Pluie de printemps Pluie de Printemps tombe du ciel
parfumée au Soleil qui vient pointer son nez
Les plantes sourient à la lueur du jour
Et viennent offrir leur coeur à ses gouttes semées
Pluie de printemps plus belle que l’Automne
Vient rafraîchir les coeurs, vient inonder les cours
Et bientôt donne tout ce qu’attend la Nature
L’Eau si précieuse et pure pour tout recommencer
il y a 10 mois
E
Elodie Santos
@elodieSantos
Printemps qui vient… Printemps qui vient fleurir le temps
arrive un jour sans qu’on le voit venir
Printemps qui vient comme le vent
souffler sur l’hiver et le faire partir
Printemps qui vient renaître à nouveau
nous caresser la peau et nous faire sourire
Printemps qui vient avec la Douceur
accueillir le Soleil qu’on avait oublié
Printemps qui vient nous réchauffer
arroser les jardins, faire jaillir les fleurs
Printemps qui vient nous dire Je t’aime
Afin qu’on puisse tout recommencer
il y a 10 mois
E
Elodie Santos
@elodieSantos
Promenade blanche de vieille France L’écrasement de la neige sous les bottes
Les branches cassées sur le chemin
Le cliquetis régulier de quelques gouttes s’échappant des stalactites de glace
Des flocons perdus aux quatre vents tombent des arbres aplatis
Les cheminées dégagent des parfums de tarte de grand mère
Les chalets chauds au pied des pentes raides ou s’étirent jusqu’au firmament les grands sapins
Les luges qui glissent sans laisser place au silence de ce lieu la nuit
Des cris de joie,
Des boules de neige,
Le ciel et ses nuages blancs
Tout est ici comme l’enfance
comme un voyage du temps jadis
Tout est ici comme en vieille France
Images d’Epinal, simplicité, absence, magie
C’est la plus belle promenade blanche de ma vie
il y a 10 mois
E
Elodie Santos
@elodieSantos
Promenade bleu caillou Les pierres craquent sous les semelles
L’herbe transpire ce matin
Un beau soleil de printemps éclate au firmament
Sous ce ciel bleu, on perçoit la couleur du vent
Au pied de la colline va s’élevant un chemin près d’un étang
Les cyprès dansent à l’horizon au dessus des vignes et des blés
On entend un petit bruit de moteur tout juste près, tout juste doux
Une petite fourgonette passe, c’est le marchand du village d’à côté
On marche sur un mur de pierres, un petit pont est devant nous
Dessous passe une rivière, couleur de pluie, souffle d’antan
Cette promenade bleu caillou, couleur d’amour, je l’aime tant
c’est pour moi tout ce qu’il y a de plus pur et de plus beau dans cette vie
Couleur d’argent
il y a 10 mois
Emile Verhaeren
@emileVerhaeren
Autour de ma maison Pour vivre clair, ferme et juste,
Avec mon coeur, j’admire tout
Ce qui vibre, travaille et bout
Dans la tendresse humaine et sur la terre auguste.
L’hiver s’en va et voici mars et puis avril
Et puis le prime été, joyeux et puéril.
Sur la glycine en fleurs que la rosée humecte,
Rouges, verts, bleus, jaunes, bistres, vermeils,
Les mille insectes
Bougent et butinent dans le soleil.
Oh la merveille de leurs ailes qui brillent
Et leur corps fin comme une aiguille
Et leurs pattes et leurs antennes
Et leur toilette quotidienne
Sur un brin d’herbe ou de roseau !
Sont-ils précis, sont-ils agiles !
Leur corselet d’émail fragile
Est plus changeant que les courants de l’eau ;
Grâce à mes yeux qui les reflètent
Je les sens vivre et pénétrer en moi
Un peu ;
Oh leurs émeutes et leurs jeux
Et leurs amours et leurs émois
Et leur bataille, autour des grappes violettes !
Mon coeur les suit dans leur essor vers la clarté,
Brins de splendeur, miettes de beauté,
Parcelles d’or et poussière de vie !
J’écarte d’eux l’embûche inassouvie :
La glu, la boue et la poursuite des oiseaux
Pendant des jours entiers, je défends leurs travaux ;
Mon art s’éprend de leurs oeuvres parfaites ;
Je contemple les riens dont leur maison est faite
Leur geste utile et net, leur vol chercheur et sûr,
Leur voyage dans la lumière ample et sans voile
Et quand ils sont perdus quelque part, dans l’azur,
Je crois qu’ils sont partis se mêler aux étoiles.
Mais voici l’ombre et le soleil sur le jardin
Et des guêpes vibrant là-bas, dans la lumière ;
Voici les longs et clairs et sinueux chemins
Bordés de lourds pavots et de roses trémières ;
Aujourd’hui même, à l’heure où l’été blond s’épand
Sur les gazons lustrés et les collines fauves,
Chaque pétale est comme une paupière mauve
Que la clarté pénètre et réchauffe en tremblant.
Les moins fiers des pistils, les plus humbles des feuilles
Sont d’un dessin si pur, si ferme et si nerveux
Qu’en eux
Tout se précipite et tout accueille
L’hommage clair et amoureux des yeux.
L’heure des juillets roux s’est à son tour enfuie,
Et maintenant
Voici le soleil calme avec la douce pluie
Qui, mollement,
Sans lacérer les fleurs admirables, les touchent ;
Comme eux, sans les cueillir, approchons-en nos bouches
Et que notre coeur croie, en baisant leur beauté
Faite de tant de joie et de tant de mystère,
Baiser, avec ferveur, délice et volupté,
Les lèvres mêmes de la terre.
Les insectes, les fleurs, les feuilles, les rameaux
Tressent leur vie enveloppante et minuscule
Dans mon village, autour des prés et des closeaux.
Ma petite maison est prise en leurs réseaux.
Souvent, l’après-midi, avant le crépuscule,
De fenêtre en fenêtre, au long du pignon droit,
Ils s’agitent et bruissent jusqu’à mon toit ;
Souvent aussi, quand l’astre aux Occidents recule,
J’entends si fort leur fièvre et leur émoi
Que je me sens vivre, avec mon coeur,
Comme au centre de leur ardeur.
Alors les tendres fleurs et les insectes frêles
M’enveloppent comme un million d’ailes
Faites de vent, de pluie et de clarté.
Ma maison semble un nid doucement convoité
Par tout ce qui remue et vit dans la lumière.
J’admire immensément la nature plénière
Depuis l’arbuste nain jusqu’au géant soleil
Un pétale, un pistil, un grain de blé vermeil
Est pris, avec respect, entre mes doigts qui l’aiment ;
Je ne distingue plus le monde de moi-même,
Je suis l’ample feuillage et les rameaux flottants,
Je suis le sol dont je foule les cailloux pâles
Et l’herbe des fossés où soudain je m’affale
Ivre et fervent, hagard, heureux et sanglotant.
il y a 10 mois
Emile Verhaeren
@emileVerhaeren
Des fleurs fines et mousseuses comme l’écume Des fleurs fines et mousseuses comme l’écume
Poussaient au bord de nos chemins
Le vent tombait et l’air semblait frôler tes mains
Et tes cheveux avec des plumes.
L’ombre était bienveillante à nos pas réunis
En leur marche, sous le feuillage ;
Une chanson d’enfant nous venait d’un village
Et remplissait tout l’infini.
Nos étangs s’étalaient dans leur splendeur d’automne
Sous la garde des longs roseaux
Et le beau front des bois reflétait dans les eaux
Sa haute et flexible couronne.
Et tous les deux, sachant que nos coeurs formulaient
Ensemble une même pensée,
Nous songions que c’était notre vie apaisée
Que ce beau soir nous dévoilait.
Une suprême fois, tu vis le ciel en fête
Se parer et nous dire adieu ;
Et longtemps et longtemps tu lui donnas tes yeux
Pleins jusqu’aux bords de tendresses muettes.
il y a 10 mois
Emile Verhaeren
@emileVerhaeren
Dédié au sud-ouest Sur la bruyère longue infiniment
voici le vent cornant novembre ;
Sur la bruyère, infiniment,
Voici le vent
Qui se déchire et se démembre,
En souffles lourds, battant les bourgs ;
Voici le vent,
Le vent sauvage de Novembre.
Aux puits des fermes,
Les seaux de fer et les poulies
Grincent ;
Aux citernes des fermes.
Les seaux et les poulies
Grincent et crient
Toute la mort, dans leurs mélancolies.
Le vent rafle, le long de l’eau,
Les feuilles mortes des bouleaux,
Le vent sauvage de Novembre ;
Le vent mord, dans les branches,
Des nids d’oiseaux ;
Le vent râpe du fer
Et peigne, au loin, les avalanches,
Rageusement du vieil hiver,
Rageusement, le vent,
Le vent sauvage de Novembre.
il y a 10 mois
Emile Verhaeren
@emileVerhaeren
Heure d’automne C’est bien mon deuil, le tien, ô l’automne dernière !
Râles que roule, au vent du nord, la sapinière,
Feuillaison d’or à terre et feuillaison de sang,
Sur des mousses d’orée ou des mares d’étang,
Pleurs des arbres, mes pleurs, mes pauvres pleurs de sang.
C’est bien mon deuil, le tien, ô l’automne dernière !
Secousses de colère et rages de crinière,
Buissons battus, mordus, hachés, buissons crevés,
Au double bord des longs chemins, sur les pavés,
Bras des buissons, mes bras, mes pauvres bras levés.
C’est bien mon deuil, le tien, ô l’automne dernière ?
Quelque chose, là-bas, broyé dans une ornière,
Qui grince immensément ses désespoirs ardus
Et qui se plaint, ainsi que des arbres tordus,
Cris des lointains, mes cris, mes pauvres cris perdus.
il y a 10 mois
Emile Verhaeren
@emileVerhaeren
L’arbre Tout seul,
Que le berce l’été, que l’agite l’hiver,
Que son tronc soit givré ou son branchage vert,
Toujours, au long des jours de tendresse ou de haine,
Il impose sa vie énorme et souveraine
Aux plaines.
Il voit les mêmes champs depuis cent et cent ans
Et les mêmes labours et les mêmes semailles ;
Les yeux aujourd’hui morts, les yeux
Des aïeules et des aïeux
Ont regardé, maille après maille,
Se nouer son écorce et ses rudes rameaux.
Il présidait tranquille et fort à leurs travaux ;
Son pied velu leur ménageait un lit de mousse ;
Il abritait leur sieste à l’heure de midi
Et son ombre fut douce
A ceux de leurs enfants qui s’aimèrent jadis.
Dès le matin, dans les villages,
D’après qu’il chante ou pleure, on augure du temps ;
Il est dans le secret des violents nuages
Et du soleil qui boude aux horizons latents ;
Il est tout le passé debout sur les champs tristes,
Mais quels que soient les souvenirs
Qui, dans son bois, persistent,
Dès que janvier vient de finir
Et que la sève, en son vieux tronc, s’épanche,
Avec tous ses bourgeons, avec toutes ses branches,
– Lèvres folles et bras tordus –
Il jette un cri immensément tendu
Vers l’avenir.
Alors, avec des rais de pluie et de lumière,
Il frôle les bourgeons de ses feuilles premières,
Il contracte ses noeuds, il lisse ses rameaux ;
Il assaille le ciel, d’un front toujours plus haut ;
Il projette si loin ses poreuses racines
Qu’il épuise la mare et les terres voisines
Et que parfois il s’arrête, comme étonné
De son travail muet, profond et acharné.
Mais pour s’épanouir et régner dans sa force,
Ô les luttes qu’il lui fallut subir, l’hiver !
Glaives du vent à travers son écorce.
Cris d’ouragan, rages de l’air,
Givres pareils à quelque âpre limaille,
Toute la haine et toute la bataille,
Et les grêles de l’Est et les neiges du Nord,
Et le gel morne et blanc dont la dent mord,
jusqu’à l’aubier, l’ample écheveau des fibres,
Tout lui fut mal qui tord, douleur qui vibre,
Sans que jamais pourtant
Un seul instant
Se ralentît son énergie
A fermement vouloir que sa vie élargie
Fût plus belle, à chaque printemps.
En octobre, quand l’or triomphe en son feuillage,
Mes pas larges encore, quoique lourds et lassés,
Souvent ont dirigé leur long pèlerinage
Vers cet arbre d’automne et de vent traversé.
Comme un géant brasier de feuilles et de flammes,
Il se dressait, superbement, sous le ciel bleu,
Il semblait habité par un million d’âmes
Qui doucement chantaient en son branchage creux.
J’allais vers lui les yeux emplis par la lumière,
Je le touchais, avec mes doigts, avec mes mains,
Je le sentais bouger jusqu’au fond de la terre
D’après un mouvement énorme et surhumain ;
Et J’appuyais sur lui ma poitrine brutale,
Avec un tel amour, une telle ferveur,
Que son rythme profond et sa force totale
Passaient en moi et pénétraient jusqu’à mon coeur.
Alors, j’étais mêlé à sa belle vie ample ;
Je me sentais puissant comme un de ses rameaux ;
Il se plantait, dans la splendeur, comme un exemple ;
J’aimais plus ardemment le sol, les bois, les eaux,
La plaine immense et nue où les nuages passent ;
J’étais armé de fermeté contre le sort,
Mes bras auraient voulu tenir en eux l’espace ;
Mes muscles et mes nerfs rendaient léger mon corps
Et je criais : » La force est sainte.
Il faut que l’homme imprime son empreinte
Tranquillement, sur ses desseins hardis :
Elle est celle qui tient les clefs des paradis
Et dont le large poing en fait tourner les portes « .
Et je baisais le tronc noueux, éperdument,
Et quand le soir se détachait du firmament,
je me perdais, dans la campagne morte,
Marchant droit devant moi, vers n’importe où,
Avec des cris jaillis du fond de mon coeur fou.
il y a 10 mois
Emile Verhaeren
@emileVerhaeren
La barque Il gèle et des arbres pâlis de givre clair
Montent au loin, ainsi que des faisceaux de lune ;
Au ciel purifié, aucun nuage ; aucune
Tache sur l’infini silencieux de l’air.
Le fleuve où la lueur des astres se réfracte
Semble dallé d’acier et maçonné d’argent ;
Seule une barque est là, qui veille et qui attend,
Les deux avirons pris dans la glace compacte.
Quel ange ou quel héros les empoignant soudain
Dispersera ce vaste hiver à coups de rames
Et conduira la barque en un pays de flammes
Vers les océans d’or des paradis lointains ?
Ou bien doit-elle attendre à tout jamais son maître,
Prisonnière du froid et du grand minuit blanc,
Tandis que des oiseaux libres et flagellant
Les vents, volent, là-haut, vers les printemps à naître ?
il y a 10 mois
Emile Verhaeren
@emileVerhaeren
La glycine est fanée et morte est l’aubépine La glycine est fanée et morte est l’aubépine ;
Mais voici la saison de la bruyère en fleur
Et par ce soir si calme et doux, le vent frôleur
T’apporte les parfums de la pauvre Campine.
Aime et respire-les, en songeant à son sort
Sa terre est nue et rêche et le vent y guerroie ;
La mare y fait ses trous, le sable en fait sa proie
Et le peu qu’on lui laisse, elle le donne encor.
En automne, jadis, nous avons vécu d’elle,
De sa plaine et ses bois, de sa pluie et son ciel,
Jusqu’en décembre où les anges de la Noël
Traversaient sa légende avec leurs grands coups d’aile.
Ton coeur s’y fit plus sûr, plus simple et plus humain ;
Nous y avons aimé les gens des vieux villages,
Et les femmes qui nous parlaient de leur grand âge
Et de rouets déchus qu’avaient usés leurs mains.
Notre calme maison dans la lande brumeuse
Etait claire aux regards et facile à l’accueil,
Son toit nous était cher et sa porte et son seuil
Et son âtre noirci par la tourbe fumeuse.
Quand la nuit étalait sa totale splendeur
Sur l’innombrable et pâle et vaste somnolence,
Nous y avons reçu des leçons du silence
Dont notre âme jamais n’a oublié l’ardeur.
A nous sentir plus seuls dans la plaine profonde
Les aubes et les soirs pénétraient plus en nous ;
Nos yeux étaient plus francs, nos coeurs étaient plus doux
Et remplis jusqu’aux bords de la ferveur du monde.
Nous trouvions le bonheur en ne l’exigeant pas,
La tristesse des jours même nous était bonne
Et le peu de soleil de cette fin d’automne
Nous charmait d’autant plus qu’il semblait faible et las.
La glycine est fanée, et morte est l’aubépine ;
Mais voici la saison de la bruyère en fleur.
Ressouviens-toi, ce soir, et laisse au vent frôleur
T’apporter les parfums de la pauvre Campine.
il y a 10 mois
Emile Verhaeren
@emileVerhaeren
Le chant de l’eau L’entendez-vous, l’entendez-vous
Le menu flot sur les cailloux ?
Il passe et court et glisse
Et doucement dédie aux branches,
Qui sur son cours se penchent,
Sa chanson lisse.
Là-bas,
Le petit bois de cornouillers
Où l’on disait que Mélusine
Jadis, sur un tapis de perles fines,
Au clair de lune, en blancs souliers,
Dansa ;
Le petit bois de cornouillers
Et tous ses hôtes familiers
Et les putois et les fouines
Et les souris et les mulots
Ecoutent
Loin des sentes et loin des routes
Le bruit de l’eau.
Aubes voilées,
Vous étendez en vain,
Dans les vallées,
Vos tissus blêmes,
La rivière,
Sous vos duvets épais, dès le prime matin,
Coule de pierre en pierre
Et murmure quand même.
Si quelquefois, pendant l’été,
Elle tarit sa volupté
D’être sonore et frémissante et fraîche,
C’est que le dur juillet
La hait
Et l’accable et l’assèche.
Mais néanmoins, oui, même alors
En ses anses, sous les broussailles
Elle tressaille
Et se ranime encor,
Quand la belle gardeuse d’oies
Lui livre ingénument la joie
Brusque et rouge de tout son corps.
Oh ! les belles épousailles
De l’eau lucide et de la chair,
Dans le vent et dans l’air,
Sur un lit transparent de mousse et de rocailles ;
Et les baisers multipliés du flot
Sur la nuque et le dos,
Et les courbes et les anneaux
De l’onduleuse chevelure
Ornant les deux seins triomphaux
D’une ample et flexible parure ;
Et les vagues violettes ou roses
Qui se brisent ou tout à coup se juxtaposent
Autour des flancs, autour des reins ;
Et tout là-haut le ciel divin
Qui rit à la santé lumineuse des choses !
La belle fille aux cheveux roux
Pose un pied clair sur les cailloux.
Elle allonge le bras et la hanche et s’inclina
Pour recueillir au bord,
Parmi les lotiers d’or,
La menthe fine ;
Ou bien encor
S’amuse à soulever les pierres
Et provoque la fuite
Droite et subite
Des truites
Au fil luisant de la rivière.
Avec des fleurs de pourpre aux deux coins de sa bouche,
Elle s’étend ensuite et rit et se recouche,
Les pieds dans l’eau, mais le torse au soleil ;
Et les oiseaux vifs et vermeils
Volent et volent,
Et l’ombre de leurs ailes
Passe sur elle.
Ainsi fait-elle encor
A l’entour de son corps
Même aux mois chauds
Chanter les flots.
Et ce n’est qu’en septembre
Que sous les branches d’or et d’ambre,
Sa nudité
Ne mire plus dans l’eau sa mobile clarté,
Mais c’est qu’alors sont revenues
Vers notre ciel les lourdes nues
Avec l’averse entre leurs plis
Et que déjà la brume
Du fond des prés et des taillis
S’exhume.
Pluie aux gouttes rondes et claires,
Bulles de joie et de lumière,
Le sinueux ruisseau gaiement vous fait accueil,
Car tout l’automne en deuil
Le jonche en vain de mousse et de feuilles tombées.
Son flot rechante au long des berges recourbées,
Parmi les prés, parmi les bois ;
Chaque caillou que le courant remue
Fait entendre sa voix menue
Comme autrefois ;
Et peut-être que Mélusine,
Quand la lune, à minuit, répand comme à foison
Sur les gazons
Ses perles fines,
S’éveille et lentement décroise ses pieds d’or,
Et, suivant que le flot anime sa cadence,
Danse encor
Et danse.
il y a 10 mois
Emile Verhaeren
@emileVerhaeren
Novembre Les grand’routes tracent des croix
A l’infini, à travers bois ;
Les grand’routes tracent des croix lointaines
A l’infini, à travers plaines ;
Les grand’routes tracent des croix
Dans l’air livide et froid,
Où voyagent les vents déchevelés
A l’infini, par les allées.
Arbres et vents pareils aux pèlerins,
Arbres tristes et fous où l’orage s’accroche,
Arbres pareils au défilé de tous les saints,
Au défilé de tous les morts
Au son des cloches,
Arbres qui combattez au Nord
Et vents qui déchirez le monde,
Ô vos luttes et vos sanglots et vos remords
Se débattant et s’engouffrant dans les âmes profondes !
Voici novembre assis auprès de l’âtre,
Avec ses maigres doigts chauffés au feu ;
Oh ! tous ces morts là-bas, sans feu ni lieu,
Oh ! tous ces vents cognant les murs opiniâtres
Et repoussés et rejetés
Vers l’inconnu, de tous côtés.
Oh ! tous ces noms de saints semés en litanies,
Tous ces arbres, là-bas,
Ces vocables de saints dont la monotonie
S’allonge infiniment dans la mémoire ;
Oh ! tous ces bras invocatoires
Tous ces rameaux éperdument tendus
Vers on ne sait quel christ aux horizons pendu.
Voici novembre en son manteau grisâtre
Qui se blottit de peur au fond de l’âtre
Et dont les yeux soudain regardent,
Par les carreaux cassés de la croisée,
Les vents et les arbres se convulser
Dans l’étendue effarante et blafarde,
Les saints, les morts, les arbres et le vent,
Oh l’identique et affolant cortège
Qui tourne et tourne, au long des soirs de neige ;
Les saints, les morts, les arbres et le vent,
Dites comme ils se confondent dans la mémoire
Quand les marteaux battants
A coups de bonds dans les bourdons,
Ecartèlent leur deuil aux horizons,
Du haut des tours imprécatoires.
Et novembre, près de l’âtre qui flambe,
Allume, avec des mains d’espoir, la lampe
Qui brûlera, combien de soirs, l’hiver ;
Et novembre si humblement supplie et pleure
Pour attendrir le coeur mécanique des heures !
Mais au dehors, voici toujours le ciel, couleur de fer,
Voici les vents, les saints, les morts
Et la procession profonde
Des arbres fous et des branchages tords
Qui voyagent de l’un à l’autre bout du monde.
Voici les grand’routes comme des croix
A l’infini parmi les plaines
Les grand’routes et puis leurs croix lointaines
A l’infini, sur les vallons et dans les bois !
il y a 10 mois
Emile Verhaeren
@emileVerhaeren
Un matin Dès le matin, par mes grand’routes coutumières
Qui traversent champs et vergers,
Je suis parti clair et léger,
Le corps enveloppé de vent et de lumière.
Je vais, je ne sais où. Je vais, je suis heureux ;
C’est fête et joie en ma poitrine ;
Que m’importent droits et doctrines,
Le caillou sonne et luit sous mes talons poudreux ;
Je marche avec l’orgueil d’aimer l’air et la terre,
D’être immense et d’être fou
Et de mêler le monde et tout
A cet enivrement de vie élémentaire.
Oh ! les pas voyageurs et clairs des anciens dieux !
Je m’enfouis dans l’herbe sombre
Où les chênes versent leurs ombres
Et je baise les fleurs sur leurs bouches de feu.
Les bras fluides et doux des rivières m’accueillent ;
Je me repose et je repars,
Avec mon guide : le hasard,
Par des sentiers sous bois dont je mâche les feuilles.
Il me semble jusqu’à ce jour n’avoir vécu
Que pour mourir et non pour vivre :
Oh ! quels tombeaux creusent les livres
Et que de fronts armés y descendent vaincus !
Dites, est-il vrai qu’hier il existât des choses,
Et que des yeux quotidiens
Aient regardé, avant les miens,
Se pavoiser les fruits et s’exalter les roses !
Pour la première fois, je vois les vents vermeils
Briller dans la mer des branchages,
Mon âme humaine n’a point d’âge ;
Tout est jeune, tout est nouveau sous le soleil.
J’aime mes yeux, mes bras, mes mains, ma chair, mon torse
Et mes cheveux amples et blonds
Et je voudrais, par mes poumons,
Boire l’espace entier pour en gonfler ma force.
Oh ! ces marches à travers bois, plaines, fossés,
Où l’être chante et pleure et crie
Et se dépense avec furie
Et s’enivre de soi ainsi qu’un insensé !
il y a 10 mois
E
Esther Granek
@estherGranek
Après l’Homme Après l’Homme, après l’Homme,
Qui dira aux fleurs comment elles se nomment ?
Après l’Homme, après l’Homme,
quand aura passé l’heure de vie du dernier Homme.
Qui dira aux fleurs
combien elles sont belles ?
N’y aura de coeur
à battre pour elles.
Après l’Homme, après l’Homme,
que sera encore le mot « merveilleux » ?
Après l’Homme, après l’Homme,
quand le dernier des hommes aura vidé les lieux.
Qui dira de la Terre
Qu’elle est sans pareille
et que dans l’Univers
elle est fleur de Soleil ?
Après l’Homme, après l’Homme…
Viens-t’en donc pour lors,
viens-t’en donc l’ami,
et chantons encore
le jour d’aujourd’hui.
il y a 10 mois
E
Esther Granek
@estherGranek
Cogitations Et s’usera le temps
au rythme des saisons.
S’useront mes printemps.
Et moi… je reste…
Je me voudrais marée
au rythme imperturbable.
Je me voudrais jetée.
Ou je me voudrais sable.
Et s’useront mes rêves.
Et s’usera ma joie.
S’useront mes combats.
Et s’usera ma sève.
Je me voudrais étang
à surface de moire
où les aubes et les soirs
se mirent infiniment..
S’usera ma gaieté.
S’useront mes attentes.
S’useront mes projets.
S’useront mes tourmentes.
Je me voudrais le vent.
Je me voudrais la mer.
Je me voudrais le temps
au rythme de la terre.
S’useront les images
qu’on garde au fond de soi.
Et s’useront les pages
qu’on se fit pas à pas.
Alors tel un vieux loup
au bout de son chemin,
je me voudrai caillou
au rythme de plus rien !
il y a 10 mois
E
Esther Granek
@estherGranek
En gris L’homme est né de la terre,
à la terre s’en retourne
et redevient poussière.
Ainsi les choses tournent.
*
Or, pour son plus grand bien,
la nature a prévu
qu’avant de n’être plus,
gris-poussière l’homme devint.
*
Car si l’heureux destin
lui prête longue vie,
tout en l’homme devient gris,
cheveu, poil, oeil et teint.
*
Ainsi, du grand passage
s’amoindrit le dommage.
C’est douce préparation,
qu’on la camoufle ou non.
*
Et grisâtres mouvements
et grisâtres pensées
et grisâtres vêtements
déjà l’ont imprégné.
*
Dans cette brume uniforme
tous les vieux ont même forme
comme antiques tapisseries
tournant toutes au même gris.
*
Ainsi, du grand passage
s’amoindrit le dommage…
il y a 10 mois
E
Esther Granek
@estherGranek
Enceinte Je suis enceinte de prés verts…
Je porte en moi des pâturages…
Que mon humeur soit drôle ou sage,
je suis enceinte de prés verts…
Belle est l’image !
Doux le langage…
« Je porte en moi des pâturages… »
Et tout à la fois, mais qu’y faire ?
je suis enceinte de déserts.
Et de mirages.
Et de chimères
De grands orages.
De regrets à tort à travers.
De rires à ne savoir qu’en faire.
Et mes grossesses cohabitent.
En tout mon être. Sans limite.
il y a 10 mois
E
Esther Granek
@estherGranek
J’ai attrapé un chant d’oiseau J’ai attrapé un chant d’oiseau
Et je l’ai mis dans ma guitare.
Il en sort un refrain de paix
Qui fait trêve de mes regrets.
J’ai rapporté des verts coteaux
Un peu de leurs parfums sauvages.
J’ai rapporté couleurs de mai
Et les ai mises en un bouquet.
J’ai emporté dans mes voyages
Et ta présence et ton visage.
Et c’est comme un cadeau des cieux
Car étant seul je suis à deux.
il y a 10 mois
E
Esther Granek
@estherGranek
Mea-culpa Me maintenant comme à l’écart
de par mes choix et ma manière,
coupable, suis, d’être en lisière
tout aussi bien qu’en un tiroir
et d’y rester. Verdict austère
que j’entendis plus qu’à mon gré
mais ne puis que le ratifier.
De m’y soustraire, il ne me sied.
Bien trop j’ai négligé les fleurs
et fort peu j’ai parlé des arbres.
A tout artiste ils font honneur.
Grandes lacunes en mon labeur !
Et qu’en est-il de mon crédit ?
Des manquements je paie le prix !
car j’ai trop négligé les fleurs
et fort peu j’ai parlé des arbres…
Ah ! voyez-vous, que n’ai-je écrit
pour m’éviter accueil de marbre
et m’intégrer dans un circuit
et avoir un pied dans la place
(bien qu’ignorant ce qui s’y passe)
ah ! voyez-vous, que n’ai-je écrit :
« Les éléphants chantaient dans les arbres
et les hirondelles étaient en fleurs ».
il y a 10 mois
E
Esther Granek
@estherGranek
Offrande Au creux d’un coquillage
Que vienne l’heure claire
Je cueillerai la mer
Et je te l’offrirai.
Y dansera le ciel
Que vienne l’heure belle.
Y dansera le ciel
Et un vol d’hirondelle
Et un bout de nuage
Confondant les images
En l’aurore nouvelle
Dans un reflet moiré
Dans un peu de marée
Dans un rien de mirage
Au fond d’un coquillage.
Et te les offrirai.
il y a 10 mois
E
Esther Granek
@estherGranek
Promenade Un banc, des coteaux,
des fleurs, une treille,
rayons de soleil
me chauffant le dos.
Des troncs noirs et hauts.
Émois du matin…
Que je me sens bien !
Bocages, ramures.
Un toit qui rassure.
Abri où je dure.
Du rêve. Un piano.
Des livres à gogo.
Pour moi un festin !
Que je me sens bien !
Et quittant la rade,
parfois en balade
ou en randonnée,
je prends le sentier,
coeur et pied légers.
Appel quotidien…
Que je me sens bien !
S’allongent les lieues.
Au vent mes cheveux.
Fatigue aux mollets.
Un coin oublié.
Un silence ailé.
Gazouillis soudain…
Que je me sens bien !
Des baies, des épines.
Et l’air qui burine.
Odeurs de résine
et de chèvrefeuille.
Un saut d’écureuil.
Soleil au déclin…
Que je me sens bien !
Chemin du retour.
Rougeoiement du jour.
Et paix alentour.
Au loin en beauté,
mon toit, mon grenier.
En moi un refrain…
Que je me sens bien !…
Que je me sens bien !…
Que je me sens bien !…
Que je me sens bien !…
il y a 10 mois
Eugène Guillevic
@eugeneGuillevic
Graminées Des graminées
Comme pour tout un jour.
Comme si le jour
N'était pas là
Pour la tuerie.Comme s'il y avait
De quoi guérir du vent
A travers les nuages.
De quoi guérir de l'eau
Qui se glisse au ruisseau,
Qui paraît se complaire
A couler vers plus bas,
En se laissant ravir
Même ses dimensions.
Des graminées
Offertes sans montée
Au calvaire,
Sans vengeance.
Des graminées tremblant
A peine.
Comme si ce n'était
Que de savoir la fin
Et de ne pas vouloir
Y consacrer leur temps.
Comme pour tout un jour
Qui n'en finirait pas,
Des graminées debout
Traversant les couteaux
Aiguisés par un air
Toujours prêt au travail.
il y a 10 mois
F
Francis Etienne Sicard
@francisEtienneSicard
Baldaquins d’ombres L’ombre d’une glycine au goût de caramel
Saupoudre les murets d’une mèche de miel
Où baignent des lézards au corps immatériel,
Immobiles et froids écuyers du dégel.
La dentelle d’un roc à la saveur de sel,
Richement découpée au feutre bleu du ciel,
Ruisselle en vague d’or sur le feu torrentiel
D’une anémone en soie aux robes d’archipel.
Passe un souffle de rêve au parfum de lilas,
Comme un brin de muguet déguisé en pierrot,
Et les myosotis se parent de taffetas.
Goutte à goutte le temps distille sa liqueur
Dans l’immense alambic où cuit le berlingot
D’un jour naissant ainsi dans l’antre du bonheur.
il y a 10 mois
F
Francis Etienne Sicard
@francisEtienneSicard
Clef de torrents Fugace il vide l’aube enlacée au brouillard,
Et lentement dilue au brocard des clairières,
Ces pierreries en feu dont les jeunes meunières
Tapissent leurs bras nus habillés de blizzard.
Lorsqu’une truite agile au regard vétillard
Froisse sa peau taillée au cristal des aiguières,
Une ride fuyante envahit les verrières
D’un ciel bouillant de nuit et souvent égrillard.
Il s’enfonce soudain dans un taillis secret,
Et seule de sa voix, l’écho résonne encore,
Jusqu’au prochain bassin où s’ébroue un sacret.
En quittant la montagne il dénude ses eaux
De leurs voiles de perle aux si beaux doigts d’aurore,
Et se meurt dans le foin de paisibles canaux.
il y a 10 mois
F
Francis Etienne Sicard
@francisEtienneSicard
Couleurs d’imagerie Sur la toile des champs des fleurs de verdelier
Balancent leur houssoir comme une gorge d’ange
Dont le souffle du soir au parfum de l’orange,
Évente la splendeur autour d’un grand collier.
Les pages du palais courant dans le cellier,
Chuchotent à demi mot des pages de louange,
Et ruissellent de rire au frisson d’une frange
Qui glisse sa main nue au bras d’un vieil ânier.
Les cloches de la messe appelant au recueil
Réveillent les fourrés où se cache un chevreuil,
Dont le craintif regard scrute une coccinelle.
Puis un silence en plomb coule sur le ruisseau
Où glisse une vermille invisible et mortelle
Que la truite innocente avalera sous l’eau.
il y a 10 mois
F
Francis Etienne Sicard
@francisEtienneSicard
Hirondelle Etanché de sa soif, évidé de racines,
Escortant le soleil et son arc rougissant,
L’oiseau palpe le temps d’une palme de vent
Puis griffonne sa chair aux fusains des marines.
Son plumage émargé d’un regard sans rétine,
Glisse sa peau de miel et son teint de réglisse
Entre les plis fardés d’un ciel crû où blanchissent
La mousse des marais et les pins à résines.
Il fige le plaisir au bout de ses deux ailes,
Brise le roc des flots, et d’un stylet de glace,
Tranche la soie du jour d’une ganse rebelle.
Lors, son vol passe le Nil, les lacs et les terres
Où déjà meurt l’orient sur les hautes terrasses,
Pour suivre un lourd radeau dont les voiles s’enferrent.
il y a 10 mois
Francis Jammes
@francisJammes
Comme un insecte… Comme un insecte, la faucheuse mécanique
parcourt le foin. Son cliquetis irrégulier
semble accroître la torpeur qui se communique
à la vigne et à l’horloge de l’escalier.
Laissez-moi ne penser à rien. C’est un ennui
que de n’entendre parler que d’appendicite,
de Nietzsche, de la Vie, d’on ne sait quoi ensuite.
Les cornes des beaux bœufs luisent violemment,
et la lumière bleue enflamme le froment.
Les roses du jardin ont une odeur terrible,
et leurs pétales secs sont de sable torride.
Et la lourde écolière ainsi qu’un tournesol
s’endort et son atlas est tombé sur le sol.
il y a 10 mois
Francis Jammes
@francisJammes
Il va neiger Il va neiger dans quelques jours. Je me souviens
de l’an dernier. Je me souviens de mes tristesses
au coin du feu. Si l’on m’avait demandé : qu’est-ce?
J’aurais dit : laissez-moi tranquille. Ce n’est rien.
J’ai bien réfléchi, l’année avant, dans ma chambre,
pendant que la neige lourde tombait dehors.
J’ai réfléchi pour rien. À présent comme alors
je fume une pipe en bois avec un bout d’ambre.
Ma vieille commode en chêne sent toujours bon.
Mais moi j’étais bête parce que ces choses
ne pouvaient pas changer et que c’est une pose
de vouloir chasser les choses que nous savons.
Pourquoi donc pensons-nous et parlons-nous? C’est drôle;
nos larmes et nos baisers, eux, ne parlent pas
et cependant nous les comprenons, et les pas
d’un ami sont plus doux que de douces paroles.
On a baptisé les étoiles sans penser
qu’elles n’avaient pas besoin de nom, et les nombres
qui prouvent que les belles comètes dans l’ombre
passeront, ne les forceront pas à passer.
Et maintenant même, où sont mes vieilles tristesses
de l’an dernier? À peine si je m’en souviens.
Je dirais : laissez-moi tranquille, ce n’est rien,
si dans ma chambre on venait me demander : qu’est-ce?
il y a 10 mois
François Coppée
@francoisCoppee
À une tulipe Ô rare fleur, ô fleur de luxe et de décor,
Sur ta tige toujours dressée et triomphante,
Le Velasquez eût mis à la main d’une infante
Ton calice lamé d’argent, de pourpre et d’or.
Mais, détestant l’amour que ta splendeur enfante,
Maîtresse esclave, ainsi que la veuve d’Hector,
Sous la loupe d’un vieux, inutile trésor,
Tu t’alanguis dans une atmosphère étouffante.
Tu penses à tes sœurs des grands parcs, et tu peux
Regretter le gazon des boulingrins pompeux,
La fraîcheur du jet d’eau, l’ombrage du platane ;
Car tu n’as pour amant qu’un bourgeois de Harlem,
Et dans la serre chaude, ainsi qu’en un harem,
S’exhalent sans parfum tes ennuis de sultane.