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Nature

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Nature

Poésies de la collection nature

    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    Pétales de pivoine Pétales de pivoine Trois pétales de pivoine Rouges comme une pivoine Et ces pétales me font rêver Ces pétales ce sont Trois belles petites dames À peau soyeuse et qui rougissent De honte D’être avec des petits soldats Elles se promènent dans les bois Et causent avec les sansonnets Qui leur font cent sonnets Elles montent en aéroplane Sur de belles libellules électriques Dont les élytres chatoient au soleil Et les libellules qui sont De petites diablesses Font l’amour avec les pivoines C’est un joli amour contre nature Entre demoiselles et dames Trois pétales dans la lettre Trois pétales de pivoine. Quand je fais pour toi mes poèmes quotidiens et variés Lou je sais bien pourquoi je suis ici À regarder fleurir l’obus à regarder venir la torpille aérienne À écouter gauler les noix des véhémentes mitrailleuses Je chante ici pour que tu chantes pour que tu danses Pour que tu joues avec l’amour Pour que tes mains fleurissent comme des roses Et tes jambes comme des lys Pour que ton sommeil soit doux Aujourd’hui Lou je ne t’offre en bouquet poétique Que les tristes fleurs d’acier Que l’on désigne par leur mesure en millimètres (Où le système métrique va-t-il se nicher) On l’applique à la mort qui elle ne danse plus Mais survit attentive au fond des hypogées Mais trois pétales de pivoine Sont venus comme de belles dames En robe de satin grenat Marquise Quelle robe exquise Comtesse Les belles f…es Baronne Écoutez la Mort qui ronronne Trois pétales de pivoine Me sont venus de Paris Courmelois, le 22 mai 1915

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    Guy de Maupassant

    Guy de Maupassant

    @guyDeMaupassant

    Au moment où Phébus… Au moment où Phébus en son char remontait, Où la lune chassée à grands pas s’enfuyait, Je voulus faire un peu ma cour à la nature, Visiter les bosquets tout remplis de verdure, M’égarer dans les bois et longer les ruisseaux, Cueillir la violette, écouter les oiseaux. C’était l’heure où le Dieu sortant de sa demeure Laissait seule Thétis et fuyait devant l’heure. Alors le jour naissait, dissipait le sommeil Et trouvait le chrétien joyeux d’un bon réveil; Alors le laboureur, plein d’un noble courage, Allait tout aussitôt reprendre son ouvrage. Je longeais en silence un mince filet d’eau Qui coulait doucement sous un ciel pur et beau. Tantôt il parcourait une plaine fleurie Et faisait cent détours à travers la prairie, Et tantôt dans son cours rencontrant un rocher, Il amassait ses eux pour se précipiter. Yvetot, 1863

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    Guy de Maupassant

    Guy de Maupassant

    @guyDeMaupassant

    Le dieu créateur La nature, d’essai en essai, allant du plus imparfait au plus parfait, arrive à cette dernière création qui mit pour la première fois l’homme sur la terre. Pourquoi le jour ne viendrait-il pas où notre race sera effacée, où nos ossements déterrés ne sembleront aux espèces vivantes que des ébauches grossières d’une nature qui s’essaie? Jouffroy Dieu, cet être inconnu dont nul n’a vu la face, Roi qui commande aux rois et règne dans l’espace, Las d’être toujours seul, lui dont l’infinité De l’univers sans bornes emplit l’immensité, Et d’embrasser toujours, seul, par sa plénitude De l’espace et des temps la sombre solitude, De rester toujours tel qu’il a toujours été, Solitaire et puissant durant l’Éternité, Portant de sa grandeur la marque indélébile, D’être le seul pour qui le temps soit immobile, Pour qui tout le passé reste sans souvenir Et qui n’attend rien de l’immense avenir; Qui de la nuit des temps perce l’ombre profonde; Pour qui tout soit égal, pour qui tout se confonde Dans l’éternel ennui d’un éternel présent, Solitaire et puissant et pourtant impuissant A changer son destin dont il n’est pas le maître, Le grand Dieu qui peut tout ne peut pas ne pas être! Et ce Dieu souverain, fatigué de son sort, Peut-être en sa grandeur a désiré la mort! Une éternité passe, et toujours solitaire Il voit l’éternité se dresser tout entière! Enfin las de rester seul avec son ennui Des astres au front d’or il a peuplé la nuit; Dans l’espace flottait comme un chaos immonde; De la matière impure il a formé le monde. Depuis longtemps la masse aride errait toujours, Comme Dieu solitaire et dans la nuit sans jours; Mais les astres brillaient et quelquefois dans l’ombre Un beau rayon de feu courant par la nuit sombre Éclairait tout à coup le sol inhabité Cachant comme un proscrit sa triste nudité!< Soudain levant son bras, le grand Dieu solitaire Alluma le soleil et regarda la terre! Alors tout s’anima sous l’ardeur de ses feux, L’arbre géant tordit ses membres monstrueux, La végétation monta, puissante, énorme, Premier essai de Dieu, production informe Et le globe roulant ses prés, ses grands bois verts, Tournait silencieux dans le vaste univers, Balançant dans le ciel sur sa tête parée Et ses hautes forêts et sa mer azurée. Pourtant Dieu le trouva triste et nu comme lui. Rêveur, il y jeta le feu qui gronde et luit; Alors tout disparut, englouti sous la flamme. Mais quand il renaquit, le monde avait une âme. C’était la vie ardente, aux souffles tout-puissants, Mais confuse et jetée en des êtres pesants Faits de vie et de sève et de chair et d’argile Comme l’oeuvre incomplet d’un artiste inhabile. Monstres hideux sortant de gouffres inconnus Qui traînaient au soleil leurs corps mous et charnus. Se penchant de nouveau, Dieu regarda la terre, Elle tournait toujours sauvage et solitaire. Tout paraissait tranquille et calme; mais parfois Quelque bête en hurlant passait dans les grands bois, D’arbres déracinés laissant un long sillage, Et son dos monstrueux soulevait le feuillage; Elle allait mugissante et traînant lentement Son corps inerte et lourd sous le bleu firmament; Et sa voix bondissait par l’écho répétée Jusqu’au trône de Dieu dans l’espace emportée; Et puis tout se taisait et l’on ne voyait plus Que le flot verdoyant des grands arbres touffus. Mais toujours mécontent, ce Dieu lança sa foudre, Alors tout disparut brûlé, réduit en poudre. Puis la sève revint, ainsi qu’un sang vermeil Dans les veines du sol qu’échauffait le soleil, L’herbe verte et les fleurs cachaient la terre nue; L’arbre ne portait plus sa tête dans la nue; De frêles arbrisseaux les monts étaient couverts Tout renaissait plus beau dans le jeune univers. Mais un jour, tout à coup, tout trembla sur la terre, Son globe n’était plus désert et solitaire; Le grand bois tressaillit, car un être inconnu Sur l’univers esclave a levé son bras nu. Le monde tout entier a plié sous cet être; Regardant la nature, il a dit: « Je suis maître. » Regardant le soleil, il a dit: « C’est pour moi. » L’animal furieux fuyait tremblant d’effroi; Il a dit: « C’est à moi »; le ciel brillait d’étoiles, Il a dit: « Dieu c’est moi. » L’ombre étendit ses voiles: L’homme d’une étincelle embrasa les forêts, Et du Dieu créateur arrachant les secrets, Seul, perdu dans l’espace, il se bâtit un monde. Tout plia sous ses lois, le feu, la terre et l’onde. Mais il marche toujours et depuis six mille ans Rien n’a pu ralentir ses progrès insolents, Et souvent quand il parle, on a cru que la vie Jaillissait du néant au gré de son envie. Mais cet être qui tient la terre sous sa loi, Qui de ce monde errant s’est proclamé le roi; Cet être formidable armé d’intelligence, Qui sur tout ce qui vit exerce sa puissance, Qu’est-il lui-même? Ainsi que ces monstres si lourds Qui furent le dessin des races de nos jours; Que les arbres géants, aux têtes souveraines Dont nous avons trouvé des forêts souterraines, L’homme n’est-il aussi qu’un ouvrage incomplet, Que l’ébauche et le plan d’un être plus parfait; Ira-t-il au néant? Ou sa tâche finie, Montera-t-il au Dieu qui lui donna la vie? Ô vous, vieux habitants des siècles d’autrefois Qui seuls mêliez vos cris au grand souffle des bois, Qui vîntes les premiers dans ce monde où nous sommes, Le dernier échelon, dites, sont-ce les hommes? Vous êtes disparus avec les siècles morts; Si nous passons aussi, que sommes-nous alors? Seigneur, Dieu tout-puissant, quand je veux te comprendre, Ta grandeur m’éblouit et vient me le défendre. Quand ma raison s’élève à ton infinité Dans le doute et la nuit je suis précipité, Et je ne puis saisir, dans l’ombre qui m’enlace Qu’un éclair passager qui brille et qui s’efface. Mais j’espère pourtant, car là-haut tu souris! Car souvent, quand un jour se lève triste et gris, Quand on ne voit partout que de sombres images, Un rayon de soleil glisse entre deux nuages Qui nous montre là-bas un petit coin d’azur; Quand l’homme doute et que tout lui paraît obscur, Il a toujours à l’âme un rayon d’espérance; Car il reste toujours, même dans la souffrance, Au plus désespéré, par le temps le plus noir, Un peu d’azur au ciel, au coeur un peu d’espoir. (1868)

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    Guy de Maupassant

    Guy de Maupassant

    @guyDeMaupassant

    Légende de la chambre des demoiselles à Étretat Lentement le flot arrive Sur la rive Qu’il berce et flatte toujours. C’est un triste chant d’automne Monotone Qui pleure après les beaux jours. Sur la côte solitaire Est une aire Jetée au-dessus des eaux ; Un étroit passage y mène, Vrai domaine Des mauves et des corbeaux. C’est une grotte perdue, Suspendue Entre le ciel et les mers, Une demeure ignorée Séparée Du reste de l’univers. Jadis plus d’une gentille Jeune fille Y vint voir son amoureux ; On dit que cette retraite Si discrète A caché bien des heureux. On dit que le clair de lune Vit plus d’une Jouvencelle au coeur léger Prendre le sentier rapide, Intrépide Insouciante au danger. Mais comme un aigle tournoie Sur sa proie, Les guettait l’ange déchu, Lui qui toujours laisse un crime Où s’imprime L’ongle de son pied fourchu. Un soir près de la colline Qui domine Ce roc au front élancé, Une fillette ingénue Est venue Attendant son fiancé. Or celui qui perdit Eve, Sur la grève La suivit d’un pied joyeux ; « Hymen, dit-il, vous invite, « Venez vite, « La belle fille aux doux yeux, « Là-bas sur un lit de roses « Tout écloses « Vous attend le jeune Amour ; « Pour accomplir ses mystères « Solitaires « Il a choisi cette tour. » Elle était folle et légère, L’étrangère, Hélas, et n’entendit pas Pleurer son ange fidèle, Et près d’elle Satan qui riait tout bas. Car elle suivit son guide Si perfide Et par le sentier glissant. Bat la rive Mais lui, félon, de la cime, Dans l’abîme Il la jeta, – Dieu Puissant ! Son ombre pâle est restée Tourmentée, Veillant sur l’étroit chemin. Sitôt que de cette roche On approche Elle étend sa blanche main. Depuis qu’en ces lieux, maudite Elle habite, Aucun autre n’est tombé. C’est ainsi qu’elle se venge De l’archange Auquel elle a succombé. Allez la voir, Demoiselles, Jouvencelles Que mon récit attrista, Car pour vous la renommée L’a nommée Cette grotte d’Étretat ! A son pied le flot arrive Bat la rive Qu’il berce et flatte toujours. C’est un triste chant d’automne Monotone Qui pleure après les beaux jours. (15 décembre 1922)

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    Guy de Maupassant

    Guy de Maupassant

    @guyDeMaupassant

    L’oiseleur L’oiseleur Amour se promène Lorsque les coteaux sont fleuris, Fouillant les buissons et la plaine ; Et chaque soir sa cage est pleine Des petits oiseaux qu’il a pris. Aussitôt que la nuit s’efface Il vient, tend avec soin son fil, Jette la glu de place en place, Puis sème, pour cacher la trace, Quelques brins d’avoine ou de mil. Il s’embusque au coin d’une haie, Se couche aux berges des ruisseaux, Glisse en rampant sous la futaie, De crainte que son pied n’effraie Les rapides petits oiseaux. Sous le muguet et la pervenche L’enfant rusé cache ses rets, Ou bien sous l’aubépine blanche Où tombent, comme une avalanche, Linots, pinsons, chardonnerets. Parfois d’une souple baguette D’osier vert ou de romarin Il fait un piège, et puis il guette Les petits oiseaux en goguette Qui viennent becqueter son grain. Étourdi, joyeux et rapide, Bientôt approche un oiselet : Il regarde d’un air candide, S’enhardit, goûte au grain perfide, Et se prend la patte au filet. Et l’oiseleur Amour l’emmène Loin des coteaux frais et fleuris, Loin des buissons et de la plaine, Et chaque soir sa cage est pleine Des petits oiseaux qu’il a pris.

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    Guy de Maupassant

    Guy de Maupassant

    @guyDeMaupassant

    Promenade à seize ans La terre souriait au ciel bleu. L’herbe verte De gouttes de rosée était encor couverte. Tout chantait par le monde ainsi que dans mon coeur. Caché dans un buisson, quelque merle moqueur Sifflait. Me raillait-il ? Moi, je n’y songeais guère. Nos parents querellaient, car ils étaient en guerre Du matin jusqu’au soir, je ne sais plus pourquoi. Elle cueillait des fleurs, et marchait près de moi. Je gravis une pente et m’assis sur la mousse A ses pieds. Devant nous une colline rousse Fuyait sous le soleil jusques à l’horizon. Elle dit : « Voyez donc ce mont, et ce gazon Jauni, cette ravine au voyageur rebelle ! » Pour moi je ne vis rien, sinon qu’elle était belle. Alors elle chanta. Combien j’aimais sa voix ! Il fallut revenir et traverser le bois. Un jeune orme tombé barrait toute la route ; J’accourus ; je le tins en l’air comme une voûte Et, le front couronné du dôme verdoyant, La belle enfant passa sous l’arbre en souriant. Émus de nous sentir côte à côte, et timides, Nous regardions nos pieds et les herbes humides. Les champs autour de nous étaient silencieux. Parfois, sans me parler, elle levait les yeux ; Alors il me semblait (je me trompe peut-être) Que dans nos jeunes coeurs nos regards faisaient naître Beaucoup d’autres pensers, et qu’ils causaient tout bas Bien mieux que nous, disant ce que nous n’osions pas.

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    Gérard de Nerval

    Gérard de Nerval

    @gerardDeNerval

    Le relais En voyage, on s’arrête, on descend de voiture ; Puis entre deux maisons on passe à l’aventure, Des chevaux, de la route et des fouets étourdi, L’œil fatigué de voir et le corps engourdi. Et voici tout à coup, silencieuse et verte, Une vallée humide et de lilas couverte, Un ruisseau qui murmure entre les peupliers, – Et la route et le bruit sont bien vite oubliés !

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    Gérard de Nerval

    Gérard de Nerval

    @gerardDeNerval

    Le réveil en voiture Voici ce que je vis : Les arbres sur ma route Fuyaient mêlés, ainsi qu’une armée en déroute, Et sous moi, comme ému par les vents soulevés, Le sol roulait des flots de glèbe et de pavés ! Des clochers conduisaient parmi les plaines vertes Leurs hameaux aux maisons de plâtre, recouvertes En tuiles, qui trottaient ainsi que des troupeaux De moutons blancs, marqués en rouge sur le dos ! Et les monts enivrés chancelaient, – la rivière Comme un serpent boa, sur la vallée entière Étendu, s’élançait pour les entortiller… — J’étais en poste, moi, venant de m’éveiller !

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    I

    Isaac Lerutan

    @isaacLerutan

    L’ombre des anges Je traverserai les villes J’emporterai ta voix J’irai chercher le feu dans le ciel Et le vent dans nos voiles Quand l’ombre des nuages Démasquera nos souffles Nous volerons sereins Par les chemins du sort Et nos songes en fuite Eviteront les gouffres Pour balayer ensuite Les traces de nos morts Je traverserai les villes J’emporterai ta voix J’irai chercher le feu dans le ciel Et le vent dans nos voiles Une étoile se repose Dès qu’un ange s’endort…

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    I

    Isabelle Callis-Sabot

    @isabelleCallisSabot

    Les roses du jardin Belles étaient, les roses du jardin, Naguère encor, blanches et parfumées, Et de rosée si joliment parées, Épanouies au soleil du matin. Hélas l’automne a voulu leur déclin ; Le vent, la pluie et les primes gelées Les ont fanées, enlaidies, défeuillées ; L’hiver, cruel, les a fauchées soudain. Voici venue la saison des chagrins, Des longs soupirs, des heures endeuillées, Des mauvais jours, des funestes pensées, Des grands regrets, des rêves incertains. Mais le printemps reviendra, et demain Les nobles fleurs s’éveilleront d’emblée En déployant leur robe immaculée… Belles seront, les roses du jardin.

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    I

    Isabelle Callis-Sabot

    @isabelleCallisSabot

    Novembre La forêt se défait de ses belles couleurs, Dans le froid du matin quelques rêves s’accrochent, L’automne se consume et l’hiver se rapproche, Le temps s’écoule avec une extrême langueur… Au long sommeil la vie semble se résigner ; Tandis que l’horizon timidement s’allume Des écharpes de givre et des manteaux de brume S’enroulent tout autour des arbres dénudés. Silencieusement s’évapore la nuit, L’amertume grandit au fur et à mesure ; Novembre est là, qui décompose la nature Et qui provoque un si mélancolique ennui.

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    I

    Isabelle Callis-Sabot

    @isabelleCallisSabot

    Souvenir Il y avait dans mon enfance Un grand figuier près du ruisseau ; Je lui parlais en confidence Du ciel du vent et des oiseaux. Il abritait sous son feuillage Mes jeux mes rêves ma candeur, Mon insouciance mon jeune âge Et tous les secrets de mon cœur. Auprès de lui, sage et docile, De longues heures je passais ; La nuit tombait, douce et tranquille, Au loin le rossignol chantait…

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    J

    Jacques Chessex

    @jacquesChessex

    J'aime le brouillard J'aime le brouillard, tu le sais Ses épaisseurs lumineuses Ses taches de mort calme dans l'antre du jour El tu sais aussi que j'aime le brouillard parce qu'il ressemble À ce regret qui est en moi Entre l'heure et la mémoire Quand j'ai la vertu de regarder ma mort Les claires ruines et tout l'après Où je n'aurai plus de structure Où il n'y aura plus de langage, plus de formes même ombreuses Plus d'arête aucune catégorie dans le vide Aucun vide du vide J'aime le brouillard de m'y faire réfléchir S'il ressemble tant soit peu à ce destin défaisant mon heure Dans le vœu de l'instant et du rien

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    J

    Jacques Viallebesset

    @jacquesViallebesset

    Je te donne Riche du désert de mon cri Je, scribouilleur sous-saigné Te donne à fleurs de mots La nuit qui postillonne À l’enfant ses étoiles. Je ne veux pas pour toi D’une vie sans histoires Tu as droit au rire Éclaté des bourgeons Tu as droit d’affouage Aux forêts du bonheur Droit à ce goût qui nous vient De plus loin que nos rêves Au goût d’un jour fumé Jusqu’au bout du mégot Au goût de pomme à naître A l’arbre de nos faims. Je te donne la Vie A cueillir mon amour Aux branches basses des poèmes Je voudrais qu’il t’en reste à jamais Une saveur de fruit mûr Comme un soleil fondu Dans la bouche du temps. Il y a tant de promesses Nées aux lèvres des chemins Tant de désirs qui nous attendent Devant la porte des mémoires… Qu’apparaisse enfin ce pays Où l’arbre de l’instant éternel Me cache la forêt des souvenirs En ce premier matin de la vie Je compte nos soleils Au bord du bonheur.

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    Jean de La Fontaine

    Jean de La Fontaine

    @jeanDeLaFontaine

    Le chêne et le roseau Le Chêne un jour dit au Roseau : "Vous avez bien sujet d'accuser la Nature ; Un Roitelet pour vous est un pesant fardeau. Le moindre vent, qui d'aventure Fait rider la face de l'eau, Vous oblige à baisser la tête : Cependant que mon front, au Caucase pareil, Non content d'arrêter les rayons du soleil, Brave l'effort de la tempête. Tout vous est Aquilon, tout me semble Zéphyr. Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage Dont je couvre le voisinage, Vous n'auriez pas tant à souffrir : Je vous défendrais de l'orage ; Mais vous naissez le plus souvent Sur les humides bords des Royaumes du vent. La nature envers vous me semble bien injuste. - Votre compassion, lui répondit l'Arbuste, Part d'un bon naturel ; mais quittez ce souci. Les vents me sont moins qu'à vous redoutables. Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici Contre leurs coups épouvantables Résisté sans courber le dos ; Mais attendons la fin. "Comme il disait ces mots, Du bout de l'horizon accourt avec furie Le plus terrible des enfants Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs. L'Arbre tient bon ; le Roseau plie. Le vent redouble ses efforts, Et fait si bien qu'il déracine Celui de qui la tête au Ciel était voisine Et dont les pieds touchaient à l'Empire des Morts.

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    Jean Racine

    Jean Racine

    @jeanRacine

    A laudes L’Aurore brillante et vermeille Prépare le chemin au soleil qui la suit ; Tout rit aux premiers traits du jour qui se réveille, Retirez-vous, démons, qui volez dans la nuit. Fuyez, songes, troupe menteuse, Dangereux ennemis par la nuit enfantés : Et que fuie avec vous la mémoire honteuse Des objets qu’à nos sens vous avez présentés. Chantons l’auteur de la lumière, Jusqu’au jour où son ordre a marqué notre fin. Et qu’en le bénissant notre aurore dernière Se perde en un midi sans soir et sans matin. Gloire à toi, Trinité profonde, Père, Fils, Esprit Saint, qu’on t’adore toujours, Tant que l’astre des temps éclairera le monde, Et quand les siècles même auront fini leur cours.

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    Jean Racine

    Jean Racine

    @jeanRacine

    Le soleil est toujours riant Le soleil est toujours riant, Depuis qu’il part de l’orient Pour venir éclairer le monde. Jusqu’à ce que son char soit descendu dans l’onde. La vapeur des brouillards ne voile point les cieux ; Tous les matins un vent officieux En écarte toutes les nues : Ainsi nos jours ne sont jamais couverts ; Et, dans le plus fort des hivers, Nos campagnes sont revêtues De fleurs et d’arbres toujours verts. Les ruisseaux respectent leurs rives, Et leurs naïades fugitives Sans sortir de leur lit natal, Errent paisiblement et ne sont point captives Sous une prison de cristal. Tous nos oiseaux chantent à l’ordinaire, Leurs gosiers n’étant point glacés ; Et n’étant pas forcés De se cacher ou de se taire, Ils font l’amour en liberté. L’hiver comme l’été. Enfin, lorsque la nuit a déployé ses voiles, La lune, au visage changeant, Paraît sur un trône d’argent, Et tient cercle avec les étoiles, Le ciel est toujours clair tant que dure son cours, Et nous avons des nuits plus belles que vos jours.

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    Jean Racine

    Jean Racine

    @jeanRacine

    L’étang Que c’est une chose charmante De voir cet étang gracieux Où, comme en un lit précieux, L’onde est toujours calme et dormante ! Mes yeux, contemplons de plus près Les inimitables portraits De ce miroir humide ; Voyons bien les charmes puissants Dont sa glace liquide Enchante et trompe tous les sens. Déjà je vois sous ce rivage La terre jointe avec les cieux, Faire un chaos délicieux Et de l’onde et de leur image. Je vois le grand astre du jour Rouler, dans ce flottant séjour, Le char de la lumière ; Et, sans offenser de ses feux La fraîcheur coutumière, Dorer son cristal lumineux. Je vois les tilleuls et les chênes, Ces géants de cent bras armés, Ainsi que d’eux-mêmes charmés, Y mirer leurs têtes hautaines ; Je vois aussi leurs grands rameaux Si bien tracer dedans les eaux Leur mobile peinture, Qu’on ne sait si l’onde, en tremblant, Fait trembler leur verdure, Ou plutôt l’air même et le vent. Là, l’hirondelle voltigeante, Rasant les flots clairs et polis, Y vient, avec cent petits cris, Baiser son image naissante. Là, mille autres petits oiseaux Peignent encore dans les eaux Leur éclatant plumage : L’œil ne peut juger au dehors Qui vole ou bien qui nage De leurs ombres et de leurs corps. Quelles richesses admirables N’ont point ces nageurs marquetés, Ces poissons aux dos argentés, Sur leurs écailles agréables ! Ici je les vois s’assembler, Se mêler et se démêler Dans leur couche profonde ; Là, je les vois (Dieu ! quels attraits ! ) Se promenant dans l’onde, Se promener dans les forêts. Je les vois, en troupes légères, S’élancer de leur lit natal ; Puis tombant, peindre en ce cristal Mille couronnes passagères. L’on dirait que, comme envieux De voir nager dedans ces lieux Tant de bandes volantes, Perçant les remparts entrouverts De leurs prisons brillantes, Ils veulent s’enfuir dans les airs. Enfin, ce beau tapis liquide Semble enfermer entre ses bords Tout ce que vomit de trésors L’Océan sur un sable aride : Ici l’or et l’azur des cieux Font de leur éclat précieux, Comme un riche mélange ; Là l’émeraude des rameaux, D’une agréable frange, Entoure le cristal des eaux. Mais quelle soudaine tourmente, Comme de beaux songes trompeurs, Dissipant toutes les couleurs, Vient réveiller l’onde dormante ? Déjà ses flots entrepoussés Roulent cent monceaux empressés De perles ondoyantes, Et n’étalent pas moins d’attraits Sur leurs vagues bruyantes Que dans leurs tranquilles portraits.

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    Jean-Baptiste Clément

    @jeanBaptisteClement

    Le temps des cerises Quand nous chanterons le temps des cerises, Et gai rossignol et merle moqueur Seront tous en fête ; Les belles auront la folie en tête Et les amoureux du soleil au cœur… Quand nous chanterons le temps des cerises, Sifflera bien mieux le merle moqueur. Mais il est bien court, le temps des cerises, Où l'on s'en va deux cueillir en rêvant Des pendants d'oreilles ! Cerises d'amour, aux robes pareilles, Tombant sous la feuille en gouttes de sang … Mais il est bien court le temps des cerises, Pendants de corail qu'on cueille en rêvant ! Quand vous en serez au temps des cerises, Si vous avez peur des chagrins d'amour, Évitez les belles. Moi qui ne crains pas les peines cruelles, Je ne vivrai point sans souffrir un jour. Quand vous en serez au temps des cerises, Vous aurez aussi des chagrins d'amour. J'aimerai toujours le temps des cerises ; C'est de ce temps là que je garde au cœur Une plaie ouverte ; Et dame Fortune, en m'étant offerte, Ne pourra jamais fermer ma douleur. J'aimerai toujours le temps des cerises Et le souvenir que je garde au cœur.

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    Jean-Pierre Villebramar

    @jeanPierreVillebramar

    Haute lande J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages! Charles Baudelaire Dans la Haute Lande je suis le cours d’un ruisseau, les traces de chevreuils et de sangliers me disent le chemin. Eau jaune. Écume blanche. Ciels bleus ciels gris, nuages, pluies et soleils et nous. Dans la lande, les ruisseaux ignorent le monde, ils suivent la pente de dunes anciennes. Que ne suis-je ruisseau moi-même descendant les dunes, laissant dans le sable des traces que bientôt brouilleront les passages de chevreuils. *** Dans la Haute Lande je suis le cours d’un ruisseau, descendant les dunes, laissant dans le sable des traces mon aimée et moi, nous donnant la main

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    J

    Jean-Pierre Villebramar

    @jeanPierreVillebramar

    Plan Orsec Il y a une grande fureur ce soir sur les montagnes, et les ermites ont fort à faire Il y a un grand sabbat, Dieu même ne sait plus comment tout ça va finir Un grand Sabbat ! Les Baobabs , A ce point du récit, auraient été bien utiles, pour la rime premièrement, mais aussi accessoirement, mais, …. Les Baobabs , C’est en Afrique, alors ……… on se demande où les ermites vont bien pouvoir trouver des arbres pour calmer tout ça ! Il y aura de grands éclairs et des grincements de Dents des Géants, et les petits vieux de l’hospice, il va falloir les Déménager Les ménager Nager ! …. la Mer, (par bonheur !) La Mer s’est endormie, alors, Peut être qu’on va tout de même les sauver, les petits vieux de l’Hospice !

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    J

    Jean-Pierre Villebramar

    @jeanPierreVillebramar

    Sigrid Le jour des morts, (un deux novembre), des oiseaux, s’envolant par bandes, des oiseaux nous criaient très fort, par le travers des passes Nord : « Liebe verboten ! Jour des Morts ! Kinder ! Dort Liebe wird nicht erlaubt ! » NOUS DEUX : dans un blockhaus en ruines. L’HORIZON : gris. Puis , la baïne. EUX (les oiseaux ) : criant très fort :  » Liebe verboten ! Jour des Morts ! EUX : c’étaient des oiseaux bilingues. NOUS MAINTENANT : (Présentations : important ! prêtez attention !) Elle, c’est Sigrid, Christine, Klitz née à Berlin, en cinquante huit, de mère polonaise. Lui : Villebramar, Pierre, Jean, de Sigrid, Christine, l’amant de nationalité française. Eux : migrateurs, simples passants, en quelque sorte, figurants ! payés pour nous crier très fort : « Liebe verboten ! Jour des Morts ! » Origine : tous pays du Nord, Finlande, Allemagne, Suède, etc…. bref : figurants ! Rien d’autre. OR , …………………………. Tout le matin des coups de mer, coups de tabac, tempête, puis vers trois heures de l’après midi, comme tu as crié, ma Sigrid ! crié si fort, que les oiseaux s’envolèrent d’un coup très haut. ………………………….. Un grand silence sur la mer. L’Océan : plat. Vögel, nicht mehr ! Dans un blockhaus d’une autre guerre, Christine Sigrid, avec Pierre Christine Sigrid contre Jean la pluie grise, autour, l’océan… ça sert à ça, Christine et Pierre, les blockhaus des dernières guerres heureusement ! heureusement ! pour les Sigrid et pour les Jean ! LE JOUR DES MORTS. UN DEUX NOVEMBRE. DES VOLS D’OIES S’ELEVANT PAR BANDES. DE CINQUANTE, PEUT ETRE CENT. PRES DE CHRISTINE. PRES DE JEAN.

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    Jean-Pierre Villebramar

    @jeanPierreVillebramar

    Écrits de minuit « Il est bon de prier la nuit, lorsque l’horreur est grande » Ioan Es Pop je vous écris, passager clandestin, de la longue et vaste demeure des morts je vous écris de là, un soleil noir pour tout bagage. Je vous écris, parce que c’est ma nature d’appeler quand il n’y a personne pour répondre. Quand je suis seul. Hier, le soleil a plongé dans la mer, et nous le regardions. Personne pour lui porter secours. Personne, pour le libérer de la nuit. La plage a essayé par des scintillements de refléter ce qu’il restait de sa lumière. La lune refusa d’obtempérer. C’est pour ça qu’il fait nuit. Dans nos cœurs, aussi. Je vous écris. Je vous écris à bride débridée vous allez rire. Demain, qui rira le dernier ? (à voix très basse et sur un ton de confidence) Je vous écris sur des feuilles d’or et d’argent que j’ai volées au caravansérail. C’est un mot qu’en général personne ne comprend. Je vous écris parce que la nuit est profonde et l’horreur grande. Et personne. Personne, pour répondre.

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    Joachim du Bellay

    Joachim du Bellay

    @joachimDuBellay

    Au fleuve de Loire Ô de qui la vive course Prend sa bienheureuse source, D'une argentine fontaine, Qui d'une fuite lointaine, Te rends au sein fluctueux De l'Océan monstrueux, Loire, hausse ton chef ores Bien haut, et bien haut encores, Et jette ton œil divin Sur ce pays Angevin, Le plus heureux et fertile, Qu'autre où ton onde distille. Bien d'autres Dieux que toi, Père, Daignent aimer ce repaire, A qui le Ciel fut donneur De toute grâce et bonheur. Cérès, lorsque vagabonde Allait quérant par le monde Sa fille, dont possesseur Fut l'infernal ravisseur, De ses pas sacrés toucha Cette terre, et se coucha Lasse sur ton vert rivage, Qui lui donna doux breuvage. Et celui-là, qui pour mère Eut la cuisse de son père, Le Dieu des Indes vainqueur Arrosa de sa liqueur Les monts, les vaux et campaignes De ce terroir que tu baignes. Regarde, mon Fleuve, aussi Dedans ces forêts ici, Qui leurs chevelures vives Haussent autour de tes rives, Les faunes aux pieds soudains, Qui après biches et daims, Et cerfs aux têtes ramées Ont leurs forces animées. Regarde tes Nymphes belles A ces Demi-dieux rebelles, Qui à grand'course les suivent, Et si près d'elles arrivent, Qu'elles sentent bien souvent De leurs haleines le vent. Je vois déjà hors d'haleine Les pauvrettes, qui à peine Pourront atteindre ton cours, Si tu ne leur fais secours. Combien (pour les secourir) De fois t'a-t-on vu courir Tout furieux en la plaine ? Trompant l'espoir et la peine De l'avare laboureur, Hélas ! qui n'eut point d'horreur Blesser du soc sacrilège De tes Nymphes le collège, Collège qui se récrée Dessus ta rive sacrée. Qui voudra donc loue et chante Tout ce dont l'Inde se vante, Sicile la fabuleuse, Ou bien l'Arabie Heureuse. Quant à moi, tant que ma Lyre Voudra les chansons élire Que je lui commanderai, Mon Anjou je chanterai. Ô mon Fleuve paternel, Quand le dormir éternel Fera tomber à l'envers Celui qui chante ces vers, Et que par les bras amis Mon corps bien près sera mis De quelque fontaine vive, Non guère loin de ta rive, Au moins sur ma froide cendre Fais quelques larmes descendre, Et sonne mon bruit fameux A ton rivage écumeux. N'oublie le nom de celle Qui toutes beautés excelle, Et ce qu'ai pour elle aussi Chanté sur ce bord ici.

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    Joachim du Bellay

    Joachim du Bellay

    @joachimDuBellay

    Comme le champ semé Comme le champ semé en verdure foisonne, De verdure se hausse en tuyau verdissant, Du tuyau se hérisse en épi florissant, D'épi jaunit en grain, que le chaud assaisonne ; Et comme en la saison le rustique moissonne Les ondoyants cheveux du sillon blondissant, Les met d'ordre en javelle, et du blé jaunissant Sur le champ dépouillé mille gerbes façonne ; Ainsi de peu à peu crût l'empire romain, Tant qu'il fut dépouillé par la barbare main Qui ne laissa de lui que ces marques antiques Que chacun va pillant : comme on voit le glaneur, Cheminant pas à pas recueillir les reliques De ce qui va tombant après le moissonneur.

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    Joachim du Bellay

    Joachim du Bellay

    @joachimDuBellay

    Depuis que j'ai laisse mon naturel séjour Depuis que j'ai laissé mon naturel séjour Pour venir où le Tibre aux flots tortus ondoie, Le ciel a vu trois fois par son oblique voie Recommencer son cours la grand lampe du jour. Mais j'ai si grand désir de me voir de retour Que ces trois ans me sont plus qu'un siège de Troie, Tant me tarde, Morel, que Paris je revoie, Et tant le ciel pour moi fait lentement son tour. Il fait son tour si lent, et me semble si morne, Si morne et si pesant, que le froid Capricorne Ne m'accourcit les jours, ni le Cancre les nuits. Voilà, mon cher Morel, combien le temps me dure Loin de France et de toi, et comment la nature Fait toute chose longue avecques mes ennuis.

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    Joachim du Bellay

    Joachim du Bellay

    @joachimDuBellay

    Gordes, que du Bellay aime plus que ses yeux Gordes, que Du Bellay aime plus que ses yeux, Vois comme la nature, ainsi que du visage, Nous a faits différents de mœurs et de courage, Et ce qui plaît à l'un, à l'autre est odieux. Tu dis : Je ne puis voir un sot audacieux Qui un moindre que lui brave à son avantage, Qui s'écoute parler, qui farde son langage, Et fait croire de lui qu'il est mignon des dieux. Je suis tout au contraire, et ma raison est telle : Celui dont la douleur courtoisement m'appelle, Me fait outre mon gré courtisan devenir : Mais de tel entretien le brave me dispense : Car n'étant obligé vers lui de récompense, Je le laisse tout seul lui-même entretenir.

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    Joachim du Bellay

    Joachim du Bellay

    @joachimDuBellay

    Je ne veux point fouiller au sein de la nature Je ne veux point fouiller au sein de la nature, Je ne veux point chercher l'esprit de l'univers, Je ne veux point sonder les abîmes couverts, Ni dessiner du ciel la belle architecture. Je ne peins mes tableaux de si riche peinture, Et si hauts arguments ne recherche à mes vers : Mais suivant de ce lieu les accidents divers, Soit de bien, soit de mal, j'écris à l'aventure. Je me plains à mes vers, si j'ai quelque regret : Je me ris avec eux, je leur dis mon secret, Comme étant de mon coeur les plus sûrs secrétaires. Aussi ne veux-je tant les peigner et friser, Et de plus braves noms ne les veux déguiser Que de papiers journaux ou bien de commentaires.

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    Joachim du Bellay

    Joachim du Bellay

    @joachimDuBellay

    Villanelle En ce mois délicieux, Qu’amour toute chose incite, Un chacun à qui mieux mieux La douceur’ du temps imite, Mais une rigueur dépite Me fait pleurer mon malheur. Belle et franche Marguerite Pour vous j’ai cette douleur. Dedans votre oeil gracieux Toute douceur est écrite, Mais la douceur de vos yeux En amertume est confite, Souvent la couleuvre habite Dessous une belle fleur. Belle et franche Marguerite, Pour vous j’ai cette douleur. Or, puis que je deviens vieux, Et que rien ne me profite, Désespéré d’avoir mieux, Je m’en irai rendre ermite, Pour mieux pleurer mon malheur. Belle et franche Marguerite, Pour vous j’ai cette douleur. Mais si la faveur des Dieux Au bois vous avait conduite, Ou, d’espérer d’avoir mieux, Je m’en irai rendre ermite, Peut être que ma poursuite Vous ferait changer couleur. Belle et franche Marguerite Pour vous j’ai cette douleur.

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    José Maria de Heredia

    @joseMariaDeHeredia

    Le récif de corail Le soleil sous la mer, mystérieuse aurore, Éclaire la forêt des coraux abyssins Qui mêle, aux profondeurs de ses tièdes bassins, La bête épanouie et la vivante flore. Et tout ce que le sel ou l'iode colore, Mousse, algue chevelue, anémones, oursins, Couvre de pourpre sombre, en somptueux dessins, Le fond vermiculé du pâle madrépore. De sa splendide écaille éteignant les émaux, Un grand poisson navigue à travers les rameaux ; Dans l'ombre transparente indolemment il rôde ; Et, brusquement, d'un coup de sa nageoire en feu, Il fait, par le cristal morne, immobile et bleu, Courir un frisson d'or, de nacre et d'émeraude.

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