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Titre : Chrysanthèmes

Auteur : Nérée Beauchemin Recueil : Les floraisons matutinales

Ils disent qu'au ciel on retrouve Ces chers petits morts tant pleurés. Ah ! savent-ils bien ce qu'éprouve Le cœur des parents éplorés. Ils sont étonnés qu'on se plaigne. Savent-ils bien notre douleur ? À nous dont le sein meurtri saigne, On parle d'un monde meilleur ! J'y crois à cette autre demeure, À cet immense azur béni ; Oui, j'y crois ! et, pourtant, je pleure : J'ai peur de ce vague infini. Lui, là-haut, si loin de sa mère ! Je ne puis croire qu'il n'ait pas Comme une nostalgie amère De ceux qu'il aimait ici-bas. Et, comme en un rêve, il me semble Voir errer dans ce ciel si grand Un bel ange qui lui ressemble, Qui nous tend les bras en pleurant. Il partit alors que les roses S'ouvrent dans l'air étincelant : De leurs premières fleurs écloses On couvrit le suaire blanc. Pour longtemps la chambre est fermée : Dans sa froide atmosphère en deuil Flotte encore l'âme embaumée Des chrysanthèmes du cercueil. En secret, la mère, hagarde, Toute pâle, tournant la clé De l'huis funèbre, se hasarde À franchir le seuil endeuillé. Dans la pièce où son œil pénètre Elle cherche et voudrait bien voir Les beaux yeux du cher petit être Qui manque aux caresses du soir. Une fièvre intense hallucine Et son oreille et son regard ; Ce nid plein d'ombre la fascine : Son trésor est là, quelque part. Ce demi-jour mélancolique Que reflète le ténébreux Cristal du grand miroir oblique. C'est le reflet des jours heureux. L'alcôve était claire et fleurie ; C'est là que l'enfant fut bercé. Ah ! l'alcôve est bien assombrie Depuis que la mort a passé. Où sont les fleurs, les fines gazes, Les merveilles du blanc trousseau ? Les fleurs ne sont plus dans les vases, Et l'enfant n'est plus au berceau. C'est pourquoi la mère affolée, En proie aux regrets superflus, Ne veut pas être consolée, Parce que son amour n'est plus.