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Guerre

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Poésies de la collection guerre

    François Villon

    François Villon

    @francoisVillon

    Ballade contre les ennemis de la France Rencontré soit de bêtes feu jetant Que Jason vit, quérant la Toison d’or ; Ou transmué d’homme en bête sept ans Ainsi que fut Nabugodonosor ; Ou perte il ait et guerre aussi vilaine Que les Troyens pour la prise d’Hélène ; Ou avalé soit avec Tantalus Et Proserpine aux infernaux palus ; Ou plus que Job soit en grieve souffrance, Tenant prison en la tour Dedalus, Qui mal voudroit au royaume de France ! Quatre mois soit en un vivier chantant, La tête au fond, ainsi que le butor ; Ou au grand Turc vendu deniers comptants, Pour être mis au harnais comme un tor ; Ou trente ans soit, comme la Magdelaine, Sans drap vêtir de linge ne de laine ; Ou soit noyé comme fut Narcissus, Ou aux cheveux, comme Absalon, pendus, Ou, comme fut Judas, par Despérance ; Ou puist périr comme Simon Magus, Qui mal voudroit au royaume de France ! D’Octovien puist revenir le temps : C’est qu’on lui coule au ventre son trésor ; Ou qu’il soit mis entre meules flottant En un moulin, comme fut saint Victor ; Ou transglouti en la mer, sans haleine, Pis que Jonas ou corps de la baleine ; Ou soit banni de la clarté Phébus, Des biens Juno et du soulas Vénus, Et du dieu Mars soit pugni à outrance, Ainsi que fut roi Sardanapalus, Qui mal voudroit au royaume de France ! Prince, porté soit des serfs Eolus En la forêt où domine Glaucus, Ou privé soit de paix et d’espérance : Car digne n’est de posséder vertus, Qui mal voudroit au royaume de France !

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    François-René de Chateaubriand

    François-René de Chateaubriand

    @francoisReneDeChateaubriand

    Le cid Romance. Air des Folies d’Espagne. Prêt à partir pour la rive africaine, Le Cid armé, tout brillant de valeur, Sur la guitare, aux pieds de sa Chimène, Chantait ces vers que lui dictait l’honneur : Chimène a dit : Va combattre le Maure ; De ce combat surtout reviens vainqueur. Oui, je croirai que Rodrigue m’adore, S’il fait céder son amour à l’honneur. – Donnez, donnez et mon casque et ma lance ! Je veux montrer que Rodrigue a du coeur : Dans les combats signalant sa vaillance, Son cri sera pour sa dame et l’honneur. Maure vanté par ta galanterie, De tes accents mon noble chant vainqueur D’Espagne un jour deviendra la folie, Car il peindra l’amour avec l’honneur. Dans le vallon de notre Andalousie, Les vieux chrétiens conteront ma valeur : Il préféra, diront-ils, à la vie Son Dieu, son roi, sa Chimène et l’honneur.

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    François-René de Chateaubriand

    François-René de Chateaubriand

    @francoisReneDeChateaubriand

    Les malheurs de la révolution Sors des demeures souterraines, Néron, des humains le fléau ! Que le triste bruit de nos chaînes Te réveille au fond du tombeau. Tout est plein de trouble et d’alarmes : Notre sang coule avec nos larmes ; Ramper est la première loi : Nous traînons d’ignobles entraves ; On ne voit plus que des esclaves : Viens : le monde est digne de toi. Ils sont dévastés dans nos temples Les monuments sacrés des rois : Mon oeil effrayé les contemple ; Je tremble et je pleure à la fois. Tandis qu’une fosse commune, Des grandeurs et de la fortune Reçoit les funèbres lambeaux, Un spectre, à la voix menaçante, A percé la tombe récente Qui dévora les vieux tombeaux. Sa main d’une pique est armée : Un bonnet cache son orgueil ; Par la mort sa vue est charmée : Il cherche un tyran au cercueil. Courbé sur la poudre insensible, Il saisit un sceptre terrible Qui du lis a flétri la fleur, Et d’une couronne gothique Chargeant son bonnet anarchique, Il se fait roi de la douleur. Voilà le fantôme suprême, Français, qui va régner sur vous Du républicain diadème Portez le poids léger et doux. L’anarchie et le despotisme, Au vil autel de l’athéisme, Serrent un nœud ensanglanté, Et s’embrassant dans l’ombre impure, Ils jouissent de la torture De leur double stérilité. L’échafaud, la torche fumante, Couvrent nos campagnes de deuil. La Révolution béante Engloutit le fils et l’aïeul. L’adolescent qu’atteint sa rage Va mourir au champ du carnage Ou dans un hospice exilé ; Avant qu’en la tombe il s’endorme, Sur un appui de chêne ou d’orme, Il traîne un buste mutilé: Ainsi quand l’affreuse Chimère Apparut non loin d’Ascalon, En vain la tendre et faible mère Cacha ses enfants au vallon. Du Jourdain les roseaux frémirent ; Au Liban les cèdres gémirent, Les palmiers à Jézeraël, Et le chameau laissé sans guides, Pleura dans les sables arides Avec les femmes d’Ismaël. Napoléon de son génie Enfin écrase les pervers ; L’ordre renaît : la France unie Reprend son rang dans l’univers. Mais, géant, fils aîné de l’homme, Faut-il d’un trône qu’on te nomme Usurpateur ? Mal fécondé, L’illustre champ de ta victoire Devait-il renier la gloire Du vieux Cid et du grand Condé ? Racontez, nymphes de Vincenne, Racontez des faits inouïs, Vous qui présidiez sous un chêne A la justice de Louis ! Oh ! de la mort chantre sublime. Toi qui d’un héros magnanime Rends plus grand le grand souvenir, Quels cris aurais-tu fait entendre, Si, quand tu pleurais sur sa cendre, Ton oeil eût sondé l’avenir ? Le vielllard-roi dont la clef sainte De Rome garde les débris N’a pu, dans l’éternelle enceinte, A son front trouver des abris On peut charger ses mains débiles De fers ingrats, mais inutiles, Car il reste au Juste nouveau La force de sa croix divine, Et de sa couronne d’épine, Et de son sceptre de roseau. Triomphateur, notre souffrance Se fatigue de tes lauriers ; Loin du doux soleil de la France Devais-tu laisser nos guerriers ? La Duna, que tourmente Eole, Au Neptune inconnu du pôle Roule leurs ossements blanchis, Tandis que le noir Borysthène Va conter le deuil de la Seine Aux mers brillantes de Colchis. A l’avenir ton âme aspire ; Avide encore du passé, Tu veux Memphis ; du temps l’empire Par l’aigle sera traversé. Mais, Napoléon, ta mémoire Ne se montrera dans l’histoire Que sous le voile de nos pleurs : Lorsqu’à t’admirer tu m’entraînes, La liberté me dit ses chaînes La vertu m’apprend ses douleurs. Paris, 1813.

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    A

    Alexis-Félix Arvers

    @alexisFelixArvers

    La Saint-Barthélemy I Les prêtres avaient dit : « En ce temps-là, mes frères, On a vu s’élever des docteurs téméraires, Des dogmes de la foi censeurs audacieux : Au fond du Saint des saints l’Arche s’est refermée, Et le puits de l’abîme a vomi la fumée Qui devait obscurcir la lumière des cieux. L’Antéchrist est venu, qui parcourut la terre : Tout à coup, soulevant un terrible mystère, L’impie a remué de profanes débats ; Il a dressé la tête : et des voix hérétiques Ont outragé la Bible, et chanté les cantiques Dans le langage impur qui se parle ici-bas. Mais si le ciel permet que l’Église affligée Gémisse pour un temps, et ne soit point vengée ; S’il lui plaît de l’abattre et de l’humilier : Si sa juste colère, un moment assoupie. Dans sa gloire d’un jour laisse dormir l’impie, Et livre ses élus au bras séculier ; Quand les temps sont venus, le fort qui se relève Soudain de la main droite a ressaisi le glaive : Sur les débris épars qui gisaient sans honneur Il rebâtit le Temple, et ses armes bénites Abattent sous leurs coups les vils Madianites, Comme fait les épis la faux du moissonneur. Allez donc, secondant de pieuses vengeances, Pour vous et vos parents gagner les indulgences ; Fidèles, qui savez croire sans examen, Noble race d’élus que le ciel a choisie, Allez, et dans le sang étouffez l’hérésie ! Ou la messe, ou la mort !» — Le peuple dit : Amen. II A l’hôtel de Soissons, dans une tour mystique, Catherine interroge avec des yeux émus Des signes qu’imprima l’anneau cabalistique Du grand Michel Nostradamus. Elle a devant l’autel déposé sa couronne ; A l’image de sa patronne, En s’agenouillant pour prier. Elle a dévotement promis une neuvaine, Et tout haut, par trois fois, conjuré la verveine Et la branche du coudrier. « Les astres ont parlé : qui sait entendre, entende ! Ils ont nommé ce vieux Gaspard de Châtillon : Ils veulent qu’en un jour ma vengeance s’étende De l’Artois jusqu’au Roussillon. Les pieux défenseurs de la foi chancelante D’une guerre déjà trop lente Ont assez couru les hasards : A la cause du ciel unissons mon outrage. Périssent, engloutis dans un même naufrage. Les huguenots et les guisards ! » III C’était un samedi du mois d’août : c’était l’heure Où l’on entend de loin, comme une voix qui pleure, De l’angélus du soir les accents retentir : Et le jour qui devait terminer la semaine Était le jour voué, par l’Église romaine. A saint Barthélémy, confesseur et martyr. Quelle subite inquiétude A cette heure ? quels nouveaux cris Viennent troubler la solitude Et le repos du vieux Paris ? Pourquoi tous ces apprêts funèbres, Pourquoi voit-on dans les ténèbres Ces archers et ces lansquenets ? Pourquoi ces pierres entassées, Et ces chaînes de fer placées Dans le quartier des Bourdonnais ? On ne sait. Mais enfin, quelque chose d’étrange Dans l’ombre de la nuit se prépare et s’arrange. Les prévôts des marchands, Marcel et Jean Charron. D’un projet ignoré mystérieux complices. Ont à l’Hôtel-de-Ville assemblé les milices, Qu’ils doivent haranguer debout sur le perron. La ville, dit-on, est cernée De soldats, les mousquets chargés ; Et l’on a vu, l’après-dînée. Arriver les chevau-légers : Dans leurs mains le fer étincelle ; Ils attendent le boute-selle. Prêts au premier commandement ; Et des cinq cantons catholiques, Sur l’Évangile et les reliques, Les Suisses ont prêté serment. Auprès de chaque pont des troupes sont postées : Sur la rive du nord les barques transportées ; Par ordre de la cour, quittant leurs garnisons, Des bandes de soldats dans Paris accourues Passent, la hallebarde au bras, et dans les rues Des gens ont été vus qui marquaient des maisons. On vit, quand la nuit fut venue, Des hommes portant sur le dos Des choses de forme inconnue Et de mystérieux fardeaux. Et les passants se regardèrent : Aucuns furent qui demandèrent : — Où portes-tu, par l’ostensoir ! Ces fardeaux persans, je te prie ? — Au Louvre, votre seigneurie. Pour le bal qu’on donne ce soir. IV Il est temps ; tout est prêt : les gardes sont placés. De l’hôtel Châtillon les portes sont forcées ; Saint-Germain-l’Auxerrois a sonné le tocsin : Maudit de Rome, effroi du parti royaliste, C’est le grand-amiral Coligni que la liste Désigne le premier au poignard assassin. — « Est-ce Coligni qu’on te nomme ? » — « Tu l’as dit. Mais, en vérité, Tu devrais respecter, jeune homme. Mon âge et mon infirmité. Va, mérite ta récompense ; Mais, tu pouvais bien, que je pense, T’épargner un pareil forfait Pour le peu de jours qui m’attendent ! » Ils hésitaient, quand ils entendent Guise leur criant : « Est-ce fait ? » Ils l’ont tué ! la tête est pour Rome. On espère Que ce sera présent agréable au saint père. Son cadavre est jeté par-dessus le balcon : Catherine aux corbeaux l’a promis pour curée. Et rira voir demain, de ses fils entourée, Au gibet qu’elle a fait dresser à Montfaucon. Messieurs de Nevers et de Guise, Messieurs de Tavanne et de Retz, Que le fer des poignards s’aiguise, Que vos gentilshommes soient prêts. Monsieur le duc d’Anjou, d’Entrague, Bâtard d’Angoulême, Birague, Faites armer tous vos valets ! Courez où le ciel vous ordonne, Car voici le signal que donne La Tour-de-l’horloge au Palais. Par l’espoir du butin ces hordes animées. Agitant à la main des torches allumées, Au lugubre signal se hâtent d’accourir : Ils vont. Ceux qui voudraient, d’une main impuissante, Écarter des poignards la pointe menaçante. Tombent ; ceux qui dormaient s’éveillent pour mourir. Troupes au massacre aguerries, Bedeaux, sacristains et curés, Moines de toutes confréries. Capucins, Carmes, Prémontrés, Excitant la fureur civile, En tout sens parcourent la ville Armés d’un glaive et d’un missel. Et vont plaçant des sentinelles Du Louvre au palais des Tournelles De Saint-Lazare à Saint-Marcel. Parmi les tourbillons d’une épaisse fumée Que répand en flots noirs la résine enflammée, A la rouge clarté du feu des pistolets, On voit courir des gens à sinistre visage, Et comme des oiseaux de funeste présage, Les clercs du Parlement et des deux Châtelets. Invoquant les saints et les saintes, Animés par les quarteniers, Ils jettent les femmes enceintes Par-dessus le Pont-aux-Meuniers. Dans les cours, devant les portiques. Maîtres, écuyers, domestiques. Tous sont égorgés sans merci : Heureux qui peut dans ce carnage, Traversant la Seine à la nage. Trouver la porte de Bussi ! C’est par là que, trompant leur fureur meurtrière, Avertis à propos, le vidame Perrière, De Fontenay, Caumont, et de Montgomery, Pressés qu’ils sont de fuir, sans casque, sans cuirasse. Échappent aux soldats qui courent sur leur trace Jusque sous les remparts de Montfort-l’Amaury. Et toi, dont la crédule enfance, Jeune Henri le Navarrois. S’endormit, faible et sans défense, Sur la foi que donnaient les rois ; L’espérance te soit rendue : Une clémence inattendue A pour toi suspendu l’arrêt ; Vis pour remplir ta destinée, Car ton heure n’est pas sonnée, Et ton assassin n’est pas prêt ! Partout des toits rompus et des portes brisées, Des cadavres sanglants jetés par les croisées, A des corps mutilés des femmes insultant ; De bourgeois, d’écoliers, des troupes meurtrières. Des blasphèmes, des pleurs, des cris et des prières. Et des hommes hideux qui s’en allaient chantant : « Valois et Lorraine Et la double croix ! L’hérétique apprenne Le pape et ses droits ! Tombant sous le glaive. Que l’impie élève Un bras impuissant ; Archers de Lausanne, Que la pertuisane S’abreuve de sang ! Croyez-en l’oracle Des corbeaux passants, Et le grand miracle Des Saints-Innocents. A nos cris de guerre On a vu naguère, Malgré les chaleurs, Surgir une branche D’aubépine franche Couverte de fleurs ! Honni qui pardonne ! Allez sans effroi, C’est Dieu qui l’ordonne, C’est Dieu, c’est le roi ! Le crime s’expie ; Plongez à l’impie Le fer au côté Jusqu’à la poignée ; Saignez ! la saignée Est bonne en été ! » V Aux fenêtres du Louvre, on voyait le roi. « Tue, Par la mort Dieu ! que l’hydre enfin soit abattue ! Qu’est-ce ? Ils veulent gagner le faubourg Saint-Germain ? J’y mets empêchement : et, si je ne m’abuse, Ce coup est bien au droit. — George, une autre arquebuse, Et tenez toujours prête une mèche à la main. Allons, tout va bien : Tue ! — Ah. Cadet de Lorraine, Allez-vous-en quérir les filles de la reine. Voici Dupont, que vient d’abattre un Écossais : Vous savez son affaire ? Aussi bien, par la messe, Le cas était douteux, et je vous fais promesse Qu’elles auront plaisir à juger le procès. Je sais comment la meute en plaine est gouvernée ; Comment il faut chasser, en quel temps de l’année. Aux perdrix, aux faisans, aux geais, aux étourneaux ; Comment on doit forcer la fauve en son repaire ; Mais je n’ai point songé, par l’âme de mon père, A mettre en mon traité la chasse aux huguenots ! »

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    A l'Italie A Ardengo Soffici L'amour a remué ma vie comme on remue la terre dans la zone des armées J'atteignais l'âge mûr quand la guerre arriva Et dans ce jour d'août 1915 le plus chaud de l'année Bien abrité dans l'hypogée que j'ai creusé moi-même C'est à toi que je songe Italie mère de mes pensées Et déjà quand von Kluck marchait sur Paris avant la Marne J'évoquais le sac de Rome par les Allemands Le sac de Rome qu'ont décrit Un Bonaparte le vicaire espagnol Delicado et l'Arétin Je me disais Est-il possible que la nation Qui est la mère de la civilisation Regarde sans la défendre les efforts qu'on fait pour la détruire Puis les temps sont venus les tombes se sont ouvertes Les fantômes des Esclaves toujours frémissants Se sont dressés en criant SUS AUX TUDESQUES Nous l'armée invisible aux cris éblouissants Plus doux que n'est le miel et plus simples qu'un peu de terre Nous te tournons bénignement le dos Italie Mais ne t'en fais pas nous t'aimons bien Italie mère qui es aussi notre fille Nous sommes là tranquillement et sans tristesse Et si malgré les masques les sacs de sable les rondins nous tombions Nous savons qu'un autre prendrait notre place Et que les Armées ne périront jamais Les mois ne sont pas longs ni les jours ni les nuits C'est la guerre qui est longue Italie Toi notre mère et notre fille quelque chose comme une sœur J'ai comme toi pour me réconforter Le quart de pinard Qui met tant de différence entre nous et les Boches J'ai aussi comme toi l'envol des compagnies de perdreaux des 75 Comme toi je n'ai pas cet orgueil sans joie des Boches et je sais rigoler Je ne suis pas sentimental à l'excès comme le sont ces gens sans mesure que leurs actions dépassent sans qu'ils sachent s'amuser Notre civilisation a plus de finesse que les choses qu'ils emploient Elle est au-delà de la vie confortable Et de ce qui est l'extérieur dans l'art et l'industrie Les fleurs sont nos enfants et non les leurs Même la fleur de lys qui meurt au Vatican La plaine est infinie et les tranchées sont blanche$ Les avions bourdonnent ainsi que des abeilles Sur les roses momentanées des éclatements Et les nuits sont parées de guirlandes d'éblouissements De bulles de globules aux couleurs insoupçonnées Nous jouissons de tout même de nos souffrances Notre humeur est charmante l'ardeur vient quand il faut Nous sommes narquois car nous savons faire la part des choses Et il n'y a pas plus de folie chez celui qui jette les grenades que chez celui qui plume les patates Tu aimes un peu plus que nous les gestes et les mots sonores Tu as à ta disposition les sortilèges étrusques le sens de la majesté héroïque et le courageux honneur individuel Nous avons le sourire nous devinons ce qu'on ne nous dit pas nous sommes démerdards et même ceux qui se dégonflent sauraient à l'occasion faire preuve de l'esprit de sacrifice qu'on appelle la bravoure Et nous fumons du gros avec volupté C'est la nuit je suis dans mon blockhaus éclairé par l'électricité en bâton Je pense à toi pays des 2 volcans Je salue le souvenir des sirènes et des scylles mortes au moment de Messine Je salue le Colleoni équestre de Venise Je salue la chemise rouge Je t'envoie mes amitiés Italie et m'apprête à applaudir aux hauts faits de ta bleusaille Non parce que j'imagine qu'il y aura jamais plus de bonheur ou de malheur en ce monde Mais parce que comme toi j'aime à penser seul et que les Boches m'en empêcheraient Mais parce que le goût naturel de la perfection que nous avons l'un et l'autre si on les laissait faire serait vite remplacé par je ne sais quelles commodités dont je n'ai que faire Et surtout parce que comme toi je sais je veux choisir et qu'eux voudraient nous forcer à ne plus choisir Une même destinée nous lie en cette occase Ce n'est pas pour l'ensemble que je le dis Mais pour chacun de toi Italie Ne te borne point à prendre les terres irrédentes Mets ton destin dans la balance où est la nôtre Les réflecteurs dardent leurs lueurs comme des yeux d'escargots Et les obus en tombant sont des chiens qui jettent de la terre avec leurs pattes après avoir fait leurs besoins Notre armée invisible est une belle nuit constellée Et chacun de nos hommes est un astre merveilleux O nuit ô nuit éblouissante Les morts sont avec nos soldats Les morts sont debout dans les tranchées Ou se glissent souterrainement vers les Bien-Aimécs O Lille Saint-Quentin Laon Maubeuge Vouziers Nous jetons nos villes comme des grenades Nos fleuves sont brandis comme des sabres Nos montagnes chargent comme cavalerie Nous reprendrons les villes les fleuves et les collines De la frontière helvétique aux frontières bataves Entre toi et nous Italie Il y a des patelins pleins de femmes Et près de toi m'attend celle que j'adore O Frères d'Italie Ondes nuages délétères Métalliques débris qui vous rouillez partout O frères d'Italie vos plumes sur la tête Italie Entends crier Louvain vois Reims tordre ses bras Et ce soldat blessé toujours debout Arras Et maintenant chantons ceux qui sont morts Ceux qui vivent Les officiers les soldats Les flingots Rosalie le canon la fusée l'hélice la pelle les chevaux Chantons les bagues pâles les casques Chantons ceux qui sont morts Chantons la terre qui bâille d'ennui Chantons et rigolons Durant des années Italie Entends braire l'âne boche Faisons la guerre à coups de fouets Faits avec les rayons du soleil Italie Chantons et rigolons Durant des années

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    Agent de liaison Le 12 avril 1915 tormoha L’ombre d’un homme et d’un cheval au galop se profile sur le mur Ô sons Harmonie Hymne de la petite église bombardée tous les jours Un harmonium y joue et l’on n’y chante pas Mon cœur est comme l’horizon où tonne et se prolonge La canonnade ardente de cent mille passions Ah! miaulez. Ah! miaulez les chats d’enfer Le 12 avril 1915 Ô ciel ô mon beau ciel gemmé de canonnades Le ciel faisait le roue comme un phénix qui flambe Paon lunaire rouant Ainsi-soit-il On disait du soleil Mahomet Mahomet Je suis un cri d’humanité Je suis un silence militaire Dans un bois de bouleaux de hêtres de noisetiers Ensoleillé comme si un trusteur y avait jeté ses banques Je me suis égaré Canonnier n’entendez-vous pas ronfler deux avions boches Mettez votre cheval dans le bois Inutile de le faire repérer Adieu mon bidet noir Un pont d’osier et de roseaux un autre un autre Une grenouille saute Y a-t-il encore des petites filles qui sautent à la corde Ah! petites filles Y a-t-il encore des petites filles Le soleil caressait les mousses délicates Un lièvre courageux levait le derrière Ah! petites et grandes filles Il vaut mieux être cocu qu’aveugle Au moins on voit ses confrères Enfermons-nous ensemble en mon âme Ô mon amour chéri qui portes un masque aveugle Une petite fille nue t’en souviens-tu T’en souviens-tu Étouffait une colombe blanche sur sa poitrine Et me regardait d’un air innocent Tandis que palpitait sa victime. Soldat Te souviens-tu du soir Tu était au théâtre Dans la loge d’un ambassadeur Et cette jeune femme pâle et glorieuse Te branla pendant le spectacle Dis-moi soldat dis-moi t’en souviens-tu Te souviens-tu du jour où l’on te demanda la schlague Devant la mer furieuse Dis-moi Guillaume dis-moi t’en souviens-tu Après les ponts le sentier Attention à la branche Brisée Ah! brise-toi mon cœur comme une trahison Et voilà la Branche brisée Un carré de papier blanc sur un buisson à droite Où est le carré de papier blanc Et me voici devant une cabane Que procède un luxe florissant De tulipes et de narcisses À droite canonnier et suivez le sentier Enfin je ne suis plus égaré Plus égaré Plus égaré Tu peux faire mon Lou tout ce que tu voudras Tu ne me mettras plus mon Lou dans l’embarras Une baïonnette dont ne sait si elle est boche française ou anglaise sert de tisonnier Entends chanter les flammes dans la petite cabane Vous avez un laissez-passer Agent de liaison Le mot C’était c’était La Ville où Lou je t’ai connu Ô Lou mon vice LE 12 AVRIL 1915 Un agent de liaison traversait au galop un terrain découvert Puis le soir venu il grava sur la bague Gui aime Lou Le 12 avril 1915 Tormoha Manitangène Lamahona Lamahonette Un homme de ma batterie pêchait dans le canal Y a partout des sentinelles Baïonnette au canon devant le commandant d’armes Je m’en fous amenez-moi votre lieutenant Enfin je me tirai de cette infanterie Je ne sais pas comment Te souviens-tu du jour où cette fille sage S’arracha quatre dents Afin de te donner un précieux témoignage De son amour ardent L’ombre d’un cavalier et d’un cheval s’allonge sur le sol La villa du Cafard est dans le bois X Les chatons des noisetiers nuances les mousses Et les lichens sont pâles Comme les joues de Lou quand elle jouit Quel prince du Bengale donne un feu d’artifice cette nuit Et puis Et puis Et puis je t’aime Courmelois, le 13 avril 1915

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    Guillaume Apollinaire

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    @guillaumeApollinaire

    Carte postale Je t’écris de dessous la tente Tandis que meurt ce jour d’été Où floraison éblouissante Dans le ciel à peine bleuté Une canonnade éclatante Se fane avant d’avoir été

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    Guillaume Apollinaire

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    @guillaumeApollinaire

    Chant de l’honneur Le poète Je me souviens ce soir de ce drame indien Le Chariot d’Enfant un voleur y survient Qui pense avant de faire un trou dans la muraille Quelle forme il convient de donner à l’entaille Afin que la beauté ne perde pas ses droits Même au moment d’un crime Et nous aurions je crois À l’instant de périr nous poètes nous hommes Un souci de même ordre à la guerre où nous sommes Mais ici comme ailleurs je le sais la beauté N’est la plupart du temps que la simplicité Et combien j’en ai vu qui morts dans la tranchée Étaient restés debout et la tête penchée S’appuyant simplement contre le parapet J’en vis quatre une fois qu’un même obus frappait Ils restèrent longtemps ainsi morts et très crânes Avec l’aspect penché de quatre tours pisanes Depuis dix jours au fond d’un couloir trop étroit Dans les éboulements et la boue et le froid Parmi la chair qui souffre et dans la pourriture Anxieux nous gardons la route de Tahure J’ai plus que les trois cœurs des poulpes pour souffrir Vos cœurs sont tous en moi je sens chaque blessure O mes soldats souffrants ô blessés à mourir Cette nuit est si belle où la balle roucoule Tout un fleuve d’obus sur nos têtes s’écoule Parfois une fusée illumine la nuit C’est une fleur qui s’ouvre et puis s’évanouit La terre se lamente et comme une marée Monte le flot chantant dans mon abri de craie Séjour de l’insomnie incertaine maison De l’Alerte la Mort et la Démangeaison LA TRANCHEE O jeunes gens je m’offre à vous comme une épouse Mon amour est puissant j’aime jusqu’à la mort Tapie au fond du sol je vous guette jalouse Et mon corps n’est en tout qu’un long baiser qui mord LES BALLES De nos ruches d’acier sortons à tire-d’aile Abeilles le butin qui sanglant emmielle Les doux rayons d’un jour qui toujours renouvelle Provient de ce jardin exquis l’humanité Aux fleurs d’intelligence à parfum de beauté LE POETE Le Christ n’est donc venu qu’en vain parmi les hommes Si des fleuves de sang limitent les royaumes Et même de l’Amour on sait la cruauté C’est pourquoi faut au moins penser à la Beauté Seule chose ici-bas qui jamais n’est mauvaise Elle porte cent noms dans la langue française Grâce Vertu Courage Honneur et ce n’est là Que la même Beauté LA FRANCE Poète honore-la Souci de la Beauté non souci de la Gloire Mais la Perfection n’est-ce pas la Victoire LE POETE O poètes des temps à venir ô chanteurs Je chante la beauté de toutes nos douleurs J ’en ai saisi des traits mais vous saurez bien mieux Donner un sens sublime aux gestes glorieux Et fixer la grandeur de ces trépas pieux L’un qui détend son corps en jetant des grenades L’ autre ardent à tirer nourrit les fusillades L’autre les bras ballants porte des seaux de vin Et le prêtre-soldat dit le secret divin J’interprète pour tous la douceur des trois notes Que lance un loriot canon quand tu sanglotes Qui donc saura jamais que de fois j’ai pleuré Ma génération sur ton trépas sacré Prends mes vers ô ma France Avenir Multitude Chantez ce que je chante un chant pur le prélude Des chants sacrés que la beauté de notre temps Saura vous inspirer plus purs plus éclatants Que ceux que je m’efforce à moduler ce soir En l’honneur de l’Honneur la beauté du Devoir 17 décembre 1915

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    Chevaux de frise Pendant le blanc et nocturne novembre Alors que les arbres déchiquetés par l’artillerie Vieillissaient encore sous la neige Et semblaient à peine des chevaux de frise Entourés de vagues de fils de fer Mon cœur renaissait comme un arbre au printemps Un arbre fruitier sur lequel s’épanouissent Les fleurs de l’amour Pendant le blanc et nocturne novembre Tandis que chantaient épouvantablement les obus Et que les fleurs mortes de la terre exhalaient Leurs mortelles odeurs Moi je décrivais tous les jours mon amour à Madeleine La neige met de pâles fleurs sur les arbres Et toisonne d’hermine les chevaux de frise Que l’on voit partout Abandonnés et sinistres Chevaux muets Non chevaux barbes mais barbelés Et je les anime tout soudain En troupeau de jolis chevaux pies Qui vont vers toi comme de blanches vagues Sur la Méditerranée Et t’apportent mon amour Roselys ô panthère ô colombes étoile bleue Ô Madeleine Je t’aime avec délices Si je songe à tes yeux je songe aux sources fraîches Si je pense à ta bouche les roses m’apparaissent Si je songe à tes seins le Paraclet descend Ô double colombe de ta poitrine Et vient délier ma langue de poète Pour te redire Je t’aime Ton visage est un bouquet de fleurs Aujourd’hui je te vois non Panthère Mais Toutefleur Et je te respire ô ma Toutefleur Tous les lys montent en toi comme des cantiques d’amour et d’allégresse Et ces chants qui s’envolent vers toi M’emportent à ton côté Dans ton bel Orient où les lys Se changent en palmiers qui de leurs belles mains Me font signe de venir La fusée s’épanouit fleur nocturne Quand il fait noir Et elle retombe comme une pluie de larmes amoureuses De larmes heureuses que la joie fait couler Et je t’aime comme tu m’aimes Madeleine

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

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    C’est le sifflet C’est le sifflet dont je me sers Sur le théâtre de la guerre Pour siffler les Boches en Vers En Prose et de toute manière Et que Lou siffle en ce sifflet Pour appeler son grand Toutou, À Gui l’An neuf… Et mon poulet Souhaite à Lou l’amour partout Courmelois, entre le 27 mai et le 4 juin 1915

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    Guillaume Apollinaire

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    C’est l’hiver C’est l’hiver et déjà j’ai revu des bourgeons Aux figuiers dans les clos Mon amour nous bougeons Vers la paix ce printemps de la guerre où nous sommes Nous sommes bien Là-bas entends le cri des hommes Un marin japonais se gratte l’œil gauche avec l’orteil droit Sur le chemin de l’exil voici des fils de rois Mon cœur tourne autour de toi comme un kolo où dansent quelques jeunes soldats serbes auprès d’une pucelle endormie Le fantassin blond fait la chasse aux morpions sous la pluie Un belge interné dans les Pays-Bas lit un journal où il est question de moi Sur la digue une reine regarde le champ de bataille avec effroi L’ambulancier ferme les yeux devant l’horrible blessure Le sonneur voit le beffroi tomber comme une poire trop mûre Le capitaine anglais dont le vaisseau coule tire une dernière pipe d’opium Ils crient Cri vers le printemps de paix qui va venir Entends le cri des hommes Mais mon cri va vers toi mon Lou tu es ma paix et mon printemps Tu es ma Lou chérie le bonheur que j’attends C’est pour notre bonheur que je me prépare à la mort C’est pour notre bonheur que dans la vie j’espère encore C’est pour notre bonheur que luttent les armées Que l’on pointe au miroir sur l’infanterie décimée Que passent les obus comme des étoiles filantes Que vont les prisonniers en troupes dolentes Et que mon cœur ne bat que pour toi ma chérie Mon amour ô mon Loup mon art et mon artillerie Nîmes, le 17 janvier 1915

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    Guillaume Apollinaire

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    Dans un café à Nîmes Vous partez ? — Oui ! c’est pour ce soir — Où allez-vous ? Reims ou Belgique ! Mon voyage est un grand [trou] noir À travers notre République C’est tout ce que j’en peux savoir — Y fûtes-vous ? — Dans la Lorraine J’ai fait campagne tout d’abord ; J’ai vu la Marne et j’ai vu l’Aisne, J’ai frôlé quatre fois la mort Qui du Nord est la souveraine. J’ai reçu deux éclats d’obus Et la médaille militaire. Blessé, c’est dans un autobus Que je m’en revins en arrière Près d’un espion en gibus. Il voulait fuir. Mes mains crispées L’étranglèrent. Ce vilain mort Me servit de lit. Les Napées Et toutes les Nymphes du Nord Sur le chemin s’étaient groupées — Et disaient d’une douce voix, Tandis que couleur d’espérance Bruissait le feuillage du bois « Bravo ! petit soldat de France. » Puis je fis un signe de croix… — Caporal qui vas aux tranchées Heureux est ton sort glorieux ! La-bas, aux lignes piochées, À vos fusils impérieux Les victoires sont accrochées ! Dans un dépôt, nous, canonniers Attendons notre tour de gloire, Vous êtes partis les premiers ; Nous remporterons la victoire Qui se jette au cou des derniers. — Canonnier ayez patience ! Adieu donc ! — Adieu, caporal ! — Votre nom ? — Mon nom ? l’Espérance ! Je suis un canon, un cheval Je suis l’Espoir… Vive la France !… Nîmes, le 5 février 1915

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    Guillaume Apollinaire

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    Désir Mon désir est la région qui est devant moi Derrière les lignes boches Mon désir est aussi derrière moi Après la zone des armées Mon désir c’est la butte du Mesnil Mon désir est là sur quoi je tire De mon désir qui est au-delà de la zone des armées Je n’en parle pas aujourd’hui mais j’y pense Butte du Mesnil je t’imagine en vain Des fils de fer des mitrailleuses des ennemis trop sûrs d’eux Trop enfoncés sous terre déjà enterrés Ca ta clac des coups qui meurent en s’éloignant En y veillant tard dans la nuit Le Decauville qui toussote La tôle ondulée sous la pluie Et sous la pluie ma bourguignotte Entends la terre véhémente Vois les lueurs avant d’entendre les coups Et tel obus siffler de la démence Ou le tac tac tac monotone et bref plein de dégoût Je désire Te serrer dans ma main Main de Massiges Si décharnée sur la carte Le boyau Goethe où j’ai tiré J’ai tiré même sur le boyau Nietzsche Décidément je ne respecte aucune gloire Nuit violente et violette et sombre et pleine d’or par moments Nuits des hommes seulement Nuit du 24 septembre Demain l’assaut Nuit violente ô nuit dont l’épouvantable cri profond devenait plus intense de minute en minute Nuit qui criait comme une femme qui accouche Nuit des hommes seulement

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    Guillaume Apollinaire

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    Et prends bien garde aux Zeppelins Et prends bien garde aux Zeppelins Aux Zeppelins de toute sorte Ceux des Boches sont pas malins Ceux des Français sont bien plus pleins Et prends bien garde aux Zeppelins Chaque officier français en porte Nîmes, le 31 mars 1915

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    Guillaume Apollinaire

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    Fusée-signal Des villages flambaient dans la nuit intérieure Une fermière conduit son auto sur une route vers Galveston Qui a lancé cette fusée-signal Néanmoins tu feras bien de tenir la porte ouverte Et puis le vent scieur de long Suscitera en toi la terreur des fantômes Ta langue Le poisson rouge dans le bocal De ta voix Mais ce regret A peine une infirmière plus blanche que l’hiver Éblouissant tandis qu’à l’horizon décroît Un régiment de jours plus bleus que les collines lointaines et plus doux que ne sont les coussins de l’auto.

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    Guillaume Apollinaire

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    Guerre Rameau central de combat Contact par l'écoute On tire dans la direction « des bruits entendus » Les jeunes de la classe 1915 Et ces fils de fer électrisés Ne pleurez donc pas sur les horreurs de la guerre Avant elle nous n'avions que la surface De la terre et des mers Après elle nous aurons les abîmes Le sous-sol et l'espace aviatique Maîtres du timon Apres après Nous prendrons toutes les joies Des vainqueurs qui se délassent Femmes Jeux Usines Commerce Industrie Agriculture Métal Feu Cristal Vitesse Voix Regard Tact à part Et ensemble dans le tact venu de loin De plus loin encore De l'Au-delà de cette terre

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    Je pense à toi mon Lou Je pense à toi mon Lou ton cœur est ma caserne Mes sens sont tes chevaux ton souvenir est ma luzerne Le ciel est plein ce soir de sabres d’éperons Les canonniers s’en vont dans l’ombre lourds et prompts Mais près de moi je vois sans cesse ton image Ta bouche est la blessure ardente du courage Nos fanfares éclatent dans la nuit comme ta voix Quand je suis à cheval tu trottes près de moi Nos 75 sont gracieux comme ton corps Et tes cheveux sont fauves comme le feu d’un obus qui éclate au nord Je t’aime tes mains et mes souvenirs Font sonner à toute heure une heureuse fanfare Des soleils tour à tour se prennent à hennir Nous sommes les bat-flanc sur qui ruent les étoiles Nîmes, le 17 décembre 1914

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    Guillaume Apollinaire

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    Je t’écris ô mon Lou Je t’écris ô mon Lou de la hutte en roseaux Où palpitent d’amour et d’espoir neuf coeurs d’hommes Les canons font partir leurs obus en monômes Et j’écoute gémir la forêt sans oiseaux Il était une fois en Bohême un poète Qui sanglotait d’amour puis chantait au soleil Il était autrefois la comtesse Alouette Qui sut si bien mentir qu’il en perdit la tête En perdit sa chanson en perdit le sommeil Un jour elle lui dit Je t’aime ô mon poète Mais il ne la crut pas et sourit tristement Puis s’en fut en chantant Tire-lire Alouette Et se cachait au fond d’un petit bois charmant Un soir en gazouillant son joli tire-lire La comtesse Alouette arriva dans le bois Je t’aime ô mon poète et je viens te le dire Je t’aime pour toujours Enfin je te revois Et prends-la pour toujours mon âme qui soupire Ô cruelle Alouette au coeur dur de vautour Vous mentîtes encore au poète crédule J’écoute la forêt gémir au crépuscule La comtesse s’en fut et puis revint un jour Poète adore-moi moi j’aime un autre amour Il était une fois un poète en Bohême Qui partit à la guerre on ne sait pas pourquoi Voulez-vous être aimé n’aimez pas croyez-moi Il mourut en disant Ma comtesse je t’aime Et j’écoute à travers le petit jour si froid Les obus s’envoler comme l’amour lui-même 10 avril 1915.

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    L'avenir Soulevons la paille Regardons la neige Ecrivons des lettres Attendons des ordres Fumons la pipe En songeant à l'amour Les gabions sont là Regardons la rose La fontaine n'a pas tari Pas plus que l'or de la paille ne s'est terni Regardons l'abeille Et ne songeons pas à l'avenir Regardons nos mains Qui sont la neige La rose et l'abeille Ainsi que l'avenir

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    Guillaume Apollinaire

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    La France Poète honore-là Souci de la Beauté non souci de la Gloire Mais la Perfection n’est-ce pas la Victoire Ô poètes des temps à venir ô chanteurs Je chante la beauté de toutes nos douleurs J’en ai saisi des traits mais vous saurez bien mieux Donner un sens sublime aux gestes glorieux Et fixer la grandeur de ces trépas pieux L’un qui détend son corps en jetant des grenades L’autre ardent à tirer nourrit les fusillades L’autre les bras ballants porte des seaux de vin Et le prêtre-soldat dit le secret divin J’interprète pour tous la douceur des trois notes Que lance un loriot canon quand tu sanglotes Qui donc saura jamais que de fois j’ai pleuré Ma génération sur ton trépas sacré Prends mes vers ô ma France Avenir Multitude Chantez ce que je chante un chant pur le prélude Des chants sacrés que la beauté de notre temps Saura vous inspirer plus purs plus éclatants Que ceux que je m’efforce à moduler ce soir En l’honneur de l’Honneur la beauté du Devoir 17 décembre 1915

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    Guillaume Apollinaire

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    La fumée de la cantine La fumée de la cantine est comme la nuit qui vient Voix hautes ou graves le vin saigne partout Je tire ma pipe libre et fier parmi mes camarades Ils partirons avec moi pour les champs de bataille Ils dormirons la nuit sous la pluie ou les étoiles Ils galoperont avec moi portant en croupe des victoires Ils obéiront avec moi aux mêmes commandements Ils écouteront attentifs les sublimes fanfares Ils mourront près de moi et moi peut-être près d’eux Ils souffriront du froid et du soleil avec moi Ils sont des hommes ceux-ci qui boivent avec moi Ils obéissent avec moi aux lois de l’homme Ils regardent sur les routes les femmes qui passent Ils les désirent mais moi j’ai des plus hautes amours Qui règnent sur mon coeur mes sens et mon cerveau Et qui sont ma patrie ma famille et mon espérance À moi soldat amoureux soldat de la douce France Nîmes, jour de Noël 1914

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    Guillaume Apollinaire

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    Le ciel est étoilé I Le ciel est étoilé par les obus des Boches La forêt merveilleuse où je vis donne un bal La mitrailleuse joue un air à triples croches Mais avez-vous le mot — Mais oui le mot fatal — Aux créneaux aux créneaux laissez là les pioches On sonne GARDE À VOUS rentrez dans vos maisons CŒUR obus éclaté qui sifflait sa romance Je ne suis jamais seul voici les deux caissons Tous les dieux de mes yeux s’envolent en silence Nous vous aimons ô Vie et nous vous agaçons Les obus miaulaient un amour à mourir Les amours qui s’en vont sont plus doux que les autres Il pleut Bergère il pleut et le sang va tarir Les obus miaulaient Entends chanter les nôtres Pourpre Amour salué par ceux qui vont périr Le Printemps tout mouillé la Veilleuse l’Attaque Il pleut mon âme il pleut mais il pleut des yeux morts Ulysse que de jours pour rentrer dans Ithaque Couche-toi sur la paille et songe un beau remords Qui PUR EFFET DE L’ART soit aphrodisiaque II Je t’écris ô mon Lou de la hutte en roseaux Où palpitent d’amour et d’espoir neuf cœurs d’hommes Les canons font partir leurs obus en monômes Et j’écoute gémir la forêt sans oiseaux Il était une fois en Bohême un poète Qui sanglotait d’amour puis chantait au soleil Il était autrefois la comtesse Alouette Qui sut si bien mentir qu’il en perdit la tête En perdit sa chanson en perdit le sommeil Un jour elle lui dit Je t’aime ô mon poète Mais il ne la crut pas et sourit tristement Puis s’en fut en chantant Tire-lire Alouette Et se cachait au fond d’un petit bois charmant Un soir en gazouillant son joli tire-lire La comtesse Alouette arriva dans le bois Je t’aime ô mon poète et je viens te le dire Je t’aime pour toujours Enfin je te revois Et prends-la pour toujours mon âme qui soupire Ô cruelle Alouette au cœur dur de vautour Vous mentîtes encore au poète crédule J’écoute la forêt gémir au crépuscule La comtesse s’en fut et puis revint un jour Poète adore-moi moi j’aime un autre amour Il était une fois un poète en Bohême Qui partit à la guerre on ne sait pas pourquoi Voulez-vous être aimé n’aimez pas croyez-moi Il mourut en disant Ma comtesse je t’aime Et j’écoute à travers le petit jour si froid Les obus s’envoler comme l’amour lui-même III Te souviens-tu mon Lou de ce panier d’oranges Douces comme l’amour qu’en ce temps-là nous fîmes Tu me les envoyas un jour d’hiver à Nîmes Et je n’osais manger ces beaux fruits d’or des anges Je les gardai longtemps pour les manger ensemble Car tu devais venir me retrouver à Nîmes De mon amour vaincu les dépouilles opimes Pourrirent J’attendais Mon cœur la main me tremble Une petite orange était restée intacte Je la pris avec moi quand à six nous partîmes Et je l’ai retrouvée intacte comme à Nîmes Elle est toute petite et sa peau se contracte Et tandis que les obus passent je la mange Elle est exquise ainsi que mon amour de Nîmes Ô soleil concentré riche comme mes rimes Ô savoureux amour ô ma petite orange Les souvenirs sont-ils un beau fruit qu’on savoure En mangeant j’ai détruit mes souvenirs opimes Puissè-je t’oublier mon pauvre amour de Nîmes J’ai tout mangé l’orange et la peau qui l’entoure Mon Lou pense parfois à la petite orange Douce comme l’amour le pauvre amour de Nîmes Douce comme l’amour qu’en ce temps-là nous fîmes Il me reste une orange un cœur un cœur étrange IV Tendres yeux éclatés de l’amante infidèle Obus mystérieux Si tu savais le nom du beau cheval de selle Qui semble avoir tes yeux Car c’est Loulou mon Lou que mon cheval se nomme Un alezan brûlé Couleur de tes cheveux cul rond comme une pomme Il est là tout sellé Il faut que je reçoive ô mon Lou la mesure Exacte de ton doigt Car je veux te sculpter une bague très pure Dans un métal d’effroi Courmelois, le 8 avril 1915

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    Guillaume Apollinaire

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    Le départ Et leurs visages étaient pâles Et leurs sanglots s’étaient brisés Comme la neige aux purs pétales Ou bien tes mains sur mes baisers Tombaient les feuilles automnales

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    Guillaume Apollinaire

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    Le musicien de Saint-Merry J’ai enfin le droit de saluer des êtres que je ne connais pas Ils passent devant moi et s’accumulent au loin Tandis que tout ce que j’en vois m’est inconnu Et leur espoir n’est pas moins fort que le mien Je ne chante pas ce monde ni les autres astres Je chante toutes les possibilités de moi-même hors de ce monde et des astres Je chante le joie d’errer et le plaisir d’en mourir Le 21 du mois de mai 1913 Passeur des morts et les mordonnantes mériennes Des millions de mouches éventaient une splendeur Quand un homme sans yeux sans nez et sans oreilles Quittant le Sébasto entra dans la rue Aubry-le-Boucher Jeune l’homme était brun et de couleur de fraise sur les joues Homme Ah! Ariane Il jouait de la flûte et la musique dirigeait ses pas Il s’arrêta au coin de la rue Saint-Martin Jouant l’air que je chante et que j’ai inventé Les femmes qui passaient s’arrêtaient près de lui Il en venait de toutes parts Lorsque tout à coup les cloches de Saint-Merry se mirent à sonner Le musicien cessa de jouer et but à la fontaine Qui se trouve au coin de la rue Simon-Le-Franc Puis saint-Merry se tut L’inconnu reprit son air de flûte Et revenant sur ses pas marcha jusqu’à la rue de la Verrerie Où il entra suivi par la troupe des femmes Qui sortaient des maisons Qui venaient par les rues traversières les yeux fous Les mains tendues vers le mélodieux ravisseur Il s’en allait indifférent jouant son air Il s’en allait terriblement Puis ailleurs À quelle heure un train partira-t-il pour Paris À ce moment Les pigeons des Moluques fientaient des noix muscades En même temps Mission catholique de Bôma qu’as-tu fait du sculpteur Ailleurs Elle traverse un pont qui relie Bonn à Beuel et disparait à travers Pützchen Au même instant Une jeune fille amoureuse du maire Dans un autre quartier Rivalise donc poète avec les étiquettes des parfumeurs En somme ô rieurs vous n’avez pas tiré grand-chose des hommes Et à peine avez-vous extrait un peu de graisse de leur misère Mais nous qui mourons de vivre loin l’un de l’autre Tendons nos bras et sur ces rails roule un long train de marchandises Tu pleurais assise près de moi au fond d’un fiacre Et maintenant Tu me ressembles tu me ressembles malheureusement Nous nous ressemblons comme dans l’architecture du siècle dernier Ces hautes cheminées pareilles à des tours Nous allons plus haut maintenant et ne touchons plus le sol Et tandis que le monde vivait et variait Le cortège des femmes long comme un jour sans pain Suivait dans la rue de la Verrerie l’heureux musicien Cortèges ô cortèges C’est quand jadis le roi s’en allait à Vincennes Quand les ambassadeurs arrivaient à Paris Quand le maigre Suger se hâtait vers la Seine Quand l’émeute mourait autour de Saint-Merry Cortèges ô cortèges Les femmes débordaient tant leur nombres était grand Dans toutes les rues avoisinantes Et se hâtaient raides comme balle Afin de suivre le musicien Ah! Ariane et toi Pâquette et toi Amine Et toi Mia et toi Simone et toi Mavise Et toi Colette et toi la belle Geneviève Elles ont passé tremblantes et vaines Et leurs pas légers et prestes se mouvaient selon la cadence De la musique pastorale qui guidait Leurs oreilles avides L’inconnu s’arrêta un moment devant une maison à vendre Maison abandonnée Aux vitres brisées C’est un logis du seizième siècle La cour sert de remise à des voitures de livraisons C’est là qu’entra le musicien Sa musique qui s’éloignait devint langoureuse Les femmes le suivirent dans la maison abandonnée Et toutes y entrèrent confondues en bande Toutes toutes y entrèrent sans regarder derrière elles Sans regretter ce qu’elles ont laissé Ce qu’elles ont abandonné Sans regretter le jour la vie et la mémoire Il ne resta bientôt plus personne dans la rue de la Verrerie Sinon moi-même et un prêtre de saint-Merry Nous entrâmes dans la vieille maison Mais nous n’y trouvâmes personne Voici le soir À Saint-Merry c’est l’Angélus qui sonne Cortèges ô cortèges C’est quand jadis le roi revenait de Vincennes Il vint une troupe de casquettiers Il vint des marchands de bananes Il vint des soldats de la garde républicaine O nuit Troupeau de regards langoureux des femmes O nuit Toi ma douleur et mon attente vaine J’entends mourir le son d’une flûte lointaine

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    Guillaume Apollinaire

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    Le vigneron champenois Le régiment arrive Le village est presque endormi dans la lumière parfumée Un prêtre a le casque en tête La bouteille champenoise est-elle ou non une artillerie Les ceps de vigne comme l’hermine sur un écu Bonjour soldats Je les ai vus passer et repasser en courant Bonjour soldats bouteilles champenoises où le sang fermente Vous resterez quelques jours et puis remonterez en ligne Échelonnés ainsi que sont les ceps de vigne J’envoie mes bouteilles partout comme les obus d’une charmante artillerie La nuit est blonde ô vin blond Un vigneron chantait courbé dans sa vigne Un vigneron sans bouche au fond de l’horizon Un vigneron qui était lui-même la bouteille vivante Un vigneron qui sait ce qu’est la guerre Un vigneron champenois qui est un artilleur C’est maintenant le soir et l’on joue à la mouche Puis les soldats s’en iront là-haut Où l’Artillerie débouche ses bouteilles crémantes Allons Adieu messieurs tâchez de revenir Mais nul ne sait ce qui peut advenir

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

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    Scène nocturne du 22 avril 1915 Gui chante pour Lou Mon ptit Lou adoré Je voudrais mourir un jour que tu m’aimes Je voudrais être beau pour que tu m’aimes Je voudrais être fort pour que tu m’aimes Je voudrais être jeune jeune pour que tu m’aimes Je voudrais que la guerre recommençât pour que tu m’aimes Je voudrais te prendre pour que tu m’aimes Je voudrais te fesser pour que tu m’aimes Je voudrais te faire mal pour que tu m’aimes Je voudrais que nous soyons seuls dans une chambre d’hôtel à Grasse pour que tu m’aimes Je voudrais que nous soyons seuls dans mon petit bureau près de la terrasse couchés sur le lit de fumerie pour que tu m’aimes Je voudrais que tu sois ma sœur pour t’aimer incestueusement Je voudrais que tu eusses été ma cousine pour qu’on se soit aimés très jeunes Je voudrais que tu sois mon cheval pour te chevaucher longtemps, longtemps Je voudrais que tu sois mon coeur pour te sentir toujours en moi. Je voudrais que tu sois le paradis ou l’enfer selon le lieu où j’aille Je voudrais que tu sois un petit garçon pour être ton précepteur Je voudrais que tu sois la nuit pour nous aimer dans les ténèbres Je voudrais que tu sois ma vie pour être par toi seule Je voudrais que tu sois un obus boche pour me tuer d’un soudain amour Lilith et Proserpine (aux enfers) Nous nous aimons sauvagement dans la nuit noire Victimes de l’ascèse et produits du désespoir Chauves-souris qui ont leurs anglais comme les femmes Le Petit Lou Faut pas parler comm’ ça, on dit coulichonnette Lilith J’ai créé la mer Rouge contre le désir de l’homme Proserpine J’ai fait sortit de son lit le Léthé J’en inonde le monde comme d’un hippomane L’oiseau d’éternité du moutier de Heisterbach Je suis l’éternité Mort belle de la Beauté Je mords la mirabelle de l’Été Flambant Phénix de la Charité Pélican de la prodigalité Aigle cruel de la Vérité Rouge-gorge de la sanglante clarté Corbeau de la sombre bonté Qu’est devenu le moine hébété La prière Abaissement qui élève Le maître fut l’élève Aimer n’être pas aimé Fumée, belle fumée La joie Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Je commande et mande Je nais du mal à Samarcande Mais il ne faut pas que j’attende Le Remords Toutes deux, appelez-moi votre père Et l’Art est notre fils multiforme Je m’ouvre la poitrine, Entrez ! c’est notre demeure il y a une horloge qui sonne les heures La 45e batterie du 38e Les chevaux hennissent Éteignez les lumières Les caissons sont chargés Empêchez les hommes de dormir Entends miauler les tigres volants de la guerre Gui Je pense à toi ma lou et ne pense pas à dormir Le Ptit Lou Je suis dans ton dodo et de loin près de toi Le monde ou bien Les gens du monde Mon ptit Lou je veux te reprendre Oublie tes soldats pour mes fêtes. L’Avenir Lou et Gui et vous Toutou faut que vous voyez tous trois De merveilleux rivages Une ville enchantée comme Cordoue En Andalousie. Les gens simples séduits par votre cœur Et votre fantaisie Vous donneront des fleurs, des cannes à sucre Vous pourrez voir encore plus loin si vous voulez La nature des tropiques Une ville blanche; à vingt minutes de la ville un petit pays sur la mer avec de belles maisons dans des parcs Vous louerez un palais où de toutes les fenêtres Lou touchera les palmes avec ses mains Les chevreaux, les ânes, les mules ravissanres Comme des femmes Et aussi expressives quand au regard seront avec vous Gui L’avenir m’intéresse et mon amour surtout Mais l’art et les artistes futurs ne m’intéressent pas. À Paris, il y aura la Seine Et le regard de mon ptit Lou Chœur des jeunes filles mortes en 1913 Quand les belles furent au bois Chacune tenait une rose Et voilà qu’on revient du bois N’avons plus rien entre les doigts Et les jeunes gens de naguère S’en vont ne se retournent pas Ceux qui nous aimèrent naguère Emportent la rose à la guerre Ô mort mène-nous dans le bois Pour retrouver la rose morte Et le rossignol dans le bois Chante toujours comme autrefois

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    À Nîmes Je me suis engagé sous le plus beau des cieux Dans Nice la Marine au nom victorieux Perdu parmi 900 conducteurs anonymes Je suis un charretier du neuf charroi de Nîmes L’Amour dit Reste ici Mais là-bas les obus Épousent ardemment et sans cesse les buts J’attends que le printemps commande que s’en aille Vers le nord glorieux l’intrépide bleusaille Les 3 servants assis dodelinent leurs fronts Où brillent leurs yeux clairs comme mes éperons Un bel après-midi de garde à l’écurie J’entends sonner les trompettes d’artillerie J’admire la gaieté de ce détachement Qui va rejoindre au front notre beau régiment Le territorial se mange une salade À l’anchois en parlant de sa femme malade 4 pointeurs fixaient les bulles des niveaux Qui remuaient ainsi que les yeux des chevaux Le bon chanteur Girault nous chante après 9 heures Un grand air d’opéra toi l’écoutant tu pleures Je flatte de la main le petit canon gris Gris comme l’eau de Seine et je songe à Paris Mais ce pâle blessé m’a dit à la cantine Des obus dans la nuit la splendeur argentine Je mâche lentement ma portion de bœuf Je me promène seul le soir de 5 à 9 Je selle mon cheval nous battons la campagne Je te salue au loin belle rose ô tour Magne

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    G

    Guillaume Dufour

    @guillaumeDufour

    Le martyr de Lord Gun L’armée fut dréssée devant la citadelle Et Carthage en émoi Monta en querelle le haut bourg Aux devants des Perois. Régisseurs au conseil, Titrés en douze bras artistes, Yahvé en ennemi humaniste Régnait en ces lieux autrefois: Dérivé, Dieu y laissa vivre l’homme Et Lord Gun en descendit; L’impie revint briser le rhizome, Orfèvre des poètes gouvernant ici: Renonçant à la Paix, protégeant Carthage Descendirent abattre le général vieilli. Glaçant son corps, puis le brûlant aux fourrages, Une armada revint de Peur au pays, Niaisa alors sa vacuité « pour le Bien de la Patrie ».

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    Homère

    Homère

    @homere

    L'iliade Quand tous, de chaque côté, se furent rangés sous leurs chefs, les Troiens s’avancèrent, pleins de clameurs et de bruit, comme des oiseaux. Ainsi, le cri des grues monte dans l’air, quand, fuyant l’hiver et les pluies abondantes, elles volent sur les flots d’Okéanos, portant le massacre et la kèr de la mort aux Pygmées. Et elles livrent dans l’air un rude combat. Mais les Akhaiens allaient en silence, respirant la force, et, dans leur cœur, désirant s’entre aider. Comme le Notos enveloppe les hauteurs de la montagne d’un brouillard odieux au berger et plus propice au voleur que la nuit même, de sorte qu’on ne peut voir au-delà d’une pierre qu’on a jetée ; de même une noire poussière montait sous les pieds de ceux qui marchaient, et ils traversaient rapidement la plaine. Et quand ils furent proches les uns des autres, le divin Alexandros apparut en tête des Troiens, ayant une peau de léopard sur les épaules, et l’arc recourbé et l’épée. Et, agitant deux piques d’airain, il appelait les plus braves des Argiens à combattre un rude combat. Et dès que Ménélaos, cher à Arès, l’eut aperçu qui devançait l’armée et qui marchait à grands pas, comme un lion se réjouit, quand il a faim, de rencontrer un cerf cornu ou une chèvre sauvage, et dévore sa proie, bien que les chiens agiles et les ardents jeunes hommes le poursuivent, de même Ménélaos se réjouit quand il vit devant lui le divin Alexandros. Et il espéra se venger de celui qui l’avait outragé, et il sauta du char avec ses armes. Et dès que le divin Alexandros l’eut aperçu en tête de l’armée, son cœur se serra, et il recula parmi les siens pour éviter la kèr de la mort. Si quelqu’un, dans les gorges des montagnes, voit un serpent, il saute en arrière, et ses genoux tremblent, et ses joues pâlissent. De même le divin Alexandros, craignant le fils d’Atreus, rentra dans la foule des hardis Troiens. Et Hektôr, l’ayant vu, l’accabla de paroles amères : – Misérable Pâris, qui n’as que ta beauté, trompeur et efféminé, plût aux dieux que tu ne fusses point né, ou que tu fusses mort avant tes dernières noces ! Certes, cela eût mieux valu de beaucoup, plutôt que d’être l’opprobre et la risée de tous ! Voici que les Akhaiens chevelus rient de mépris, car ils croyaient que tu combattais hardiment hors des rangs, parce que ton visage est beau ; mais il n’y a dans ton cœur ni force ni courage. Pourquoi, étant un lâche, as-tu traversé la mer sur tes nefs rapides, avec tes meilleurs compagnons, et, mêlé à des étrangers, as-tu enlevé une très belle jeune femme du pays d’Apy, parente d’hommes belliqueux ? Immense malheur pour ton père, pour ta ville et pour tout le peuple ; joie pour nos ennemis et honte pour toi-même ! Et tu n’as point osé attendre Ménélaos, cher à Arès. Tu saurais maintenant de quel guerrier tu retiens la femme. Ni ta kithare, ni les dons d’Aphrodite, ta chevelure et ta beauté, ne t’auraient sauvé d’être traîné dans la poussière. Mais les Troiens ont trop de respect, car autrement, tu serais déjà revêtu d’une tunique de pierres, pour prix des maux que tu as causés. Et le divin Alexandros lui répondit : – Hektôr, tu m’as réprimandé justement. Ton cœur est toujours indompté, comme la hache qui fend le bois et accroît la force de l’ouvrier constructeur de nefs. Telle est l’âme indomptée qui est dans ta poitrine. Ne me reproche point les dons aimables d’Aphrodite d’or. Il ne faut point rejeter les dons glorieux des dieux, car eux seuls en disposent, et nul ne les pourrait prendre à son gré. Mais si tu veux maintenant que je combatte et que je lutte, arrête les Troiens et les Akhaiens, afin que nous combattions moi et Ménélaos, cher à Arès, au milieu de tous, pour Hélénè et pour outes ses richesses. Et le vainqueur emportera cette femme et toutes ses richesses, et, après avoir échangé des serments inviolables, vous, Troiens, habiterez la féconde Troiè, et les Akhaiens retourneront dans Argos, nourrice de chevaux, et dans l’Akhaiè aux belles femmes. Il parla ainsi, et Hektôr en eut une grande joie, et il s’avança, arrêtant les phalanges des Troiens, à l’aide de sa pique qu’il tenait par le milieu. Et ils s’arrêtèrent. Et les Akhaiens chevelus tiraient sur lui et le frappaient de flèches et de pierres. Mais le roi des hommes, Agamemnôn, cria à voix haute : – Arrêtez, Argiens ! ne frappez point, fils des Akhaiens ! Hektôr au casque mouvant semble vouloir dire quelques mots. Il parla ainsi, et ils cessèrent et firent silence, et Hektôr parla au milieu d’eux : – Ecoutez, Troiens et Akhaiens, ce que dit Alexandros qui causa cette guerre. Il désire que les Troiens et les Akhaiens déposent leurs belles armes sur la terre nourricière, et que lui et Ménélaos, cher à Arès, combattent, seuls, au milieu de tous, pour Hélénè et pour toutes ses richesses. Et le vainqueur emportera cette femme et toutes ses richesses, et nous échangerons des serments inviolables. Il parla ainsi, et tous restèrent silencieux. Et Ménélaos, hardi au combat, leur dit : – Écoutez-moi maintenant. Une grande douleur serre mon cœur, et j’espère que les Argiens et les Troiens vont cesser la guerre, car vous avez subi des maux infinis pour ma querelle et pour l’injure que m’a faite Alexandros. Que celui des deux à qui sont réservées la moire et la mort, meure donc ; et vous, cessez aussitôt de combattre. Apportez un agneau noir pour Gaia et un agneau blanc pour Hélios, et nous en apporterons autant pour Zeus. Et vous amènerez Priamos lui-même, pour qu’il se lie par des serments, car ses enfants sont parjures et sans foi, et que personne ne puisse violer les serments de Zeus. L’esprit des jeunes hommes est léger, mais, dans ses actions, le vieillard regarde à la fois l’avenir et le passé et agit avec équité. - Chant 9 - Tandis que les Troiens plaçaient ainsi leurs gardes, le désir de la fuite, qui accompagne la froide terreur, saisissait les Akhaiens. Et les plus braves étaient frappés d’une accablante tristesse. De même, lorsque les deux vents Boréas et Zéphyros, soufflant de la Thrèkè, bouleversent la haute mer poissonneuse, et que l’onde noire se gonfle et se déroule en masses d’écume, ainsi, dans leurs poitrines, se déchirait le cœur des Akhaiens. Et l’Atréide, frappé d’une grande douleur, ordonna aux hérauts à la voix sonore d’appeler, chacun par son nom, et sans clameurs, les hommes à l’agora. Et lui-même appela les plus proches. Et tous vinrent s’asseoir dans l’agora, pleins de tristesse. Et Agamemnôn se leva, versant des larmes, comme une source abondante qui tombe largement d’une roche élevée. Et, avec un profond soupir, il dit aux Argiens : – Ô amis, rois et chefs des Argiens, le Kronide Zeus m’a accablé d’un lourd malheur, lui qui m’avait solennellement promis que je ne m’en retournerais qu’après avoir détruit Ilios aux murailles solides. Maintenant, il médite une fraude funeste, et il m’ordonne de retourner sans gloire dans Argos, quand j’ai perdu tant de guerriers déjà ! Et ceci plaît au tout-puissant Zeus qui a renversé les citadelles de tant de villes, et qui en renversera encore, car sa puissance est très grande. Allons ! obéissez tous à mes paroles : fuyons sur nos nefs vers la terre bien-aimée de la patrie. Nous ne prendrons jamais Ilios aux larges rues. Il parla ainsi, et tous restèrent muets, et les fils des Akhaiens étaient tristes et silencieux. Enfin, Diomèdès hardi au combat parla au milieu d’eux : – Atréide, je combattrai le premier tes paroles insensées, comme il est permis, ô roi, dans l’agora ; et tu ne t’en irriteras pas, car toi-même tu m’as outragé déjà au milieu des Danaens, me nommant faible et lâche. Et ceci, les Argiens le savent, jeunes et vieux. Certes, le fils du subtil Kronos t’a doué inégalement. Il t’a accordé le sceptre et les honneurs suprêmes, mais il ne t’a point donné la fermeté de l’âme, qui est la plus grande vertu. Malheureux ! penses-tu que les fils des Akhaiens soient aussi faibles et aussi lâches que tu le dis ? Si ton cœur te pousse à retourner en arrière, va ! voici la route ; et les nombreuses nefs qui t’ont suivi de Mykènè sont là, auprès du rivage de la mer. Mais tous les autres Akhaiens chevelus resteront jusqu’à ce que nous ayons renversé Ilios. Et s’ils veulent eux-mêmes fuir sur leurs nefs vers la terre bien-aimée de la patrie, moi et Sthénélos nous combattrons jusqu’à ce que nous ayons vu la fin d’Ilios, car nous sommes venus ici sur la foi des dieux ! Il parla ainsi, et tous les fils des Akhaiens applaudirent, admirant le discours du dompteur de chevaux Diomèdès. Et le cavalier Nestôr, se levant au milieu d’eux, parla ainsi : – Tydéide, tu es le plus hardi au combat, et tu es aussi le premier à l’agora parmi tes égaux en âge. Nul ne blâmera tes paroles, et aucun des Akhaiens ne les contredira mais tu n’as pas tout dit. À la vérité, tu es jeune, et tu pourrais être le moins âgé de mes fils ; et, cependant, tu parles avec prudence devant les rois des Argiens, et comme il convient. C’est à moi de tout prévoir et de tout dire, car je me glorifie d’être plus vieux que toi. Et nul ne blâmera mes paroles, pas même le roi Agamemnôn. Il est sans intelligence, sans justice et sans foyers domestiques, celui qui aime les affreuses discordes intestines. Mais obéissons maintenant à la nuit noire : préparons notre repas, plaçons des gardes choisies auprès du fossé profond, en avant des murailles. C’est aux jeunes hommes de prendre ce soin, et c’est à toi, Atréide, qui es le chef suprême, de le leur commander. Puis, offre un repas aux chefs, car ceci est convenable et t’appartient. Tes tentes sont pleines du vin que les nefs des Akhaiens t’apportent chaque jour de la Thrèkè, à travers l’immensité de la haute mer. Tu peux aisément beaucoup offrir, et tu commandes à un grand nombre de serviteurs. Quand les chefs seront assemblés, obéis à qui te donnera le meilleur conseil ; car les Akhaiens ont tous besoin de sages conseils au moment où les ennemis allument tant de feux auprès des nefs. Qui de nous pourrait s’en réjouir ? Cette nuit, l’armée sera perdue ou sauvée. Il parla ainsi, et tous, l’ayant écouté, obéirent. Et les gardes armées sortirent, conduites par le Nestoréide Thrasymèdès, prince des peuples, par Askalaphos et Ialménos, fils d’Arès, par Mèrionès, Apharèos et Dèipiros, et par le divin Lykomèdès, fils de Kréôn. Et les sept chefs des gardes conduisaient, chacun, cent jeunes guerriers armés de longues piques. Et ils se placèrent entre le fossé et la muraille, et ils allumèrent des feux et prirent leur repas. Et l’Atréide conduisit les chefs des Akhaiens sous sa tente et leur offrit un abondant repas. Et tous étendirent les mains vers les mets. Et, quand ils eurent assouvi la soif et la faim, le premier d’entre eux, le vieillard Nestôr, qui avait déjà donné le meilleur conseil, parla ainsi, plein de sagesse, et dit : – Très illustre Atréide Agamemnôn, roi des hommes, je commencerai et je finirai par toi, car tu commandes à de nombreux peuples, et Zeus t’a donné le sceptre et les droits afin que tu les gouvernes. C’est pourquoi il faut que tu saches parler et entendre, et accueillir les sages conseils, si leur cœur ordonne aux autres chefs de t’en donner de meilleurs. Et je te dirai ce qu’il y a de mieux à faire, car personne n’a une meilleure pensée que celle que je médite maintenant, et depuis longtemps, depuis le jour où tu as enlevé, ô race divine, contre notre gré, la vierge Breisèis de la tente d’Akhilleus irrité. Et j’ai voulu te dissuader, et, cédant à ton cœur orgueilleux, tu as outragé le plus brave des hommes, que les immortels mêmes honorent, et tu lui as enlevé sa récompense. Délibérons donc aujourd’hui, et cherchons comment nous pourrons apaiser Akhilleus par des présents pacifiques et par des paroles flatteuses. Et le roi des hommes, Agamemnôn, lui répondit : – Ô vieillard, tu ne mens point en rappelant mes injustices. J’ai commis une offense, et je ne le nie point. Un guerrier que Zeus aime dans son cœur l’emporte sur tous les guerriers. Et c’est pour l’honorer qu’il accable aujourd’hui l’armée des Akhaiens. Mais, puisque j’ai failli en obéissant à de funestes pensées, je veux maintenant apaiser Akhilleus et lui offrir des présents infinis. Et je vous dirai quels sont ces dons illustres : sept trépieds vierges du feu, dix talents d’or, vingt bassins qu’on peut exposer à la flamme, douze chevaux robustes qui ont toujours remporté les premiers prix par la rapidité de leur course. Et il ne manquerait plus de rien, et il serait comblé d’or celui qui posséderait les prix que m’ont rapportés ces chevaux aux sabots massifs. Et je donnerai encore au Pèléide sept belles femmes Lesbiennes, habiles aux travaux, qu’il a prises lui-même dans Lesbos bien peuplée, et que j’ai choisies, car elles étaient plus belles que toutes les autres femmes. Et je les lui donnerai, et, avec elles, celle que je lui ai enlevée, la vierge Breisèis ; et je jurerai un grand serment qu’elle n’a point connu mon lit, et que je l’ai respectée. Toutes ces choses lui seront livrées aussitôt. Et si les dieux nous donnent de renverser la grande ville de Priamos, il remplira abondamment sa nef d’or et d’airain. - Chant 18 - Et ils combattaient ainsi, comme le feu ardent. Et Antilokhos vint à Akhilleus aux pieds rapides, et il le trouva devant ses nefs aux antennes dressées, songeant dans son esprit aux choses accomplies déjà ; et, gémissant, il disait dans son cœur magnanime : – Ô dieux ! pourquoi les Akhaiens chevelus, dispersés par la plaine, sont-ils repoussés tumultueusement vers les nefs ? Que les dieux m’épargnent ces cruelles douleurs qu’autrefois ma mère m’annonça, quand elle me disait que le meilleur des Myrmidones, moi vivant, perdrait la lumière de Hélios sous les mains des Troiens. Sans doute il est déjà mort, le brave fils de Ménoitios, le malheureux ! Certes, j’avais ordonné qu’ayant repoussé le feu ennemi, il revînt aux nefs sans combattre Hektôr. Tandis qu’il roulait ceci dans son esprit et dans son cœur, le fils de l’illustre Nestôr s’approcha de lui, et, versant de chaudes larmes, dit la triste nouvelle : – Hélas ! fils du belliqueux Pèleus, certes, tu vas entendre une triste nouvelle ; et plût aux dieux que ceci ne fût point arrivé ! Patroklos gît mort, et tous combattent pour son cadavre nu, car Hektôr possède ses armes. Il parla ainsi, et la noire nuée de la douleur enveloppa Akhilleus, et il saisit de ses deux mains la poussière du foyer et la répandit sur sa tête, et il en souilla sa belle face ; et la noire poussière souilla sa tunique nektaréenne ; et, lui-même, étendu tout entier dans la poussière, gisait, et des deux mains arrachait sa chevelure. Et les femmes, que lui et Patroklos avaient prises, hurlaient violemment, affligées dans leur cœur ; et toutes, hors des tentes, entouraient le belliqueux Akhilleus, et elles se frappaient la poitrine, et leurs genoux étaient rompus. Antilokhos aussi gémissait, répandant des larmes, et tenait les mains d’Akhilleus qui sanglotait dans son noble cœur. Et le Nestôride craignait qu’il se tranchât la gorge avec l’airain. Akhilleus poussait des sanglots terribles, et sa mère vénérable l’entendit, assise dans les gouffres de la mer, auprès de son vieux père. Et elle se lamenta aussitôt. Et autour de la déesse étaient rassemblées toutes les nèrèides qui sont au fond de la mer : Glaukè, et Thaléia, et Kymodokè, et Nèsaiè, et Spéiô, et Thoè, et Haliè aux yeux de bœuf, et Kymothoè, et Alkaiè, et Limnoréia, et Mélitè, et Iaira, et Amphithoè, et Agavè, et Lôtô, et Prôtô, et Phérousa, Dynaménè, et Dexaménè et Amphinomè, et Kallianassa, et Dôris, et Panopè, et l’illustre Galatéia, et Nèmertès, et Abseudès, et Kallianéira, et Klyménè, et Ianéira, et Ianassa, et Maira, et Oreithya, et Amathéia aux beaux cheveux, et les autres nèrèides qui sont dans la profonde mer. Et elles emplissaient la grotte d’argent, et elles se frappaient la poitrine, et Thétis se lamentait ainsi : – Écoutez-moi, sœurs nèrèides, afin que vous sachiez les douleurs qui déchirent mon âme, hélas ! à moi, malheureuse, qui ai enfanté un homme illustre, un fils irréprochable et brave, le plus courageux des héros, et qui a grandi comme un arbre. Je l’ai élevé comme une plante dans une terre fertile, et je l’ai envoyé vers Ilios, sur ses nefs aux poupes recourbées, combattre les Troiens. Et je ne le verrai point revenir dans mes demeures, dans la maison Pèléienne. Voici qu’il est vivant, et qu’il voit la lumière de Hélios, et qu’il souffre, et je ne puis le secourir. Mais j’irai vers mon fils bien-aimé, et je saurai de lui-même quelle douleur l’accable loin du combat. Ayant ainsi parlé, elle quitta la grotte, et toutes la suivaient, pleurantes ; et l’eau de la mer s’ouvrait devant elles. Puis, elles parvinrent à la riche Troie, et elles abordèrent là où les Myrmidones, autour d’Akhilleus aux pieds rapides, avaient tiré leurs nombreuses nefs sur le rivage. Et sa mère vénérable le trouva poussant de profonds soupirs ; et elle prit, en pleurant, la tête de son fils, et elle lui dit en gémissant ces paroles ailées : – Mon enfant, pourquoi pleures-tu ? Quelle douleur envahit ton âme ? Parle, ne me cache rien, afin que nous sachions tous deux. Zeus, ainsi que je l’en avais supplié de mes mains étendues, a rejeté tous les fils des Akhaiens auprès des nefs, et ils souffrent de grands maux, parce que tu leur manques. Et Akhilleus aux pieds rapides, avec de profonds soupirs, lui répondit : – Ma mère, l’Olympien m’a exaucé ; mais qu’en ai-je retiré, puisque mon cher compagnon Patroklos est mort, lui que j’honorais entre tous autant que moi-même ? Je l’ai perdu. Hektôr, l’ayant tué, lui a arraché mes belles, grandes et admirables armes, présents splendides des dieux à Pèleus, le jour où ils te firent partager le lit d’un homme mortel. Plût aux dieux que tu fusses restée avec les déesses de la mer, et que Pèleus eût épousé plutôt une femme mortelle ! Maintenant, une douleur éternelle emplira ton âme, à cause de la mort de ton fils que tu ne verras plus revenir dans tes demeures ; car je ne veux plus vivre, ni m’inquiéter des hommes, à moins que Hektôr, percé par ma lance, ne rende l’âme, et que Patroklos Ménoitiade, livré en pâture aux chiens, ne soit vengé.

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    T

    Tahar Houhou

    @taharHouhou

    Ils défilaient en rangs serrés Ils défilaient en rangs serrés pour honorer un vieux passé. Ils représentaient des armées de la France et de l'étranger, pour sceller des amitiés. Ils pensaient servir la vérité mais elle avait été manipulée. Ils avaient été trompés avant de s'engager . Au bout du fusil, pas de rose mais la mort à grosse dose. les poilus dans les tranchés avant de se faire faucher, ils étaient toujours en colère. Ils ne voulaient pas de la guerre. il y avait des ombres au visage bien sombre qui dansaient sans bruit, dans la douleur de la nuit, d'autres cachés sous terre, pleuraient leurs mères qui n'avaient plus de toit quand eux mouraient de froid. Il y avait de fortes odeurs qui vous torturaient le cœur, des tas de gueules cassées qui donnaient la nausée et des gémissements sans fin surtout quand ils avaient faim. Bien au loin, derrière, à l'horizon, très loin des lignes du front, on entendait la prière aux morts qui ébranlait les derniers tirés au sort.

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