire est tombée à présent On va rentrer après avoir acquis du zan Une deux trois A toi ma vie A toi mon sang La nuit mon cœur la nuit est très douce et très blonde O Lou le ciel est pur aujourd’hui comme une onde Un cœur le mien te suit jusques au bout du monde L’heure est venue Adieu l’heure de ton départ On va rentrer Il est neuf heures moins le quart Une deux trois Adieu de Nîmes dans le Gard Nîmes, le 5 février 1915

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