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Titre : Guirlande de Lou

Auteur : Guillaume Apollinaire Recueil : Poèmes à Lou

Je fume un cigare à Tarascon en humant un café Des goumiers en manteau rouge passent près de l’hôtel des Empereurs Le train qui m’emporta t’enguirlandait de tout mon souvenir nostalgique Et ces roses si roses qui fleurissent tes seins C’est mon désir joyeux comme l’aurore d’un beau matin * Une flaque d’eau trouble comme mon âme Le train fuyait avec un bruit d’obus de 120 au terme de sa course Et les yeux fermés je respirais les héliotropes de tes veines Sur tes jambes qui sont un jardin plein de marbres Héliotropes ô soupirs d’une Belgique crucifiée * Et puis tourne tes yeux ce réséda si tendre Ils exhalent un parfum que mes yeux savent entendre L’odeur forte et honteuse des Saintes violées Des sept Départements où le sang a coulé * Hausse tes mains Hausse tes mains ces lys de ma fierté Dans leur corolle s’épure toute l’impureté Ô lys ô cloches des cathédrales qui s’écroulent au nord Carillons des Beffrois qui sonnent à la mort Fleurs de lys fleurs de France ô mains de mon amour Vous fleurissez de clarté la lumière du jour * Tes pieds tes pieds d’or touffes de mimosas Lampes au bout du chemin fatigues des soldats — Allons c’est moi ouvre la porte je suis de retour enfin — C’est toi assieds-toi entre l’ombre et la tristesse — Je suis couvert de boue et tremble de détresse Je pensais à tes pieds d’or pâle comme à des fleurs — Touche-les ils sont froids comme quelqu’un qui meurt * Les lilas de tes cheveux qui annoncent le printemps Ce sont les sanglots et les cris que jettent les mourants Le vent passe au travers doux comme nos baisers Le printemps reviendra les lilas vont passer * Ta voix, ta voix fleurit comme les tubéreuses Elle enivre la vie ô voix ô voix chérie Ordonne ordonne au temps de passer bien plus vite Le bouquet de ton corps est le bonheur du temps Et les fleurs de l’espoir enguirlandent tes tempes Les douleurs en passant près de toi se métamorphosent — Écroulements de flammes morts frileuses hématidroses — En une gerbe où fleurit La Merveilleuse Rose Tarascon, 24 janvier 1915