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Haine

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Haine

Poésies de la collection haine

    R

    Régis Boury

    @regisBoury

    Haine de Femme La pluie me coule sur la figure Plaquée contre vitre froide... Cette haine de femme hier sage Rancune grossie au fil des jours Dans une maison veuve d'amour Où le rire s'est perdu A l'enfant non venu Petit cimetière en latence Habité de morts-vivants sans importance Qui se regardent, déjà figés En portraits de poussière ; La mort physique n'est rien Si elle vient vite et bien Mais quel supplice infâme Cette errance de l'âme ! 4 novembre 1997 zadig92000

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    Stéphane Mallarmé

    Stéphane Mallarmé

    @stephaneMallarme

    Haine du pauvre Ta guenille nocturne étalant par ses trous Les rousseurs de tes poils et de ta peau, je l'aime Vieux spectre, et c'est pourquoi je te jette vingt sous. Ton front servile et bas n'a pas la fierté blême : Tu comprends que le pauvre est le frère du chien Et ne vas pas drapant ta lésine en poème. Comme un chacal sortant de sa pierre, ô chrétien Tu rampes à plat ventre après qui te bafoue. Vieux, combien par grimace ? et par larme, combien ? Mets à nu ta vieillesse et que la gueuse joue, Lèche, et de mes vingt sous chatouille la vertu. À bas !… — les deux genoux !… — la barbe dans la boue ! Que veut cette médaille idiote, ris-tu ? L'argent brille, le cuivre un jour se vert-de-grise, Et je suis peu dévot et je suis fort têtu, Choisis. — Jetée ? alors, voici ma pièce prise. Serre-la dans tes doigts et pense que tu l'as Parce que j'en tiens trop, ou par simple méprise. — C'est le prix, si tu n'as pas peur, d'un coutelas.

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    S

    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Le pou et la lavande Animal, insecte, catégorie mentale Extermination probable Violet Demain, dans une semaine Parfum Rectification obscène et obsolète d’une négation … de beauté. Ce n’est pas ton destin d’être Blonde, brune ou rousse, la chevelure ne t’appartient pas. Miracle de la nature la Lavande te rejette, te banni, t’expulse. Aucune trêve hivernale ne te concerne. Citoyen d’un autre monde Tu t’es abreuvé à la fontaine de la haine. Je t’implore de les pardonner.

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    S

    Sybille Rembard

    @sybilleRembard

    Tambour de haine Jalouse et indigne Tu m’obliges à réécrire ma vie Tourniquet de l’esprit Aigreur Ta solitude ne me désespère point Ton regard me redessine Me déstabilise Plénitude et manque Vision manichéenne Essorage.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    J'ai vu pendant trois jours de haine J'ai vu pendant trois jours de haine et de remords L'eau refléter des feux et charrier des morts Dans une grande et noble ville. Le tisserand, par l'ombre et la faim énervé, De son dernier métier brûlé sur le pavé Attisait la guerre civile. Le soldat fratricide égorgeait l'ouvrier ; L'ouvrier sacrilège, aveugle meurtrier, Massacrait le soldat son frère ; Peuple, armée, oubliaient qu'ils sont du même sang ; Et les sages pensifs disaient en frémissant : Ô siècle ! ô patrie ! ô misère ! Durant trois nuits la ville, hélas ! ne dormit plus. Tous luttaient. Le tocsin fut le seul angélus Qu'eurent ces sinistres aurores. Les noirs canons, roulant à travers la cité, Ébranlaient, au-dessus du fleuve ensanglanté, L'arche sombre des ponts sonores ! Ah ! la nature et Dieu, devant l'humanité, Même étalant leur grâce avec leur majesté, N'empêchent pas ces tristes choses ! Car ces événements se passaient, ô destin, Sur les bords où Lyon à l'horizon lointain Voit resplendir les Alpes roses. Le 4 septembre 1841.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Le vieil esprit de nuit Le vieil esprit de nuit, d'ignorance et de haine Des clous de Jésus-Christ forge à l'homme une chaîne, Change l'enfant candide et pur en nain vieillot, Lie au bûcher Jean Huss et Morus au billot, Frappe de sa férule Horace, et, si Voltaire Et Rousseau font du bruit en classe, il les fait taire. Il donne sur les doigts au bon Dieu stupéfait. Il refroidit les fronts que l'aube réchauffait, Il insulte le ciel dans la femme, et le nie Dans l'astre, dans la fleur, dans l'art, dans le génie. L'éteignoir sur les yeux, la torche au poing, boudeur, Sournois, pédant, féroce, il aspire l'odeur De la pensée éteinte et de la chair brûlée. Il fait mettre à genoux le vieillard Galilée Sur la terre qui tourne et devant le soleil. Sur œil qui veut s'ouvrir il verse le sommeil. Il tient dans ses dents l'âme humaine, et la grignote. Il inspire Nisard, Veuillot, Planche, Nonotte, Laisse derrière lui tout cœur mort et glacé, Et l'herbe ne croît plus où son âne a passé.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Pauline Roland Elle ne connaissait ni l'orgueil ni la haine ; Elle aimait ; elle était pauvre, simple et sereine ; Souvent le pain qui manque abrégeait son repas. Elle avait trois enfants, ce qui n'empêchait pas Qu'elle ne se sentît mère de ceux qui souffrent. Les noirs événements qui dans la nuit s'engouffrent, Les flux et les reflux, les abîmes béants, Les nains, sapant sans bruit l'ouvrage des géants, Et tous nos malfaiteurs inconnus ou célèbres, Ne l'épouvantaient point ; derrière ces ténèbres, Elle apercevait Dieu construisant l'avenir. Elle sentait sa foi sans cesse rajeunir De la liberté sainte elle attisait les flammes Elle s'inquiétait des enfants et des femmes ; Elle disait, tendant la main aux travailleurs : La vie est dure ici, mais sera bonne ailleurs. Avançons ! — Elle allait, portant de l'un à l'autre L'espérance ; c'était une espèce d'apôtre Que Dieu, sur cette terre où nous gémissons tous, Avait fait mère et femme afin qu'il fût plus doux ; L'esprit le plus farouche aimait sa voix sincère. Tendre, elle visitait, sous leur toit de misère, Tous ceux que la famine ou la douleur abat, Les malades pensifs, gisant sur leur grabat, La mansarde où languit l'indigence morose ; Quand, par hasard moins pauvre, elle avait quelque chose, Elle le partageait à tous comme une sœur ; Quand elle n'avait rien, elle donnait son cœur. Calme et grande, elle aimait comme le soleil brille. Le genre humain pour elle était une famille Comme ses trois enfants étaient l'humanité. Elle criait : progrès ! amour ! fraternité ! Elle ouvrait aux souffrants des horizons sublimes. Quand Pauline Roland eut commis tous ces crimes, Le sauveur de l'église et de l'ordre la prit Et la mit en prison. Tranquille, elle sourit, Car l'éponge de fiel plaît à ces lèvres pures. Cinq mois, elle subit le contact des souillures, L'oubli, le rire affreux du vice, les bourreaux, Et le pain noir qu'on jette à travers les barreaux, Edifiant la geôle au mal habituée, Enseignant la voleuse et la prostituée. Ces cinq mois écoulés, un soldat, un bandit, Dont le nom souillerait ces vers, vint et lui dit — Soumettez-vous sur l'heure au règne qui commence, Reniez votre foi ; sinon, pas de clémence, Lambessa ! choisissez. — Elle dit : Lambessa. Le lendemain la grille en frémissant grinça, Et l'on vit arriver un fourgon cellulaire. — Ah ! voici Lambessa, dit-elle sans colère. Elles étaient plusieurs qui souffraient pour le droit Dans la même prison. Le fourgon trop étroit Ne put les recevoir dans ses cloisons infâmes Et l'on fit traverser tout Paris à ces femmes Bras dessus bras dessous avec les argousins. Ainsi que des voleurs et que des assassins, Les sbires les frappaient de paroles bourrues. S'il arrivait parfois que les passants des rues, Surpris de voir mener ces femmes en troupeau, S'approchaient et mettaient la main à leur chapeau, L'argousin leur jetait des sourires obliques, Et les passants fuyaient, disant : filles publiques ! Et Pauline Roland disait : courage, sœurs ! L'océan au bruit rauque, aux sombres épaisseurs, Les emporta. Durant la rude traversée, L'horizon était noir, la bise était glacée, Sans l'ami qui soutient, sans la voix qui répond, Elles tremblaient. La nuit, il pleuvait sur le pont Pas de lit pour dormir, pas d'abri sous l'orage, Et Pauline Roland criait : mes soeurs, courage ! Et les durs matelots pleuraient en les voyant. On atteignit l'Afrique au rivage effrayant, Les sables, les déserts qu'un ciel d'airain calcine, Les rocs sans une source et sans une racine ; L'Afrique, lieu d'horreur pour les plus résolus, Terre au visage étrange où l'on ne se sent plus Regardé par les yeux de la douce patrie. Et Pauline Roland, souriante et meurtrie, Dit aux femmes en pleurs : courage, c'est ici. Et quand elle était seule, elle pleurait aussi. Ses trois enfants ! loin d'elle ! Oh ! quelle angoisse amère ! Un jour, un des geôliers dit à la pauvre mère Dans la casbah de Bône aux cachots étouffants : Voulez-vous être libre et revoir vos enfants ? Demandez grâce au prince. — Et cette femme forte Dit : — J'irai les revoir lorsque je serai morte. Alors sur la martyre, humble cœur indompté, On épuisa la haine et la férocité. Bagnes d'Afrique ! enfers qu'a sondés Ribeyrolles ! Oh ! la pitié sanglote et manque de paroles. Une femme, une mère, un esprit ! ce fut là Que malade, accablée et seule, on l'exila. Le lit de camp, le froid et le chaud, la famine, Le jour l'affreux soleil et la nuit la vermine, Les verrous, le travail sans repos, les affronts, Rien ne plia son âme ; elle disait : — Souffrons. Souffrons comme Jésus, souffrons comme Socrate. — Captive, on la traîna sur cette terre ingrate ; Et, lasse, et quoiqu'un ciel torride l'écrasât, On la faisait marcher à pied comme un forçat. La fièvre la rongeait ; sombre, pâle, amaigrie, Le soir elle tombait sur la paille pourrie, Et de la France aux fers murmurait le doux nom. On jeta cette femme au fond d'un cabanon. Le mal brisait sa vie et grandissait son âme. Grave, elle répétait : « Il est bon qu'une femme, Dans cette servitude et cette lâcheté, Meure pour la justice et pour la liberté. » Voyant qu'elle râlait, sachant qu'ils rendront compte, Les bourreaux eurent peur, ne pouvant avoir honte Et l'homme de décembre abrégea son exil. « Puisque c'est pour mourir, qu'elle rentre ! » dit-il. Elle ne savait plus ce que l'on faisait d'elle. L'agonie à Lyon la saisit. Sa prunelle, Comme la nuit se fait quand baisse le flambeau, Devint obscure et vague, et l'ombre du tombeau Se leva lentement sur son visage blême. Son fils, pour recueillir à cette heure suprême Du moins son dernier souffle et son dernier regard, Accourut. Pauvre mère ! Il arriva trop tard. Elle était morte ; morte à force de souffrance, Morte sans avoir su qu'elle voyait la France Et le doux ciel natal aux rayons réchauffants Morte dans le délire en criant : mes enfants ! On n'a pas même osé pleurer à ses obsèques ; Elle dort sous la terre. — Et maintenant, évêques, Debout, la mitre au front, dans l'ombre du saint lieu, Crachez vos Te Deum à la face de Dieu ! Jersey, le 12 mars 1853.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Une nuit à Bruxelles Aux petits incidents il faut s’habituer. Hier on est venu chez moi pour me tuer. Mon tort dans ce pays c’est de croire aux asiles. On ne sait quel ramas de pauvres imbéciles S’est rué tout à coup la nuit sur ma maison. Les arbres de la place en eurent le frisson, Mais pas un habitant ne bougea. L’escalade Fut longue, ardente, horrible, et Jeanne était malade. Je conviens que j’avais pour elle un peu d’effroi. Mes deux petits-enfants, quatre femmes et moi, C’était la garnison de cette forteresse. Rien ne vint secourir la maison en détresse. La police fut sourde ayant affaire ailleurs. Un dur caillou tranchant effleura Jeanne en pleurs. Attaque de chauffeurs en pleine Forêt-Noire. Ils criaient : Une échelle ! une poutre ! victoire ! Fracas où se perdaient nos appels sans écho. Deux hommes apportaient du quartier Pachéco Une poutre enlevée à quelque échafaudage. Le jour naissant gênait la bande. L’abordage Cessait, puis reprenait. Ils hurlaient haletants. La poutre par bonheur n’arriva pas à temps.  » Assassin ! – C’était moi. – Nous voulons que tu meures ! Brigand ! Bandit !  » Ceci dura deux bonnes heures. George avait calmé Jeanne en lui prenant la main. Noir tumulte. Les voix n’avaient plus rien d’humain ; Pensif, je rassurais les femmes en prières, Et ma fenêtre était trouée à coups de pierres. Il manquait là des cris de vive l’empereur ! La porte résista battue avec fureur. Cinquante hommes armés montrèrent ce courage. Et mon nom revenait dans des clameurs de rage : A la lanterne ! à mort ! qu’il meure ! il nous le faut ! Par moments, méditant quelque nouvel assaut, Tout ce tas furieux semblait reprendre haleine ; Court répit ; un silence obscur et plein de haine Se faisait au milieu de ce sombre viol ; Et j’entendais au loin chanter un rossignol.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Ô sainte horreur du mal Ô sainte horreur du mal ! Devoir funèbre ! Ô haine ! Quand Virgile suspend la chèvre au blanc troëne ; Quand Lucrèce revêt de feuilles l'homme nu ; Quand Ennius compare au satyre cornu Le bouc passant sa tête à travers la broussaille Qui fait qu'Europe au bain se détourne et tressaille ; Quand Moschus chante Enna ; quand Horace gaîment Suit Canidie, et fait, sur le chaudron fumant Où l'horreur de la lune et des tombeaux s'infiltre, Éternuer Priape à l'âcre odeur du philtre ; Quand Plaute bat Davus ou raille Amphitryon, Le ciel bleu dans un coin brille et jette un rayon Sur la baigneuse émue ou la chèvre qui grimpe, Et l'on entend au fond rire l'immense Olympe. Mais tout azur s'éclipse où passent les vengeurs. Les soupiraux d'en bas teignent de leurs rougeurs Le mur sinistre auquel s'adosse Jérémie. Les punisseurs sont noirs. Leur pâle et grave amie, La Mort, leur met la main sur l'épaule, et leur dit : — Esprit, ne laisse pas échapper ton bandit. Car ce sont eux qui, seuls, justiciers des abîmes, Terrassent à jamais les monstres et les crimes ; Car ils sont les géants des châtiments de Dieu ; Car, sur des écriteaux d'acier en mots de feu, Du tonnerre escortés, ces hommes formidables Transcrivent de là-haut les arrêts insondables ; Car ils mettent Achab et Tibère au poteau ; Car l'un porte l'éclair, l'autre tient le marteau ; Ils marchent, affichant des sentences que l'homme Lit effaré, sur Tyr, sur Ninive, sur Rome, Et, sombres, à travers les siècles effrayés, Vont, et ces foudroyants traînent leurs foudroyés. Isaïe, accoudé sur Babylone athée, Songe ; Eschyle, vengeur et fils de Prométhée, Cloue au drame d'airain le tyran Jupiter ; Shakespeare mène en laisse Henri huit ; et Luther Fouette les Borgia mêlés aux Louis onze ; Tacite dans la nuit pose son pied de bronze Sur les douze dragons qu'on appelle Césars ; Daniel va, suivi des blêmes Balthazars ; Machiavel pensif garde la bête prince ; Milton veille au guichet du cachot, gouffre où grince Le pandaemonium de tous les Satans rois ; Juvénal tire et traîne à travers les effrois La stryge au double front que son vers a tuée, Qui gronde impératrice et rit prostituée ; Et Dante tient le bout de la chaîne de fer Que Judas rêveur mord dans l'ombre de l'enfer. Le 17 février 1854.

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    Voltaire

    Voltaire

    @voltaire

    Les fréron D’où vient que ce nom de Fréron Est l’emblème du ridicule ? Si quelque maître Aliboron, Sans esprit comme sans scrupule, Brave les moeurs et la raison ; Si de Zoïle et de Chausson Il se montre le digne émule, Les enfants disent :  » C’est Fréron. «  Sitôt qu’un libelle imbécile Croqué par quelque polisson Court dans les cafés de la ville,  » Fi, dit-on, quel ennui ! quel style ! C’est du Fréron, c’est du Fréron ! «  Si quelque pédant fanfaron Vient étaler son ignorance, S’il prend Gillot pour Cicéron, S’il vous ment avec impudence, On lui dit :  » Taisez-vous, Fréron. «  L’autrejour un gros ex-jésuite, Dans le grenier d’une maison, Rencontra fille très-instruite Avec un beau petit garçon. Le bouc s’empara du giton. On le découvre, il prend la fuite. Tout le quartier à sa poursuite Criait :  » Fréron, Fréron, Fréron. «  Lorsqu’au drame de monsieur Hume On bafouait certain fripon, Le parterre, dont la coutume Est d’avoir le nez assez bon, Se disait tout haut :  » Je présume Qu’on a voulu peindre Fréron. «  Cependant, fier de son renom, Certain maroufle se rengorge ; Dans son antre à loisir il forge Des traits pour l’indignation. Sur le papier il vous dégorge De ses lettres le froid poison, Sans songer qu’on serre la gorge Aux gens du métier de Fréron. Pour notre petit embryon, Délateur de profession, Qui du mensonge est la trompette, Déjà sa réputation Dans le monde nous semble faite : C’est le perroquet de Fréron. Voltaire (François Marie Arouet)

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    Wislawa Szymborska

    Wislawa Szymborska

    @wislawaSzymborska

    Haine Voyez combien elle reste efficace, combien elle se porte bien en notre siècle, la haine. Avec quel naturel elle prend les plus hauts obstacles. Combien il lui est facile : sauter, saisir. Elle n’est pas comme les autres sentiments. Leur aînée, et pourtant leur cadette. Elle sait engendrer toute seule ce qu’il lui faut pour vivre. Si elle dort, ce n’est pas d’un sommeil éternel. L’insomnie ne lui ôte pas ses forces, au contraire. Peu lui chaut, religion ou pas, pourvu qu’on soit dans les starting blocks. Peu lui chaut, patrie ou pas, pourvu qu’on soit dans la course. La justice n’est pas mal, au départ. Ensuite, elle court toute seule. La haine. La haine. Le visage tordu par l’amoureuse extase. Pouah ! les autres sentiments chétifs et avachis. Depuis quand la fraternité attire –t-elle les foules ? A-t-on vu la miséricorde arriver la première ? Le scrupule soulève combien de prosélytes? Elle seule sait soulever, on ne la lui fait pas. Douée, réceptive, extrêmement bosseuse. Nul besoin d’aligner les chants qu’elle composa. Toutes ces pages d’histoire numérotées par elle. Tous les tapis humains qu’elle a su déployer sur combien de places et de stades. Inutile de se leurrer : elle sait aussi faire du beau. Splendide ses lueurs d’incendie dans la nuit noire. Admirables les déflagrations au petit matin rose. Ses ruines possèdent une majesté indéniable et la colonne robuste qui s’y dresse n’est pas dénuée d’un humour gaillard. En grande virtuose, elle joue du contraste entre le vacarme et le silence entre le vermeil du sang et la blancheur de la neige. Mais s’il est un motif dont elle ne se lasse jamais, c’est bien celui du bourreau propre sur lui penché sur la victime flétrie. Toujours prête à entreprendre un nouvel ouvrage. S’il faut attendre, elle attendra. On la dit aveugle. Elle ? Avec ces yeux de sniper ? Intrépide, elle regarde l’avenir en face. Elle seule.

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