Titre : A l’enfant inconnu
Auteur : Maëlle Ranoux
Il faudrait fleurir une tombe,
A l‘enfant inconnu ;
Y déposer les fleurs du mal, du bien
De l’amour et du désamour ;
Les roses rouges de la passion,
Les roses d’hiver qui fleurissent dans la glace et la frustration.
Il faudrait honorer
L’enfant inconnu
Qui ne naît pas
Qui advient à peine
Qui est pétrit du possible et de l’impossible.
Il faudrait chanter,
Pour l’enfant inconnu,
Un chant léger, celui de l’imprévu,
Un chant lourd et grave,
Celui du désamour qui entrave.
Il faudrait s’attarder
Sur sa tombe
Se souvenir
Du désir
Qui l’ont fait venir,
Et du pourquoi
Et du comment
Qui l’ont tué.
Regarder l’emprise de la vie sur elle-même,
Sentir sa puissance,
Gouter au bien, aussi, au paisible et au sens,
Du choix fait et assumé.
Il faudrait se souvenir,
Du vieux couple qui n’a pas voulu,
De l’amant et de la maitresse
Qui n’ont pas pu ;
Du corps de la femme
Où ça ne s’accrochait pas ;
De l’hésitant et de l’indécise
Qui ne savaient pas ;
De l’enfant de prostitué
Et il ne valait mieux pas ;
Il faudrait se souvenir de ces enfants
Sans nom, sans devenir.
Il faudrait regarder sans se mentir,
L’armée des enfants inconnus
Comme une masse fantôme
Qui nous hante et nous parle,
Nous menace de sa bouche muette,
Effacée, informe.
Il faudrait la regarder en face,
Et entendre,
Ses pas lents,
Sortir
Du cœur de notre vallée noire,
Où le désir et le refus copulent,
Où le désespoir étrangle l’espoir,
Où vouloir et renoncer s’embrassent.
Qu’est-t-il sorti de cet antre ?
Peut-on le nommer ?
Je donnerai,
A l’enfant inconnu,
Une parure pour son anonymat
Des fleurs terrifiantes d’éclat
Un hymne dissonant et cru,
Un mausolée de terre nue,
Profonde, au parfum fertile.
La vie a tracé son chemin subtil, en lui,
A magnifié le chaos de la vallée noire,
Puis est retombé dans l’indicible puits,
Où se décomposent les évidences, par-delà le miroir.