Éloge de la vieillesse J’aime les très vieux
assis à la fenêtre
qui regardent en souriant
le ciel perclus de nuages
et la lumière qui boite dans les rues de l’hiver
j’aime leur visage
aux mille rides
qui sont la mémoire de mille vies
qui font une vie d’homme
j’aime la main très vieille
qui caresse en tremblant
le front de l’enfant
comme l’arbre penché
effleure de ses branches
la clarté d’une rivière
j’aime chez les vieux
leur geste fragile et lent
qui tient chaque instant de la vie
comme une tasse de porcelaine
comme nous devrions faire nous aussi
à chaque instant
avec la vie
il y a 9 mois
J
Jean-Pierre Villebramar
@jeanPierreVillebramar
Les merveilleux nuages ouvrant la porte,
mon frère
t’a trouvé, étendu, les bras en croix
à dire vrai, je ne sais plus
si mon frère m’a dit
ou si tu étais couché
sur le côté, attendant
qu’on vienne te chercher,
Papa
ça n’a pas d’importance. Mais c’était toi.
Le même. Plus tout à fait, pourtant,
Papa
Après, je suis allé te voir deux ou trois jours,
je ne sais plus,
si c’était deux, si c’était trois
Papa
la suite, je ne m’en souviens pas très bien
ça n’a pas d’importance
c’était toi.
Plus tout à fait le même.
Mais toi.
(Je me souviens de flammes.)
M’en revenant, je me suis arrêté
sur les bords de l’étang de Thau
l’eau était calme et lisse
s’y reflétaient
de merveilleux nuages
étendus comme toi, bras en croix
comme dans le poème
les nuages,
les merveilleux nuages,
Papa
il y a 9 mois
J
Jean-Pierre Villebramar
@jeanPierreVillebramar
Rue des écoles « Monsieur mon Passé, laisse-moi passer… »
monsieur mon passé
je t’écris en lettres minuscules
léger dans la lumière du matin
tendre
comme nous fûmes
je te souris, tu es si jeune
sages dans les allées du Luxembourg
elle-et-lui, il y a toujours des elle-et-lui, au Luxembourg
dans la montée rue Sainte Geneviève
je t’écris au présent
monsieur mon passé
au présent, en lettres minuscules
viens avec mois, promenons-nous au Luxembourg
nous avons tant à partager
de souvenirs, et celui-ci,
d’une après-midi d’août, dans sa mansarde
rue des Écoles
il y a 9 mois
Joachim du Bellay
@joachimDuBellay
La complainte du désespéré Qui prêtera la parole
A la douleur qui m'affole?
Qui donnera les accents
A la plainte qui me guide :
Et qui lâchera la bride
A la fureur que je sens?
Qui baillera double force
A mon âme, qui s'efforce
De soupirer mes douleurs?
Et qui fera sur ma face
D'une larmoyante trace
Couler deux ruisseaux de pleurs?...
Et vous mes vers, dont la course
A de sa première source
Les sentiers abandonnés,
Fuyez à bride avalée.
Et la prochaine vallée
De votre bruit étonnez.
Votre eau, qui fut claire et lente,
Ores trouble et violente,
Semblable à ma douleur soit,
Et plus ne mêlez votre onde
A l'or de l'arène blonde,
Dont votre fond jaunissoit...
Chacune chose décline
Au heu de son origine :
Et l'an, qui est coutumier
De faire mourir et naître,
Ce qui fut rien, avant qu'être,
Réduit à son rien premier.
Mais la tristesse profonde,
Qui d'un pied ferme se fonde
Au plus secret de mon cœur,
Seule immuable demeure,
Et contre moi d'heure en heure
Acquiert nouvelle vigueur...
Quelque part que je me tourne,
Le long silence y séjourne
Comme en ces temples dévots,
Et comme si toutes choses
Pêle-mêle étaient r'encloses
Dedans leur premier
Chaos...
Maudite donc la lumière
Qui m'éclaira la première,
Puisque le ciel rigoureux
Assujettit ma naissance
A l'indomptable puissance
D'un astre si malheureux...
Heureuse la créature
Qui a fait sa sépulture
Dans le ventre maternel !
Heureux celui dont la vie
En sortant s'est vue ravie
Par un sommeil éternel!...
Sus, mon âme, tourne arrière,
Et borne ici la carrière
De tes ingrates douleurs.
Il est temps de faire épreuve,
Si après la mort on treuve
La fin de tant de malheurs.
il y a 9 mois
Joachim du Bellay
@joachimDuBellay
Maintenant je pardonne à la douce fureur Maintenant je pardonne à la douce fureur
Qui m'a fait consumer le meilleur de mon âge,
Sans tirer autre fruit de mon ingrat ouvrage
Que le vain passe-temps d'une si longue erreur.
Maintenant je pardonne à ce plaisant labeur,
Puisque seul il endort le souci qui m'outrage,
Et puisque seul il fait qu'au milieu de l'orage,
Ainsi qu'auparavant, je ne tremble de peur.
Si les vers ont été l'abus de ma jeunesse,
Les vers seront aussi l'appui de ma vieillesse,
S'ils furent ma folie, ils seront ma raison,
S'ils furent ma blessure, ils seront mon Achille,
S'ils furent mon venin, le scorpion utile
Qui sera de mon mal la seule guérison.
il y a 9 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
A ma fille Après le sentier et la poussière
nous voici parmi
les plantes immobiles
dans cette préface
à la vallée
cernés
par un silence parfait
« C’est le paradis ici ! »
Ce cri de l’innocence
me libère
des rets de la vieillesse
il y a 9 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Amis Sans se consumer
se posent nos mains
sur l’épaule du Temps
Se lèvent sur son visage
le jour
les souvenirs
essaim de papillons
Malgré les rides importunes
avec nos rires d’antan
pour tout bagage
dans la mémoire rebelle
l’on voyage
Nos voix aussi
sont les mêmes
L’aridité de l’âge
ne les a pas taries
Elles coulent toujours
dans cette oasis de l’amitié
où vieillir est un mirage
il y a 9 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Dans un jardin public Dans l’âtre de mon coeur
crépite la joie
Sous mes yeux
l’avenir s’adonne a ses petits jeux
et je sens se ranimer ma carcasse
de vieux
L’instinct de vivre
a pris les traits
de ces âmes légères
inconscientes du poids du monde
Fragiles miroirs
de ce que nous fumes
sans le savoir ces enfants
nous disent quelque chose
l’innocence aura toujours raison
de l’écume de nos vains combats
il y a 9 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Demain A ma face
labourée de rides
n’oppose pas
ton visage lisse
et l’insouciance de tes ans
A ma mémoire
lasse du poids
du langage
ne fais pas la grimace
de ceux qui habillent
de santé
la candeur de leurs
premières pages
A mes mots chancelants
donne une chance
en étant patiente
comme je le fus
pour toi
A mon souffle court
ne compare pas
les grands espaces
de ta juvénile respiration
A mon pas hésitant
accorde le tien confiant
pour que ton vieux père
soit un peu ton enfant
il y a 9 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Parcours De la main lisse à la main fripée
une vie s’est écoulée
De l’insouciance à la peur
de la chasse aux papillons
à celle de nos démons intérieurs
le piège s’est refermé
Dans la nuit de nos erreurs
s’élève un cri :
personne ne l’entend
même si
tout est silencieux
C’est cela être vieux
il y a 9 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Printemps Enfouie dans sa solitude
comme un cri de détresse
dans le noir sidéral
une chambre
dans une maison de retraite
Derrière les vitres
des yeux regardent
la nature renaissante
Bourgeon
la vieillesse éclôt
il y a 9 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Scénario Tes premiers pas
ton premier exploit
Des taches d’encre
sur tes doigts
et tes cahiers
Le sapin de Noël
et ton regard émerveillé
ta joie devant la profusion
de jouets
Le premier baiser
et cette fille à l’âme parfumée
sa trahison
et la foi en autrui
qui part en fumée
Les aventures de l’esprit
et du corps
pour oublier
et guérir peut-être
Les responsabilités
et les premiers cheveux blancs
Le cimetière
la mort d’un ami
ou des parents
Le défilé des saisons
ce film sans surprise
que malgré tout
tu te plais à revoir
Cette conductrice étrange
et ton dernier voyage
il y a 9 mois
K
Kamal Zerdoumi
@kamalZerdoumi
Voyage A Paris
mon pas décroît
dans le crépuscule
de vivre
Sous la cruauté d’un ciel
gris
malgré l’indifférence
et l’odyssée souterraine
mon corps vieux navire
traverse l’année
en fendant les flots
de l’espérance
pour atteindre l’autre rive
son soleil ami
et baigner l’âme
dans le bleu de ses cieux
il y a 9 mois
L
Louis Ménard
@louisMenard
Résignation C’est une pauvre vieille, humble, le dos voûté.
Autrefois on l’aimait, on s’est tué pour elle.
Qui sait ? Peut-être un jour tu seras regretté
De celle qui dit non, maintenant qu’elle est belle.
Elle aussi vieillira, puis l’ombre universelle
La noîra, comme toi, dans son immensité.
Il faut que les grands dieux, pour leur oeuvre éternelle,
Reprennent le bonheur qu’ils nous avaient prêté.
Nous sommes trop petits dans l’ensemble des choses ;
La nature mûrit ses blés, fleurit ses roses
Et dédaigne nos voeux, nos regrets, nos efforts.
Attendons, résignés, la fin des heures lentes ;
Les étoiles, là-haut, roulent indifférentes ;
Qu’elles versent l’oubli sur nous ; heureux les morts !
il y a 9 mois
M
Maurice Rollinat
@mauriceRollinat
Deux bons vieux coqs Le cabaret qui n'est pas neuf
Est bondé des plus vieux ivrognes
Dont rouge brique sont les trognes
Entre les grands murs sang de bœuf.
L'un d'entre eux, chenu comme un œuf,
D'une main sur la table cogne,
Et, son verre dans l'autre, il grogne :
« Aussi vrai que j' suis d' Châteauneuf !
J' reste un bon coq, et l' diab' me rogne !
Je r'prendrais femm' si j' dev'nais veuf. »
« Dam ! moi, fait le père Tubeuf,
J' suis ben dans mes quatre-vingt-neuf :
Et j' m'acquitte encor de ma b'sogne ! »
il y a 9 mois
M
Maurice Rollinat
@mauriceRollinat
La vieille échelle Gisant à plat dans la pierraille,
Veuve à jamais du pied humain,
L'échelle, aux tons de parchemin,
Pourrit au bas de la muraille.
Jadis, beaux gars et belles filles,
Poulettes, coqs, chats tigrés
Montaient, obliques, ses degrés,
La ronce à présent s'y tortille.
Mais, une margot sur le puits
Se perche... une autre encore ! et puis,
Toutes deux quittant la margelle
Pour danser sur ses échelons,
Leurs petits sauts, tout de son long,
Ressuscitent la pauvre échelle.
il y a 9 mois
M
Max Elskamp
@maxElskamp
Ici, c’est un vieil homme de cent ans Ici, c’est un vieil homme de cent ans
qui dit, selon la chair, Flandre et le sang :
souvenez-vous-en, souvenez-vous-en,
en ouvrant son coeur de ses doigts tremblants
pour montrer à tous sa vie comme un livre,
et, dans sa joie comme en des oraisons,
tout un genre humain occupé à vivre
en ses villes pies d’hommes et d’enfants.
Or à tous ici, ses pleurs et ses fêtes,
et, suivant le ciel peint à ses couleurs,
voici sa maison, ses fruits et ses fleurs,
en ses horizons d’hommes et de bêtes :
et lors ses heures d’hiver et printemps
venues en musique ainsi qu’en prières,
sous des Christs en croix, des saints, des calvaires,
puis sa foi aussi bonne en tous les temps,
pour la paix de sa vie trop à l’attache,
dans les jours, les mois, des quatre saisons,
et le réconfort de ses mains qui tâchent
ici de leur mieux et très simplement.
il y a 9 mois
Nicolas Boileau
@nicolasBoileau
Le bûcheron et la mort Le dos chargé de bois, et le corps tout en eau,
Un pauvre bûcheron, dans l’extrême vieillesse,
Marchait en haletant de peine et de détresse.
Enfin, las de souffrir, jetant là son fardeau,
Plutôt que de s’en voir accablé de nouveau,
II souhaite la Mort, et cent fois il l’appelle.
La Mort vint à la fin: Que veux-tu? cria-t-elle.
Qui? moi! dit-il alors prompt à se corriger:
Que tu m’aides à me charger.
il y a 9 mois
N
Nérée Beauchemin
@nereeBeauchemin
Une sainte Chère défunte, pure image
Au miroir des neiges d’antan,
Petite vieille au doux visage!
Petite vieille au coeur battant
Des allégresses du courage,
Petite vieille au coeur d’enfant!
Auguste mère de ma mère,
Ô blanche aïeule, morte un soir
D’avoir vécu la vie amère!
Figure d’âme douce à voir
Parmi l’azur et la lumière
Où monte l’aile de l’espoir!
Beauté que nul pinceau n’a peinte!
Humble héroïne du devoir,
Qui dans le Seigneur t’es éteinte!
Je t’invoque comme une sainte.
il y a 9 mois
Paul Verlaine
@paulVerlaine
Colloque sentimental Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux formes ont tout à l'heure passé.
Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l'on entend à peine leurs paroles.
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres ont évoqué le passé.
- Te souvient-il de notre extase ancienne ?
- Pourquoi voulez-vous donc qu'il m'en souvienne ?
- Ton cœur bat-il toujours à mon seul nom ?
Toujours vois-tu mon âme en rêve ? - Non.
Ah ! les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches ! - C'est possible.
il y a 9 mois
Pierre Corneille
@pierreCorneille
A la marquise Marquise, si mon visage
A quelques traits un peu vieux,
Souvenez-vous qu’à mon âge
Vous ne vaudrez guère mieux.
Le temps aux plus belles choses
Se plaît à faire un affront,
Et saura faner vos roses
Comme il a ridé mon front.
Le même cours des planètes
Règle nos jours et nos nuits
On m’a vu ce que vous êtes;
Vous serez ce que je suis.
Cependant j’ai quelques charmes
Qui sont assez éclatants
Pour n’avoir pas trop d’alarmes
De ces ravages du temps.
Vous en avez qu’on adore;
Mais ceux que vous méprisez
Pourraient bien durer encore
Quand ceux-là seront usés.
Ils pourront sauver la gloire
Des yeux qui me semblent doux,
Et dans mille ans faire croire
Ce qu’il me plaira de vous.
Chez cette race nouvelle,
Où j’aurai quelque crédit,
Vous ne passerez pour belle
Qu’autant que je l’aurai dit.
Pensez-y, belle marquise.
Quoiqu’un grison fasse effroi,
Il vaut bien qu’on le courtise
Quand il est fait comme moi.
il y a 9 mois
Pierre Corneille
@pierreCorneille
Stances à la marquise du parc Marquise si mon visage
À quelques traits un peu vieux,
Souvenez-vous qu'à mon âge
Vous ne vaudrez guère mieux.
Le temps aux plus belles choses
Se plaît à faire un affront,
Et saura faner vos roses
Comme il a ridé mon front.
Le même cours des planètes
Règle nos jours et nos nuits :
On m'a vu ce que vous êtes
Vous serez ce que je suis.
Cependant j'ai quelques charmes
Qui sont assez éclatants
Pour n'avoir pas trop d'alarmes
De ces ravages du temps.
Vous en avez qu'on adore ;
Mais ceux que vous méprisez
Pourraient bien durer encore
Quand ceux-là seront usés.
Ils pourront sauver la gloire
Des yeux qui me semblent doux,
Et dans mille ans faire croire
Ce qu'il me plaira de vous.
il y a 9 mois
Pierre Corneille
@pierreCorneille
Vos beaux yeux Vos beaux yeux sur ma franchise
N’adressent pas bien leurs coups,
Tête chauve et barbe grise
Ne sont pas viande pour vous ;
Quand j’aurais l’heure de vous plaire,
Ce serait perdre du temps ;
Iris, que pourriez-vous faire
D’un galant de cinquante ans ?
Ce qui vous rend adorable
N’est propre qu’à m’alarmer,
Je vous trouve trop aimable
Et crains de vous trop aimer :
Mon cœur à prendre est facile,
Mes vœux sont des plus constants ;
Mais c’est un meuble inutile
Qu’un galant de cinquante ans.
Si l’armure n’est complète,
Si tout ne va comme il faut,
Il vaut mieux faire retraite
Que d’entreprendre un assaut :
L’amour ne rend point la place
À de mauvais combattants,
Et rit de la vaine audace
Des galants de cinquante ans.
il y a 9 mois
Pierre de Ronsard
@pierreDeRonsard
Je n’ai plus que les os Je n’ai plus que les os, un squelette je semble,
Décharné, dénervé, démusclé, dépulpé,
Que le trait de la mort sans pardon a frappé,
Je n’ose voir mes bras que de peur je ne tremble.
Apollon et son fils, deux grands maîtres ensemble,
Ne me sauraient guérir, leur métier m’a trompé ;
Adieu, plaisant Soleil, mon œil est étoupé,
Mon corps s’en va descendre où tout se désassemble.
Quel ami me voyant en ce point dépouillé
Ne remporte au logis un œil triste et mouillé,
Me consolant au lit et me baisant la face,
En essuyant mes yeux par la mort endormis ?
Adieu, chers compagnons, adieu, mes chers amis,
Je m’en vais le premier vous préparer la place.
il y a 9 mois
Pierre de Ronsard
@pierreDeRonsard
Maîtresse embrasse-moi Maîtresse, embrasse-moi, baise-moi, serre-moi,
Haleine contre haleine, échauffe-moi la vie,
Mille et mille baisers donne-moi je te prie,
Amour veut tout sans nombre, amour n'a point de loi.
Baise et rebaise-moi ; belle bouche pourquoi
Te gardes-tu là-bas, quand tu seras blêmie,
A baiser (de Pluton ou la femme ou l'amie),
N'ayant plus ni couleur, ni rien semblable à toi ?
En vivant presse-moi de tes lèvres de roses,
Bégaye, en me baisant, à lèvres demi-closes
Mille mots tronçonnés, mourant entre mes bras.
Je mourrai dans les tiens, puis, toi ressuscitée,
Je ressusciterai ; allons ainsi là-bas,
Le jour, tant soit-il court, vaut mieux que la nuitée.
il y a 9 mois
Pierre de Ronsard
@pierreDeRonsard
Ode à Cassandre Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avait déclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu cette vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vôtre pareil.
Las ! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place,
Las ! las ! ses beautés laissé choir !
Ô vraiment marâtre Nature,
Puisqu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que votre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez votre jeunesse :
Comme à cette fleur, la vieillesse
Fera ternir votre beauté.
il y a 9 mois
Pierre de Ronsard
@pierreDeRonsard
Prends cette rose Prends cette rose aimable comme toi,
Qui sert de rose aux roses les plus belles,
Qui sert de fleur aux fleurs les plus nouvelles,
Dont la senteur me ravit tout de moi.
il y a 9 mois
Pierre de Ronsard
@pierreDeRonsard
Quand je suis vingt ou trente mois Quand je suis vingt ou trente mois
Sans retourner en Vendômois,
Plein de pensées vagabondes,
Plein d'un remords et d'un souci,
Aux rochers je me plains ainsi,
Aux bois, aux antres et aux ondes.
Rochers, bien que soyez âgés
De trois mil ans, vous ne changez
Jamais ni d'état ni de forme ;
Mais toujours ma jeunesse fuit,
Et la vieillesse qui me suit,
De jeune en vieillard me transforme.
Bois, bien que perdiez tous les ans
En l'hiver vos cheveux plaisants,
L'an d'après qui se renouvelle,
Renouvelle aussi votre chef ;
Mais le mien ne peut derechef
R'avoir sa perruque nouvelle.
Antres, je me suis vu chez vous
Avoir jadis verts les genoux,
Le corps habile, et la main bonne ;
Mais ores j'ai le corps plus dur,
Et les genoux, que n'est le mur
Qui froidement vous environne.
Ondes, sans fin vous promenez
Et vous menez et ramenez
Vos flots d'un cours qui ne séjourne ;
Et moi sans faire long séjour
Je m'en vais, de nuit et de jour,
Au lieu d'où plus on ne retourne.
il y a 9 mois
Pierre de Ronsard
@pierreDeRonsard
Quand vous serez bien vieille Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz chantant mes vers, en vous émerveillant :
« Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle. »
Lors vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de mon nom ne s'aille réveillant,
Bénissant votre nom, de louange immortelle.
Je serai sous la terre et, fantôme sans os,
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos ;
Vous serez au foyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain :
Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.
il y a 9 mois
Pierre de Ronsard
@pierreDeRonsard
Sonnet à Marie Je vous envoie un bouquet que ma main
Vient de trier de ces fleurs épanouies ;
Qui ne les eût à ces vêpres cueillies,
Tombées à terre elles fussent demain.