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Amour

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Amour

Poésies de la collection amour

    Guillaume Apollinaire

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    @guillaumeApollinaire

    Amour-roi Amour-roi Dites-moi La si belle Colombelle Infidèle Qu’on appelle Petit Lou Dites où Donc est-elle Et chez qui — Mais chez Gui Courmelois, le 23 avril 1915

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    Au lac de tes yeux Au lac de tes yeux très profond Mon pauvre coeur se noie et fond Là le défont Dans l’eau d’amour et de folie Souvenir et Mélancolie Nîmes, le 18 décembre 1914

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    Au soleil Au soleil J’ai sommeil Lou je t’aime Mon poème Te redit Ce lundi Que je t’aime Lou Loulou Me regarde Ce ptit loup Se hasarde A venir Voir courir Sur ma lettre Le crayon Voudrais être Un rayon Qui visite Mon ptit Lou Vite vite Je te quitte Et vais vite Sur Loulou Courmelois, le 19 avril 1915

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    Chef de section Ma bouche aura des ardeurs de géhenne Ma bouche te sera un enfer de douceur et de séduction Les anges de ma bouche trôneront dans ton cœur Les soldats de ma bouche te prendront d’assaut Les prêtres de ma bouche encenseront ta beauté Ton âme s’agitera comme une région pendant un tremblement de terre Tes yeux seront alors chargés de tout l’amour qui s’est amassé dans les regards de l’humanité depuis qu’elle existe Ma bouche sera une armée contre toi une armée pleine de disparates Variée comme un enchanteur qui sait varier ses métamorphoses L’orchestre et les chœurs de ma bouche te diront mon amour Elle te le murmure de loin Tandis que les yeux fixés sur la montre j’attends la minute prescrite pour l’assaut

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    Chevaux de frise Pendant le blanc et nocturne novembre Alors que les arbres déchiquetés par l’artillerie Vieillissaient encore sous la neige Et semblaient à peine des chevaux de frise Entourés de vagues de fils de fer Mon cœur renaissait comme un arbre au printemps Un arbre fruitier sur lequel s’épanouissent Les fleurs de l’amour Pendant le blanc et nocturne novembre Tandis que chantaient épouvantablement les obus Et que les fleurs mortes de la terre exhalaient Leurs mortelles odeurs Moi je décrivais tous les jours mon amour à Madeleine La neige met de pâles fleurs sur les arbres Et toisonne d’hermine les chevaux de frise Que l’on voit partout Abandonnés et sinistres Chevaux muets Non chevaux barbes mais barbelés Et je les anime tout soudain En troupeau de jolis chevaux pies Qui vont vers toi comme de blanches vagues Sur la Méditerranée Et t’apportent mon amour Roselys ô panthère ô colombes étoile bleue Ô Madeleine Je t’aime avec délices Si je songe à tes yeux je songe aux sources fraîches Si je pense à ta bouche les roses m’apparaissent Si je songe à tes seins le Paraclet descend Ô double colombe de ta poitrine Et vient délier ma langue de poète Pour te redire Je t’aime Ton visage est un bouquet de fleurs Aujourd’hui je te vois non Panthère Mais Toutefleur Et je te respire ô ma Toutefleur Tous les lys montent en toi comme des cantiques d’amour et d’allégresse Et ces chants qui s’envolent vers toi M’emportent à ton côté Dans ton bel Orient où les lys Se changent en palmiers qui de leurs belles mains Me font signe de venir La fusée s’épanouit fleur nocturne Quand il fait noir Et elle retombe comme une pluie de larmes amoureuses De larmes heureuses que la joie fait couler Et je t’aime comme tu m’aimes Madeleine

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    C’est le sifflet C’est le sifflet dont je me sers Sur le théâtre de la guerre Pour siffler les Boches en Vers En Prose et de toute manière Et que Lou siffle en ce sifflet Pour appeler son grand Toutou, À Gui l’An neuf… Et mon poulet Souhaite à Lou l’amour partout Courmelois, entre le 27 mai et le 4 juin 1915

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    Guillaume Apollinaire

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    Guirlande de Lou Je fume un cigare à Tarascon en humant un café Des goumiers en manteau rouge passent près de l’hôtel des Empereurs Le train qui m’emporta t’enguirlandait de tout mon souvenir nostalgique Et ces roses si roses qui fleurissent tes seins C’est mon désir joyeux comme l’aurore d’un beau matin * Une flaque d’eau trouble comme mon âme Le train fuyait avec un bruit d’obus de 120 au terme de sa course Et les yeux fermés je respirais les héliotropes de tes veines Sur tes jambes qui sont un jardin plein de marbres Héliotropes ô soupirs d’une Belgique crucifiée * Et puis tourne tes yeux ce réséda si tendre Ils exhalent un parfum que mes yeux savent entendre L’odeur forte et honteuse des Saintes violées Des sept Départements où le sang a coulé * Hausse tes mains Hausse tes mains ces lys de ma fierté Dans leur corolle s’épure toute l’impureté Ô lys ô cloches des cathédrales qui s’écroulent au nord Carillons des Beffrois qui sonnent à la mort Fleurs de lys fleurs de France ô mains de mon amour Vous fleurissez de clarté la lumière du jour * Tes pieds tes pieds d’or touffes de mimosas Lampes au bout du chemin fatigues des soldats — Allons c’est moi ouvre la porte je suis de retour enfin — C’est toi assieds-toi entre l’ombre et la tristesse — Je suis couvert de boue et tremble de détresse Je pensais à tes pieds d’or pâle comme à des fleurs — Touche-les ils sont froids comme quelqu’un qui meurt * Les lilas de tes cheveux qui annoncent le printemps Ce sont les sanglots et les cris que jettent les mourants Le vent passe au travers doux comme nos baisers Le printemps reviendra les lilas vont passer * Ta voix, ta voix fleurit comme les tubéreuses Elle enivre la vie ô voix ô voix chérie Ordonne ordonne au temps de passer bien plus vite Le bouquet de ton corps est le bonheur du temps Et les fleurs de l’espoir enguirlandent tes tempes Les douleurs en passant près de toi se métamorphosent — Écroulements de flammes morts frileuses hématidroses — En une gerbe où fleurit La Merveilleuse Rose Tarascon, 24 janvier 1915

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    Je pense à toi mon Lou Je pense à toi mon Lou ton cœur est ma caserne Mes sens sont tes chevaux ton souvenir est ma luzerne Le ciel est plein ce soir de sabres d’éperons Les canonniers s’en vont dans l’ombre lourds et prompts Mais près de moi je vois sans cesse ton image Ta bouche est la blessure ardente du courage Nos fanfares éclatent dans la nuit comme ta voix Quand je suis à cheval tu trottes près de moi Nos 75 sont gracieux comme ton corps Et tes cheveux sont fauves comme le feu d’un obus qui éclate au nord Je t’aime tes mains et mes souvenirs Font sonner à toute heure une heureuse fanfare Des soleils tour à tour se prennent à hennir Nous sommes les bat-flanc sur qui ruent les étoiles Nîmes, le 17 décembre 1914

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    Guillaume Apollinaire

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    Je t’adore mon Lou Je t’adore mon Lou et par moi tout t’adore Les chevaux que je vois s’ébrouer aux abords L’appareil des monuments latins qui me contemplent Les artilleurs vigoureux qui dans leur caserne rentrent Le soleil qui descend lentement devant moi Les fantassins bleu pâle qui partent pour le front pensent à toi Car ô ma chevelue de feu tu es la torche Qui m’éclaire ce monde et flamme tu es ma force Dans le ciel les nuages Figurent ton image Le mistral en passant Emporte mes paroles Tu en perçois le sens C’est vers toi qu’elles volent Tout le jour nos regards Vont des Alpes au Gard Du Gard à la Marine Et quand le jour décline Quand le sommeil nous prend Dans nos lits différents Nos songes nous rapprochent Objets dans la même poche Et nous vivons confondus Dans le même rêve éperdu Mes songes te ressemblent Les branches remuées ce sont tes yeux qui tremblent Et je te vois partout toi si belle et si tendre Les clous de mes souliers brillent comme tes yeux La vulve des juments est rose comme la tienne Et nos armes graissées c’est comme quand tu me veux Ô douceur de ma vie c’est comme quand tu m’aimes L’hiver est doux le ciel est bleu Refais-me le refais-me le Toi ma chère permission Ma consigne ma faction Ton amour est mon uniforme Tes doux baisers sont les boutons Ils brillent comme l’or et l’ornent Et tes bras si roses si longs Sont les plus galants des galons Un monsieur près de moi mange une glace blanche Je songe au goût de ta chair et je songe à tes hanches À gauche lit son journal une jeune dame blonde Je songe à tes lettres où sont pour moi toutes les nouvelles du monde Il passe des marins la mer meurt à tes pieds Je regarde ta photo tu es l’univers entier J’allume une allumette et vois ta chevelure Tu es pour moi la vie cependant qu’elle dure Et tu es l’avenir et mon éternité Toi mon amour unique et la seule beauté Nimes, le 10 janvier 1915

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    Je t’écris ô mon Lou Je t’écris ô mon Lou de la hutte en roseaux Où palpitent d’amour et d’espoir neuf coeurs d’hommes Les canons font partir leurs obus en monômes Et j’écoute gémir la forêt sans oiseaux Il était une fois en Bohême un poète Qui sanglotait d’amour puis chantait au soleil Il était autrefois la comtesse Alouette Qui sut si bien mentir qu’il en perdit la tête En perdit sa chanson en perdit le sommeil Un jour elle lui dit Je t’aime ô mon poète Mais il ne la crut pas et sourit tristement Puis s’en fut en chantant Tire-lire Alouette Et se cachait au fond d’un petit bois charmant Un soir en gazouillant son joli tire-lire La comtesse Alouette arriva dans le bois Je t’aime ô mon poète et je viens te le dire Je t’aime pour toujours Enfin je te revois Et prends-la pour toujours mon âme qui soupire Ô cruelle Alouette au coeur dur de vautour Vous mentîtes encore au poète crédule J’écoute la forêt gémir au crépuscule La comtesse s’en fut et puis revint un jour Poète adore-moi moi j’aime un autre amour Il était une fois un poète en Bohême Qui partit à la guerre on ne sait pas pourquoi Voulez-vous être aimé n’aimez pas croyez-moi Il mourut en disant Ma comtesse je t’aime Et j’écoute à travers le petit jour si froid Les obus s’envoler comme l’amour lui-même 10 avril 1915.

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    L'adieu J’ai cueilli ce brin de bruyère L’automne est morte souviens-t’en Nous ne nous verrons plus sur terre Odeur du temps brin de bruyère Et souviens-toi que je t’attends

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    La chanson du mal-aimé Et je chantais cette romance En 1903 sans savoir Que mon amour à la semblance Du beau Phénix s’il meurt un soir Le matin voit sa renaissance. Un soir de demi-brume à Londres Un voyou qui ressemblait à Mon amour vint à ma rencontre Et le regard qu’il me jeta Me fit baisser les yeux de honte Je suivis ce mauvais garçon Qui sifflotait mains dans les poches Nous semblions entre les maisons Onde ouverte de la Mer Rouge Lui les Hébreux moi Pharaon Oue tombent ces vagues de briques Si tu ne fus pas bien aimée Je suis le souverain d’Égypte Sa soeur-épouse son armée Si tu n’es pas l’amour unique Au tournant d’une rue brûlant De tous les feux de ses façades Plaies du brouillard sanguinolent Où se lamentaient les façades Une femme lui ressemblant C’était son regard d’inhumaine La cicatrice à son cou nu Sortit saoule d’une taverne Au moment où je reconnus La fausseté de l’amour même Lorsqu’il fut de retour enfin Dans sa patrie le sage Ulysse Son vieux chien de lui se souvint Près d’un tapis de haute lisse Sa femme attendait qu’il revînt L’époux royal de Sacontale Las de vaincre se réjouit Quand il la retrouva plus pâle D’attente et d’amour yeux pâlis Caressant sa gazelle mâle J’ai pensé à ces rois heureux Lorsque le faux amour et celle Dont je suis encore amoureux Heurtant leurs ombres infidèles Me rendirent si malheureux Regrets sur quoi l’enfer se fonde Qu’un ciel d’oubli s’ouvre à mes voeux Pour son baiser les rois du monde Seraient morts les pauvres fameux Pour elle eussent vendu leur ombre J’ai hiverné dans mon passé Revienne le soleil de Pâques Pour chauffer un coeur plus glacé Que les quarante de Sébaste Moins que ma vie martyrisés Mon beau navire ô ma mémoire Avons-nous assez navigué Dans une onde mauvaise à boire Avons-nous assez divagué De la belle aube au triste soir Adieu faux amour confondu Avec la femme qui s’éloigne Avec celle que j’ai perdue L’année dernière en Allemagne Et que je ne reverrai plus Voie lactée ô soeur lumineuse Des blancs ruisseaux de Chanaan Et des corps blancs des amoureuses Nageurs morts suivrons-nous d’ahan Ton cours vers d’autres nébuleuses Je me souviens d’une autre année C’était l’aube d’un jour d’avril J’ai chanté ma joie bien-aimée Chanté l’amour à voix virile Au moment d’amour de l’année

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    La chèvre du thibet Les poils de cette chèvre et même Ceux d’or pour qui prit tant de peine Jason, ne valent rien au prix Des cheveux dont je suis épris.

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    La colombe Colombe, l’amour et l’esprit Qui engendrâtes Jésus-Christ, Comme vous j’aime une Marie. Qu’avec elle je me marie.

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    La Loreley À Bacharach il y avait une sorcière blonde Qui laissait mourir d’amour tous les hommes à la ronde Devant son tribunal l’évêque la fit citer D’avance il l’absolvit à cause de sa beauté Ô belle Loreley aux yeux pleins de pierreries De quel magicien tiens-tu ta sorcellerie Je suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits Ceux qui m’ont regardé évêque en ont péri Mes yeux ce sont des flammes et non des pierreries Jetez jetez aux flammes cette sorcellerie Je flambe dans ces flammes ô belle Loreley Qu’un autre te condamne tu m’as ensorcelé Évêque vous riez Priez plutôt pour moi la Vierge Faites-moi donc mourir et que Dieu vous protège Mon amant est parti pour un pays lointain Faites-moi donc mourir puisque je n’aime rien Mon cœur me fait si mal il faut bien que je meure Si je me regardais il faudrait que j’en meure Mon cœur me fait si mal depuis qu’il n’est plus là Mon cœur me fit si mal du jour où il s’en alla L’évêque fit venir trois chevaliers avec leurs lances Menez jusqu’au couvent cette femme en démence Va-t’en Lore en folie va Lore aux yeux tremblants Tu seras une nonne vêtue de noir et blanc Puis ils s’en allèrent sur la route tous les quatre La Loreley les implorait et ses yeux brillaient comme des astres Chevaliers laissez-moi monter sur ce rocher si haut Pour voir une fois encore mon beau château Pour me mirer une fois encore dans le fleuve Puis j’irai au couvent des vierges et des veuves Là-haut le vent tordait ses cheveux déroulés Les chevaliers criaient Loreley Loreley Tout là-bas sur le Rhin s’en vient une nacelle Et mon amant s’y tient il m’a vue il m’appelle Mon cœur devient si doux c’est mon amant qui vient Elle se penche alors et tombe dans le Rhin Pour avoir vu dans l’eau la belle Loreley Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

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    La mésange Les soldats s’en vont lentement Dans la nuit trouble de la ville. Entends battre mon cœur d’amant. Ce cœur en vaut bien plus de milles Puisque je t’aime éperdument. Je t’aime éperdument, ma chère, J’ai perdu le sens de la vie Je ne connais plus la lumière, Puisque l’Amour est mon envie, Mon soleil et ma vie entière. Écoute-le battre mon cœur ! Un régiment d’artillerie En marche, mon cœur d’Artilleur Pour toi se met en batterie, Écoute-le, petite sœur. Petite sœur je te prends toute Tu m’appartiens, je t’appartiens, Ensemble nous faisons la route, Et dis-moi de ces petits riens Qui consolent qui les écoute. Un tramway descend vitement Trouant la nuit, la nuit de verre Où va mon coeur en régiment Tes beaux yeux m’envoient leur lumière Entends battre mon coeur d’amant. Ce matin vint une mésange Voleter près de mon cheval. C’était peut-être un petit ange Exilé dans le joli val Où j’eus sa vision étrange. Ses yeux c’était tes jolis yeux, Son plumage ta chevelure, Son chant les mots mystérieux Qu’à mes oreilles on susurre Quand nous sommes bien seuls, tous deux Dans le vallon j’étais tout blême D’avoir chevauché jusque-là. Le vent criait un long poème Au soleil dans tout son éclat. Au bel oiseau j’ai dit « Je t’aime ! » Nîmes, le 2 février 1915

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    La puce Puces, amis, amantes même, Qu’ils sont cruels ceux qui nous aiment ! Tout notre sang coule pour eux. Les bien-aimés sont malheureux.

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    La Tzigane La tzigane savait d’avance Nos deux vies barrées par les nuits Nous lui dîmes adieu et puis De ce puits sortit l’Espérance L’amour lourd comme un ours privé Dansa debout quand nous voulûmes Et l’oiseau bleu perdit ses plumes Et les mendiants leurs Ave On sait très bien que l’on se damne Mais l’espoir d’aimer en chemin Nous fait penser main dans la main À ce qu’a prédit la tzigane

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    Le brasier J’ai jeté dans le noble feu Que je transporte et que j’adore De vives mains et même feu Ce Passé ces têtes de morts Flamme je fais ce que tu veux Le galop soudain des étoiles N’étant que ce qui deviendra Se mêle au hennissement mâle Des centaures dans leurs haras Et des grand’plaintes végétales Où sont ces têtes que j’avais Où est le Dieu de ma jeunesse L’amour est devenu mauvais Qu’au brasier les flammes renaissent Mon âme au soleil se dévêt Dans la plaine ont poussé des flammes Nos cœurs pendent aux citronniers Les têtes coupées qui m’acclament Et les astres qui ont saigné Ne sont que des têtes de femmes Le fleuve épinglé sur la ville T’y fixe comme un vêtement Partant à l’amphion docile Tu subis tous les tons charmants Qui rendent les pierres agiles Je flambe dans le brasier à l’ardeur adorable Et les mains des croyants m’y rejettent multiple innombrablement Les membres des intercis flambent auprès de moi Éloignez du brasier les ossements Je suffis pour l’éternité à entretenir le feu de mes délices Et des oiseaux protègent de leurs ailes ma face et le soleil Ô Mémoire Combien de races qui forlignent Des Tyndarides aux vipères ardentes de mon bonheur Et les serpents ne sont-ils que les cous des cygnes Qui étaient immortels et n’étaient pas chanteurs Voici ma vie renouvelée De grands vaisseaux passent et repassent Je trempe une fois encore mes mains dans l’Océan Voici le paquebot et ma vie renouvelée Ses flammes sont immenses Il n’y a plus rien de commun entre moi Et ceux qui craignent les brûlures Descendant des hauteurs où pense la lumière Jardins rouant plus haut que tous les ciels mobiles L’avenir masqué flambé en traversant les cieux Nous attendons ton bon plaisir ô mon amie J’ose à peine regarder la divine mascarade Quand bleuira sur l’horizon la Désirade Au delà de notre atmosphère s’élève un théâtre Que construisit le ver Zamir sans instrument Puis le soleil revint ensoleiller les places D’une ville marine apparue contremont Sur les toits se reposaient les colombes lasses Et le troupeau de sphinx regagne la sphingerie À petits pas Il orra le chant du pâtre toute la vie Là-haut le théâtre est bâti avec le feu solide Comme les astres dont se nourrit le vide Et voici le spectacle Et pour toujours je suis assis dans un fauteuil Ma tête mes genoux mes coudes vain pentacle Les flammes ont poussé sur moi comme des feuilles Des acteurs inhumains claires bêtes nouvelles Donnent des ordres aux hommes apprivoisés Terre Ô Déchirée que les fleuves ont reprisée J’aimerais mieux nuit et jour dans les sphingeries Vouloir savoir pour qu’enfin on m’y dévorât

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    Le ciel est étoilé I Le ciel est étoilé par les obus des Boches La forêt merveilleuse où je vis donne un bal La mitrailleuse joue un air à triples croches Mais avez-vous le mot — Mais oui le mot fatal — Aux créneaux aux créneaux laissez là les pioches On sonne GARDE À VOUS rentrez dans vos maisons CŒUR obus éclaté qui sifflait sa romance Je ne suis jamais seul voici les deux caissons Tous les dieux de mes yeux s’envolent en silence Nous vous aimons ô Vie et nous vous agaçons Les obus miaulaient un amour à mourir Les amours qui s’en vont sont plus doux que les autres Il pleut Bergère il pleut et le sang va tarir Les obus miaulaient Entends chanter les nôtres Pourpre Amour salué par ceux qui vont périr Le Printemps tout mouillé la Veilleuse l’Attaque Il pleut mon âme il pleut mais il pleut des yeux morts Ulysse que de jours pour rentrer dans Ithaque Couche-toi sur la paille et songe un beau remords Qui PUR EFFET DE L’ART soit aphrodisiaque II Je t’écris ô mon Lou de la hutte en roseaux Où palpitent d’amour et d’espoir neuf cœurs d’hommes Les canons font partir leurs obus en monômes Et j’écoute gémir la forêt sans oiseaux Il était une fois en Bohême un poète Qui sanglotait d’amour puis chantait au soleil Il était autrefois la comtesse Alouette Qui sut si bien mentir qu’il en perdit la tête En perdit sa chanson en perdit le sommeil Un jour elle lui dit Je t’aime ô mon poète Mais il ne la crut pas et sourit tristement Puis s’en fut en chantant Tire-lire Alouette Et se cachait au fond d’un petit bois charmant Un soir en gazouillant son joli tire-lire La comtesse Alouette arriva dans le bois Je t’aime ô mon poète et je viens te le dire Je t’aime pour toujours Enfin je te revois Et prends-la pour toujours mon âme qui soupire Ô cruelle Alouette au cœur dur de vautour Vous mentîtes encore au poète crédule J’écoute la forêt gémir au crépuscule La comtesse s’en fut et puis revint un jour Poète adore-moi moi j’aime un autre amour Il était une fois un poète en Bohême Qui partit à la guerre on ne sait pas pourquoi Voulez-vous être aimé n’aimez pas croyez-moi Il mourut en disant Ma comtesse je t’aime Et j’écoute à travers le petit jour si froid Les obus s’envoler comme l’amour lui-même III Te souviens-tu mon Lou de ce panier d’oranges Douces comme l’amour qu’en ce temps-là nous fîmes Tu me les envoyas un jour d’hiver à Nîmes Et je n’osais manger ces beaux fruits d’or des anges Je les gardai longtemps pour les manger ensemble Car tu devais venir me retrouver à Nîmes De mon amour vaincu les dépouilles opimes Pourrirent J’attendais Mon cœur la main me tremble Une petite orange était restée intacte Je la pris avec moi quand à six nous partîmes Et je l’ai retrouvée intacte comme à Nîmes Elle est toute petite et sa peau se contracte Et tandis que les obus passent je la mange Elle est exquise ainsi que mon amour de Nîmes Ô soleil concentré riche comme mes rimes Ô savoureux amour ô ma petite orange Les souvenirs sont-ils un beau fruit qu’on savoure En mangeant j’ai détruit mes souvenirs opimes Puissè-je t’oublier mon pauvre amour de Nîmes J’ai tout mangé l’orange et la peau qui l’entoure Mon Lou pense parfois à la petite orange Douce comme l’amour le pauvre amour de Nîmes Douce comme l’amour qu’en ce temps-là nous fîmes Il me reste une orange un cœur un cœur étrange IV Tendres yeux éclatés de l’amante infidèle Obus mystérieux Si tu savais le nom du beau cheval de selle Qui semble avoir tes yeux Car c’est Loulou mon Lou que mon cheval se nomme Un alezan brûlé Couleur de tes cheveux cul rond comme une pomme Il est là tout sellé Il faut que je reçoive ô mon Lou la mesure Exacte de ton doigt Car je veux te sculpter une bague très pure Dans un métal d’effroi Courmelois, le 8 avril 1915

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    Le Pont Mirabeau Sous le pont Mirabeau coule la Seine Et nos amours Faut-il qu'il m'en souvienne La joie venait toujours après la peine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Les mains dans les mains restons face à face Tandis que sous Le pont de nos bras passe Des éternels regards l'onde si lasse

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    Lorsque deux nobles cœurs Lorsque deux nobles cœurs se sont vraiment aimés Leur amour est plus fort que la mort elle-même Cueillons les souvenirs que nous avons semés Et l’absence après tout n’est rien lorsque l’on s’aime Secteur des Hurlus, septembre 1915

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    Lou est un enfant charmant Lou est un enfant charmant petit Lou au bon cœur Il y a aussi des libellules bleues Lou est la huitième merveille du monde Lierre Herbe de la tendresse Lierre Herbe de la fidélité Avions de cristal beaux fruits du ciel qui chante Simple douceur des nues si blanches et si rondes Ce fut une heure de départ ! secteur… Ceci c’est ma prière bleue vers toi Et c’est aussi mon délice Que ce soit toi que je veuille 1915 Soldats de faïence et d’escarboucle Ô AMOUR Est-il temps de monter plus haut que notre idéal Les heures sont de belles filles langoureuse Le printemps défleuri s’éloigne Là-bas bas et se tourne parfois encore pour me sourire Et dans les champs les coquelicots se fanent en se violaçant Et en répendant une odeur opiacé Je contemple ton absenbce et ton silence Mais tu tiens à moi par mille liens subtils Mon imagination royale allume ses millions d’astres À ta flamboyante divinité des délices Non ! je ne veux pas fermer pendant la contemplation Les neufs portes des sens Et leur ouverture se dirige et se prolonge Jusqu’à toi et ton délice Le jour n’est plus. Il est temps que j’aille à la rivière me baigner. et cette onde est pleine d’herbes aussi fallaces que ton regard tandis qu’éclate un artifice meurtrier et qu’un incendie teint la nuit de couleur cerise Cueille vite cette fleur Prends vite le lambeau de nuage que je te donne Lou Dans cette nuit profonde de juin adorable Je suis ici pour te chanter des chansons En combattant Je te couvrirai de trophées J’attends seulement l’amour Mort, tes servants sont à leurs postes Mes chants t’ont appelée toute ma vie Mon chant est nu, il a dépouillé ses parures Écris-moi vite, Lou, de belle belles choses Vie de ma vie, je baise votre main Courmelois, le 21 juin 1915

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    Lou ma rose Lou, tu es ma rose Ton derrière merveilleux n’est-ce pas la plus belle rose Tes seins tes seins chéris ne sont-ce pas des roses Et les roses ne sont-ce pas de jolis ptits Lous Que l’on fouette comme la brise Fustige les fesses des roses dans le jardin Abandonné Lou ma rose ou plutôt mes roses Tu m’as envoyé des feuilles de rose Ô petite déesse Tu crées les roses Et tu fais les feuilles de roses Roses Petites femmes à poil qui se baladent Gentiment Elles se baladent en robe de satin Sur des escarpolettes Elles chantent le plus beau parfum, le plus fort le plus doux Lou ma rose ô ma perfection je t’aime Et c’est avec joie que je risque de me piquer En faveur de ta beauté Je t’aime, je t’adore, je mordille tes feuilles de rose Rose, reine des fleurs, Lou reine des femmes Je te porte au bout des doigts ô Lou, ô rose Au bout des doigts, en te faisant menotte Jusqu’à ce que tu t’évanouisses Comme s’évanouit le parfum Des roses Je t’embrasse, ô Lou et je t’adore Courmelois, le 2 juin 1915

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    Lou, mon étoile L’étoile nommée Lou est aussi belle aussi voluptueuse qu’une jolie fille vicieuse Elle est assise dans un météore agencé comme une automobile de luxe Autour d’elle se tiennent les autres étoiles ses amies Autour de l’automobile stellaire s’étend l’infini éthéré Les Planètes rutilantes se montrent tour à tour comme des déesse callipyges sur l’horizon La voie Lactée monte comme une poussière derrière Le météore automobile Des guirlandes d’astres décorent l’infini Le météore automobile luxueux et architectural Comme un palais est monté sur un bolide énorme qui tonne à travers les cieux Qu’il sillonne d’éclairs versicolores et durables comme de merveilleux feux de Bengale Et doux comme des baisers éternels Et des rayons de soleils ombragent Ainsi de beaux arbres printaniers La route diaphane Ô Lou, étoile nommée Lou la plus belle des étoiles Ô reine des Étoiles Ton royaume s’étend en plaines animées comme les oiseaux En plaines mouvantes comme un régiment De fantassins nomades Étoile Lou, beau sein de neige rose Petit nichon exquis de la douce nuit Clitoris délectable de la brise embaumée d’Avant l’Aube Les autres astres sont ridicules et sont tes bouffons Ils jouent pour toi des comédies Fantasmagoriques Ils font les fous pour que l’Étoile nommée Lou ne s’embête pas Et parfois les nuits sont mortelles L’étoile nommée Lou Traverse des prairies d’asphodèles Et des fantômes infidèles Pleuvent dans les abîmes autour d’elle Mais cette nuit est si belle!… Je ne vois que l’étoile que j’aime. Elle est la splendeur du firmament Et je ne vois qu’elle Elle est un petit trou charmant aux fesses des nuages Elle est l’étoile des Étoiles Elle est l’étoile d’Amour Ô nuit ô nuit dure toujours ainsi Mais voici Les gerbes des obus en déroute Qui me voile Mon étoile Je baisse les yeux vers les ténèbres de ma forêt Et mon intelligence amoureuse Devient oiseau Pour aller revoir plus haut plus haut Plus haut toujours Ce petit cœur bleuâtre Qu’est mon étoile nommée Lou Ma douce étoile qui fait vibrer au ciel Des mots d’amour exquis Qui viennent en lents airs dolents qui correspondent nuance à nuance à chaque chose que je pense. Étoile Lou fais-moi monter vers toi Prends-moi dans ta splendeur Que je sois ébloui et presque épouvanté Que l’espace bleu se creuse à l’infini Que l’horizon disparaisse Que tous les astres grandissent Et pour finir fais-moi pénétrer dans ton paradis Que j’éprouve une sensation De bien-être inouï Que j’absorbe par toute ma chair, toute mon âme Ta lumière exquise Ô mon paradis ! Courmelois, le 3 juin 1915

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    Guillaume Apollinaire

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    L’amour, le dédain et l’espérance Je t’ai prise contre ma poitrine comme une colombe qu’une petite fille étouffe sans le savoir Je t’ai prise avec toute ta beauté ta beauté plus riche que tous les placers de la Californie ne le furent au temps de la fièvre de l’or J’ai empli mon avidité sensuelle de ton sourire, de tes regards, de tes frémissements (J’ai eu à moi, à ma disposition ton orgueil même quand je te tenais courbée et que tu subissais ma puissance et ma domination) J’ai cru prendre tout cela, ce n’était qu’un prestige (Et je demeure semblable à Ixion après qu’il eut fait l’amour avec le fantôme de nuées fait à la semblance de celle qu’on appelle Héra ou bien Junon l’invisible. Et qui peut prendre, qui peut saisir des nuages ? qui peut mettre la main sur un mirage ? et qu’il se trompe celui-là qui croit emplir ses bras de l’azur céleste ! J’ai bien cru prendre toute ta beauté et je n’ai eu que ton corps Le corps hélas n’a pas l’éternité Le corps a la fonction de jouir mais il n’a pas l’amour Et c’est en vain maintenant que j’essaie d’étreindre ton esprit Il fuit, il me fuit de toutes parts comme un noeud de couleuvres qui se dénoue Et tes beaux bras sur l’horizon lointain sont des serpents couleur d’aurore qui se lovent en signe d’adieu Je reste confus, je demeure confondu Je me sens las de cet amour que tu dédaignes Je suis honteux de cet amour que tu méprises tant Le corps ne va pas sans l’âme Et comment pourrais-je espérer rejoindre ton corps de naguère puisque ton âme était si éloignée de moi Et que le corps a rejoint l’âme Comme font tous les corps vivants Ô toi que je n’ai possédée que morte !) Et malgré tout, cependant que parfois je regarde au loin si vient le vaguemestre Et que j’attends comme un délice ta lettre quotidienne mon cœur bondit comme un chevreuil lorsque je vois venir le messager Et j’imagine alors des choses impossibles puisque ton coeur n’est pas avec moi Et j’imagine alors que nous allons nous embarquer, tous deux, tout seuls peut-être trois, et que jamais personne au monde ne saurait rien de notre cher voyage vers rien, mais vers ailleurs et pour toujours Sur cette mer plus bleue encore, plus bleue que tout le bleu du monde Sur cette mer où jamais l’on ne crierait : « Terre ! » Pour ton attentive beauté mes chants plus purs que toutes les paroles monteraient plus libres encore que les flots Est-il trop tard, mon coeur, pour ce mystérieux voyage ? La barque nous attend, c’est notre imagination Et la réalité nous rejoindra un jour Si les âmes se sont rejointes Pour le trop beau pèlerinage… Allons, mon coeur d’homme la lampe va s’éteindre Verses-y ton sang. Allons, ma vie, alimente cette lampe d’amour Allons, canons, ouvrez la route, Et qu’il arrive enfin le temps victorieux, le cher temps du retour Je donne à mon espoir mes yeux, ces pierreries Je donne à mon espoir mes mains, palmes de victoire Je donne à mon espoir mes pieds, chars de triomphe Je donne à mon espoir ma bouche, ce baiser Je donne à mon espoir mes narines qu’embaument les fleurs de la mi-mai Je donne à mon espoir mon cœur en ex-voto Je donne à mon espoir tout l’avenir qui tremble comme une petite lueur au loin dans la forêt Courmelois, mi-mai 1915

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    Guillaume Apollinaire

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    Mon Lou la nuit descend Mon Lou la nuit descend tu es à moi je t’aime Les cyprès ont noirci le ciel a fait de même Les trompettes chantaient ta beauté mon bonheur De t’aimer pour toujours ton cœur près de mon cœur Je suis revenu doucement à la caserne Les écuries sentaient bon la luzerne Les croupes des chevaux évoquaient ta force et ta grâce D’alezane dorée ô ma belle jument de race La tour Magne tournait sur sa colline laurée Et dansait lentement lentement s’obombrait Tandis que des amants descendaient de la colline La tour dansait lentement comme une sarrasine Le vent souffle pourtant il ne fait pas du tout froid Je te verrai dans deux jours et suis heureux comme un roi Et j’aime de t’y aimer cette Nîmes la Romaine Où les soldats français remplacent l’armée prétorienne Beaucoup de vieux soldats qu’on n’a pu habiller Ils vont comme des bœufs tanguent comme des mariniers Je pense à tes cheveux qui sont mon or et ma gloire Ils sont toute ma lumière dans la nuit noire Et tes yeux sont les fenêtres d’où je veux regarder La vie et ses bonheurs la mort qui vient aider Les soldats las les femmes tristes et les enfants malades Des soldats mangent près d’ici de l’ail dans la salade L’un a une chemise quadrillée de bleu comme une carte Je t’adore mon Lou et sans te voir je te regarde Ça sent l’ail et le vin et aussi l’iodoforme Je t’adore mon Lou embrasse-moi avant que je ne dorme Le ciel est plein d’étoiles qui sont les soldats Morts ils bivouaquent là-haut comme ils bivouaquaient là-bas Et j’irai conducteur un jour lointain t’y conduire Lou que de jours de bonheur avant que ce jour ne vienne luire Aime-moi mon Lou je t’adore Bonsoir Je t’adore je t’aime adieu mon Lou ma gloire Nîmes, le 29 décembre 1914

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    Guillaume Apollinaire

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    Mon très cher petit Lou Mon très cher petit Lou je t’aime Ma chère petite étoile palpitante je t’aime Corps délicieusement élastique je t’aime Vulve qui serre comme un casse-noisette je t’aime Sein gauche si rose et si insolent je t’aime Sein droit si tendrement rosé je t’aime Mamelon droit couleur de champagne non champagnisé je t’aime Mamelon gauche semblable à une bosse du front d’un petit veau qui vient de naître je t’aime Nymphes hypertrophiées par tes attouchements fréquents je vous aime Fesses exquisement agiles qui se rejettent bien en arrière je vous aime Nombril semblable à une lune creuse et sombre je t’aime Toison claire comme une forêt en hiver je t’aime Aisselles duvetées comme un cygne naissant je vous aime Chute des épaules adorablement pure je t’aime Cuisse au galbe aussi esthétique qu’une colonne de temple antique je t’aime Oreilles ourlées comme de petits bijoux mexicains je vous aime Chevelure trempée dans le sang des amours je t’aime Pieds savants pieds qui se raidissent je vous aime Reins chevaucheurs reins puissants je vous aime Taille qui n’a jamais connu le corset taille souple je t’aime Dos merveilleusement fait et qui s’est courbé pour moi je t’aime Bouche ô mes délices ô mon nectar je t’aime Regard unique regard-étoile je t’aime Mains dont j’adore les mouvements je vous aime Nez singulièrement aristocratique je t’aime Démarche onduleuse et dansante je t’aime Ô petit Lou je t’aime je t’aime je t’aime Courmelois, le 8 avril 1915

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    Guillaume Apollinaire

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    Scène nocturne du 22 avril 1915 Gui chante pour Lou Mon ptit Lou adoré Je voudrais mourir un jour que tu m’aimes Je voudrais être beau pour que tu m’aimes Je voudrais être fort pour que tu m’aimes Je voudrais être jeune jeune pour que tu m’aimes Je voudrais que la guerre recommençât pour que tu m’aimes Je voudrais te prendre pour que tu m’aimes Je voudrais te fesser pour que tu m’aimes Je voudrais te faire mal pour que tu m’aimes Je voudrais que nous soyons seuls dans une chambre d’hôtel à Grasse pour que tu m’aimes Je voudrais que nous soyons seuls dans mon petit bureau près de la terrasse couchés sur le lit de fumerie pour que tu m’aimes Je voudrais que tu sois ma sœur pour t’aimer incestueusement Je voudrais que tu eusses été ma cousine pour qu’on se soit aimés très jeunes Je voudrais que tu sois mon cheval pour te chevaucher longtemps, longtemps Je voudrais que tu sois mon coeur pour te sentir toujours en moi. Je voudrais que tu sois le paradis ou l’enfer selon le lieu où j’aille Je voudrais que tu sois un petit garçon pour être ton précepteur Je voudrais que tu sois la nuit pour nous aimer dans les ténèbres Je voudrais que tu sois ma vie pour être par toi seule Je voudrais que tu sois un obus boche pour me tuer d’un soudain amour Lilith et Proserpine (aux enfers) Nous nous aimons sauvagement dans la nuit noire Victimes de l’ascèse et produits du désespoir Chauves-souris qui ont leurs anglais comme les femmes Le Petit Lou Faut pas parler comm’ ça, on dit coulichonnette Lilith J’ai créé la mer Rouge contre le désir de l’homme Proserpine J’ai fait sortit de son lit le Léthé J’en inonde le monde comme d’un hippomane L’oiseau d’éternité du moutier de Heisterbach Je suis l’éternité Mort belle de la Beauté Je mords la mirabelle de l’Été Flambant Phénix de la Charité Pélican de la prodigalité Aigle cruel de la Vérité Rouge-gorge de la sanglante clarté Corbeau de la sombre bonté Qu’est devenu le moine hébété La prière Abaissement qui élève Le maître fut l’élève Aimer n’être pas aimé Fumée, belle fumée La joie Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Je commande et mande Je nais du mal à Samarcande Mais il ne faut pas que j’attende Le Remords Toutes deux, appelez-moi votre père Et l’Art est notre fils multiforme Je m’ouvre la poitrine, Entrez ! c’est notre demeure il y a une horloge qui sonne les heures La 45e batterie du 38e Les chevaux hennissent Éteignez les lumières Les caissons sont chargés Empêchez les hommes de dormir Entends miauler les tigres volants de la guerre Gui Je pense à toi ma lou et ne pense pas à dormir Le Ptit Lou Je suis dans ton dodo et de loin près de toi Le monde ou bien Les gens du monde Mon ptit Lou je veux te reprendre Oublie tes soldats pour mes fêtes. L’Avenir Lou et Gui et vous Toutou faut que vous voyez tous trois De merveilleux rivages Une ville enchantée comme Cordoue En Andalousie. Les gens simples séduits par votre cœur Et votre fantaisie Vous donneront des fleurs, des cannes à sucre Vous pourrez voir encore plus loin si vous voulez La nature des tropiques Une ville blanche; à vingt minutes de la ville un petit pays sur la mer avec de belles maisons dans des parcs Vous louerez un palais où de toutes les fenêtres Lou touchera les palmes avec ses mains Les chevreaux, les ânes, les mules ravissanres Comme des femmes Et aussi expressives quand au regard seront avec vous Gui L’avenir m’intéresse et mon amour surtout Mais l’art et les artistes futurs ne m’intéressent pas. À Paris, il y aura la Seine Et le regard de mon ptit Lou Chœur des jeunes filles mortes en 1913 Quand les belles furent au bois Chacune tenait une rose Et voilà qu’on revient du bois N’avons plus rien entre les doigts Et les jeunes gens de naguère S’en vont ne se retournent pas Ceux qui nous aimèrent naguère Emportent la rose à la guerre Ô mort mène-nous dans le bois Pour retrouver la rose morte Et le rossignol dans le bois Chante toujours comme autrefois

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    Guillaume Apollinaire

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    Silence bombardé Silence bombardé par les froides étoiles Ô mon amour tacite et noir Lamente-toi, puis soudain éclate en sanglots… Là-bas, voici les blanches voiles Des projecteurs jetés aux horizons d’espoir Où la terre est creusée ainsi que sont les flots. Adieu la nuit ! Tous les oiseaux du monde Ont fait leur nid Et chante à la ronde Ptit Lou, je connais bien malgré tout ta douceur En suivant le Printemps tous les jours sur la route En me baignant le front dans cette ombreuse odeur Qui me vient des jardins où je te revois toute. Ainsi je gagnerai le grand cœur embaumé De l’univers tiède et doux comme ta bouche Et son tendre visage au bout de la mi-mai S’offre à moi tout à coup langoureux sur sa couche De pétales d’iris, de grappes de lilas. Ptit Lou d’Amour je sens à mon cou tes bras roses : Cette île de corail qui sort de tes yeux las Et que sur l’océan de l’Amour tu disposes. « Tu me demandes trop d’aimer sans être aimé Tu me demande trop peut-être »… Disait en souriant le doux soleil de mai À la belle fenêtre « Tu veux que chaque jour Les longs rayons de mon amour T’illuminent, mon cœur, ainsi qu’une caresse Et toi ,toi que me donnes-tu ?» « Turlututu Dit la fenêtre Écoute-moi soleil mon maître Je ne suis belle que par toi J’existe par ta lumière, À part l’obscurité de la chambre, ma foi Je ne possède rien de rien; pénètre-moi Et tout à coup je deviens belle et je suis claire.» Ainsi, ma tendre Lou, parlèrent le Soleil Et la sombre fenêtre. Soudain ce fut la nuit, Il vint à disparaître Elle mourut aussi dans un obscur sommeil Comme un Phénix Il renaquit toujours pareil Et son amant La vit renaître… À cette fable il ne faut pas Chercher une morale… J’entends du bruit : ce sont les rats qui pas à pas Tournent autour de ma cabane en la nuit pâle Tournent en rond… Et je te baise Sur ton beau sein fait d’une rose et d’une fraise Et tu me baises sur le FRONT Courmelois, le 17 mai 1915

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