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Sonnets

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Poésies de la collection sonnets

    Alain Bosquet

    Alain Bosquet

    @alainBosquet

    À un cheval Je trahis le cheval en l'appelant « cheval » car il mérite un nom plus beau, comme « crinière » ou « paturon ». Si je me tais, le temps d'un livre, je n'en suis que plus fourbe : un silence à brouter vaut-il une herbe ? Mon regard, qui le déforme, fait de lui, je ne sais de quel droit, un zébu, une antilope, une girafe au cou trop long, ce qui n'est pas flatteur. Souvent par amitié - ou est-ce par amour ? - j'imite son galop, et me voilà son frère, un bizarre poulain qui agite les bras et porte des lunettes. Tout est malentendu désormais entre nous : je l'admire en rêvant qu'il se met à écrire, lui qui n'a que mépris pour un pauvre poète.

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    Alain Bosquet

    Alain Bosquet

    @alainBosquet

    Aimer Je t'aime, et avec ça l'urine et les menstrues qui font ton corps sublime et détesté. Tu m'aimes, et avec ça mes dents pourries, mon sperme jaune et ma salive où flotte une odeur d'excrément. Je t'aime, et avec ça tu n'as jamais compris comment je refaisais, à ma folle mesure, l'univers répugnant. Aimes-tu cette verge ou cet esprit : la seule goutte que tu n'oses ni essuyer ni boire ? Intolérable amour qui a besoin, pour l'interrompre, d'un poème comme un bout de jambon avant que le coït ne recommence ! J'aime, et c'est toi, et c'est nous que j'aime dans ma peur de me donner. Tu aimes, dans notre coucherie, l'étreinte de la mort.

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    Alain Bosquet

    Alain Bosquet

    @alainBosquet

    Altruisme Moi je n'existe pas : c'est le peuple qui compte, et l'usine trop froide, et le pain trop salé, le métro dans le crâne et la lune moqueuse comme une pomme jaune où dort la pourriture. Moi je n'existe pas : je traduis la terreur de la main qui se tend sans trouver d'autre main, de l'oeil qui voudrait voir un œil venir à lui, du mot perdu parce qu'un mot soudain lui manque. Moi je n'existe pas : j'évoque la justice, le platane amical, la rosée qui est tendre, le travail devenant une fête au soleil. Moi je n'existe pas : si mon absence émeut quelques-uns d'entre vous, c'est que je vais revivre, outil de chair dont vous ferez un bon usage.

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    Alain Bosquet

    Alain Bosquet

    @alainBosquet

    Autocritique Je ne prends pas la peine de m'aimer. Je passe à travers cette vie comme un simple touriste que l'on oblige à visiter un monument sans intérêt : usine vide, hôtel des postes, stade municipal. Je m'observe de loin - exercice futile, orgueil démesuré ? - en m'étonnant parfois de mon angoisse plate ou de ma peur qui met des rides sur les mots. Déçu, je ne vais pas jusqu'à me mépriser : ce serait excessif. Pourtant, je m'interroge sur ce corps qui a l'air de chercher son squelette, cet esprit sans substance où le brouillard est lourd comme un cadavre de taureau, et ces poèmes qu'un autre aurait écrits avec plus de ferveur.

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    Alain Bosquet

    Alain Bosquet

    @alainBosquet

    Autre portrait d'une amoureuse L'amour pour elle est un naufrage où elle sauve tour à tour son amant, son père mort très jeune et beau comme les dieux, ses trois fils qu'elle accuse de goûts particuliers. Lorsqu'elle coule à pic, requin femelle au ventre ouvert sur les écumes, elle se change peu à peu en île blonde, en caravelle, en récif de chair froide. Alors revient le temps de l'abordage, et tous ses hommes vont au combat pour ses lèvres, ses seins, sa nuque, ses vertèbres meurtries. Si la luxure est folle, c'est que par la pensée elle noie tour à tour, dans la marée sans fin de ses peaux qui se fendent, son amant sans visage, et son père si digne sur ses photos, et ses trois fils dénaturés.

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    Alain Bosquet

    Alain Bosquet

    @alainBosquet

    Aux petites heures L'asphalte est mou. Un taxi rampe en soupirant. La ville bout dans ses crachats. Sur le trottoir une prostituée dépèce un vieux cadavre : si c'était elle-même ? On ne s'arrête plus au feu rouge : la rue mène droit au suicide. Dans le rétroviseur on découvre un rictus qui dit l'horreur de soi. Tous les pneus sont crevés Le capot cède sous le poids de quelle angoisse ? Les gratte-ciel sentent l'alcool trois fois vomi. Pour un pourboire on peut écraser un passant car aucun d'eux n'ose porter son vrai visage dans cette nuit qui tousse. Au matin, le chauffeur essuie sur la banquette - un seul kleenex suffit -une tache d'espoir, de sang brun et de sperme.

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    Alain Bosquet

    Alain Bosquet

    @alainBosquet

    Cafard J'ai le cafard. Le monde est moche. S'il voulait me dépanner, Jésus, sans me faire d'histoires, descendrait de sa croix. Je tourne autour de lui, sacré vieux pote : on se comprend à demi-mot. Quel autobus voudrait-il prendre ? A Montparnasse on s'ennuie moins qu'ailleurs. Il a vieilli, je trouve. On se tape un pastis, puis un autre ; il est fier de ses stigmates : pourquoi pas... Je l'interroge sur la mort et les trucs qui surviennent après. On change de bistrot, on reprend un whisky. Il parle politique ; échapper à mon temps serait plus rigolo. Au bout d'une heure bu deux, je le recloue sur sa planche pourrie. Jésus et moi, en fin de compte, on n'a rien à se dire.

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    Alain Bosquet

    Alain Bosquet

    @alainBosquet

    Chair Viens ! je te fais l'amour comme on se crucifie : un seul clou pour unir ta chair à ma chair molle, une seule potence où hisser nos squelettes, le tien blotti en forme d'œuf ; le mien, serpent qui rêve de s'empoisonner. Je sors de toi, je rentre en toi : je suis le prêtre qui regagne sa vieille église après deux nuits au fond d'un bouge et, découvrant son dieu assassiné, le prend pour un clochard. Car toute étreinte est agonie, et tout désir dégoût de soi. C'est sous ta peau que l'univers devient un sépulcre amical. Exhumons-nous l'un l'autre, ô tendres funérailles ! J'accepte que ton corps soit mon doux paysage, et ton sexe béant mon enfer favori.

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    Alain Bosquet

    Alain Bosquet

    @alainBosquet

    Chantage C'est toujours le vieux truc : le poète voudrait dans sa jeunesse bousculer les gens, le monde et tout ce qui restreint, selon lui, son génie. C'est toujours le vieux truc : quand il devient adulte, le poète se dit que lui seul est capable d'aimer le peuple et de lui rendre le bonheur en le forçant à lire un à un ses poèmes. C'est toujours le vieux truc : on l'admire trop peu, on ne l'écoute pas ; alors, puisqu'on le boude, il se fera ésotérique en écrivant pour la postérité. C'est toujours le vieux truc : il parle de la mort, se croit compris des fleuves, des crapauds ahuris, des comètes lointaines. C'est toujours le vieux truc : son chant n'est que chantage.

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    Alain Bosquet

    Alain Bosquet

    @alainBosquet

    Cimetière La bière, le cercueil, le corbillard, la tombe, les fleurs, la rhétorique et les condoléances : on m'a tout infligé. A ma façon, j'essaie de dresser un obstacle au néant, à l'oubli, aux complots de mon siècle. Et je veux qu'un poème soit digne ce matin de recevoir le corps de ma mère. Écartez ces colporteurs de bibles et de mélancolies ! Je sais qu'entre mes mots sa demeure est durable : il y fait un jardin aux musiques de soie ; il y fait un azur où les visages rajeunissent. Dans mon verbe le cimetière est invisible, et l'on revit son existence plusieurs fois selon ses vœux : j'y invente sans cesse une autre éternité.

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    Alain Bosquet

    Alain Bosquet

    @alainBosquet

    Cine Porno Dans les cinés porno de Sankt-Pauli, on boit une bière trop chaude, et sur les trois écrans superposés, verre à la main, on analyse tour à tour les vertus infinies de l'orgasme : deux lesbiennes se font, au niveau du vagin, une caresse blonde ; un nègre très doué sodomise une enfant, douce leçon de choses ; des hippies eurasiens se triturent l'anus avec des pâmoisons presque sentimentales. Alors, apothéose ! une mégère urine dans l'œil reconnaissant d'un vieillard affolé. Ce spectacle confirme - est-il besoin de preuves ? le retour outre-Rhin de la démocratie, tandis que le racisme est mort : on vous le jure.

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    Alain Bosquet

    Alain Bosquet

    @alainBosquet

    Colère Toute la vie on a mangé le pain d'urine et à chaque repas on a bu les insultes du vieux patron. Toute la vie on a plaidé pour un coin de soleil sous les crachats du sort, Toute la vie, comme une bête, on a tondu son âme osseuse : et pas de laine sur le dos ! Toute la vie on a lavé les chiens, la banque, les orgueils en plastique. À cinquante ans, fini : on sait que la raison est la pire salope. On vole un revolver, on tire dans le tas : fabricants, boulangers, infirmières, touristes, puis on abat aussi sa femme et ses enfants car si toute la vie on a rampé sous soi, par peur on se choisit une mort collective.

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    Alain Bosquet

    Alain Bosquet

    @alainBosquet

    Comme un mystère L'enfant parle au brouillard : et si c'était un rite ? Les amoureux disent pardon au tournesol : et si c'était par déférence pour les dieux ? Le village a, ce soir, le goût de la cannelle : et si c'était pour correspondre à sa légende ? Le voyageur qui lèche un cou de femme rousse, constate avec effroi qu'elle est un bloc de sel : et si c'était pour ressembler aux vieilles nymphes disparues sous la mer ? Le poète déchire son livre favori, sa cantate et sa prose : et si c'était pour respecter une terreur devenue douce ? Le pommier, cueillant ses pommes, part en exil : et si c'était pour honorer un sentiment de grâce et de profond mystère ?

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    Alain Bosquet

    Alain Bosquet

    @alainBosquet

    Comprendre On a souffert. On s'est surpris à trop aimer. On a rendu, mais on ne sait à qui, les coups du sort. On a jeté parmi les linges sales un front très pur, et faisait-il partie d'un corps ? On a tué son ombre : elle est ressuscitée la nuit, dans le sommeil, plus lourde. On a menti pour faire mal à la musique. On a rouvert la blessure du doute. On a parlé aux chiens qui ne répondent pas, aux arbres qui déçoivent, aux murailles de fer. On a feint d'être l'autre pour se comprendre à deux, ou pour mieux se méprendre sur le sens du hasard. On a réduit l'espace à celui de la chair. On a gonflé le temps comme un ballon qui crève. On a eu peur de soi.

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    Alain Bosquet

    Alain Bosquet

    @alainBosquet

    Cri En moi tout est tragique ; alors, vous permettez que je sois ce navire allant d'une île à l'autre et déchargeant des astres inconnus ? En moi tout est tragique ; alors, soyez compréhensifs : ce soir je suis un vieux platane, et les enfants assis autour de moi me racontent leurs rêves. En moi tout est tragique ; alors, ces quatre meubles, êtes-vous bien d'accord ? me servent de famille : une table, une chaise et deux lits sans ressorts. En moi tout est tragique ; alors, j'ouvre une page, vous ne m'en voudrez pas ? et deviens un poème. En moi tout est tragique ; alors, à votre tour, choisissez-moi n'importe quel desùn de rouille, d'objet brisé, de plante ou d'insecte anonyme.

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    Alain Bosquet

    Alain Bosquet

    @alainBosquet

    Dachau trente ans apres Le bel enfant teuton joue à colin-maillard dans l'herbe riche et les coquelicots prospères. Le papa est heureux, sous son double menton, tandis que la maman, parfaite Bavaroise, remercie Dieu : l'amour, l'ordre et la prévoyance font un, selon les vœux de sa maternité. Seul le grand-père apporte un élément de doute au sein de ce tableau si enchanteur : le gosse, qui aime tant les frondaisons, les labyrinthes, les murs blanchis, ne devrait pas s'aventurer - son innocence est adorable, il faut l'admettre - jusqu'à la chambre à gaz ou le four crématoire, vu que trente ans après, coups de peinture ou non, ils conservent toujours l'odeur du juif brûlé.

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    A

    Albert Babinot

    @albertBabinot

    Contre l'ingratitude des hommes O ciel vouté qui la terre bien heures, O feu sans poix agilement leger, O air humide, o vent prompt messager, O large mer qui la terre ceintures, O terre riche, ô qui ton doz peintures De vers thesors pour l'homme soulager, Bois, pres, champs, eaux, que pour nous arranger, Nature essay' de mille architectures, Quand vous verrez que les ingrats humains Ne donront plus louanges ordinaires A JESUS CHRIST, pour les biens de ses mains : Vous Ciel, feu, air, et toy vent navigueur, Toy mer, toy terre, et bois, près, champs, rivieres, Deniez leur l'ancienne faveur

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    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    La coupe Au temps des Immortels, fils de la vie en fête, Où la Lyre élevait les assises des tours, Un artisan sacré modela mes contours Sur le sein d’une vierge, entre ses soeurs parfaite, Des siècles je régnai, splendide et satisfaite, Et les yeux m’adoraient… Quand, vers la fin des jours, De mes félicités le sort rompit le cours, Et je fus emportée au vent de la défaite. Vieille à présent, je vis ; mais, fixe en mon destin, Je vis, toujours debout sur un socle hautain, Dans l’empyrée, où l’Art divin me transfigure. Je suis la Coupe d’or, fille du temps païen ; Et depuis deux mille ans je garde, à jamais pure, L’incorruptible orgueil de ne servir à rien.

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    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    Matin sur le port Le soleil, par degrés, de la brume émergeant, Dore la vieille tour et le haut des mâtures ; Et, jetant son filet sur les vagues obscures, Fait scintiller la mer dans ses mailles d’argent. Voici surgir, touchés par un rayon lointain, Des portiques de marbre et des architectures ; Et le vent épicé fait rêver d’aventures Dans la clarté limpide et fine du matin. L’étendard déployé sur l’arsenal palpite ; Et de petits enfants, qu’un jeu frivole excite, Font sonner en courant les anneaux du vieux mur. Pendant qu’un beau vaisseau, peint de pourpre et d’azur Bondissant et léger sur l’écume sonore, S’en va, tout frissonnant de voiles, dans l’aurore.

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    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    Musique Puisqu’il n’est point de mots qui puissent contenir, Ce soir, mon âme triste en vouloir de se taire, Qu’un archet pur s’élève et chante, solitaire, Pour mon rêve jaloux de ne se définir. O coupe de cristal pleine de souvenir ; Musique, c’est ton eau seule qui désaltère ; Et l’âme va d’instinct se fondre en ton mystère, Comme la lèvre vient à la lèvre s’unir. Sanglot d’or !… Oh ! voici le divin sortilège ! Un vent d’aile a couru sur la chair qui s’allège ; Des mains d’anges sur nous promènent leur douceur. Harmonie, et c’est toi, la Vierge secourable, Qui, comme un pauvre enfant, berces contre ton coeur Notre coeur infini, notre coeur misérable.

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    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    Octobre est doux Octobre est doux. — L'hiver pèlerin s'achemine Au ciel où la dernière hirondelle s'étonne. Rêvons... le feu s'allume et la bise chantonne. Rêvons... le feu s'endort sous sa cendre d'hermine. L'abat-jour transparent de rose s'illumine. La vitre est noire sous l'averse monotone. Oh ! le doux « remember » en la chambre d'automne, Où des trumeaux défunts l'âme se dissémine. La ville est loin. Plus rien qu'un bruit sourd de voitures Qui meurt, mélancolique, aux plis lourds des tentures... Formons des rêves fins sur des miniatures. Vers de mauves lointains d'une douceur fanée Mon âme s'est perdue ; et l'Heure enrubannée Sonne cent ans à la pendule surannée...

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    A M. A. T. Ainsi, mon cher ami, vous allez donc partir ! Adieu ; laissez les sots blâmer votre folie. Quel que soit le chemin, quel que soit l'avenir, Le seul guide en ce monde est la main d'une amie. Vous me laissez pourtant bien seul, moi qui m'ennuie. Mais qu'importe ? L'espoir de vous voir revenir Me donnera, malgré les dégoûts de la vie, Ce courage d'enfant qui consiste à vieillir. Quelquefois seulement, près de votre maîtresse, Souvenez-vous d'un cœur qui prouva sa noblesse Mieux que l'épervier d'or dont mon casque est armé ; Qui vous a tout de suite et librement aimé, Dans la force et la fleur de la belle jeunesse, Et qui dort maintenant à tout jamais fermé.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    A Madame G (2) C’est mon avis qu’en route on s’expose à la pluie, Au vent, à la poussière, et qu’on peut, le matin, S’éveiller chiffonnée avec un mauvais teint, Et qu’à la longue, en poste, un tête-à-tête ennuie. C’est mon avis qu’au monde il n’est pire folie Que d’embarquer l’amour pour un pays lointain. Quoi qu’en dise Héloïse ou madame Cottin, Dans un miroir d’auberge on n’est jamais jolie. C’est mon avis qu’en somme un bas blanc bien tiré, Sur une robe blanche un beau ruban moiré, Et des ongles bien nets, sont le bonheur suprême.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    À Alfred Tattet Qu'il est doux d'être au monde, et quel bien que la vie ! Tu le disais ce soir par un beau jour d'été. Tu le disais, ami, dans un site enchanté, Sur le plus vert coteau de ta forêt chérie. Nos chevaux, au soleil, foulaient l'herbe fleurie : Et moi, silencieux, courant à ton côté, Je laissais au hasard flotter ma rêverie ; Mais dans le fond du cœur je me suis répété : Oui, la vie est un bien, la joie est une ivresse ; Il est doux d'en user sans crainte et sans soucis ; Il est doux de fêter les dieux de la jeunesse, De couronner de fleurs son verre et sa maîtresse, D'avoir vécu trente ans comme Dieu l'a permis, Et, si jeunes encor, d'être de vieux amis. Bury, le 10 août 1838.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    À la même Quand, par un jour de pluie, un oiseau de passage Jette au hasard un cri dans un chemin perdu, Au fond des bois fleuris, dans son nid de feuillage, Le rossignol pensif a parfois répondu. Ainsi fut mon appel de votre âme entendu, Et vous me répondez dans notre cher langage. Ce charme triste et doux, tant aimé d'un autre âge. Ce pur toucher du cceur, vous me l'avez rendu. Était-ce donc bien vous ? Si bonne et si jolie, Vous parlez de regrets et de mélancolie. — Et moi peut-être aussi, j'avais un cœur blessé. Aimer n'importe quoi, c'est un peu de folie. Qui nous rapportera le bouquet d'Ophélie De la rive inconnue où les flots l'ont laissé ?

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    Le Rhin Ô Rhin, sais-tu pourquoi les amants insensés, Abandonnant leur âme aux tendres rêveries, Par tes bois verdoyants, par tes larges prairies S’en vont par leur folie incessamment poussés ? Sais-tu pourquoi jamais les tristes railleries, Les exemples d’hier, ni ceux des temps passés, De tes monts adorés, de tes rives chéries, Ne les ont fait descendre et ne les ont chassés ? C’est que, dans tous les temps, ceux que l’homme sépare Et que Dieu réunit iront chercher les bois, Et des vastes torrents écouteront les voix. L’homme libre viendra, loin d’un monde barbare, Sur les rocs et les monts, comme au pied d’un autel, Protester contre l’homme en regardant le ciel.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    Marie Ainsi, quand la fleur printanière Dans les bois va s’épanouir, Au premier souffle du zéphyr Elle sourit avec mystère ; Et sa tige fraîche et légère, Sentant son calice s’ouvrir, Jusque dans le sein de la terre Frémit de joie et de désir. Ainsi, quand ma douce Marie Entr’ouvre sa lèvre chérie, Et lève, en chantant, ses yeux bleus, Dans l’harmonie et la lumière Son âme semble tout entière Monter en tremblant vers les cieux.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    Que j’aime le premier frisson d’hiver Que j'aime le premier frisson d'hiver ! le chaume, Sous le pied du chasseur, refusant de ployer ! Quand vient la pie aux champs que le foin vert embaume, Au fond du vieux château s'éveille le foyer ;

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    Se voir le plus possible… Se voir le plus possible et s’aimer seulement, Sans ruse et sans détours, sans honte ni mensonge, Sans qu’un désir nous trompe, ou qu’un remords nous ronge, Vivre à deux et donner son coeur à tout moment ; Respecter sa pensée aussi loin qu’on y plonge, Faire de son amour un jour au lieu d’un songe, Et dans cette clarté respirer librement – Ainsi respirait Laure et chantait son amant. Vous dont chaque pas touche à la grâce suprême, Cest vous, la tête en fleurs, qu’on croirait sans souci, C’est vous qui me disiez qu’il faut aimer ainsi. Et c’est moi, vieil enfant du doute et du blasphème, Qui vous écoute, et pense, et vous réponds ceci : Oui, l’on vit autrement, mais c’est ainsi qu’on aime.

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    Alfred De Musset

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    @alfredDeMusset

    Sonnet au lecteur Jusqu’à présent, lecteur, suivant l’antique usage, Je te disais bonjour à la première page. Mon livre, cette fois, se ferme moins gaiement ; En vérité, ce siècle est un mauvais moment. Tout s’en va, les plaisirs et les moeurs d’un autre âge, Les rois, les dieux vaincus, le hasard triomphant, Rosafinde et Suzon qui me trouvent trop sage, Lamartine vieilli qui me traite en enfant. La politique, hélas ! voilà notre misère. Mes meilleurs ennemis me conseillent d’en faire. Être rouge ce soir, blanc demain, ma foi, non. Je veux, quand on m’a lu, qu’on puisse me relire. Si deux noms, par hasard, s’embrouillent sur ma lyre, Ce ne sera jamais que Ninette ou Ninon.

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