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Nature

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Nature

Poésies de la collection nature

    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    La cueillette des cerises Espiègle ! j’ai bien vu tout ce que vous faisiez, Ce matin, dans le champ planté de cerisiers Où seule vous étiez, nu-tête, en robe blanche. Caché par le taillis, j’observais. Une branche, Lourde sous les fruits mûrs, vous barrait le chemin Et se trouvait à la hauteur de votre main. Or, vous avez cueilli des cerises vermeilles, Coquette ! et les avez mises à vos oreilles, Tandis qu’un vent léger dans vos boucles jouait. Alors, vous asseyant pour cueillir un bleuet Dans l’herbe, et puis un autre, et puis un autre encore, Vous les avez piqués dans vos cheveux d’aurore ; Et, les bras recourbés sur votre front fleuri, Assise dans le vert gazon, vous avez ri ; Et vos joyeuses dents jetaient une étincelle. Mais pendant ce temps-là, ma belle demoiselle, Un seul témoin, qui vous gardera le secret, Tout heureux de vous voir heureuse, comparait, Sur votre frais visage animé par les brises, Vos regards aux bleuets, vos lèvres aux cerises.

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    Matin d'Octobre C'est l'heure exquise et matinale Que rougit un soleil soudain. À travers la brume automnale Tombent les feuilles du jardin. Leur chute est lente. On peut les suivre Du regard en reconnaissant Le chêne à sa feuille de cuivre, L'érable à sa feuille de sang. Les dernières, les plus rouillées, Tombent des branches dépouillées ; Mais ce n'est pas l'hiver encor. Une blonde lumière arrose La nature, et, dans l'air tout rose, On croirait qu'il neige de l'or.

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    Novembre Captif de l’hiver dans ma chambre Et las de tant d’espoirs menteurs, Je vois dans un ciel de novembre, Partir les derniers migrateurs. Ils souffrent bien sous cette pluie ; Mais, au pays ensoleillé, Je songe qu’un rayon essuie Et réchauffe l’oiseau mouillé. Mon âme est comme une fauvette Triste sous un ciel pluvieux ; Le soleil dont sa joie est faite Est le regard de deux beaux yeux ; Mais loin d’eux elle est exilée ; Et, plus que ces oiseaux, martyr, Je ne puis prendre ma volée Et n’ai pas le droit de partir.

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    Vieux soulier En mai, par une pure et chaude après-midi, Je cheminais au bord du doux fleuve attiédi Où se réfléchissait la fuite d’un nuage. Je suivais lentement le chemin de halage Tout en fleurs, qui descend en pente vers les eaux. Des peupliers à droite, à gauche des roseaux; Devant moi, les détours de la rivière en marche Et, fermant l’horizon, un pont d’une seule arche. Le courant murmurait, en inclinant les joncs, Et les poissons, avec leurs sauts et leurs plongeons, Sans cesse le ridaient de grands cercles de moire. Le loriot et la fauvette à tête noire Se répondaient parmi les arbres en rideau; Et ces chansons des nids joyeux et ce bruit d’eau Accompagnaient ma douce et lente flânerie. Soudain, dans le gazon de la berge fleurie, Parmi les boutons d’or qui criblaient le chemin, J’aperçus à mes pieds, – premier vestige humain Que j’eusse rencontré dans ce lieu solitaire, – Sous l’herbe et se mêlant déjà presque à la terre, Un soulier laissé là par quelque mendiant. C’était un vieux soulier, sale, ignoble, effrayant, Éculé du talon, bâillant de la semelle, Laid comme la misère et sinistre comme elle, Qui jadis fut sans doute usé par un soldat, Puis, chez le savetier, bien qu’en piteux état, Fut à quelque rôdeur vendu dans une échoppe; Un de ces vieux souliers qui font le tour d’Europe Et qu’un jour, tout meurtri, sanglant, estropié, Le pied ne quitte pas, mais qui quittent le pied. Quel poème navrant dans cette morne épave! Le boulet du forçat ou le fer de l’esclave Sont-ils plus lourds que toi, soulier du vagabond ? Pourquoi t’a-t-on laissé sous cette arche de pont? L’eau doit être profonde ici? Cette rivière N’a-t-elle pas été mauvaise conseillère Au voyageur si las et de si loin venu? Réponds! S’en alla-t-il, en traînant son pied nu, Mendier des sabots à la prochaine auberge? Ou bien, après t’avoir perdu sur cette berge, Ce pauvre, abandonné même par ses haillons, Est-il allé savoir au sein des tourbillons Si l’on n’a plus besoin, quand on dort dans le fleuve, De costume décent et de chaussure neuve? En vain je me défends du dégoût singulier Que j’éprouve à l’aspect ale ce mauvais soulier, Trouvé sur mon chemin, tout seul, dans la campagne. 11 est infâme, il a l’air de venir du bagne; Il est rouge, l’averse ayant lavé le cuir; Et je rêve de meurtre, et j’entends quelqu’un fuir Loin d’un homme râlant dans une rue obscure Et dont les clous sanglants ont broyé la figure! Abominable objet sous mes pas rencontré, Rebut du scélérat ou du désespéré, Tu donnes le frisson. Tout en toi me rappelle, Devant les fleurs, devant la nature si belle, Devant les cieux où court le doux vent aromal, Devant le bon soleil, l’éternité du mal. Tu me dis devant eux, triste témoin sincère, Que le monde est rempli de vice et de misère Et que ceux dont les pieds saignent sur les chemins, O malheur! sont bien près d’ensanglanter leurs mains. – Sois maudit, instrument de crime ou de torture! Mais qu’est-ce que cela peut faire à la nature? Voyez, il disparaît sous l’herbe des sillons; Hideux, il ne fait pas horreur aux papillons; La terre le reprend, il verdit sous la mousse, Et dans le vieux soulier une fleur des champs pousse.

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    François Fabié

    @francoisFabie

    Berger d’abeilles Le doux titre et l’emploi charmant : Être, en juin, un berger d’abeilles, Lorsque les prés sont des corbeilles Et les champs des mers de froment ; Quand les faucheurs sur les enclumes Martèlent la faux au son clair, Et que les oisillons dans l’air Font bouffer leurs premières plumes ! Berger d’abeilles, je le fus, A huit ans, la-bas, chez mon père, Lorsque son vieux rucher prospère Chantait sous ses poiriers touffus. Quel bonheur de manquer l’école Que l’été transforme en prison, De se rouler dans le gazon, Ou de suivre l’essaim qui vole, En lui disant sur un ton doux Pour qu’il s’arrête aux branches basses : » Posez-vous, car vous êtes lasses ; Belles abeilles, posez-vous ! » Nous avons des ruches nouvelles Faites d’un bois qui vous plaira ; La sauge les parfumera : Posez-vous, abeilles, mes belles ! » Et les abeilles se posaient En une énorme grappe grise Que berçait mollement la brise Dans les rameaux qui bruissaient. » Père ! criais-je, père ! arrive ! Un essaim ! » Et l’on préparait La ruche neuve où sans regret La tribu demeurait captive. Puis, sur le soir, lorsque, à pas lents, Du fond des pâtures lointaines Les troupeaux revenaient bêlants Vers l’étable et vers les fontaines, Je retrouvais mon père au seuil Comptant ses bêtes caressantes, Et lui disais avec orgueil : » Toutes les miennes sont présentes ! » Le doux titre et l’emploi charmant : Être, en juin, un berger d’abeilles, Lorsque les prés sont des corbeilles Et les champs des mers de froment !

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    François Fabié

    @francoisFabie

    Les genêts Les genêts, doucement balancés par la brise, Sur les vastes plateaux font une boule d’or ; Et tandis que le pâtre à leur ombre s’endort, Son troupeau va broutant cette fleur qui le grise ; Cette fleur qui le fait rêver d’amour, le soir, Quand il roule du haut des monts vers les étables, Et qu’il croise en chemin les grands boeufs vénérables Dont les doux beuglements appellent l’abreuvoir ; cette fleur toute d’or, de lumière et de soie, En papillons posée au bout des brins menus, Et dont les lourds parfums semblent être venus De la plage lointaine où le soleil se noie… Certes, j’aime les prés où chantent les grillons, Et la vigne pendue aux flancs de la colline, Et les champs de bleuets sur qui le blé s’incline, Comme sur des yeux bleus tombent des cheveux blonds. Mais je préfère aux prés fleuris, aux grasses plaines, Aux coteaux où la vigne étend ses pampres verts, Les sauvages sommets de genêts recouverts, Qui font au vent d’été de si fauves haleines. * * * Vous en souvenez-vous, genêts de mon pays, Des petits écoliers aux cheveux en broussailles Qui s’enfonçaient sous vos rameaux comme des cailles, Troublant dans leur sommeil les lapins ébahis ? Comme l’herbe était fraîche à l’abri de vos tiges ! Comme on s’y trouvait bien, sur le dos allongé, Dans le thym qui faisait, aux sauges mélangé, Un parfum enivrant à donner des vertiges ! Et quelle émotion lorsqu’un léger froufrou Annonçait la fauvette apportant la pâture, Et qu’en bien l’épiant on trouvait d’aventure Son nid plein d’oiseaux nus et qui tendaient le cou ! Quel bonheur, quand le givre avait garni de perles Vos fins rameaux émus qui sifflaient dans le vent, – Précoces braconniers, – de revenir souvent Tendre en vos corridors des lacets pour les merles. * * * Mais il fallut quitter les genêts et les monts, S’en aller au collège étudier des livres, Et sentir, loin de l’air natal qui vous rend ivres, S’engourdir ses jarrets et siffler ses poumons ; Passer de longs hivers dans des salles bien closes, A regarder la neige à travers les carreaux, Éternuant dans des auteurs petits et gros, Et soupirant après les oiseaux et les roses ; Et, l’été, se haussant sur son banc d’écolier, Comme un forçat qui, tout en ramant, tend sa chaîne, Pour sentir si le vent de la lande prochaine Ne vous apporte pas le parfum familier. * * * Enfin, la grille s’ouvre ! on retourne au village ; Ainsi que les genêts notre âme est tout en fleurs, Et dans les houx remplis de vieux merles siffleurs, On sent un air plus pur qui vous souffle au visage. On retrouve l’enfant blonde avec qui cent fois On a jadis couru la forêt et la lande ; Elle n’a point changé, – sinon qu’elle est plus grande, Que ses yeux sont plus doux et plus douce sa voix.  » Revenons aux genêts ! – Je le veux bien ?  » dit-elle. Et l’on va côte à côte, en causant, tout troublés Par le souffle inconnu qui passe sur les blés, Par le chant d’une source ou par le bruit d’une aile. Les genêts ont grandi, mais pourtant moins que nous ; Il faut nous bien baisser pour passer sous leurs branches, Encore accroche-t-elle un peu ses coiffes blanches ; Quant à moi, je me mets simplement à genoux. Et nous parlons des temps lointains, des courses folles, Des nids ravis ensemble, et de ces riens charmants Qui paraissent toujours si beaux aux coeurs aimants Parce que les regards soulignent les paroles. Puis le silence ; puis la rougeur des aveux, Et le sein qui palpite, et la main qui tressaille, Au loin un tendre appel de ramier ou de caille… Comme le serpolet sent bon dans les cheveux ! Et les fleurs des genêts nous font un diadème ; Et, par l’écartement des branches, haut dans l’air. Paraît comme un point noir l’alouette au chant clair Qui, de l’azur, bénit le coin d’ombre où l’on aime !… Ah ! de ces jours lointains, si lointains et si doux, De ces jours dont un seul vaut une vie entière, – Et de la blonde enfant qui dort au cimetière, – Genêts de mon pays, vous en souvenez-vous ?

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    François Fabié

    @francoisFabie

    L’automne A toute autre saison je préfère l’automne ; Et je préfère aux chants des arbres pleins de nids La lamentation confuse et monotone Que rend la harpe d’or des grands chênes jaunis. Je préfère aux gazons semés de pâquerettes Où la source égrenait son collier d’argent vif, La clairière déserte où, tristes et discrètes, Les feuilles mortes font leur bruit doux et plaintif. Plus de moissons aux champs, ni de foin aux vallées ; Mais le seigle futur rit sur les bruns sillons, Et le saule penchant ses branches désolées Sert de perchoir nocturne aux frileux oisillons. Et, depuis le ruisseau que recouvrent les aulnes Jusqu’aux sommets où, seuls, les ajoncs ont des fleurs, Les feuillages divers qui s’étagent par zones Doublent le chant des bruits de l’hymne des couleurs. Et les pommiers sont beaux, courbés sous leurs fruits roses, Et beaux les ceps sanglants marbrés de raisins noirs ; Mais plus beaux s’écroulant sous leurs langues décloses, Les châtaigniers vêtus de la pourpre des soirs. Ici c’est un grand feu de fougère flétrie D’où monte dans le ciel la fumée aux flots bleus, Et, comme elle, la vague et lente rêverie Du pâtre regardant l’horizon nébuleux. Plus loin un laboureur, sur la lande muette, S’appuie à la charrue, et le soleil couchant Détache sur fond d’or la fière silhouette Du bouvier et des boeufs arrêtés en plein champ. L’on se croirait devant un vitrail grandiose Où quelque artiste ancien, saintement inspiré, Aurait représenté dans une apothéose Le serf et l’attelage et l’araire sacré…

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    François-René de Chateaubriand

    François-René de Chateaubriand

    @francoisReneDeChateaubriand

    La mer Des vastes mers tableau philosophique, Tu plais au coeur de chagrins agité : Quand de ton sein par les vents tourmenté, Quand des écueils et des grèves antiques Sortent des bruits, des voix mélancoliques, L’âme attendrie en ses rêves se perd, Et, s’égarant de penser en penser, Comme les flots de murmure en murmure, Elle se mêle à toute la nature : Avec les vents, dans le fond des déserts, Elle gémit le long des bois sauvages, Sur l’Océan vole avec les orages, Gronde en la foudre, et tonne dans les mers. Mais quand le jour sur les vagues tremblantes S’en va mourir ; quand, souriant encor, Le vieux soleil glace de pourpre et d’or Le vert changeant des mers étincelantes, Dans des lointains fuyants et veloutés, En enfonçant ma pensée et ma vue, J’aime à créer des mondes enchantés Baignés des eaux d’une mer inconnue. L’ardent désir, des obstacles vainqueur, Trouve, embellit des rives bocagères, Des lieux de paix, des îles de bonheur, Où, transporté par les douces chimères, Je m’abandonne aux songes de mon coeur.

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    François-René de Chateaubriand

    François-René de Chateaubriand

    @francoisReneDeChateaubriand

    Le printemps, l’été et l’hiver Vallée au nord, onduleuse prairie, Déserts charmants, mon cœur, formé pour vous, Toujours vous cherche en sa mélancolie. A ton aspect, solitude chérie, Je ne sais quoi de profond et de doux Vient s’emparer de mon âme attendrie. Si l’on savait le calme qu’un ruisseau En tous mes sens porte avec son murmure, Ce calme heureux que j’ai, sur la verdure, Goûté cent fois seul au pied d’un coteau, Les froids amants du froid séjour des villes Rechercheraient ces voluptés faciles. Si le printemps les champs vient émailler, Dans un coin frais de ce vallon paisible, Je lis assis sous le rameux noyer, Au rude tronc, au feuillage flexible. Du rossignol le suave soupir Enchaîne alors mon oreille captive, Et dans un songe au-dessus du plaisir Laisse flotter mon âme fugitive. Au fond d’un bois quand l’été va durant, Est-il une onde aimable et sinueuse Qui, dans son cours, lente et voluptueuse, A chaque fleur s’arrête en soupirant ? Cent fois au bord de cette onde infidèle J’irai dormir sous le coudre odorant, Et disputer de paresse avec elle. Sous le saule nourri de ta fraîcheur amie, Fleuve témoin de mes soupirs, Dans ces prés émaillés, au doux bruit des zéphyrs, Ton passage offre ici l’image de la vie. En des vallons déserts, au sortir de ces fleurs, Tu conduis tes ondes errantes : Ainsi nos heures inconstantes Passent des plaisirs aux douleurs. Mais si voluptueux, du moins dans notre course, Du printemps nous allons jouir, Nos jours plus doucement s’éloignent de leur source, Emportant avec eux un tendre souvenir : Ainsi tu vas moins triste au rocher solitaire, Vers ces bois où tu fais toujours, Si de ces prés ton heureux cours Entraîne quelque fleur légère. De mon esprit ainsi l’enchantement Naît et s’accroît pendant tout un feuillage. L’aquilon vient, et l’on voit tristement L’arbre isolé sur le coteau sauvage Se balancer au milieu de l’orage. De blancs oiseaux en troupes partagés Quittent les bords de l’Océan antique : Tous en silence à la file rangés Fendent l’azur d’un ciel mélancolique. J’erre aux forêts où pendent les frimas : Interrompu par le bruit de la feuille Que lentement je traîne sous mes pas, Dans ses pensers mon esprit se recueille. Qui le croirait ? plaisirs solacieux, Je vous retrouve en ce grand deuil des cieux : L’habit de veuve embellit la nature. Il est un charme à des bois sans parure : Ces prés riants entourés d’aunes verts, Où l’onde molle énerve la pensée, Où sur les fleurs l’âme rêve bercée Aux doux accords du feuillage et des airs, Ces prés riants que l’aquilon moissonne, Plaisent aux cœurs. Vers la terre courbés Nous imitons, ou flétris ou tombés, L’herbe en hiver et la feuille en automne.

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    François-René de Chateaubriand

    François-René de Chateaubriand

    @francoisReneDeChateaubriand

    Le soir au bord de la mer Les bois épais, les sirtes mornes, nues, Mêlent leurs bords dans les ombres chenues. En scintillant dans le zénith d’azur, On voit percer l’étoile solitaire : A l’occident, séparé de la terre, L’écueil blanchit sous un horizon pur, Tandis qu’au nord, sur les mers cristallines, Flotte la nue en vapeurs purpurines. D’un carmin vif les monts sont dessinés ; Du vent du soir se meurt la voix plaintive ; Et mollement l’un à l’autre enchaînés, Les flots calmés expirent sur la rive. Tout est grandeur, pompe, mystère, amour : Et la nature, aux derniers feux du jour, Avec ses monts, ses forêts magnifiques, Son plan sublime et son ordre éternel, S’élève ainsi qu’un temple solennel, Resplendissant de ses beautés antiques. Le sanctuaire où le Dieu s’introduit Semble voilé par une sainte nuit ; Mais dans les airs la coupole hardie, Des arts divins, gracieuse harmonie, Offre un contour peint des fraîches couleurs De l’arc-en-ciel, de l’aurore et des fleurs.

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    François-René de Chateaubriand

    François-René de Chateaubriand

    @francoisReneDeChateaubriand

    L’amour de la campagne Que de ces prés l’émail plaît à mon cœur ! Que de ces bois l’ombrage m’intéresse ! Quand je quittai cette onde enchanteresse, L’hiver régnoit dans toute sa fureur. Et cependant mes yeux demandoient ce rivage ; Et cependant d’ennuis, de chagrins dévoré. Au milieu des palais, d’hommes froids entouré, Je regrettois partout mes amis du village. Mais le printemps me rend mes champs et mes beaux jours. Vous m’allez voir encore, ô verdoyantes plaines ! Assis nonchalamment auprès de vos fontaines, Un Tibulle à la main, me nourrissant d’amours. Fleuve de ces vallons, là, suivant tes détours, J’irai seul et content gravir ce mont paisible Souvent tu me verras, inquiet et sensible, Arrêté sur tes bords en regardant ton cours. J’y veux terminer ma carrière ; Rentré dans la nuit des tombeaux, Mon ombre, encor tranquille et solitaire, Dans les forêts cherchera le repos. Au séjour des grandeurs mon nom mourra sans gloire, Mais il vivra longtemps sous les toits de roseaux, Mais d’âge en âge en gardant leurs troupeaux, Des bergers attendris feront ma courte histoire : « Notre amî, diront-ils, naquit sous ce berceau ; Il commença sa vie à l’ombre de ces chênes ; Il la passa couché près de cette eau, Et sous les Heurs sa tombe est dans ces plaines. »

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    François-René de Chateaubriand

    François-René de Chateaubriand

    @francoisReneDeChateaubriand

    Nuit de printemps Le ciel est pur, la lune est sans nuage : Déjà la nuit au calice des fleurs Verse la perle et l’ambre de ses pleurs ; Aucun zéphyr n’agite le feuillage. Sous un berceau, tranquillement assis, Où le lilas flotte et pend sur ma tête, Je sens couler mes pensers rafraîchis Dans les parfums que la nature apprête. Des bois dont l’ombre, en ces prés blanchissants, Avec lenteur se dessine et repose, Deux rossignols, jaloux de leurs accents, Vont tour à tour réveiller le printemps Qui sommeillait sous ces touffes de rose. Mélodieux, solitaire Ségrais, Jusqu’à mon cœur vous portez votre paix ! Des prés aussi traversant le silence, J’entends au loin, vers ce riant séjour, La voix du chien qui gronde et veille autour De l’humble toit qu’habite l’innocence. Mais quoi ! déjà, belle nuit, je te perds ! Parmi les cieux à l’aurore entrouverts, Phébé n’a plus que des clartés mourantes, Et le zéphyr, en rasant le verger, De l’orient, avec un bruit léger, Se vient poser sur ces tiges tremblantes.

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    François-René de Chateaubriand

    François-René de Chateaubriand

    @francoisReneDeChateaubriand

    Nuit d’automne Mais des nuits d’automne Goûtons les douceurs ; Qu’aux aimables fleurs Succède Pomone. Le pâle couchant Brille encore à peine ; De Vénus, qu’il mène. L’astre va penchant ; La lune, emportée Vers d’autres climats, Ne montrera pas Sa face argentée. De ces peupliers, Au bord des sentiers, Les zéphyrs descendent, Dans les airs s’étendent, Effleurent les eaux, Et de ces ormeaux Raniment la sève : Comme une vapeur, La douce fraîcheur De ces bois s’élève. Sous ces arbres verts, Qu’un vent frais balance, J’entends en silence Leurs légers concerts : Mollement bercée, La voûte pressée En dôme orgueilleux Serre son ombrage, Et puis s’entr’ouvrant. Du ciel lentement Découvre l’image. Là, des nuits l’azur Dans un cristal pur Déroule ses voiles. Et le flot brillant Coule en sommeillant Sur un lit d’étoiles -Oh ! charme nouveau ! Le son du pipeau Dans l’air se déploie, Et du fond des bois M’apporte à la fois L’amour et la joie. Près des ruisseaux clairs. Au chaume d’Adèle Le pasteur fidèle Module ses airs. Tantôt il soupire, Tantôt il désire ; Se tait : tour à tour Sa simple cadence Me peint son amour Et son innocence. Dans son lit heureux La pauvre attentive Écoute, pensive, Ces sons dangereux : Le drap qui la couvre Loin d’elle a roulé, Et son œil troublé Mollement s’entr’ouvre. Tout entière au bruit Qui pendant la nuit La charme et l’accuse, Adèle au vainqueur Son aveu refuse Et donne son cœur.

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    A

    Alexis-Félix Arvers

    @alexisFelixArvers

    À Gianetta Près des ruisseaux, près des cascades, Dans les champs d’oliviers fleuris, Sur les rochers, sous les arcades Dont le temps sape les débris, Sous les murs du vieux monastère. Dans le bois qu’aime le mystère, Sous l’ombre du pin solitaire, Sous le platane aux frais abris ; A l’heure où, sous l’humble chaumière. Le chevrier prend son repas, A l’heure où brille la lumière, A l’heure où le jour ne luit pas ; L’été, quand sous le vert ombrage Tu viens t’asseoir après l’ouvrage : L’hiver, par le froid, par l’orage ; Toujours, partout, je suis tes pas. Lorsque les cloches argentines Réveillent l’oiseau dans son nid, C’est moi qui te suis à matines : Et quand la prière finit. Au sortir du temple gothique, C’est moi qui vais sous le portique T’offrir, suivant l’usage antique. L’eau sainte et le rameau bénit. Quand, vers la fin de la journée, Tu vas près du saint tribunal, Devant l’ermite prosternée. Incliner ton front virginal, C’est moi qui d’un air humble et tendre. Quand l’Angélus s’est fait entendre, Esclave assidu, vais t’attendre Auprès du confessionnal. Viens, je te dirai le cantique Que je suis allé, ce matin. Choisir pour toi dans la boutique D’un colporteur napolitain, Et contre la dent meurtrière Des loups errants dans la clairière, Je t’apprendrai quelle prière Il faut réciter en latin. Je mettrai dans ton oratoire Un missel à fermoirs dorés, Où des moines ont peint l’histoire De nos anciens livres sacrés ; Des apôtres les douze images, La bonne Vierge, et les trois Mages Au Christ apportant leurs hommages, Et baisant ses pieds adorés. Oh, regarde-moi sans colère ! Promets-moi que tu m’aimeras : Ne me défends pas de te plaire, Laisse-toi serrer dans mes bras ! Que cette froideur t’abandonne ; A péché secret Dieu pardonne, Et je mettrai sur ta madone Le voile que tu quitteras.

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    G

    Gaston Couté

    @gastonCoute

    L’école Les p’tiots matineux sont ’jà par les ch’mins Et, dans leu’ malett’ de grousse touél’ blue Qui danse et berlance en leu’ tapant l’cul, I’s portent des liv’s à coûté d’leu pain. L’matin est joli coumm’ trent’-six sourires, Le souleil est doux coumm’ les yeux des bêtes… La vie ouvre aux p’tiots son grand liv’ sans lett’es Oùsqu’on peut apprend’ sans la pein’ de lire : Ah ! les pauv’s ch’tiots liv’s que ceuss’ des malettes ! La mouésson est mûre et les blés sont blonds ; I’ s’ pench’nt vars la terr’ coumm’ les tâcherons . Qui les ont fait v’ni’ et les abattront : Ça sent la galette au fournil des riches Et, su’la rout’, pass’nt des tireux d’pieds d’biche. Les chiens d’ deux troupets qui vont aux pâtis, Les moutons itou et les mé’s barbis Fray’nt et s’ent’erlich’nt au long des brémailles Malgré qu’les bargers se soyin bouquis Un souér d’assemblé’, pour eune garçaille. Dans les ha’s d’aubier qu’en sont ros’s et blanches, Les moignieaux s’accoupl’nt, à tout bout de branches, Sans s’douter qu’les houmm’s se mari’nt d’vant l’maire, Et i’s s’égosill’nt à quérrier aux drôles L’Amour que l’on r’jitt’ des liv’s’de l’école Quasi coumme eun’ chous’ qui s’rait pas à faire. A l’oré’ du boués, i’ s’trouve eun’ grand crouéx, Mais les peupéiers sont pus grands dans l’boués. L’fosséyeux encave un mort sous eun’ pierre, On baptise au bourg : les cloches sont claires Et les vign’s pouss’ vart’s, sur l’ancien cim’tiére ! Ah ! Les pauv’s ch’tiots liv’s que ceuss’ des malettes ! Sont s’ment pas foutus d’vous entrer en tète Et, dans c’ti qu’est là, y a d’quoué s’empli l’coeur ! A s’en empli l’coeur, on d’vienrait des hoummes, Ou méchants ou bons – n’importe ben coumme! – Mais, vrais coumm’ la terre en friche ou en fleurs, L’souleil qui fait viv’e ou la foud’ qui tue. Et francs, aussi francs que la franch’ Nature, Les p’tiots ont marché d’leu’s p’tit’s patt’s, si ben Qu’au-d’ssus des lopins de seigle et d’luzarne, Gris’ coumme eun’ prison, haut’ coumme eun’ casarne L’Ecole est d’vant eux qui leu’ bouch’ le ch’min. L’mét’ d’école les fait mett’e en rangs d’ougnons Et vire à leu’têt’ coumme un général :  » En r’tenu’, là-bas !… c’ti qui pivott’ mal !… » Ça c’est pou’ l’cougner au méquier d’troufion. On rent’ dans la classe oùsqu’y a pus bon d’Guieu : On l’a remplacé par la République ! De d’ssus soun estrad’ le met’ leu-z-explique C’qu’on y a expliqué quand il ‘tait coumme eux. I’leu’ conte en bieau les tu’ri’s d’ l’Histouére, Et les p’tiots n’entend’nt que glouère et victouére : I’ dit que l’travail c’est la libarté, Que l’Peuple est souv’rain pisqu’i’ peut voter, Qu’les loués qu’instrument’nt nous bons députés Sont respectab’s et doiv’nt êt respectées, Qu’faut payer l’impôt…  » Môssieu, j’ai envie ! … – Non ! .., pasque ça vous arriv’ trop souvent ! » I veut démontrer par là aux enfants Qu’y a des régu’s pour tout, mêm’ pou’la vessie Et qu’i’ faut les suiv’déjà, dret l’école. I’pétrit à mêm’ les p’tits çarvell’s molles, I’rabat les fronts têtus d’eun’ calotte, I’ varse soun’ encr’ su’ les fraîch’s menottes Et, menteux, fouéreux, au sortu’ d’ses bancs Les p’tiots sont pus bons qu’â c’qu’i’ les attend: Ça f’ra des conscrits des jours de r’vision Traînant leu’ drapieau par tous les bordels, Des soldats à fout’e aux goul’s des canons Pour si peu qu’les grous ayin d’la querelle, Des bûcheux en grippe aux dents des machines, Des bons citoyens à jugeotte d’ouée : Pousseux d’bull’tins d’vote et cracheux d’impôts, Des cocus devant l’Eglise et la Loué Qui bav’ront aux lév’s des pauv’s gourgandines, Des hounnètes gens, des gens coumme i’faut Qui querv’ront, sarrant l’magot d’un bas d’laine, Sans vouer les étouel’s qui fleuriss’nt au ciel Et l’Avri’ en fleurs aux quat’ coins d’la plaine !… Li ! l’vieux met’ d’école, au fin bout d’ses jours Aura les ch’veux blancs d’un déclin d’âg’ pur ; I’ s’ra ensarré d’l’estime d’tout l’bourg Et touch’ra les rent’s du gouvernement… Le vieux maît’ d’écol’ ne sera pourtant Qu’un grand malfaiseux devant la Nature !..

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    George Sand

    George Sand

    @georgeSand

    À Aurore La nature est tout ce qu’on voit, Tout ce qu’on veut, tout ce qu’on aime. Tout ce qu’on sait, tout ce qu’on croit, Tout ce que l’on sent en soi-même. Elle est belle pour qui la voit, Elle est bonne à celui qui l’aime, Elle est juste quand on y croit Et qu’on la respecte en soi-même. Regarde le ciel, il te voit, Embrasse la terre, elle t’aime. La vérité c’est ce qu’on croit En la nature c’est toi-même.

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    Germain Nouveau

    Germain Nouveau

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    Ciels Le Ciel a de jeunes pâturages Tendres, vers un palais triste et vermeil : Un Essaim d’Heures sauvages Guide Pasiphaé, petite-fille du Soleil. Des troupeaux silencieux du ciel, Un nuage, un doux taureau s’écume, Se détache, avec le souci réel Du Baiser qui l’arrose et la parfume. Et ces neiges, fraîcheur et ferveur, Au ciel des étreintes fatales, S’unissent, ô Douleur ! Le taureau roule sur la prairie idéale. La Passion plus doucement encore a lui Sous le Baiser qui les parfume et les arrose, Ils s’absorbent au ciel qui les absorbe en lui. Reste seule la bave du Baiser, amère et rose. Le Couchant a brûlé comme un palais, Et le ciel s’aveugle avec les cendres Qu’un Dieu noir chasse avec un balai. Vénus, diamant et feu, au jardin d’amour, va pendre. I Autour de la jeune Eglise, Par les prés et les clôtures Et les vieilles routes pures, La nuit comme une eau s’épuise. II C’est l’aube toute divine Et la plage violette, Avec des voiles en fête Au ciel tel qu’une marine. III Guerre et semaille, avalanches De nos thèmes et nos mythes, Par les labours sans limites Sommeillant pour les revanches. IV Mais le sang petit et pâle Que l’aurore a dans les veines, Ô Seigneur ! est-ce nos peines Ou votre pitié fatale ? V Nos voeux des vôtres sont frères, Vous tous dont le coeur murmure Depuis l’ancienne aventure Montez, Aubes et Colères !

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    Germain Nouveau

    Germain Nouveau

    @germainNouveau

    En forêt Dans la forêt étrange, c’est la nuit ; C’est comme un noir silence qui bruit ; Dans la forêt, ici blanche et là brune, En pleurs de lait filtre le clair de lune. Un vent d’été, qui souffle on ne sait d’où, Erre en rêvant comme une âme de fou ; Et, sous des yeux d’étoile épanouie, La forêt chante avec un bruit de pluie. Parfois il vient des gémissements doux Des lointains bleus pleins d’oiseaux et de loups ; Il vient aussi des senteurs de repaires ; C’est l’heure froide où dorment les vipères, L’heure où l’amour s’épeure au fond du nid, Où s’élabore en secret l’aconit ; Où l’être qui garde une chère offense, Se sentant seul et loin des hommes, pense. – Pourtant la lune est bonne dans le ciel, Qui verse, avec un sourire de miel, Son âme calme et ses pâleurs amies Au troupeau roux des roches endormies.

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    G

    Grégory Rateau

    @gregoryRateau

    En travaillant la terre Le vieux est là Muet comme une souche Il attend que le nuage passe Ses outils sont comme des promesses Un supplément de force Malgré les années Chaque muscle est à sa place Pour faucher Bêcher Ratisser Je regarde ma main Pas un pli La finesse des doigts qui ne trompe pas Elle n’a donc servi à rien Le vieux ne me le dit pas Trop brave Sa poigne montre l’exemple Mes pas deviennent les siens Je suis vite à la traîne Sans un mot Le voilà qui porte deux fois plus que moi J’ai vu la ville de près ses fulgurances Ses éclats mystiques Ses passions au rabais Rastignac du pauvre J’ai croisé le fer avec elle Ne blessant que moi-même Le vieux n’a rien vu lui Aucune lutte Une simple ligne d’horizon Des remparts de forêts sous un ciel vide Il ne goûtera jamais à l’ennui qui élève Aux délices de la foule Son champ sera sa seule ivresse Et pourtant lui en a palpé de la terre Sué pour la rendre fertile Son nom restera une empreinte Que laisserai-je dans le bitume ? Des projets froissés Des rêves léthargiques… Au loin je vois des tours Les murs se rapprochent Que restera-t-il du vieux Quand même les arbres alentour seront maigres comme mes dix doigts ?

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    Annie Sur la côte du Texas Entre Mobile et Galveston il y a Un grand jardin tout plein de roses Il contient aussi une villa Qui est une grande rose Une femme se promène souvent Dans le jardin toute seule Et quand je passe sur la route bordée de tilleuls Nous nous regardons Comme cette femme est mennonite Ses rosiers et ses vêtements n’ont pas de boutons Il en manque deux à mon veston La dame et moi suivons presque le même rite

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    Aquarelliste À Mademoiselle Yvonne M… Yvonne sérieuse au visage pâlot A pris du papier blanc et des couleurs à l’eau Puis rempli ses godets d’eau claire à la cuisine. Yvonnette aujourd’hui veut peindre. Elle imagine De quoi serait capable un peintre de sept ans. Ferait-elle un portrait ? Il faudrait trop de temps Et puis la ressemblance est un point difficile À saisir, il vaut mieux peindre de l’immobile Et parmi l’immobile inclus dans sa raison Yvonnette a fait choix d’une belle maison Et la peint toute une heure en enfant douce et sage. Derrière la maison s’étend un paysage Paisible comme un front pensif d’enfant heureux, Un paysage vert avec des monts ocreux. Or plus haut que le toit d’un rouge de blessure Monte un ciel de cinabre où nul jour ne s’azure. Quand j’étais tout petit aux cheveux longs rêvant, Quand je stellais le ciel de mes ballons d’enfant, Je peignais comme toi, ma mignonne Yvonnette, Des paysages verts avec la maisonnette, Mais au lieu d’un ciel triste et jamais azuré J’ai peint toujours le ciel très bleu comme le vrai.

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    Guillaume Apollinaire

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    @guillaumeApollinaire

    Automne Malade Automne malade et adoré Tu mourras quand l’ouragan soufflera dans les roseraies Quand il aura neigé Dans les vergers Pauvre automne Meurs en blancheur et en richesse De neige et de fruits mûrs Au fond du ciel Des éperviers planent Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines Qui n’ont jamais aimé Aux lisières lointaines Les cerfs ont bramé Et que j’aime ô saison que j’aime tes rumeurs Les fruits tombant sans qu’on les cueille Le vent et la forêt qui pleurent Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille Les feuilles Qu’on foule Un train Qui roule La vie S’écoule

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    Guillaume Apollinaire

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    Clair de Lune Lune mellifluente aux lèvres des déments Les vergers et les bourgs cette nuit sont gourmands Les astres assez bien figurent les abeilles De ce miel lumineux qui dégoutte des treilles Car voici que tout doux et leur tombant du ciel Chaque rayon de lune est un rayon de miel Or caché je conçois la très douce aventure J’ai peur du dard de feu de cette abeille Arcture Qui posa dans mes mains des rayons décevants Et prit son miel lunaire à la rose des vents

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    Guillaume Apollinaire

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    @guillaumeApollinaire

    Enfance Au jardin des cyprès je filais en rêvant, Suivant longtemps des yeux les flocons que le vent Prenait à ma quenouille, ou bien par les allées Jusqu’au bassin mourant que pleurent les saulaies Je marchais à pas lents, m’arrêtant aux jasmins, Me grisant du parfum des lys, tendant les mains Vers les iris fées gardés par les grenouilles. Et pour moi les cyprès n’étaient que des quenouilles, Et mon jardin, un monde où je vivais exprès Pour y filer un jour les éternels cyprès.

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

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    Je t’adore mon Lou Je t’adore mon Lou et par moi tout t’adore Les chevaux que je vois s’ébrouer aux abords L’appareil des monuments latins qui me contemplent Les artilleurs vigoureux qui dans leur caserne rentrent Le soleil qui descend lentement devant moi Les fantassins bleu pâle qui partent pour le front pensent à toi Car ô ma chevelue de feu tu es la torche Qui m’éclaire ce monde et flamme tu es ma force Dans le ciel les nuages Figurent ton image Le mistral en passant Emporte mes paroles Tu en perçois le sens C’est vers toi qu’elles volent Tout le jour nos regards Vont des Alpes au Gard Du Gard à la Marine Et quand le jour décline Quand le sommeil nous prend Dans nos lits différents Nos songes nous rapprochent Objets dans la même poche Et nous vivons confondus Dans le même rêve éperdu Mes songes te ressemblent Les branches remuées ce sont tes yeux qui tremblent Et je te vois partout toi si belle et si tendre Les clous de mes souliers brillent comme tes yeux La vulve des juments est rose comme la tienne Et nos armes graissées c’est comme quand tu me veux Ô douceur de ma vie c’est comme quand tu m’aimes L’hiver est doux le ciel est bleu Refais-me le refais-me le Toi ma chère permission Ma consigne ma faction Ton amour est mon uniforme Tes doux baisers sont les boutons Ils brillent comme l’or et l’ornent Et tes bras si roses si longs Sont les plus galants des galons Un monsieur près de moi mange une glace blanche Je songe au goût de ta chair et je songe à tes hanches À gauche lit son journal une jeune dame blonde Je songe à tes lettres où sont pour moi toutes les nouvelles du monde Il passe des marins la mer meurt à tes pieds Je regarde ta photo tu es l’univers entier J’allume une allumette et vois ta chevelure Tu es pour moi la vie cependant qu’elle dure Et tu es l’avenir et mon éternité Toi mon amour unique et la seule beauté Nimes, le 10 janvier 1915

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    Guillaume Apollinaire

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    Les colchiques Le pré est vénéneux mais joli en automne Les vaches y paissant Lentement s’empoisonnent Le colchique couleur de cerne et de lilas Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là Violâtres comme leur cerne et comme cet automne Et ma vie pour tes yeux lentement s’empoisonne Les enfants de l’école viennent avec fracas Vêtus de hoquetons et jouant de l’harmonica Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières Qui battent comme les fleurs battent au vent dément Le gardien du troupeau chante tout doucement Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l’automne

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

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    Les saltimbanques Dans la plaine les baladins S’éloignent au long des jardins Devant l’huis des auberges grises Par les villages sans églises. Et les enfants s’en vont devant Les autres suivent en rêvant Chaque arbre fruitier se résigne Quand de très loin ils lui font signe. Ils ont des poids ronds ou carrés Des tambours, des cerceaux dorés L’ours et le singe, animaux sages Quêtent des sous sur leur passage.

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

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    Lou, mon étoile L’étoile nommée Lou est aussi belle aussi voluptueuse qu’une jolie fille vicieuse Elle est assise dans un météore agencé comme une automobile de luxe Autour d’elle se tiennent les autres étoiles ses amies Autour de l’automobile stellaire s’étend l’infini éthéré Les Planètes rutilantes se montrent tour à tour comme des déesse callipyges sur l’horizon La voie Lactée monte comme une poussière derrière Le météore automobile Des guirlandes d’astres décorent l’infini Le météore automobile luxueux et architectural Comme un palais est monté sur un bolide énorme qui tonne à travers les cieux Qu’il sillonne d’éclairs versicolores et durables comme de merveilleux feux de Bengale Et doux comme des baisers éternels Et des rayons de soleils ombragent Ainsi de beaux arbres printaniers La route diaphane Ô Lou, étoile nommée Lou la plus belle des étoiles Ô reine des Étoiles Ton royaume s’étend en plaines animées comme les oiseaux En plaines mouvantes comme un régiment De fantassins nomades Étoile Lou, beau sein de neige rose Petit nichon exquis de la douce nuit Clitoris délectable de la brise embaumée d’Avant l’Aube Les autres astres sont ridicules et sont tes bouffons Ils jouent pour toi des comédies Fantasmagoriques Ils font les fous pour que l’Étoile nommée Lou ne s’embête pas Et parfois les nuits sont mortelles L’étoile nommée Lou Traverse des prairies d’asphodèles Et des fantômes infidèles Pleuvent dans les abîmes autour d’elle Mais cette nuit est si belle!… Je ne vois que l’étoile que j’aime. Elle est la splendeur du firmament Et je ne vois qu’elle Elle est un petit trou charmant aux fesses des nuages Elle est l’étoile des Étoiles Elle est l’étoile d’Amour Ô nuit ô nuit dure toujours ainsi Mais voici Les gerbes des obus en déroute Qui me voile Mon étoile Je baisse les yeux vers les ténèbres de ma forêt Et mon intelligence amoureuse Devient oiseau Pour aller revoir plus haut plus haut Plus haut toujours Ce petit cœur bleuâtre Qu’est mon étoile nommée Lou Ma douce étoile qui fait vibrer au ciel Des mots d’amour exquis Qui viennent en lents airs dolents qui correspondent nuance à nuance à chaque chose que je pense. Étoile Lou fais-moi monter vers toi Prends-moi dans ta splendeur Que je sois ébloui et presque épouvanté Que l’espace bleu se creuse à l’infini Que l’horizon disparaisse Que tous les astres grandissent Et pour finir fais-moi pénétrer dans ton paradis Que j’éprouve une sensation De bien-être inouï Que j’absorbe par toute ma chair, toute mon âme Ta lumière exquise Ô mon paradis ! Courmelois, le 3 juin 1915

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    Guillaume Apollinaire

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    @guillaumeApollinaire

    Mai Le mai le joli mai en barque sur le Rhin Des dames regardaient du haut de la montagne Vous êtes si jolies mais la barque s’éloigne Qui donc a fait pleurer les saules riverains ? Or des vergers fleuris se figeaient en arrière Les pétales tombés des cerisiers de mai Sont les ongles de celle que j’ai tant aimée Les pétales flétris sont comme ses paupières Sur le chemin du bord du fleuve lentement Un ours un singe un chien menés par des tziganes Suivaient une roulotte traînée par un âne Tandis que s’éloignait dans les vignes rhénanes Sur un fifre lointain un air de régiment Le mai le joli mai a paré les ruines De lierre de vigne vierge et de rosiers Le vent du Rhin secoue sur le bord les osiers Et les roseaux jaseurs et les fleurs nues des vignes

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    Marie Vous y dansiez petite fille Y danserez-vous mère-grand C’est la maclotte qui sautille Toutes les cloches sonneront Quand donc reviendrez-vous Marie Les masques sont silencieux Et la musique est si lointaine Qu’elle semble venir des cieux Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine Et mon mal est délicieux Les brebis s’en vont dans la neige Flocons de laine et ceux d’argent Des soldats passent et que n’ai-je Un cœur à moi ce cœur changeant Changeant et puis encor que sais-je

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