Pétales de pivoine Pétales de pivoine
Trois pétales de pivoine
Rouges comme une pivoine
Et ces pétales me font rêver
Ces pétales ce sont
Trois belles petites dames
À peau soyeuse et qui rougissent
De honte
D’être avec des petits soldats
Elles se promènent dans les bois
Et causent avec les sansonnets
Qui leur font cent sonnets
Elles montent en aéroplane
Sur de belles libellules électriques
Dont les élytres chatoient au soleil
Et les libellules qui sont
De petites diablesses
Font l’amour avec les pivoines
C’est un joli amour contre nature
Entre demoiselles et dames
Trois pétales dans la lettre
Trois pétales de pivoine.
Quand je fais pour toi mes poèmes quotidiens et variés
Lou je sais bien pourquoi je suis ici
À regarder fleurir l’obus à regarder venir la torpille aérienne
À écouter gauler les noix des véhémentes mitrailleuses
Je chante ici pour que tu chantes pour que tu danses
Pour que tu joues avec l’amour
Pour que tes mains fleurissent comme des roses
Et tes jambes comme des lys
Pour que ton sommeil soit doux
Aujourd’hui Lou je ne t’offre en bouquet poétique
Que les tristes fleurs d’acier
Que l’on désigne par leur mesure en millimètres
(Où le système métrique va-t-il se nicher)
On l’applique à la mort qui elle ne danse plus
Mais survit attentive au fond des hypogées
Mais trois pétales de pivoine
Sont venus comme de belles dames
En robe de satin grenat
Marquise
Quelle robe exquise
Comtesse
Les belles f…es
Baronne
Écoutez la Mort qui ronronne
Trois pétales de pivoine
Me sont venus de Paris
Courmelois, le 22 mai 1915
il y a 10 mois
Guy de Maupassant
@guyDeMaupassant
Au moment où Phébus… Au moment où Phébus en son char remontait,
Où la lune chassée à grands pas s’enfuyait,
Je voulus faire un peu ma cour à la nature,
Visiter les bosquets tout remplis de verdure,
M’égarer dans les bois et longer les ruisseaux,
Cueillir la violette, écouter les oiseaux.
C’était l’heure où le Dieu sortant de sa demeure
Laissait seule Thétis et fuyait devant l’heure.
Alors le jour naissait, dissipait le sommeil
Et trouvait le chrétien joyeux d’un bon réveil;
Alors le laboureur, plein d’un noble courage,
Allait tout aussitôt reprendre son ouvrage.
Je longeais en silence un mince filet d’eau
Qui coulait doucement sous un ciel pur et beau.
Tantôt il parcourait une plaine fleurie
Et faisait cent détours à travers la prairie,
Et tantôt dans son cours rencontrant un rocher,
Il amassait ses eux pour se précipiter.
Yvetot, 1863
il y a 10 mois
Guy de Maupassant
@guyDeMaupassant
Le dieu créateur La nature, d’essai en essai, allant du plus imparfait au plus
parfait, arrive à cette dernière création qui mit pour la
première fois l’homme sur la terre.
Pourquoi le jour ne viendrait-il pas où notre race sera
effacée, où nos ossements déterrés ne sembleront
aux espèces vivantes que des ébauches grossières
d’une nature qui s’essaie?
Jouffroy
Dieu, cet être inconnu dont nul n’a vu la face,
Roi qui commande aux rois et règne dans l’espace,
Las d’être toujours seul, lui dont l’infinité
De l’univers sans bornes emplit l’immensité,
Et d’embrasser toujours, seul, par sa plénitude
De l’espace et des temps la sombre solitude,
De rester toujours tel qu’il a toujours été,
Solitaire et puissant durant l’Éternité,
Portant de sa grandeur la marque indélébile,
D’être le seul pour qui le temps soit immobile,
Pour qui tout le passé reste sans souvenir
Et qui n’attend rien de l’immense avenir;
Qui de la nuit des temps perce l’ombre profonde;
Pour qui tout soit égal, pour qui tout se confonde
Dans l’éternel ennui d’un éternel présent,
Solitaire et puissant et pourtant impuissant
A changer son destin dont il n’est pas le maître,
Le grand Dieu qui peut tout ne peut pas ne pas être!
Et ce Dieu souverain, fatigué de son sort,
Peut-être en sa grandeur a désiré la mort!
Une éternité passe, et toujours solitaire
Il voit l’éternité se dresser tout entière!
Enfin las de rester seul avec son ennui
Des astres au front d’or il a peuplé la nuit;
Dans l’espace flottait comme un chaos immonde;
De la matière impure il a formé le monde.
Depuis longtemps la masse aride errait toujours,
Comme Dieu solitaire et dans la nuit sans jours;
Mais les astres brillaient et quelquefois dans l’ombre
Un beau rayon de feu courant par la nuit sombre
Éclairait tout à coup le sol inhabité
Cachant comme un proscrit sa triste nudité!<
Soudain levant son bras, le grand Dieu solitaire
Alluma le soleil et regarda la terre!
Alors tout s’anima sous l’ardeur de ses feux,
L’arbre géant tordit ses membres monstrueux,
La végétation monta, puissante, énorme,
Premier essai de Dieu, production informe
Et le globe roulant ses prés, ses grands bois verts,
Tournait silencieux dans le vaste univers,
Balançant dans le ciel sur sa tête parée
Et ses hautes forêts et sa mer azurée.
Pourtant Dieu le trouva triste et nu comme lui.
Rêveur, il y jeta le feu qui gronde et luit;
Alors tout disparut, englouti sous la flamme.
Mais quand il renaquit, le monde avait une âme.
C’était la vie ardente, aux souffles tout-puissants,
Mais confuse et jetée en des êtres pesants
Faits de vie et de sève et de chair et d’argile
Comme l’oeuvre incomplet d’un artiste inhabile.
Monstres hideux sortant de gouffres inconnus
Qui traînaient au soleil leurs corps mous et charnus.
Se penchant de nouveau, Dieu regarda la terre,
Elle tournait toujours sauvage et solitaire.
Tout paraissait tranquille et calme; mais parfois
Quelque bête en hurlant passait dans les grands bois,
D’arbres déracinés laissant un long sillage,
Et son dos monstrueux soulevait le feuillage;
Elle allait mugissante et traînant lentement
Son corps inerte et lourd sous le bleu firmament;
Et sa voix bondissait par l’écho répétée
Jusqu’au trône de Dieu dans l’espace emportée;
Et puis tout se taisait et l’on ne voyait plus
Que le flot verdoyant des grands arbres touffus.
Mais toujours mécontent, ce Dieu lança sa foudre,
Alors tout disparut brûlé, réduit en poudre.
Puis la sève revint, ainsi qu’un sang vermeil
Dans les veines du sol qu’échauffait le soleil,
L’herbe verte et les fleurs cachaient la terre nue;
L’arbre ne portait plus sa tête dans la nue;
De frêles arbrisseaux les monts étaient couverts
Tout renaissait plus beau dans le jeune univers.
Mais un jour, tout à coup, tout trembla sur la terre,
Son globe n’était plus désert et solitaire;
Le grand bois tressaillit, car un être inconnu
Sur l’univers esclave a levé son bras nu.
Le monde tout entier a plié sous cet être;
Regardant la nature, il a dit: « Je suis maître. »
Regardant le soleil, il a dit: « C’est pour moi. »
L’animal furieux fuyait tremblant d’effroi;
Il a dit: « C’est à moi »; le ciel brillait d’étoiles,
Il a dit: « Dieu c’est moi. » L’ombre étendit ses voiles:
L’homme d’une étincelle embrasa les forêts,
Et du Dieu créateur arrachant les secrets,
Seul, perdu dans l’espace, il se bâtit un monde.
Tout plia sous ses lois, le feu, la terre et l’onde.
Mais il marche toujours et depuis six mille ans
Rien n’a pu ralentir ses progrès insolents,
Et souvent quand il parle, on a cru que la vie
Jaillissait du néant au gré de son envie.
Mais cet être qui tient la terre sous sa loi,
Qui de ce monde errant s’est proclamé le roi;
Cet être formidable armé d’intelligence,
Qui sur tout ce qui vit exerce sa puissance,
Qu’est-il lui-même? Ainsi que ces monstres si lourds
Qui furent le dessin des races de nos jours;
Que les arbres géants, aux têtes souveraines
Dont nous avons trouvé des forêts souterraines,
L’homme n’est-il aussi qu’un ouvrage incomplet,
Que l’ébauche et le plan d’un être plus parfait;
Ira-t-il au néant? Ou sa tâche finie,
Montera-t-il au Dieu qui lui donna la vie?
Ô vous, vieux habitants des siècles d’autrefois
Qui seuls mêliez vos cris au grand souffle des bois,
Qui vîntes les premiers dans ce monde où nous sommes,
Le dernier échelon, dites, sont-ce les hommes?
Vous êtes disparus avec les siècles morts;
Si nous passons aussi, que sommes-nous alors?
Seigneur, Dieu tout-puissant, quand je veux te comprendre,
Ta grandeur m’éblouit et vient me le défendre.
Quand ma raison s’élève à ton infinité
Dans le doute et la nuit je suis précipité,
Et je ne puis saisir, dans l’ombre qui m’enlace
Qu’un éclair passager qui brille et qui s’efface.
Mais j’espère pourtant, car là-haut tu souris!
Car souvent, quand un jour se lève triste et gris,
Quand on ne voit partout que de sombres images,
Un rayon de soleil glisse entre deux nuages
Qui nous montre là-bas un petit coin d’azur;
Quand l’homme doute et que tout lui paraît obscur,
Il a toujours à l’âme un rayon d’espérance;
Car il reste toujours, même dans la souffrance,
Au plus désespéré, par le temps le plus noir,
Un peu d’azur au ciel, au coeur un peu d’espoir.
(1868)
il y a 10 mois
Guy de Maupassant
@guyDeMaupassant
Légende de la chambre des demoiselles à Étretat Lentement le flot arrive
Sur la rive
Qu’il berce et flatte toujours.
C’est un triste chant d’automne
Monotone
Qui pleure après les beaux jours.
Sur la côte solitaire
Est une aire
Jetée au-dessus des eaux ;
Un étroit passage y mène,
Vrai domaine
Des mauves et des corbeaux.
C’est une grotte perdue,
Suspendue
Entre le ciel et les mers,
Une demeure ignorée
Séparée
Du reste de l’univers.
Jadis plus d’une gentille
Jeune fille
Y vint voir son amoureux ;
On dit que cette retraite
Si discrète
A caché bien des heureux.
On dit que le clair de lune
Vit plus d’une
Jouvencelle au coeur léger
Prendre le sentier rapide,
Intrépide
Insouciante au danger.
Mais comme un aigle tournoie
Sur sa proie,
Les guettait l’ange déchu,
Lui qui toujours laisse un crime
Où s’imprime
L’ongle de son pied fourchu.
Un soir près de la colline
Qui domine
Ce roc au front élancé,
Une fillette ingénue
Est venue
Attendant son fiancé.
Or celui qui perdit Eve,
Sur la grève
La suivit d’un pied joyeux ;
« Hymen, dit-il, vous invite,
« Venez vite,
« La belle fille aux doux yeux,
« Là-bas sur un lit de roses
« Tout écloses
« Vous attend le jeune Amour ;
« Pour accomplir ses mystères
« Solitaires
« Il a choisi cette tour. »
Elle était folle et légère,
L’étrangère,
Hélas, et n’entendit pas
Pleurer son ange fidèle,
Et près d’elle
Satan qui riait tout bas.
Car elle suivit son guide
Si perfide
Et par le sentier glissant.
Bat la rive
Mais lui, félon, de la cime,
Dans l’abîme
Il la jeta, – Dieu Puissant !
Son ombre pâle est restée
Tourmentée,
Veillant sur l’étroit chemin.
Sitôt que de cette roche
On approche
Elle étend sa blanche main.
Depuis qu’en ces lieux, maudite
Elle habite,
Aucun autre n’est tombé.
C’est ainsi qu’elle se venge
De l’archange
Auquel elle a succombé.
Allez la voir, Demoiselles,
Jouvencelles
Que mon récit attrista,
Car pour vous la renommée
L’a nommée
Cette grotte d’Étretat !
A son pied le flot arrive
Bat la rive
Qu’il berce et flatte toujours.
C’est un triste chant d’automne
Monotone
Qui pleure après les beaux jours.
(15 décembre 1922)
il y a 10 mois
Guy de Maupassant
@guyDeMaupassant
L’oiseleur L’oiseleur Amour se promène
Lorsque les coteaux sont fleuris,
Fouillant les buissons et la plaine ;
Et chaque soir sa cage est pleine
Des petits oiseaux qu’il a pris.
Aussitôt que la nuit s’efface
Il vient, tend avec soin son fil,
Jette la glu de place en place,
Puis sème, pour cacher la trace,
Quelques brins d’avoine ou de mil.
Il s’embusque au coin d’une haie,
Se couche aux berges des ruisseaux,
Glisse en rampant sous la futaie,
De crainte que son pied n’effraie
Les rapides petits oiseaux.
Sous le muguet et la pervenche
L’enfant rusé cache ses rets,
Ou bien sous l’aubépine blanche
Où tombent, comme une avalanche,
Linots, pinsons, chardonnerets.
Parfois d’une souple baguette
D’osier vert ou de romarin
Il fait un piège, et puis il guette
Les petits oiseaux en goguette
Qui viennent becqueter son grain.
Étourdi, joyeux et rapide,
Bientôt approche un oiselet :
Il regarde d’un air candide,
S’enhardit, goûte au grain perfide,
Et se prend la patte au filet.
Et l’oiseleur Amour l’emmène
Loin des coteaux frais et fleuris,
Loin des buissons et de la plaine,
Et chaque soir sa cage est pleine
Des petits oiseaux qu’il a pris.
il y a 10 mois
Guy de Maupassant
@guyDeMaupassant
Promenade à seize ans La terre souriait au ciel bleu. L’herbe verte
De gouttes de rosée était encor couverte.
Tout chantait par le monde ainsi que dans mon coeur.
Caché dans un buisson, quelque merle moqueur
Sifflait. Me raillait-il ? Moi, je n’y songeais guère.
Nos parents querellaient, car ils étaient en guerre
Du matin jusqu’au soir, je ne sais plus pourquoi.
Elle cueillait des fleurs, et marchait près de moi.
Je gravis une pente et m’assis sur la mousse
A ses pieds. Devant nous une colline rousse
Fuyait sous le soleil jusques à l’horizon.
Elle dit : « Voyez donc ce mont, et ce gazon
Jauni, cette ravine au voyageur rebelle ! »
Pour moi je ne vis rien, sinon qu’elle était belle.
Alors elle chanta. Combien j’aimais sa voix !
Il fallut revenir et traverser le bois.
Un jeune orme tombé barrait toute la route ;
J’accourus ; je le tins en l’air comme une voûte
Et, le front couronné du dôme verdoyant,
La belle enfant passa sous l’arbre en souriant.
Émus de nous sentir côte à côte, et timides,
Nous regardions nos pieds et les herbes humides.
Les champs autour de nous étaient silencieux.
Parfois, sans me parler, elle levait les yeux ;
Alors il me semblait (je me trompe peut-être)
Que dans nos jeunes coeurs nos regards faisaient naître
Beaucoup d’autres pensers, et qu’ils causaient tout bas
Bien mieux que nous, disant ce que nous n’osions pas.
il y a 10 mois
Gérard de Nerval
@gerardDeNerval
Le relais En voyage, on s’arrête, on descend de voiture ;
Puis entre deux maisons on passe à l’aventure,
Des chevaux, de la route et des fouets étourdi,
L’œil fatigué de voir et le corps engourdi.
Et voici tout à coup, silencieuse et verte,
Une vallée humide et de lilas couverte,
Un ruisseau qui murmure entre les peupliers, –
Et la route et le bruit sont bien vite oubliés !
il y a 10 mois
Gérard de Nerval
@gerardDeNerval
Le réveil en voiture Voici ce que je vis : Les arbres sur ma route
Fuyaient mêlés, ainsi qu’une armée en déroute,
Et sous moi, comme ému par les vents soulevés,
Le sol roulait des flots de glèbe et de pavés !
Des clochers conduisaient parmi les plaines vertes
Leurs hameaux aux maisons de plâtre, recouvertes
En tuiles, qui trottaient ainsi que des troupeaux
De moutons blancs, marqués en rouge sur le dos !
Et les monts enivrés chancelaient, – la rivière
Comme un serpent boa, sur la vallée entière
Étendu, s’élançait pour les entortiller…
— J’étais en poste, moi, venant de m’éveiller !
il y a 10 mois
I
Isaac Lerutan
@isaacLerutan
L’ombre des anges Je traverserai les villes
J’emporterai ta voix
J’irai chercher le feu dans le ciel
Et le vent dans nos voiles
Quand l’ombre des nuages
Démasquera nos souffles
Nous volerons sereins
Par les chemins du sort
Et nos songes en fuite
Eviteront les gouffres
Pour balayer ensuite
Les traces de nos morts
Je traverserai les villes
J’emporterai ta voix
J’irai chercher le feu dans le ciel
Et le vent dans nos voiles
Une étoile se repose
Dès qu’un ange s’endort…
il y a 10 mois
I
Isabelle Callis-Sabot
@isabelleCallisSabot
Les roses du jardin Belles étaient, les roses du jardin,
Naguère encor, blanches et parfumées,
Et de rosée si joliment parées,
Épanouies au soleil du matin.
Hélas l’automne a voulu leur déclin ;
Le vent, la pluie et les primes gelées
Les ont fanées, enlaidies, défeuillées ;
L’hiver, cruel, les a fauchées soudain.
Voici venue la saison des chagrins,
Des longs soupirs, des heures endeuillées,
Des mauvais jours, des funestes pensées,
Des grands regrets, des rêves incertains.
Mais le printemps reviendra, et demain
Les nobles fleurs s’éveilleront d’emblée
En déployant leur robe immaculée…
Belles seront, les roses du jardin.
il y a 10 mois
I
Isabelle Callis-Sabot
@isabelleCallisSabot
Novembre La forêt se défait de ses belles couleurs,
Dans le froid du matin quelques rêves s’accrochent,
L’automne se consume et l’hiver se rapproche,
Le temps s’écoule avec une extrême langueur…
Au long sommeil la vie semble se résigner ;
Tandis que l’horizon timidement s’allume
Des écharpes de givre et des manteaux de brume
S’enroulent tout autour des arbres dénudés.
Silencieusement s’évapore la nuit,
L’amertume grandit au fur et à mesure ;
Novembre est là, qui décompose la nature
Et qui provoque un si mélancolique ennui.
il y a 10 mois
I
Isabelle Callis-Sabot
@isabelleCallisSabot
Souvenir Il y avait dans mon enfance
Un grand figuier près du ruisseau ;
Je lui parlais en confidence
Du ciel du vent et des oiseaux.
Il abritait sous son feuillage
Mes jeux mes rêves ma candeur,
Mon insouciance mon jeune âge
Et tous les secrets de mon cœur.
Auprès de lui, sage et docile,
De longues heures je passais ;
La nuit tombait, douce et tranquille,
Au loin le rossignol chantait…
il y a 10 mois
J
Jacques Chessex
@jacquesChessex
J'aime le brouillard J'aime le brouillard, tu le sais
Ses épaisseurs lumineuses
Ses taches de mort calme dans l'antre du jour
El tu sais aussi que j'aime le brouillard
parce qu'il ressemble À ce regret qui est en moi
Entre l'heure et la mémoire
Quand j'ai la vertu de regarder ma mort
Les claires ruines et tout l'après
Où je n'aurai plus de structure
Où il n'y aura plus de langage, plus de formes
même ombreuses
Plus d'arête
aucune catégorie dans le vide
Aucun vide du vide
J'aime le brouillard de m'y faire réfléchir
S'il ressemble tant soit peu à ce destin
défaisant mon heure
Dans le vœu de l'instant et du rien
il y a 10 mois
J
Jacques Viallebesset
@jacquesViallebesset
Je te donne Riche du désert de mon cri
Je, scribouilleur sous-saigné
Te donne à fleurs de mots
La nuit qui postillonne
À l’enfant ses étoiles.
Je ne veux pas pour toi
D’une vie sans histoires
Tu as droit au rire
Éclaté des bourgeons
Tu as droit d’affouage
Aux forêts du bonheur
Droit à ce goût qui nous vient
De plus loin que nos rêves
Au goût d’un jour fumé
Jusqu’au bout du mégot
Au goût de pomme à naître
A l’arbre de nos faims.
Je te donne la Vie
A cueillir mon amour
Aux branches basses des poèmes
Je voudrais qu’il t’en reste à jamais
Une saveur de fruit mûr
Comme un soleil fondu
Dans la bouche du temps.
Il y a tant de promesses
Nées aux lèvres des chemins
Tant de désirs qui nous attendent
Devant la porte des mémoires…
Qu’apparaisse enfin ce pays
Où l’arbre de l’instant éternel
Me cache la forêt des souvenirs
En ce premier matin de la vie
Je compte nos soleils
Au bord du bonheur.
il y a 10 mois
Jean de La Fontaine
@jeanDeLaFontaine
Le chêne et le roseau Le Chêne un jour dit au Roseau :
"Vous avez bien sujet d'accuser la Nature ;
Un Roitelet pour vous est un pesant fardeau.
Le moindre vent, qui d'aventure
Fait rider la face de l'eau,
Vous oblige à baisser la tête :
Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content d'arrêter les rayons du soleil,
Brave l'effort de la tempête.
Tout vous est Aquilon, tout me semble Zéphyr.
Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage
Dont je couvre le voisinage,
Vous n'auriez pas tant à souffrir :
Je vous défendrais de l'orage ;
Mais vous naissez le plus souvent
Sur les humides bords des Royaumes du vent.
La nature envers vous me semble bien injuste.
- Votre compassion, lui répondit l'Arbuste,
Part d'un bon naturel ; mais quittez ce souci.
Les vents me sont moins qu'à vous redoutables.
Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courber le dos ;
Mais attendons la fin. "Comme il disait ces mots,
Du bout de l'horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs.
L'Arbre tient bon ; le Roseau plie.
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu'il déracine
Celui de qui la tête au Ciel était voisine
Et dont les pieds touchaient à l'Empire des Morts.
il y a 10 mois
Jean Racine
@jeanRacine
A laudes L’Aurore brillante et vermeille
Prépare le chemin au soleil qui la suit ;
Tout rit aux premiers traits du jour qui se réveille,
Retirez-vous, démons, qui volez dans la nuit.
Fuyez, songes, troupe menteuse,
Dangereux ennemis par la nuit enfantés :
Et que fuie avec vous la mémoire honteuse
Des objets qu’à nos sens vous avez présentés.
Chantons l’auteur de la lumière,
Jusqu’au jour où son ordre a marqué notre fin.
Et qu’en le bénissant notre aurore dernière
Se perde en un midi sans soir et sans matin.
Gloire à toi, Trinité profonde,
Père, Fils, Esprit Saint, qu’on t’adore toujours,
Tant que l’astre des temps éclairera le monde,
Et quand les siècles même auront fini leur cours.
il y a 10 mois
Jean Racine
@jeanRacine
Le soleil est toujours riant Le soleil est toujours riant,
Depuis qu’il part de l’orient
Pour venir éclairer le monde.
Jusqu’à ce que son char soit descendu dans l’onde.
La vapeur des brouillards ne voile point les cieux ;
Tous les matins un vent officieux
En écarte toutes les nues :
Ainsi nos jours ne sont jamais couverts ;
Et, dans le plus fort des hivers,
Nos campagnes sont revêtues
De fleurs et d’arbres toujours verts.
Les ruisseaux respectent leurs rives,
Et leurs naïades fugitives
Sans sortir de leur lit natal,
Errent paisiblement et ne sont point captives
Sous une prison de cristal.
Tous nos oiseaux chantent à l’ordinaire,
Leurs gosiers n’étant point glacés ;
Et n’étant pas forcés
De se cacher ou de se taire,
Ils font l’amour en liberté.
L’hiver comme l’été.
Enfin, lorsque la nuit a déployé ses voiles,
La lune, au visage changeant,
Paraît sur un trône d’argent,
Et tient cercle avec les étoiles,
Le ciel est toujours clair tant que dure son cours,
Et nous avons des nuits plus belles que vos jours.
il y a 10 mois
Jean Racine
@jeanRacine
L’étang Que c’est une chose charmante
De voir cet étang gracieux
Où, comme en un lit précieux,
L’onde est toujours calme et dormante !
Mes yeux, contemplons de plus près
Les inimitables portraits
De ce miroir humide ;
Voyons bien les charmes puissants
Dont sa glace liquide
Enchante et trompe tous les sens.
Déjà je vois sous ce rivage
La terre jointe avec les cieux,
Faire un chaos délicieux
Et de l’onde et de leur image.
Je vois le grand astre du jour
Rouler, dans ce flottant séjour,
Le char de la lumière ;
Et, sans offenser de ses feux
La fraîcheur coutumière,
Dorer son cristal lumineux.
Je vois les tilleuls et les chênes,
Ces géants de cent bras armés,
Ainsi que d’eux-mêmes charmés,
Y mirer leurs têtes hautaines ;
Je vois aussi leurs grands rameaux
Si bien tracer dedans les eaux
Leur mobile peinture,
Qu’on ne sait si l’onde, en tremblant,
Fait trembler leur verdure,
Ou plutôt l’air même et le vent.
Là, l’hirondelle voltigeante,
Rasant les flots clairs et polis,
Y vient, avec cent petits cris,
Baiser son image naissante.
Là, mille autres petits oiseaux
Peignent encore dans les eaux
Leur éclatant plumage :
L’œil ne peut juger au dehors
Qui vole ou bien qui nage
De leurs ombres et de leurs corps.
Quelles richesses admirables
N’ont point ces nageurs marquetés,
Ces poissons aux dos argentés,
Sur leurs écailles agréables !
Ici je les vois s’assembler,
Se mêler et se démêler
Dans leur couche profonde ;
Là, je les vois (Dieu ! quels attraits ! )
Se promenant dans l’onde,
Se promener dans les forêts.
Je les vois, en troupes légères,
S’élancer de leur lit natal ;
Puis tombant, peindre en ce cristal
Mille couronnes passagères.
L’on dirait que, comme envieux
De voir nager dedans ces lieux
Tant de bandes volantes,
Perçant les remparts entrouverts
De leurs prisons brillantes,
Ils veulent s’enfuir dans les airs.
Enfin, ce beau tapis liquide
Semble enfermer entre ses bords
Tout ce que vomit de trésors
L’Océan sur un sable aride :
Ici l’or et l’azur des cieux
Font de leur éclat précieux,
Comme un riche mélange ;
Là l’émeraude des rameaux,
D’une agréable frange,
Entoure le cristal des eaux.
Mais quelle soudaine tourmente,
Comme de beaux songes trompeurs,
Dissipant toutes les couleurs,
Vient réveiller l’onde dormante ?
Déjà ses flots entrepoussés
Roulent cent monceaux empressés
De perles ondoyantes,
Et n’étalent pas moins d’attraits
Sur leurs vagues bruyantes
Que dans leurs tranquilles portraits.
il y a 10 mois
J
Jean-Baptiste Clément
@jeanBaptisteClement
Le temps des cerises Quand nous chanterons le temps des cerises,
Et gai rossignol et merle moqueur
Seront tous en fête ;
Les belles auront la folie en tête
Et les amoureux du soleil au cœur…
Quand nous chanterons le temps des cerises,
Sifflera bien mieux le merle moqueur.
Mais il est bien court, le temps des cerises,
Où l'on s'en va deux cueillir en rêvant
Des pendants d'oreilles !
Cerises d'amour, aux robes pareilles,
Tombant sous la feuille en gouttes de sang …
Mais il est bien court le temps des cerises,
Pendants de corail qu'on cueille en rêvant !
Quand vous en serez au temps des cerises,
Si vous avez peur des chagrins d'amour,
Évitez les belles.
Moi qui ne crains pas les peines cruelles,
Je ne vivrai point sans souffrir un jour.
Quand vous en serez au temps des cerises,
Vous aurez aussi des chagrins d'amour.
J'aimerai toujours le temps des cerises ;
C'est de ce temps là que je garde au cœur
Une plaie ouverte ;
Et dame Fortune, en m'étant offerte,
Ne pourra jamais fermer ma douleur.
J'aimerai toujours le temps des cerises
Et le souvenir que je garde au cœur.
il y a 10 mois
J
Jean-Pierre Villebramar
@jeanPierreVillebramar
Haute lande J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages!
Charles Baudelaire
Dans la Haute Lande je suis le cours d’un ruisseau,
les traces de chevreuils et de sangliers
me disent le chemin.
Eau jaune.
Écume blanche.
Ciels bleus ciels gris, nuages,
pluies et soleils
et nous.
Dans la lande, les ruisseaux ignorent le monde,
ils suivent la pente de dunes anciennes.
Que ne suis-je ruisseau moi-même
descendant les dunes, laissant dans le sable des traces
que bientôt brouilleront les passages de chevreuils.
***
Dans la Haute Lande je suis le cours d’un ruisseau,
descendant les dunes, laissant dans le sable des traces
mon aimée et moi, nous donnant la main
il y a 10 mois
J
Jean-Pierre Villebramar
@jeanPierreVillebramar
Plan Orsec Il y a une grande fureur ce soir sur les montagnes, et les ermites ont fort à faire
Il y a un grand sabbat, Dieu même ne sait plus comment tout ça va finir
Un grand Sabbat !
Les Baobabs ,
A ce point du récit, auraient été bien utiles, pour la rime premièrement, mais aussi
accessoirement,
mais, ….
Les Baobabs ,
C’est en Afrique, alors ……… on se demande où les ermites vont bien pouvoir
trouver des arbres pour calmer tout ça !
Il y aura de grands éclairs et des grincements de Dents des Géants, et les petits vieux
de l’hospice, il va falloir les
Déménager
Les ménager
Nager ! ….
la Mer, (par bonheur !)
La Mer s’est endormie, alors,
Peut être qu’on va tout de même les sauver, les petits vieux de l’Hospice !
il y a 10 mois
J
Jean-Pierre Villebramar
@jeanPierreVillebramar
Sigrid Le jour des morts, (un deux novembre), des oiseaux, s’envolant par bandes,
des oiseaux nous criaient très fort, par le travers des passes Nord :
« Liebe verboten ! Jour des Morts !
Kinder ! Dort Liebe wird nicht erlaubt ! »
NOUS DEUX : dans un blockhaus en ruines.
L’HORIZON : gris. Puis , la baïne.
EUX (les oiseaux ) : criant très fort : » Liebe verboten ! Jour des Morts !
EUX : c’étaient des oiseaux bilingues.
NOUS MAINTENANT : (Présentations : important ! prêtez attention !)
Elle, c’est Sigrid, Christine, Klitz née à Berlin, en cinquante huit, de mère polonaise.
Lui : Villebramar, Pierre, Jean,
de Sigrid, Christine, l’amant
de nationalité française.
Eux : migrateurs, simples passants, en quelque sorte, figurants !
payés pour nous crier très fort :
« Liebe verboten ! Jour des Morts ! »
Origine : tous pays du Nord, Finlande, Allemagne, Suède, etc…. bref : figurants !
Rien d’autre.
OR ,
………………………….
Tout le matin des coups de mer, coups de tabac, tempête, puis vers trois heures de l’après midi, comme tu as crié, ma Sigrid !
crié si fort, que les oiseaux s’envolèrent d’un coup très haut.
…………………………..
Un grand silence sur la mer. L’Océan : plat. Vögel, nicht mehr !
Dans un blockhaus d’une autre guerre, Christine Sigrid, avec Pierre
Christine Sigrid contre Jean
la pluie grise, autour, l’océan…
ça sert à ça, Christine et Pierre, les blockhaus des dernières guerres
heureusement ! heureusement !
pour les Sigrid et pour les Jean !
LE JOUR DES MORTS.
UN DEUX NOVEMBRE.
DES VOLS D’OIES S’ELEVANT PAR BANDES.
DE CINQUANTE, PEUT ETRE CENT.
PRES DE CHRISTINE.
PRES DE JEAN.
il y a 10 mois
J
Jean-Pierre Villebramar
@jeanPierreVillebramar
Écrits de minuit « Il est bon de prier la nuit, lorsque l’horreur est grande »
Ioan Es Pop
je vous écris, passager clandestin,
de la longue et vaste demeure des morts
je vous écris de là, un soleil noir pour tout bagage.
Je vous écris, parce que c’est ma nature d’appeler
quand il n’y a personne pour répondre.
Quand je suis seul.
Hier, le soleil a plongé dans la mer, et nous le regardions.
Personne pour lui porter secours.
Personne,
pour le libérer de la nuit.
La plage a essayé par des scintillements de refléter
ce qu’il restait de sa lumière.
La lune refusa d’obtempérer. C’est pour ça qu’il fait nuit.
Dans nos cœurs,
aussi.
Je vous écris.
Je vous écris à bride débridée vous allez rire.
Demain, qui rira le dernier ?
(à voix très basse et sur un ton de confidence)
Je vous écris
sur des feuilles d’or et d’argent
que j’ai volées au caravansérail.
C’est un mot qu’en général personne ne comprend.
Je vous écris parce que la nuit est profonde et l’horreur grande.
Et personne.
Personne, pour répondre.
il y a 10 mois
Joachim du Bellay
@joachimDuBellay
Au fleuve de Loire Ô de qui la vive course
Prend sa bienheureuse source,
D'une argentine fontaine,
Qui d'une fuite lointaine,
Te rends au sein fluctueux
De l'Océan monstrueux,
Loire, hausse ton chef ores
Bien haut, et bien haut encores,
Et jette ton œil divin
Sur ce pays Angevin,
Le plus heureux et fertile,
Qu'autre où ton onde distille.
Bien d'autres Dieux que toi, Père,
Daignent aimer ce repaire,
A qui le Ciel fut donneur
De toute grâce et bonheur.
Cérès, lorsque vagabonde
Allait quérant par le monde
Sa fille, dont possesseur
Fut l'infernal ravisseur,
De ses pas sacrés toucha
Cette terre, et se coucha
Lasse sur ton vert rivage,
Qui lui donna doux breuvage.
Et celui-là, qui pour mère
Eut la cuisse de son père,
Le Dieu des Indes vainqueur
Arrosa de sa liqueur
Les monts, les vaux et campaignes
De ce terroir que tu baignes.
Regarde, mon Fleuve, aussi
Dedans ces forêts ici,
Qui leurs chevelures vives
Haussent autour de tes rives,
Les faunes aux pieds soudains,
Qui après biches et daims,
Et cerfs aux têtes ramées
Ont leurs forces animées.
Regarde tes Nymphes belles
A ces Demi-dieux rebelles,
Qui à grand'course les suivent,
Et si près d'elles arrivent,
Qu'elles sentent bien souvent
De leurs haleines le vent.
Je vois déjà hors d'haleine
Les pauvrettes, qui à peine
Pourront atteindre ton cours,
Si tu ne leur fais secours.
Combien (pour les secourir)
De fois t'a-t-on vu courir
Tout furieux en la plaine ?
Trompant l'espoir et la peine
De l'avare laboureur,
Hélas ! qui n'eut point d'horreur
Blesser du soc sacrilège
De tes Nymphes le collège,
Collège qui se récrée
Dessus ta rive sacrée.
Qui voudra donc loue et chante
Tout ce dont l'Inde se vante,
Sicile la fabuleuse,
Ou bien l'Arabie Heureuse.
Quant à moi, tant que ma Lyre
Voudra les chansons élire
Que je lui commanderai,
Mon Anjou je chanterai.
Ô mon Fleuve paternel,
Quand le dormir éternel
Fera tomber à l'envers
Celui qui chante ces vers,
Et que par les bras amis
Mon corps bien près sera mis
De quelque fontaine vive,
Non guère loin de ta rive,
Au moins sur ma froide cendre
Fais quelques larmes descendre,
Et sonne mon bruit fameux
A ton rivage écumeux.
N'oublie le nom de celle
Qui toutes beautés excelle,
Et ce qu'ai pour elle aussi
Chanté sur ce bord ici.
il y a 10 mois
Joachim du Bellay
@joachimDuBellay
Comme le champ semé Comme le champ semé en verdure foisonne,
De verdure se hausse en tuyau verdissant,
Du tuyau se hérisse en épi florissant,
D'épi jaunit en grain, que le chaud assaisonne ;
Et comme en la saison le rustique moissonne
Les ondoyants cheveux du sillon blondissant,
Les met d'ordre en javelle, et du blé jaunissant
Sur le champ dépouillé mille gerbes façonne ;
Ainsi de peu à peu crût l'empire romain,
Tant qu'il fut dépouillé par la barbare main
Qui ne laissa de lui que ces marques antiques
Que chacun va pillant : comme on voit le glaneur,
Cheminant pas à pas recueillir les reliques
De ce qui va tombant après le moissonneur.
il y a 10 mois
Joachim du Bellay
@joachimDuBellay
Depuis que j'ai laisse mon naturel séjour Depuis que j'ai laissé mon naturel séjour
Pour venir où le Tibre aux flots tortus ondoie,
Le ciel a vu trois fois par son oblique voie
Recommencer son cours la grand lampe du jour.
Mais j'ai si grand désir de me voir de retour
Que ces trois ans me sont plus qu'un siège de Troie,
Tant me tarde, Morel, que Paris je revoie,
Et tant le ciel pour moi fait lentement son tour.
Il fait son tour si lent, et me semble si morne,
Si morne et si pesant, que le froid Capricorne
Ne m'accourcit les jours, ni le Cancre les nuits.
Voilà, mon cher Morel, combien le temps me dure
Loin de France et de toi, et comment la nature
Fait toute chose longue avecques mes ennuis.
il y a 10 mois
Joachim du Bellay
@joachimDuBellay
Gordes, que du Bellay aime plus que ses yeux Gordes, que Du Bellay aime plus que ses yeux,
Vois comme la nature, ainsi que du visage,
Nous a faits différents de mœurs et de courage,
Et ce qui plaît à l'un, à l'autre est odieux.
Tu dis : Je ne puis voir un sot audacieux
Qui un moindre que lui brave à son avantage,
Qui s'écoute parler, qui farde son langage,
Et fait croire de lui qu'il est mignon des dieux.
Je suis tout au contraire, et ma raison est telle :
Celui dont la douleur courtoisement m'appelle,
Me fait outre mon gré courtisan devenir :
Mais de tel entretien le brave me dispense :
Car n'étant obligé vers lui de récompense,
Je le laisse tout seul lui-même entretenir.
il y a 10 mois
Joachim du Bellay
@joachimDuBellay
Je ne veux point fouiller au sein de la nature Je ne veux point fouiller au sein de la nature,
Je ne veux point chercher l'esprit de l'univers,
Je ne veux point sonder les abîmes couverts,
Ni dessiner du ciel la belle architecture.
Je ne peins mes tableaux de si riche peinture,
Et si hauts arguments ne recherche à mes vers :
Mais suivant de ce lieu les accidents divers,
Soit de bien, soit de mal, j'écris à l'aventure.
Je me plains à mes vers, si j'ai quelque regret :
Je me ris avec eux, je leur dis mon secret,
Comme étant de mon coeur les plus sûrs secrétaires.
Aussi ne veux-je tant les peigner et friser,
Et de plus braves noms ne les veux déguiser
Que de papiers journaux ou bien de commentaires.
il y a 10 mois
Joachim du Bellay
@joachimDuBellay
Villanelle En ce mois délicieux,
Qu’amour toute chose incite,
Un chacun à qui mieux mieux
La douceur’ du temps imite,
Mais une rigueur dépite
Me fait pleurer mon malheur.
Belle et franche Marguerite
Pour vous j’ai cette douleur.
Dedans votre oeil gracieux
Toute douceur est écrite,
Mais la douceur de vos yeux
En amertume est confite,
Souvent la couleuvre habite
Dessous une belle fleur.
Belle et franche Marguerite,
Pour vous j’ai cette douleur.
Or, puis que je deviens vieux,
Et que rien ne me profite,
Désespéré d’avoir mieux,
Je m’en irai rendre ermite,
Pour mieux pleurer mon malheur.
Belle et franche Marguerite,
Pour vous j’ai cette douleur.
Mais si la faveur des Dieux
Au bois vous avait conduite,
Ou, d’espérer d’avoir mieux,
Je m’en irai rendre ermite,
Peut être que ma poursuite
Vous ferait changer couleur.
Belle et franche Marguerite
Pour vous j’ai cette douleur.
il y a 10 mois
J
José Maria de Heredia
@joseMariaDeHeredia
Le récif de corail Le soleil sous la mer, mystérieuse aurore,
Éclaire la forêt des coraux abyssins
Qui mêle, aux profondeurs de ses tièdes bassins,
La bête épanouie et la vivante flore.
Et tout ce que le sel ou l'iode colore,
Mousse, algue chevelue, anémones, oursins,
Couvre de pourpre sombre, en somptueux dessins,
Le fond vermiculé du pâle madrépore.
De sa splendide écaille éteignant les émaux,
Un grand poisson navigue à travers les rameaux ;
Dans l'ombre transparente indolemment il rôde ;
Et, brusquement, d'un coup de sa nageoire en feu,
Il fait, par le cristal morne, immobile et bleu,
Courir un frisson d'or, de nacre et d'émeraude.