Les conquérants Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.
Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde Occidental.
Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L’azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d’un mirage doré ;
Ou penchés à l’avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l’Océan des étoiles nouvelles.
il y a 10 mois
J
Jules Breton
@julesBreton
Aurore La glèbe, à son réveil, verte et toute mouillée,
Autour du bourg couvert d’une épaisse feuillée
Où les toits assoupis fument tranquillement ;
Dans la plaine aux replis soyeux que rien ne cerne,
Parmi les lins d’azur, l’oeillette et la luzerne,
Berce les jeunes blés pleins de frissonnement.
Sereine et rafraîchie aux brumes dilatées,
Sous l’humide baiser de leurs traînes lactées,
Elle semble frémir dans l’ivresse des pleurs,
Et, ceinte des trésors dont son flanc large abonde,
Sourire à l’éternel époux qui la féconde,
Au grand soleil qui sort, vibrant, d’un lit de fleurs.
L’astre vermeil ruisselle en sa gerbe éclatante ;
Chaque fleur, alanguie aux langueurs de l’attente,
Voluptueusement, vers le foyer du jour
Tourne sa tige et tend son avide calice,
Et boit ton charme, Aurore, et rougit de délice…
Et le germe tressaille aux chauds rayons d’amour.
Juillet 1871.
il y a 10 mois
J
Jules Breton
@julesBreton
Le soir A Louis Cabat.
C’est un humble fossé perdu sous le feuillage ;
Les aunes du bosquet les couvrent à demi ;
L’insecte, en l’effleurant, trace un léger sillage
Et s’en vient seul rayer le miroir endormi.
Le soir tombe, et c’est l’heure où se fait le miracle,
Transfiguration qui change tout en or ;
Aux yeux charmés tout offre un ravissant spectacle ;
Le modeste fossé brille plus qu’un trésor.
Le ciel éblouissant, tamisé par les branches,
A plongé dans l’eau noire un lumineux rayon ;
Tombant de tous côtés, des étincelles blanches
Entourent un foyer d’or pâle en fusion.
Aux bords, tout est mystère et douceur infinie.
On y voit s’assoupir quelques fleurs aux tons froids,
Et les reflets confus de verdure brunie
Et d’arbres violets qui descendent tout droits.
Dans la lumière, au loin, des touffes d’émeraude
Vous laissent deviner la ligne des champs blonds,
Et le ciel enflammé d’une teinte si chaude,
Et le soleil tombé qui tremble dans les joncs.
Et dans mon âme émue, alors, quand je compare
L’humilité du site à sa sublimité,
Un délire sacré de mon esprit s’empare,
Et j’entrevois la main de la divinité.
Ce n’est rien et c’est tout. En créant la nature
Dieu répandit partout la splendeur de l’effet ;
Aux petits des oiseaux s’il donne la pâture,
Il prodigue le beau, ce suprême bienfait.
Ce n’est rien et c’est tout. En te voyant j’oublie,
Pauvre petit fossé qui me troubles si fort,
Mes angoisses de coeur, mes rêves d’Italie,
Et je me sens meilleur, et je bénis le sort.
Courrières, 1867
il y a 10 mois
J
Jules Breton
@julesBreton
Les ruines Les vieillards, quand près d’eux, semaine par semaine,
Le temps a dévasté, tour à tour, fleurs et fruits,
Les vieillards ont, ainsi que la cité romaine,
Au cœur un forum mort plein de temples détruits ;
Silencieux désert où leur âme promène
Son long ennui stérile, où l’ortie et le buis,
Et l’herbe solitaire, en l’antique domaine,
Ont étouffé l’orgueil des fastes et des bruits;
Où des frontons muets la légende effacée
Sous la rouille des ans dérobe sa pensée.
Plus de chants, les oiseaux aiment les floraisons.
Plus de prisme charmeur irisant les bruines,
Mais de graves soleils, de vastes horizons,
Éclairant la beauté dernière des ruines.
il y a 10 mois
J
Jules Breton
@julesBreton
Vieux jardins Qui n’aime ces jardins des humbles dont les haies
Sont de neige au printemps, puis s’empourprent de baies
Que visite le merle à l’arrière-saison ;
Où dort, couvert de mousse, un vieux pan de maison
Qu’une vigne gaîment couronne de sa frise,
Sous la fenêtre étroite et que le temps irise ;
Où des touffes de buis d’âge immémorial
Répandent leur parfum austère et cordial ;
Où la vieillesse rend les groseilliers avares ;
Jardinets mesurant à peine quelques ares,
Mais si pleins de verdeurs et de destructions
Qu’on y suivrait le fil des générations;
Où près du tronc caduc et pourri qu’un ver fouille,
Les cheveux allumés, l’enfant vermeil gazouille ;
Où vers le banc verdi les bons vieillards tremblants
Viennent, sur leur béquille appuyant leurs pas lents
Et gardant la gaîté, – car leur âme presbyte
Voit mieux les beaux lointains que la lumière habite, –
D’un regard déjà lourd de l’éternel sommeil,
Tout doucement sourire à leur dernier soleil ?
il y a 10 mois
J
Jules Delavigne
@julesDelavigne
La fin Pourquoi on aime tellement regarder le soleil qui se couche ?
Sur un lac doré, derrière une montagne rose
Ou sur une plage déserte un soir d’été
Cette boule de feu plongeant doucement dans la mer lointaine
Le soleil qui se lève, c’est l’expectation, le début
Mais les débuts sont vides, nous les comprenons
Les débuts sont là pour donner du sens aux fins
Nous sommes toujours fascinés par les fins
Même si ce ne sont que des fausses fins
Comme la fin d’un voyage ou d’un film
On sait bien qu’à la fin d’un film, l’histoire continue après
Il faut juste l’écrire
Le soleil qui se couche doucement un soir d’été
Nous ramène chaque fois vers cette fascination de la fin
La fin de la journée ou la fin sans fin ?
Regarder le soleil qui se couche nous aide à mieux comprendre
Que nous ne comprenons rien de la fin, car la fin c’est la fin
Et à la fin, il n’y a rien
il y a 10 mois
J
Jules Delavigne
@julesDelavigne
Le désert Coincé derrière une barrière de fer
Les jours sont longs
ici
dans ce désert.
Les loups crient chaque nuit
L’odeur des carcasses
me rend fou
Mais je reste
là
où je devrais.
Aujourd’hui, j’ai dix-huit ans
demain, comme toujours, j’irai chercher…
J’irai sous le ciel bleu profond
gratter la pierre avec mes doigts
jusqu’à ce que le sang coule
partout
dans le sable blanc et magnifique
de ce désert mélancolique.
il y a 10 mois
Jules Laforgue
@julesLaforgue
Aquarelle en cinq minutes Oh ! oh ! le temps se gâte,
L’orage n’est pas loin,
Voilà que l’on se hâte
De rentrer les foins !…
L’abcès perce !
Vl’à l’averse !
O grabuges
Des déluges !….
Oh ! ces ribambelles
D’ombrelles !….
Oh ! cett’ Nature
En déconfiture ! ….
Sur ma fenêtre,
Un fuchsia
A l’air paria
Se sent renaître….
il y a 10 mois
Jules Laforgue
@julesLaforgue
La lune est stérile Lune, Pape abortif à l’amiable, Pape
Des Mormons pour l’art, dans la jalouse Paphos
Où l’Etat tient gratis les fils de la soupape
D’échappement des apoplectiques Cosmos !
C’est toi, léger manuel d’instincts, toi qui circules,
Glaçant, après les grandes averses, les oeufs
Obtus de ces myriades d’animalcules
Dont les simouns mettraient nos muqueuses en feu !
Tu ne sais que la fleur des sanglantes chimies ;
Et perces nos rideaux, nous offrant le lotus
Qui constipe les plus larges polygamies,
Tout net, de l’excrément logique des foetus.
Carguez-lui vos rideaux, citoyens de moeurs lâches ;
C’est l’Extase qui paie comptant, donne son Ut
Des deux sexes et veut pas même que l’on sache
S’il se peut qu’elle ait, hors de l’art pour l’art, un but.
On allèche de vie humaine, à pleines voiles,
Les Tantales virtuels, peu intéressants
D’ailleurs, sauf leurs cordiaux, qui rêvent dans nos moelles ;
Et c’est un produit net qu’encaissent nos bons sens.
Et puis, l’atteindrons-nous, l’Oasis aux citernes,
Où nos coeurs toucheraient les payes qu’on leur doit ?
Non, c’est la rosse aveugle aux cercles sempiternes
Qui tourne pour autrui les bons chevaux de bois.
Ne vous distrayez pas, avec vos grosses douanes ;
Clefs de fa, clefs de sol, huit stades de claviers,
Laissez faire, laissez passer la caravane
Qui porte à l’Idéal ses plus riches dossiers !
L’Art est tout, du droit divin de l’Inconscience ;
Après lui, le déluge ! et son moindre regard
Est le cercle infini dont la circonférence
Est partout, et le centre immoral nulle part.
Pour moi, déboulonné du pôle de stylite
Qui me sied, dès qu’un corps a trop de son secret,
J’affiche : celles qui voient tout, je les invite
A venir, à mon bras, des soirs, prendre le frais.
Or voici : nos deux Cris, abaissant leurs visières,
Passent mutuellement, après quiproquos,
Aux chers peignes du cru leurs moelles épinières
D’où lèvent débusqués tous les archets locaux.
Et les ciels familiers liserés de folie
Neigeant en charpie éblouissante, faut voir
Comme le moindre appel : c’est pour nous seuls ! rallie
Les louables efforts menés à l’abattoir !
Et la santé en deuil ronronne ses vertiges,
Et chante, pour la forme : » Hélas ! ce n’est pas bien,
» Par ces pays, pays si tournoyants, vous dis-je,
» Où la faim d’Infini justifie les moyens. «
Lors, qu’ils sont beaux les flancs tirant leur révérence
Au sanglant capitaliste berné des nuits,
En s’affalant cuver ces jeux sans conséquence !
Oh ! n’avoir à songer qu’à ses propres ennuis !
– Bons aïeux qui geigniez semaine par semaine,
Vers mon Coeur, baobab des védiques terroirs,
je m’agite aussi ! mais l’Inconscient me mène ;
Or, il sait ce qu’il fait, je n’ai rien à y voir.
il y a 10 mois
Jules Laforgue
@julesLaforgue
États Ah ! ce soir, j’ai le coeur mal, le coeur à la Lune !
Ô Nappes du silence, étalez vos lagunes ;
Ô toits, terrasses, bassins, colliers dénoués
De perles, tombes, lys, chats en peine, louez
La Lune, notre Maîtresse à tous, dans sa gloire :
Elle est l’Hostie ! et le silence est son ciboire !
Ah ! qu’il fait bon, oh ! bel et bon, dans le halo
De deuil de ce diamant de la plus belle eau !
Ô Lune, vous allez me trouver romanesque,
Mais voyons, oh ! seulement de temps en temps est-c’ que
Ce serait fol à moi de me dire, entre nous,
Ton Christophe Colomb, ô Colombe, à genoux ?
Allons, n’en parlons plus ; et déroulons l’office
Dés minuits, confits dans l’alcool de tes délices.
Ralentendo vers nous, ô dolente Cité,
Cellule en fibroïne aux organes ratés !
Rappelle-toi les centaures, les villes mortes,
Palmyre, et les sphinx camards des Thèbe aux cent portes ;
Et quelle Gomorrhe a sous ton lac de Léthé
Ses catacombes vers la stérile Astarté !
Et combien l’homme, avec ses relatifs » Je t’aime « ,
Est trop anthropomorphe au-delà de lui-même,
Et ne sait que vivotter comm’ ça des bonjours
Aux bonsoirs tout en s’arrangeant avec l’Amour.
– Ah ! Je vous disais donc, et cent fois plutôt qu’une,
Que j’avais le coeur mal, le coeur bien à la Lune.
il y a 10 mois
J
Jérôme Matin
@jeromeMatin
Aux fils de Kémèt Nous sommes comme les graines sous le sable
Enfouies,
Deux millénaires à attendre la pluie.
Nous sommes les étoiles prisonnières de la nuit,
La lumière fossile d’un passé évanoui.
Princes déchus! Soldats sans patrie!
Souvenons-nous de Skaka, de Soundiata, d’Aboubakry.
Notre mémoire n’est pas morte,
Elle est juste endormie.
Mais il est des silences plus terribles que des cris.
Ne sommes-nous pas filles et fils de kémèt?
N’avons-nous pas suffisamment baissé la tête?
Les racines attendent-elles que le ciel verse une larme?
Elles fendent les entrailles de la terre comme une lame.
Au bout de nos lèvres chants et contes oubliés.
De poèmes en théorèmes que de savoirs négligés.
Souvenons-nous que jadis tous buvaient à nos sources.
À la face l’histoire faisons jaillir la vérité.
Retournons à nos couleurs,
Au naturel de nos corps,
Aux tambours qui appellent au souvenir de nos morts.
Et toi
Ô femme, toi ma reine, mon trésor,
Souviens-toi de ton règne,
Souviens-toi d’Amanitore.
il y a 10 mois
J
Jérôme Matin
@jeromeMatin
L’étreinte du figuier maudit Je suis né d’une graine de Ficus Auréa,
Ô combien mortel,
Le figuier maudit.
Peu soucieux de mes penchants criminels,
Sur la branche d’un Mahogany je grandis.
Mon âme aspire aux vibrations des étoiles,
Aux pulsations de la montagne qui rythment les vallées,
Aux messages que portent les oiseaux et le vent
De ses régions obscures qui protègent leurs secrets.
Je l’étreins, le protège et le soutiens de mes forces,
Je l’enlace et l’embrasse de ma passion féroce.
Le majestueux, l’acajou séculaire.
Mais une tragédie se dessine sous le tropique du cancer.
Car nul n’échappe aux crocs du destin.
D’aucuns penseront que je suis né pour tuer.
Me voilà prisonnier de mes propres instincts,
Moi, l’étrangleur favori des sorciers,
L’allégorie de la mort qui nourrit les vivants,
Moi, le parasite conquérant des feuilles putrides,
Écarté à jamais du sentier des pénitents.
À présent je suis seul et ma douleur est immense,
Un trou béant à la place du coeur,
Debout sur les restes de mon amour innocent,
Le temps qui s’écoule sera ma sentence.
il y a 10 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
A ma fille Après le sentier et la poussière
nous voici parmi
les plantes immobiles
dans cette préface
à la vallée
cernés
par un silence parfait
« C’est le paradis ici ! »
Ce cri de l’innocence
me libère
des rets de la vieillesse
il y a 10 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Araignée Tisse ta toile
soleil
dans les branches
de notre nuit
fais naître ta broderie
pour que des nuances
d’arc-en-ciel
y scintillent
après la pluie
Le jardin nous accueillera
avec ses fleurs
à l’âme vermeille
quand sonnera pour lui seul
l’heure où paraît
la merveille
l’homme enfin réconcilié
avec ses frères
il y a 10 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Arbres Stoïques
ils se laissent dépouiller
par l’automne
et restent dignes
malgré la chute
des feuilles
Leur deuil
silencieux
se drape d’une toge
de candeur
lorsque vient l’hiver
leur embaumeur
Pourtant la sève
persévère
et circule
Sa foi en le printemps
ne tarde pas à porter ses fruits
En été arbres vous devenez
des oasis d’ombre
Et votre silence parfois est traversé
des bruits de la vie
Ayons votre passion sédentaire
et vos rêves nomades
mystérieuses présences
de bois
artisans
de la vraie sagesse
il y a 10 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Aurore Beau est Le monde malgré la nuit
secrète ta propre lumière
intense
Malgré l’opacité
du silence
Il y aura toujours
éphémère
cette chance
de se nourrir d’espérance
Ni la démence ni le sang
avec leur laideur et leurs transes
n’éteindront le chant
de l’oiseau
au soleil levant
il y a 10 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Égarement Feuille dans le vent
tu tournoies
privée
de ta sève natale
Lac
tu gèles
sortilège
de l’hiver
Nuage gris
tu pleures
dans l’orage
Étoile
ton silence
hurle
de ne pas exister
il y a 10 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Contrastes Vous avez la statue de la Liberté
à l’entrée de la baie d’Hudson
Nous avons de la nature la vérité
et l’amour infini des personnes
Bercés par le bourdonnement des abeilles
et le chant de l’oiseau
nous marchons au pied de vos gratte-ciels
parmi des citadins-robots
Le flot de voitures
sous un soleil urbain
ne vaut pas le vent dans les ramures
et la lumière du matin
C’est vrai la célèbre Manhattan
fait rêver certains êtres humains
cette île où l’on se damne
pour ressembler aux Américains
C’est là que bat le coeur
de la « Big Apple »
New-York et ses rockers,
la ville de la perpétuelle
insomnie
Nous préférons cette vie au ralenti
où palpite la lenteur
où l’on ne nous a pas menti
sur la recette du bonheur
il y a 10 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Cybèle Gourmandise du bleu
ton corps rongé
Ne demeure que peu
de ta stabilité
Peau de chagrin
tu es pour les uns
écrin
de pluies nourricières
pour les autres
incandescent
refrain
Selon les humeurs
du vent
sereine
ou violents soubresauts
de ta chevelure répandue
sous le ciel indifférent
il y a 10 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Emblème Quand tant d’autres continuent
d’offrir des fleurs
tes larmes
pétales de l’âme
ont séché
Les cris de détresse
t’ont rendu insensible
aux caresses
des femmes
aux morsures des flammes
Inhumain comme les drames
et l’horreur indicible
tu es cette immense clameur
face à la cruauté des hommes
et l’indifférence du ciel
Quand tant d’autres meurent
pour rien
au nom du Mal
ou du Bien
tu trouves normal
d’être ce fantôme essentiel
qui hante
les ruines de nos consciences
il y a 10 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Eté La mer
à la robe bruissante de bleu
pose l’émeraude de son regard
sur le carrosse d’or éphémère
qui nous attend
passants lumineux
pour un voyage insouciant
dans la saison
où la royauté
privilège du mystère
est maintenant une couronne solaire
posée
sur nos vies humbles
il y a 10 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Le lac A ta surface glissent les cygnes,
les barques,
l’angoisse d’être mortel
Là-haut le ciel
joue en virtuose
avec sa palette de gris
Sur un banc vert
ma fillette et mes hivers
terrassés par son émerveillement
Si la vie a un visage
c’est celui d’une innocente
qui sans qu’on le sente
ressuscite
la fluidité des heures
sur le lac intemporel
où le vent léger
s’efforce de creuser
une vieillesse éphémère
il y a 10 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Lueur La flèche et le coeur brisés
ont perdu la bataille
du souvenir gravé
sur le tronc
de notre échec
N’est-ce pas une débâcle
que cette vie
sous les griffes de la Mort ?
Non.
Il y a le murmure des rivières
et la caresse du vent
la persistance de la mémoire
où courent libres
les chevaux de l’illusion
Rien
n’est jamais vraiment perdu
il y a 10 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Matin Sur le rebord de ma fenêtre
l’oeil aux aguets
vient boire l’âme
au coeur d’oiseau
Son chant
en quête de lui-même
se glisse dans mon oreille
y verse la candeur
du réveil
Je suis à Casablanca
ma ville ma mère
les yeux renaissant au matin
sur tes genoux d’embruns
et de souvenirs rides
il y a 10 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Neige Ville maudite
tu as beau tendre l’oreille
une blanche bénédiction
te vêt en silence
Sa paix se pose
sur les êtres et leurs créations
Dans les jardins publics
une marée immaculée
recouvre les allées
où les pas ont gravé
leurs traces éphémères
et la nature se fige
sous le duvet ininterrompu
de l’oiseau de passage
qui bientôt
nous abandonnera
il y a 10 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Osmose L’eau m’a prêté
sa transparence
et le ciel son illusion bleue
Les arbres m’ont appris
le silence
la pluie le vert des prairies
le soleil la tyrannie du feu
Les bêtes sages d’inconscience
dévisagent l’homme
monstre de science
Je suis l’une d’elle
Au printemps
l’herbe grasse de la vie
a un goût d’éternité
pour le ruminant d’un présent
perpétuel
il y a 10 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Printanière Elle coiffe avec le peigne radieux
du soleil
sa chevelure verte
et fleurie
d’où nait le chant
des oiseaux
Elle rit aux derniers frimas
et fait couler de nouveaux ruisseaux
pour nous dire
que rien ne dure
Elle dévoile les couleurs
et répand par poignées
l’essaim de leurs parfums
Malgré la ritournelle des saisons
notre Terre
aux robes légères
passante qui régénère
il y a 10 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Séisme Malgré les décombres
les anciens refuges
qui s’effondrent
un nouveau-né encore relié
à sa mère sans vie
par le cordon ombilical
défi de l’espérance
lancé à la Terre qui vous trahit
Habitants de Turquie ou de Syrie
qui ne comptent plus leurs morts
quel mystère choisit vos pays
pour y semer la désolation ?
Notre planète insurgée
contre nos ignominies
ou le Mal aveugle
qui sans distinction
vous frappe ?
Non-sens peut-être
régneras-tu sans partage
Nature sans maîtres
imprévisible rage
il y a 10 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Victime Notre Terre
corps meurtri fait
de beauté défigurée
et de la poussière de nos morts
d’arbres abattus
exécutés dans les forets
d’ou fuit le chant de l’oiseau
étouffé par les tronçonneuses
d’hémorragies de pétrole
et d’océans en deuil
de requins à la dérive
qui rougissent le silence
des eaux
Notre Terre
à l’air irrespirable
dans le poison des villes
à la nature inaccessible
comme un rêve lointain
que le citadin amnésique
n’ose plus faire
Notre Terre
que l’orgueil luciférien
transforme en enfer
il y a 10 mois
K
Kieran Wall
@kieranWall
Gorges L’eau d’un marine verdâtre
Trompe l’œil
Dessous les ombres albâtres
Des rochers.
Cette tranquille atmosphère
Exiguë
Participe au laisser-faire
Ambiant
Que ponctuent
Les sonneries aquatiques :
Quelque acrobate gagnant
La fraîcheur
Sourde d’une eau hiératique,
Murmurant
Les lézardes de la roche
Dans le temps.