Titre : Ballade de la passion de notre seigneur Jesus-Christ
Auteur : Clément Marot
Le pélican de la forêt célique
Entre ses faits tant beaux et nouvelets,
Après les cieux et l'ordre archangélique.
Voulue créer ses petits oiselets,
Puis s'envola, les laissa tous seulets,
Et leur donna, pour mieux sur la terre estre,
La grand'forêt de paradis terrestre,
D'arbres de vie amplement revêtue,
Plantés par lui, qu'on peut dite en tout estre
Le pélican, qui pour les siens se tue.
Mais cependant qu'en ramage musique
Chantent au bois comme rossignolets,
Un oiseleur cauteleux et inique
Les a déçus2 à glu, rets et filets ;
Dont sont bannis de jardins verdelets,
Car des hauts fruits trop voulurent repaître,
Par quoi en lieu sentant poudre et salpêtre
Par plusieurs ans mainte souffrance ont eue,
En attendant du beau lieu champêtre
Le pélican qui pour les siens se tue.
Pour eux mourut cet oisel déifique,
Car du haut bois, plein de saints angeiets,
Vola ça bas par charité pudique.
Où il trouva corbeaux très ords3 et laids,
Qui de son sang ont fait maints ruisselets,
Le tourmentant à dextre et à senestre,
Si que sa mort, comme l'on peut connaître
A ses petits a la vie rendue.
Ainsi leur fit sa bonté apparaître
Le pélican qui pour les siens se tue.
ENVOI
Les corbeaux sont ces juifs exilés,
Qui ont à tort les membres mutilés
Du pélican, c'est du seul
Dieu et maître.
Les oiselets sont humains qu'il fit naître ;
Et l'oiseleur, la serpente tortue
Qui les déçut leur faisant méconnaître
Le pélican, qui pour les siens se tue.