Marie-madeleine

« En avril 1994, au début des événements du Rwanda, j'ai refusé d'évacuer Kigali. Il aurait fallu abandonner mon équipe et la quarantaine d'orphelins tutsis dont nous nous occupions. Je crois être le seul Occidental à qui il a été donné d'atteindre la fin du cauchemar avec mes amis, du moins le seul en vie. Chaque heure pouvait déboucher sur le pire : des bandes de miliciens, des pillages, des soldats saouls, des appels au meurtre, des dénonciations, un obus sur l'orphelinat, des menaces, grenade à la main, des prières à genoux... Nous avons tout connu. Au fil des semaines, nous recevions de nouveaux enfants affolés, à la recherche d'une protection. Nous n'avions rien à leur offrir. Mais à la fin, ils étaient plus de six cents. J'ai vu des hommes, des femmes et des enfants ramassés à la pelleteuse. J'aurais voulu crier, sortir de mon mutisme, arracher ces machettes qui frappaient les corps et me faisaient saigner, ne plus être témoin, sentir l'air léger et non plus l'odeur des cadavres venant des charniers. Nous luttions à mains nues contre la violence nue. Je n'ai pas pu les sauver tous. J'étais trop seul. Je veux raconter ce que personne n'a fait : le génocide rwandais vécu de l'intérieur. Je veux poser des questions simples sur notre monde, même si elles dérangent. Je veux que les gens sachent le dévouement dont les hommes sont capables. Des voisins, des amis, le personnel de l'orphelinat, Tutsis et Hutus, ont risqué leur vie pour nous dans un cyclone effroyable. Pour quoi et pour qui l'ont-ils fait ? Pourquoi cet amour ? Seul Dieu sauve. Cette certitude est ma vie. »

Je n'ai pas pu les sauver tous

Depuis 5 ans, au fil de chroniques dans«L'humanité», F. Taillandier inventorie les nouvelles formes de discours, un lexique contemporain. Un fait-divers, une émission télévisée, une anecdote politique, un mot à la mode... lui servent de point de départ pour pointer ce que l'époque actuelle a d'inédit et de singulier. Ces entrées sont classées alphabétiquement autour d'un mot ou d'un thème.

Ce monde-là ; dictionnaire personnel de l'époque

Irrefutable chaine des puys

VIe siècle de notre ère. Les royaumes barbares remplacent l'empire romain, effondré. L'auteur nous fait revivre cette époque troublée et pourtant fondatrice à travers deux figures historiques : Cassiodore, qui met en place une politique de paix, de tolérance et de fusion des populations et Théolinda, qui deviendra une reine énergique et audacieuse. Plongée au coeur d'un tableau romanesque passionnant qui vient éclairer nos vieilles leçons d'histoire !

L'écriture du monde

Nous nous croyons spectateurs du théâtre, et c'est le théâtre qui nous voit. Jouer Racine sur un théâtre romain du Midi, dans les années de son tricentenaire, c'est faire surgir autour de «l'événement culturel» la société française telle qu'elle est : élites médiatiques parisiennes amenées là à la vitesse du TGV ; public de l'été venu parce que «le cadre est formidable» ; politiques qui subventionnent pour «faire de l'image». Et puis l'hôte imprévu de la commémoration : l'auteur inconnu d'un livre ignoré, sorte d'Alceste pitoyable, fulminant contre une société où tout se passe sans lui. Du coup, les Nuits Racine frémissent de spectres : «vieux démons» politiques, rejet viscéral de la modernité, intégrisme culturel à la française. Et c'est en coulisse que se joue une tragi-comédie hautement symbolique de notre pays.

Les Nuits Racine

Les Clandestins - Occasion

" Tout ce que l'on n'a pas saisi, pas entendu, tout ce que l'on a négligé, tous les êtres regardés distraitement, les moments vécus sans y être, les gestes réprimés, les mots contenus, la vérité mise au placard, tout cela un jour se dresse devant nous comme une montagne. Mon inquiétude devant Anielka est la rançon de tout ce que j'ai été et de tout ce que je n'ai pas su être, la sanction des offensives et des dérobades, la désignation des limites acceptées ou franchies, le solde de mes curiosités et de mes indolences, de mes émois et de mes dédains, de mes intelligences et de mes aveuglements. C'est tout ce que j'ai à donner, à chercher, à espérer dans la vie ; c'est aussi ma destruction, le rien qui m'envahit, la dispersion de ma cendre. "

Marie-madeleine

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