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Passion

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Passion

Poésies de la collection passion

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    Elodie Santos

    @elodieSantos

    Soleil d’été Soleil d’été Tu viens caresser ma peau c’est la plus douce des sensations que je puisse sentir Soleil d’été Tu illumines les jours les plus beaux et le chemin des passions à venir Soleil d’été Tu te couches à l’horizon au dessus d’une mer qui ne peut que rougir Soleil d’été Tu brilles avec l’Amour comme si l’éternité était avant l’Avenir

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    Au passant d’un soir Dites, quel est le pas Des mille pas qui vont et passent Sur les grand’routes de l’espace, Dites, quel est le pas Qui doucement, un soir, devant ma porte basse S’arrêtera ? Elle est humble, ma porte, Et pauvre, ma maison. Mais ces choses n’importent. Je regarde rentrer chez moi tout l’horizon A chaque heure du jour, en ouvrant ma fenêtre ; Et la lumière et l’ombre et le vent des saisons Sont la joie et la force et l’élan de mon être. Si je n’ai plus en moi cette angoisse de Dieu Qui fit mourir les saints et les martyrs dans Rome, Mon coeur, qui n’a changé que de liens et de voeux, Eprouve en lui l’amour et l’angoisse de l’homme. Dites, quel est le pas Des mille pas qui vont et passent Sur les grand’routes de l’espace, Dites, quel est le pas Qui doucement, un soir, devant ma porte basse S’arrêtera ? Je saisirai les mains, dans mes deux mains tendues, A cet homme qui s’en viendra Du bout du monde, avec son pas ; Et devant l’ombre et ses cent flammes suspendues Là-haut, au firmament, Nous nous tairons longtemps Laissant agir le bienveillant silence Pour apaiser l’émoi et la double cadence De nos deux coeurs battants. Il n’importe d’où qu’il me vienne S’il est quelqu’un qui aime et croit Et qu’il élève et qu’il soutienne La même ardeur qui monte en moi. Alors combien tous deux nous serons émus d’être Ardents et fraternels, l’un pour l’autre, soudain, Et combien nos deux coeurs seront fiers d’être humains Et clairs et confiants sans encor se connaître ! On se dira sa vie avec le désir fou D’être sincère et d’être vrai jusqu’au fond de son âme, De confondre en un flux : erreurs, pardons et blâmes, Et de pleurer ensemble en ployant les genoux. Oh ! belle et brusque joie ! Oh ! rare et âpre ivresse ! Oh ! partage de force et d’audace et d’émoi, Oh ! regards descendus jusques au fond de soi Qui remontez chargés d’une immense tendresse, Vous unirez si bien notre double ferveur D’hommes qui, tout à coup, sont exaltés d’eux-mêmes Que vous soulèverez jusques au plan suprême Leur amour pathétique et leur total bonheur ! Et maintenant Que nous voici à la fenêtre Devant le firmament, Ayant appris à nous connaître Et nous aimant, Nous regardons, dites, avec quelle attirance, L’univers qui nous parle à travers son silence. Nous l’entendons aussi se confesser à nous Avec ses astres et ses forêts et ses montagnes Et sa brise qui va et vient par les campagnes Frôler en même temps et la rose et le houx. Nous écoutons jaser la source à travers l’herbe Et les souples rameaux chanter autour des fleurs ; Nous comprenons leur hymne et surprenons leur verbe Et notre amour s’emplit de nouvelles ardeurs. Nous nous changeons l’un l’autre, à nous sentir ensemble Vivre et brûler d’un feu intensément humain, Et dans notre être où l’avenir espère et tremble, Nous ébauchons le coeur de l’homme de demain. Dites, quel est le pas Des mille pas qui vont et passent Sur les grand’routes de l’espace, Dites, quel est le pas Qui doucement, un soir, devant ma porte S’arrêtera ?

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    Emile Verhaeren

    Emile Verhaeren

    @emileVerhaeren

    Une statue (soldat) Au carrefour des abattoirs et des casernes, Il apparaît, foudroyant et vermeil, Le sabre en bel éclair sous le soleil. Masque d’airain, casque et panache d’or ; Et l’horizon, là-bas, où le combat se tord, Devant ses yeux hallucinés de gloire ! Un élan fou, un bond brutal Jette en avant son geste et son cheval Vers la victoire. Il est volant comme une flamme, Ici, plus loin, au bout du monde, Qui le redoute et qui l’acclame. Il entraîne, pour qu’en son rêve ils se confondent, Dieu, son peuple, ses soldats ivres ; Les astres mêmes semblent suivre, Si bien que ceux Qui se liguent pour le maudire Restent béants : et son vertige emplit leurs yeux. Il est de calcul froid, mais de force soudaine : Des fers de volonté barricadent le seuil Infrangible de son orgueil. Il croit en lui — et qu’importe le reste ! Pleurs, cris, affres et noire et formidable fête, Avec lesquels l’histoire est faite. Il est la mort fastueuse et lyrique, Montrée, ainsi qu’une conquête, Au bout d’une existence en or et en tempête. Il ne regrette rien de ce qu’il accomplit, Sinon que les ans brefs aillent trop vite Et que la terre immense soit petite. Il est l’idole et le fléau : Le vent qui souffle autour de son front clair Toucha celui des Dieux armés d’éclairs. Il sent qu’il passe en rouge orage et que sa destinée Est de tomber en brusque écroulement, Le jour où son étoile étrange et effrénée, Cristal rouge, se cassera au firmament. Au carrefour des abattoirs et des casernes, Il apparaît, foudroyant et vermeil, Le sabre en bel éclair dans le soleil.

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    Esther Granek

    @estherGranek

    Les guérisons parfois Elan qui s’anémie et en catimini usure d’un ressort… L’enthousiasme est mort… En moi soudain le drame… Car quand s’éteint la flamme et que sombre un trésor et s’achève la fête et qu’ainsi place nette… dedans le coeur et l’âme les guérisons parfois, les guérisons sont tristes… Le sable coule entre mes doigts. Pourquoi cette heure qui persiste ? Est mort l’enthousiasme. S’étire un dernier spasme. Tout désarroi en cage. Inchangée mon image. Trépas d’un feu sacré (Il fut chapitre, pages) Et cendres dispersées… Je demeure… temps défait… Mais sans air de douleur, en mon âme, en mon coeur, les guérisons parfois, les guérisons sont tristes… Le sable coule entre mes doigts. Pourquoi cette heure qui persiste ?

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    E

    Ethan Street

    @ethanStreet

    Destinée Comme l’eau stagnante d’une rivière morte L’histoire d’une vie qui me reporte de l’espoir aux démons que je supporte Je hante mon quotidien, simple cloporte Une étincelle émotionnelle qui se nourrit d’un rien une addiction virtuelle qui me maintient Jamais je ne pourrais sortir de ces entretiens Un sourire, un geste maladif je me contients. Au fond de moi comme un trésor de vie Sublimer cet espoir, une question de survie Ô combien admettre son manque d’envie Que ce jour là enfin arrive, ma destinée sans son avis.

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    Fester Bryan

    @festerBryan

    Amour nordique Le vent polaire fouette férocement mon corps Des formations de glace apparaissent au moindre souffle Ma fourrure me couvre comme un maillot de corps Il fait moins vingt cinq Mais au cœur de moi Rougeoie calmement une veilleuse Où mes pensées pour toi Dansent à jamais Prêtes à s’enflammer passionnellement Fester Bryan, 2006

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    À tes yeux Telle, sur une mer houleuse, la frégate Emporte vers le Nord les marins soucieux, Telle mon âme nage, abîmée en tes yeux, Parmi leur azur pâle aux tristesses d’agate. Car j’ai revu dans leur nuance délicate Le mirage lointain des Édens et des cieux Plus doux, que ferme à nos désirs audacieux La figure voilée et sombre d’une Hécate. Hélas ! courbons le front sous le poids des exils ! C’est en vain qu’aux genoux attiédis des amantes Nous cherchons l’infini sous l’ombre de leurs cils. Jamais rayon d’amour sur ces ondes dormantes Ne vibrera, sincère et pur, et les maudits Ne retrouveront pas les anciens paradis.

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    Espoir timide Chère âme, si l’on voit que vous plaignez tout bas Le chagrin du poëte exilé qui vous aime, On raillera ma peine et l’on vous dira même Que l’amour fait souffrir, mais que l’on n’en meurt pas. Ainsi qu’un mutilé qui survit aux combats, L’amant désespéré qui s’en va, morne et blême, Loin des hommes qu’il fuit et de Dieu qu’il blasphème, N’aimerait-il pas mieux le calme du trépas ? Chère enfant, qu’avant tout vos volontés soient faites ! Mais, comme on trouve un nid rempli d’oeufs de fauvettes, Vous avez ramassé mon coeur sur le chemin. Si de l’anéantir vous aviez le caprice, Vous n’auriez qu’à fermer brusquement votre main, – Mais vous ne voudrez pas, j’en suis sûr, qu’il périsse !

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    Intimités I Afin de louer mieux vos charmes endormeurs, Souvenirs que j’adore, hélas ! et dont je meurs, J’évoquerai, dans une ineffable ballade, Aux pieds du grand fauteuil d’une reine malade, Un page de douze ans aux traits déjà pâlis, Qui, dans les coussins bleus brodés de fleurs de lys, Soupirera des airs sur une mandoline, Pour voir, pâle parmi la pâle mousseline, La reine soulever son beau front douloureux, Et surtout pour sentir, trop précoce amoureux, Dans ses lourds cheveux blonds, où le hasard la laisse, Une fiévreuse main jouer avec mollesse. Il se mourra du mal des enfants trop aimés ; Et, parfois, regardant par les vitraux fermés La route qui s’en va, le nuage qui passe, La voile sur le fleuve et l’oiseau dans l’espace, La liberté, l’azur, le lointain, l’horizon, Il songera qu’il est heureux dans sa prison, Qu’aux salubres parfums des forêts il préfère La chambre obscure et son étouffante atmosphère, Que ces choses ne lui font rien, qu’il aime mieux Sa mort exquise et lente, et qu’il n’est envieux Que si, par la douleur arrachée à son rêve, La reine sur le coude un moment se soulève Et regarde longtemps de ses yeux assoupis Le lévrier qui dort en rond sur le tapis. II Elle viendra ce soir ; elle me l’a promis. Tout est bien prêt. Je viens d’éloigner mes amis, De brûler des parfums, d’allumer les bougies Et de jeter au feu les fades élégies Que j’ai faites alors qu’elle ne venait pas ; Et j’attends. Tout à l’heure elle viendra. Son pas Retentira, léger comme un pas de gazelle, Et déjà ce seul bruit me paiera de mon zèle. Elle entrera, troublée et voilant sa pâleur. Nous nous prendrons les mains, et la douce chaleur De la chambre fera sentir bon sa toilette. O les premiers baisers à travers la voilette ! III C’est lâche ! J’aurais dû me fâcher, j’aurais dû Lui dire ce que c’est qu’un bonheur attendu Si longtemps et qui manque, et qu’une nuit pareille Qu’on passe, l’œil fixé sur l’horloge et l’oreille Tendue au moindre bruit vague de l’escalier. C’est lâche ! J’aurais dû me faire supplier, Avoir à pardonner la faute qu’on avoue Et boire en un baiser ses larmes sur sa joue. Mais elle avait un air si tranquille et si doux Qu’en la voyant je suis tombé sur les genoux ; Et, me cachant le front dans les plis de sa jupe, J’ai savouré longtemps la douceur d’être dupe. Je n’ai pas exigé de larmes ni d’aveux, Car ses petites mains jouaient dans mes cheveux ; Tandis que ses deux bras m’enlaçaient de leur chaîne, D’avance j’absolvais la trahison prochaine. Et, vil esclave heureux de reprendre ses fers, J’ai demandé pardon des maux que j’ai soufferts. IV Il faisait presque nuit. La chambre était obscure. Nous étions dans ce calme alangui que procure La fatigue, et j’étais assis à ses genoux. Ses yeux cernés, mais plus caressants et plus doux, Se souvenaient encor de l’extase finie, Et ce regard voilé, long comme une agonie, Me faisait palpiter le cœur à le briser. Le logis était plein d’une odeur de baiser. Ses magnétiques yeux me tenaient sous leurs charmes ; Et je lui pris les mains et les couvris de larmes. Moi qui savais déjà l’aimer jusqu’à la mort, Je vis que je l’aimais bien mieux et bien plus fort Et que ma passion s’était encore accrue. Et j’écoutais rouler les fiacres dans la rue. V Sa chambre bleue est bien celle que je préfère. Mon bouquet du matin s’y fane, et l’atmosphère Languissante s’empreint de parfums assoupis ; Les longs et fins rideaux, tombant sur le tapis, Attendrissent encor le jour discret et sobre Que leur verse une tiède après-midi d’octobre. Au coin du feu mourant deux fauteuils rapprochés Semblent causer entre eux de nos prochains péchés. Un coussin traîne là sans raison ; mais le fourbe S’offrira tout à l’heure au genou qui se courbe. VI La plus lente caresse, amie, est la meilleure, N’est-ce pas ? Et tu hais l’instant funeste où l’heure Rappelle avec son chant métallique et glacé Qu’il se fait tard, très tard, et qu’il est dépassé Déjà le temps moral d’un bain ou d’une messe ; Car ce sont les adieux alors et la promesse De revenir. — Et puis nous oublions encor ! Mais l’horloge implacable avec son timbre d’or Recommence. Tu veux te sauver ; tu te troubles. Hélas ! et nous devons mettre les baisers doubles. VII Septembre au ciel léger taché de cerfs-volants Est favorable à la flânerie à pas lents, Par la rue, en sortant de chez la femme aimée, Après un tendre adieu dont l’âme est parfumée. Pour moi, je crois toujours l’aimer mieux et bien plus Dans ce mois-ci, car c’est l’époque où je lui plus. L’après-midi, je vais souvent la voir en fraude ; Et, quand j’ai dû quitter la chambre étroite et chaude, Après avoir promis de bientôt revenir, Je m’en vais devant moi, distrait. Le Souvenir Me fait monter au cœur ses effluves heureuses ; Et de mes vêtements et de mes mains fiévreuses Se dégage un arome exquis et capiteux, Dont je suis à la fois trop fier et trop honteux Pour en bien définir la volupté profonde, — Quelque chose comme une odeur qui serait blonde. VIII Le crépuscule est triste et doux comme un adieu. À l’orient déjà, dans le ciel sombre et bleu Où lentement la nuit qui monte étend ses voiles, De timides clartés, vagues espoirs d’étoiles, Contemplent l’occident clair encore, y cherchant Le rose souvenir d’un beau soleil couchant. Le vent du soir se tait. Nulle feuille ne tremble, Même dans le frisson harmonieux du tremble ; Et l’immobilité se fait dans les roseaux Que l’étang réfléchit au miroir de ses eaux. En un parfum ému chaque fleur s’évapore Pure, et les rossignols ne chantent pas encore. Pour échanger tout bas nos éternels aveux, Chère, nous choisirons cette heure, si tu veux. Nous prendrons le chemin tournant de la colline. Mon front se penchera vers ton front qui s’incline ; Et nos baisers feront des concerts infinis, Si doux que les oiseaux, réveillés dans leurs nids, Trouveront la musique, à cette heure, indiscrète Et se demanderont quelle bergeronnette Ou quel chardonneret est assez débauché Pour faire l’amour quand le soleil s’est couché. IX À Paris, en été, les soirs sont étouffants. Et moi, noir promeneur qu’évitent les enfants, Qui fuis la joie et fais, en flânant, bien des lieues, Je m’en vais, ces jours-là, vers les tristes banlieues. Je prends quelque ruelle où pousse le gazon Et dont un mur tournant est le seul horizon. Je me plais dans ces lieux déserts où le pied sonne, Où je suis presque sûr de ne croiser personne. Au-dessus des enclos les tilleuls sentent bon ; Et sur le plâtre frais sont écrits au charbon Les noms entrelacés de Victoire et d’Eugène, Populaire et naïf monument, que ne gêne Pas du tout le croquis odieux qu’à côté A tracé gauchement, d’un fusain effronté, En passant après eux, la débauche impubère. Et quand s’allume au loin le premier réverbère, Je gagne la grand’rue, où je puis encor voir Des boutiquiers prenant le frais sur le trottoir, Tandis que, pour montrer un peu ses formes grasses, Avec son prétendu leur fille joue aux grâces. X Je suis un pâle enfant du vieux Paris, et j’ai Le regret des rêveurs qui n’ont pas voyage. Au pays bleu mon âme en vain se réfugie, Elle n’a jamais pu perdre la nostalgie Des verts chemins qui vont là-bas, à l’horizon. Comme un pauvre captif vieilli dans sa prison Se cramponne aux barreaux étroits de sa fenêtre Pour voir mourir le jour et pour le voir renaître, Ou comme un exilé, promeneur assidu, Regarde du coteau le pays défendu Se dérouler au loin sous l’immensité bleue, Ainsi je fuis la ville et cherche la banlieue. Avec mon rêve heureux j’aime partir, marcher Dans la poussière, voir le soleil se coucher Parmi la brume d’or, derrière les vieux ormes, Contempler les couleurs splendides et les formes Des nuages baignés dans l’occident vermeil, Et, quand l’ombre succède à la mort du soleil, M’éloigner encor plus par quelque agreste rue Dont l’ornière rappelle un sillon de charrue, Gagner les champs pierreux, sans songer au départ, Et m’asseoir, les cheveux au vent, sur le rempart. Au loin, dans la lueur blême du crépuscule, L’amphithéâtre noir des collines recule, Et, tout au fond du val profond et solennel, Paris pousse à mes pieds son soupir éternel. Le sombre azur du ciel s’épaissit. Je commence À distinguer des bruits dans ce murmure immense, Et je puis, écoutant, rêveur et plein d’émoi, Le vent du soir froissant lés herbes près de moi, Et, parmi le chaos des ombres débordantes, Le sifflet douloureux des machines stridentes, Ou l’aboiement d’un chien, ou le cri d’un enfant, Ou le sanglot d’un orgue au lointain s’étouffant, Ou le tintement clair d’une tardive enclume, Voir la nuit qui s’étoile et Paris qui s’allume. XI Elle est un peu pédante, et, lorsque nous lisons, Tout en laissant rôtir sa pantoufle aux tisons, Elle laisse échapper un fin mot de critique. Moi, comme j’ai fait choix d’un livre sympathique, Comme il est quelquefois signé par un ami, Je le défends, mais trop faiblement, à demi, Les amoureux ayant des lâchetés infâmes. — Les poètes pourtant sont bien compris des femmes, Non ceux que le lyrisme emporte aux fiers sommets, Mais les doux, les souffrants, mais Sainte-Beuve, mais Musset, quand il s’abstient de rire, et Baudelaire, Lorsque pour engourdir son mal et sa colère Il se plonge dans les parfums lourds de langueur. — Elle aime ces divers interprètes du cœur. Moi, je lis à ses pieds et relis le passage Où, comme elle l’a dit, l’auteur n’était pas sage, Doux nid de vers où des baisers étaient tapis. Et le livre souvent tombe sur le tapis. XII Quelquefois tu me prends les mains et tu les serres, Tu fixes sur les miens tes yeux bons et sincères, Et, me parlant avec cette ferme douceur Qui tient du camarade et qui tient de la sœur, Mêlant dans tes discours les douces réprimandes Aux encouragements tendres, tu me demandes Quelles longues douleurs et quels chagrins aigris M’ont fait le front si pâle et les yeux si meurtris. Je prétexte d’abord des tristesses confuses, Des ennuis qu’il vaut mieux taire ; mais tu refuses De me croire, et j’avoue un souci bien banal. Je te confie alors, tout honteux, qu’un journal Qui trouve des oisifs quelconques pour le lire Vient d’insulter mon art, mes frères et la Lyre, Que je m’en suis ému, mais que je m’y ferai. — Alors, amie, avec ton regard préféré, Qui se charge un moment de bienveillants reproches, Pour me mettre les bras au cou tu te rapproches, Et, donnant à ta voix son charme captivant, Tu me railles tout bas, et tu me dis : — « Enfant ! Enfant, qui se permet de garder ce front blême Et ces grands yeux remplis de chagrin, quand on l’aime ! Ces poètes ingrats ! ils sont trop adorés. Nous les reconnaissons à leurs beaux doigts dorés Encor d’avoir saisi les papillons du rêve, Et nous sentons frémir nos cœurs de filles d’Ève. C’est d’abord un attrait vaguement vaniteux Qui nous séduit ; car nous savons que ce sont eux Qui domptent la pensée et le rythme rebelles Pour dire aux temps futurs combien nous fumes belles. Mais, les Èves toujours écoutant les démons, Nous les aimons, et puis après nous les aimons Encor, parce qu’eux seuls savent parler aux femmes. Ainsi donc vous auriez les rêves et les âmes, Poètes, vous seriez les heureux, vous auriez La rose qui parfume et fleurit vos lauriers, Vous auriez cette joie, et, parce que l’envie Aura mordu le vers qu’une femme ravie La veille avait trouvé peut-être le plus beau, Ainsi qu’un écolier qui se plaint d’un bobo, Vous nous reviendriez tout pleurants et moroses ! » — Je t’écoute, mignonne, et tu me dis ces choses D’un accent qui caresse et, doucement moqueur, Éveille la gaîté franche qui vient du cœur Et tu me les redis jusqu’à ce qu’applaudisse Ma pensée oubliant la haine et l’injustice ; Et tu n’en parles plus que lorsque l’entretien Te fait bien voir mon cœur heureux comme le tien. Ainsi nous devisons longtemps à l’aventure ; Et, quand c’est bien assez parler littérature, Afin que ton conseil me soit plus précieux, Tu me fais le baiser que tu sais, sur les yeux. XIII Le soleil froid donnait un ton rose au grésil, Et le ciel de novembre avait des airs d’avril. Nous voulions profiter de la belle gelée. Moi chaudement vêtu, toi bien emmitouflée Sous le manteau, sous la voilette et sous les gants, Nous franchissions, parmi les couples élégants, La porte de la blanche et joyeuse avenue, Quand soudain jusqu’à nous une enfant presque nue Et livide, tenant des fleurettes en main, Accourut, se frayant à la hâte un chemin Entre les beaux habits et les riches toilettes, Nous offrir un petit bouquet de violettes. Elle avait deviné que nous étions heureux Sans doute et s’était dit : Ils seront généreux. Elle nous proposa ses fleurs d’une voix douce, En souriant avec ce sourire qui tousse. Et c’était monstrueux, cette enfant de sept ans Qui mourait de l’hiver en offrant le printemps. Ses pauvres petits doigts étaient pleins d’engelures. Moi, je sentais le fin parfum de tes fourrures, Je voyais ton cou rose et blanc sous la fanchon, Et je touchais ta main chaude dans ton manchon. — Nous fîmes notre offrande, amie, et nous passâmes ; Mais la gaîté s’était envolée, et nos âmes Gardèrent jusqu’au soir un souvenir amer. Mignonne, nous ferons l’aumône cet hiver. XIV Je ne suis plus l’entant et tu n’es plus l’espiègle Qui naguère, le long des verts épis de seigle, Effarions les oiseaux du printemps par nos jeux, Ou qui marchions, le long des aubépins neigeux Dont la branche en passant vous taquine et vous frôle, Enlacés et l’épaule appuyée à l’épaule, Parlant tout bas d’amour qu’on ne peut épuiser, Et ton front juste à la hauteur de mon baiser. Six ans se sont passés depuis lors, six années ! Et le beau temps n’est plus des blondes matinées, Du ciel dans le regard, du vent dans les cheveux, De la lèvre chanteuse et facile aux aveux, Et des perles d’argent du rire qui s’égrène Comme une fleur qui sème au loin sa folle graine. — Nous ne regrettons pas, sans doute, nos vingt ans, Car notre amour loyal grandit avec le temps ; Mais le mien ne devient ni courageux ni mule. Je suis toujours enfant pour souffrir ; et plus pâle Est mon front, et mon cœur plus sombre et plus amer. Tel qu’à l’écueil revient le lourd paquet de mer, La cigogne au clocher, et la flèche à la cible, Tel je reviens toujours à mon rêve impossible, À ton amour pour moi, qui te met en danger ; Aux courts instants d’oubli qu’il nous faut abréger, Car nous savons tous deux qu’un espion les compte ; À ce bonheur, que nous cachons comme une honte ; À ce logis, que j’ose à peine orner de fleurs, Où je viens en secret, comme font les voleurs, Et dans lequel tu vis, hélas ! emprisonnée ; À tes chagrins, et puis à la vingtième année ; Au temps des longs chemins qu’on fait à petits pas, Échangeant des serments légers, ne sachant pas Qu’il faudra tant souffrir et que c’est pour la vie ; Au bon temps où, parmi la nature ravie, On s’aime en ne songeant qu’à la beauté des cieux ; — Et je t’écris cela les larmes dans les yeux. XV Au fond je suis resté naïf, et mon passé, Bien que sombre, n’a pas tout à fait effacé De mon cœur la première et candide chimère ; Et, lorsque je rencontre allant devant leur mère, Timides sous les yeux ardents des connaisseurs, Deux fillettes de seize à dix-huit ans, deux sœurs Se ressemblant, avec d’identiques toilettes, Et portant, comme deux joyeuses goélettes Dont les mêmes couleurs pavoisent les haubans, Le même air d’innocence et les mêmes rubans, Je suis heureux ; j’en ai quelquefois pour des heures À me bercer alors d’espérances meilleures, À rêver d’un doux nid, d’un amour de mon choix Et d’un bonheur très long, très calme et très bourgeois. J’imagine déjà la saveur indicible Du livre qu’on ferait près du foyer paisible, Tandis qu’une adorée, aux cheveux blonds ou noirs, Promènerait les flots neigeux de ses peignoirs Par la chambre à coucher étroite et familière, Pour allumer la lampe et remplir la théière. Mais cette illusion ne dure pas longtemps. Et tu reviens avec tes désirs irritants, Passé, passé fatal, par qui ma vie est prise, Poison amer et doux, dont on meurt, mais qui grise ! Et toutes les ardeurs du mauvais souvenir, Qui viennent s’imposer à mes sens et ternir Les naïves blancheurs à peine encore écloses, Sont comme des moineaux qui, dans le mois des roses, S’installeraient, parmi tous les autres jardins, Pour prendre leurs ébats effrontés et badins, Se becqueter à l’aise et palpiter des ailes, Dans un pensionnat déjeunes demoiselles. XVI L’autre soir, en parlant à cette jeune fille D’un rien, du chiffon blanc que brodait son aiguille, Du ruban que parmi ses nattes elle avait, Vain prétexte pour mieux admirer le duvet Des petits cheveux blonds frisant près de l’oreille Et cette ombre, au reflet d’une rose pareille, Du menton mollement replié sur le cou, Tout en causant, je fis, dis-je, ce rêve fou : Que rien n’était charmant comme une demi-teinte, Que cette enfant avait la timidité sainte Des longs cils d’or voilant les chastes regards bleus, Et des gestes d’hermine effrayés et frileux ; Et déjà ma pensée absorbante et jalouse Se la représentait comme une blanche épouse, Pure et douce, au milieu d’un frais intérieur Égayé par les jeux d’un bel enfant rieur. Et cette impression qu’elle m’avait donnée Dura le lendemain toute la matinée, Si bien que j’espérais presque un amour naissant. Le bon rêve ! j’étais comme un convalescent Faible encore et fiévreux, mais qui se sent renaître Et qui, dans les coussins, auprès de sa fenêtre, Devant un ciel d’avril plein d’azur rajeuni, Sourit en se disant que tout n’est pas fini, Tandis qu’un feu discret meurt dans les cendres chaudes Et qu’il voit au jardin en vives émeraudes Sur les arbustes noirs éclater les bourgeons. Les nuages, avec lesquels nous voyageons, Lui parlent d’horizon, d’air pur, de libres courses Dans les grands bois charmés du murmure des sources, De la ferme, avec son bonnet de chaumes blonds, Croulante sous l’assaut fantasque des houblons Et de loin devinée à son odeur d’étable, Où, vers le soir, dans la salle basse, on s’attable ; Et, tout en caressant son menton amaigri, Heureux, tendre, oubliant déjà son mal guéri, Qui lui fut un miroir des amitiés fidèles, Il songe au tout prochain retour des hirondelles.

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    La trêve La fatigue nous désenlace. Reste ainsi, mignonne. Je veux Voir reposer ta tête lasse Sur l’or épais de tes cheveux. Tais-toi. Ce que tu pourrais dire Sur le bonheur que tu ressens Jamais ne vaudrait ce sourire Chargé d’aveux reconnaissants. Sous tes paupières abaissées Cherche plutôt à retenir, Pour en parfumer tes pensées, L’extase qui vient de finir. Et pendant ton doux rêve, amie, Accoudé parmi les coussins, Je regarderai l’accalmie Vaincre l’orage de tes seins.

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    Lendemain Puisque, à peine désenlacée De l’étreinte de mes deux bras, Tu demandes à ma pensée Ces vers qu’un jour tu brûleras, Il faut, ce soir, que je surmonte L’état d’adorable langueur Où je rougis un peu de honte, Tout en souriant de bonheur. Pourtant je l’aime, ma fatigue. C’est ton oeuvre, et le long baiser De ta bouche ardente et prodigue A pu seule ainsi m’épuiser ; Et tu veux que je la secoue, Petite coquette ! tu veux Voir rimer les lys de ta joue Avec la nuit de tes cheveux. Tu veux que, dissipant le voile Qui trouble mon cerveau si las, Je dise tes regards d’étoile Et ton haleine de lilas. Mais la preuve, ô capricieuse, Que je ne pense qu’à t’aimer, C’est la fièvre délicieuse Qui m’empêche de l’exprimer. Ainsi, respecte ma paresse ; Ton souvenir passe au travers. Demande des baisers, maîtresse ; Ne me demande pas des vers.

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    Ruines du coeur Mon coeur était jadis comme un palais romain, Tout construit de granits choisis, de marbres rares. Bientôt les passions, comme un flot de barbares, L’envahirent, la hache ou la torche à la main. Ce fut une ruine alors. Nul bruit humain. Vipères et hiboux. Terrains de fleurs avares. Partout gisaient, brisés, porphyres et carrares ; Et les ronces avaient effacé le chemin. Je suis resté longtemps, seul, devant mon désastre. Des midis sans soleil, des minuits sans un astre, Passèrent, et j’ai, là, vécu d’horribles jours ; Mais tu parus enfin, blanche dans la lumière, Et, bravement, afin de loger nos amours, Des débris du palais j’ai bâti ma chaumière.

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    A

    Alexis-Félix Arvers

    @alexisFelixArvers

    La première passion I « Minuit ! ma mère dort : je me suis relevée : Je craignais de laisser ma lettre inachevée ; J’ai voulu me hâter, car peut-être ma main Ne sera-t-elle plus assez forte demain ! Tu connais mon malheur ; je t’ai dit que mon père A voulu me dicter un choix, et qu’il espère Sans doute me trouver trop faible pour oser Refuser cet époux qu’il prétend m’imposer. O toi qui m’appartiens ! ô toi qui me fis naître Au bonheur, à l’amour que tu m’as fait connaître ; Toi qui sus le premier deviner le secret Et trouver le chemin d’un cœur qui s’ignorait, Crois-tu qu’à d’autres lois ton amante enchaînée Méconnaisse jamais la foi qu’elle a donnée ; Qu’elle puisse oublier ces rapides momens Où nos voix ont ensemble échangé leurs sermens, Où sa tremblante main a frémi dans la tienne, Et qu’à d’autre qu’à toi jamais elle appartienne ? Tu veux fuir, m’as-tu dit : fuis ; mais n’espère pas M’empêcher de te suivre attachée à tes pas ! Qu’importe où nous soyons si nous sommes ensemble ; Est-il donc un désert si triste, qui ne semble Plus riant qu’un palais, quand il est animé Par l’aspect du bonheur et de l’objet aimé ? Et que me font à moi tous ces biens qui m’attendent ? Lorsqu’on s’est dit : je t’aime ! et que les cœurs s’entendent, Que sont tous les trésors, qu’est l’univers pour eux. Et que demandent-ils de plus pour être heureux ? Mais comment fuir ? comment tromper la vigilance D’un père soupçonneux qui m’épie en silence ? Je m’abusais ! Eh bien, écoute le serment Que te jure ma bouche en cet affreux moment : Puisqu’on l’a résolu, puisqu’on me sacrifie. Puisqu’on veut mon malheur, eh bien ! je les défie : Ils ne m’auront que morte, et je n’aurai laissé Pour traîner à l’autel qu’un cadavre glacé ! » II Lorsque je l’ai revue, elle était mariée Depuis cinq ans passés : « Ah ! s’est-elle écriée, C’est vous ! bien vous a pris d’être venu nous voir : Mais où donc étiez-vous ? Et ne peut-on savoir Pourquoi, depuis un siècle, éloigné de la France, Vous nous avez ainsi laissés dans l’ignorance ? Quant à nous, tout va bien : le sort nous a souri. — J’ai parlé bien souvent de vous à mon mari ; C’est un homme d’honneur, que j’aime et je révère, Sage négociant, de probité sévère, Qui par son zèle actif chaque jour agrandit L’essor de son commerce, et double son crédit : Et puisque le hasard à la fin nous rassemble ; Je vous présenterai, vous causerez ensemble ; Il vous recevra bien, empressé de saisir Pareille occasion de me faire plaisir. Vous verrez mes enfans : j’en ai trois. Mon aînée Est chez mes belles-sœurs, qui me l’ont emmenée ; Je l’attends samedi matin : vous la verrez. Oh, c’est qu’elle est charmante ! ensuite, vous saurez Qu’elle lit couramment, écrit même, et commence A jouer la sonate et chanter la romance. Et mon fils ! il aura ses trois ans et demi Le vingt du mois prochain ; du reste, mon ami, Vous verrez comme il est grand et fort pour son âge ; C’est le plus bel enfant de tout le voisinage. Et puis, j’ai mon petit. — Je ne l’ai pas nourri : Mes couches ont été pénibles ; mon mari, Qui craignait pour mon lait, a voulu que je prisse Sur moi de le laisser aux mains d’une nourrice. Mais de cet embarras je vais me délivrer, Et le docteur a dit qu’on pouvait le sevrer. — Ainsi dans mes enfans, dans un époux qui m’aime, J’ai trouvé le bonheur domestique ; et vous même, Vous dépendez de vous, j’imagine, et partant Qui peut vous empêcher d’en faire un jour autant ? Je sais qu’en pareil cas le choix est difficile. Que vous avez parfois une humeur indocile ; Mais on peut réussir, et vous réussirez : Vous prendrez une femme, et nous l’amènerez, Elle viendra passer l’été dans notre terre : Jusque-là toutefois, libre et célibataire, Pensez à vos amis, et venez en garçon Nous demander dimanche à dîner sans façon. »

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    A

    Alexis-Félix Arvers

    @alexisFelixArvers

    La ressemblance Sur tes riches tapis, sur ton divan qui laisse Au milieu des parfums respirer la mollesse, En ce voluptueux séjour, Où loin de tous les yeux, loin des bruits de la terre, Les voiles enlacés semblent, pour un mystère, Eteindre les rayons du jour, Ne t’enorgueillis pas, courtisane rieuse, Si, pour toutes tes soeurs ma bouche sérieuse Te sourit aussi doucement, Si, pour toi seule ici, moins glacée et moins lente, Ma main sur ton sein nu s’égare, si brûlante Qu’on me prendrait pour un amant. Ce n’est point que mon coeur soumis à ton empire, Au charme décevant que ton regard inspire Incapable de résister, A cet appât trompeur se soit laissé surprendre Et ressente un amour que tu ne peux comprendre, Mon pauvre enfant ! ni mériter. Non : ces rires, ces pleurs, ces baisers, ces morsures, Ce cou, ces bras meurtris d’amoureuses blessures, Ces transports, cet oeil enflammé ; Ce n’est point un aveu, ce n’est point un hommage Au moins : c’est que tes traits me rappellent l’image D’une autre femme que j’aimai. Elle avait ton parler, elle avait ton sourire, Cet air doux et rêveur qui ne peut se décrire. Et semble implorer un soutien ; Et de l’illusion comprends-tu la puissance ? On dirait que son oeil, tout voilé d’innocence, Lançait des feux comme le tien. Allons : regarde-moi de ce regard si tendre, Parle-moi, touche-moi, qu’il me semble l’entendre Et la sentir à mes côtés. Prolonge mon erreur : que cette voix touchante Me rende des accents si connus et me chante Tous les airs q’elle m’a chantés ! Hâtons-nous, hâtons-nous ! Insensé qui d’un songe Quand le jour a chassé le rapide mensonge, Espère encor le ressaisir ! Qu’à mes baisers de feu ta bouche s’abandonne, Viens, que chacun de nous trompe l’autre et lui donne Toi le bonheur, moi le plaisir !

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    Gaston Couté

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    Dans vos yeux Dans vos yeux J’ai lu l’aveu de votre âme En caractères de flamme Et je m’en suis allé joyeux Bornant alors mon espace Au coin d’horizon qui passe Dans vos yeux. Dans vos yeux J’ai vu s’amasser l’ivresse Et d’une longue caresse J’ai clos vos grands cils soyeux. Mais cette ivresse fut brève Et s’envola comme un rêve De vos yeux. Dans vos yeux Profonds comme des abîmes J’ai souvent cherché des rimes Aux lacs bleus et spacieux Et comme en leurs eaux sereines J’ai souvent noyé mes peines Dans vos yeux. Dans vos yeux J’ai vu rouler bien des larmes Qui m’ont mis dans les alarmes Et m’ont rendu malheureux. J’ai vu la trace des songes Et tous vos petits mensonges Dans vos yeux. Dans vos yeux Je ne vois rien à cette heure Hors que l’Amour est un leurre Et qu’il n’est plus sous les cieux D’amante qui soit fidèle A sa promesse… éternelle Dans vos yeux.

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    Gaston Couté

    @gastonCoute

    Sur le pressoir Sous les étoiles de septembre Notre cour a l’air d’une chambre Et le pressoir d’un lit ancien ; Grisé par l’odeur des vendanges Je suis pris d’un désir Né du souvenir des païens. Couchons ce soir Tous les deux, sur le pressoir ! Dis, faisons cette folie ?… Couchons ce soir Tous les deux sur le pressoir, Margot, Margot, ma jolie ! Parmi les grappes qui s’étalent Comme une jonchée de pétales, Ô ma bacchante ! roulons-nous. J’aurai l’étreinte rude et franche Et les tressauts de ta chair blanche Ecraseront les raisins doux. Sous les baisers et les morsures, Nos bouches et les grappes mûres Mêleront leur sang généreux ; Et le vin nouveau de l’Automne Ruissellera jusqu’en la tonne, D’autant plus qu’on s’aimera mieux ! Au petit jour, dans la cour close, Nous boirons la part de vin rose Oeuvrée de nuit par notre amour ; Et, dans ce cas, tu peux m’en croire, Nous aurons pleine tonne à boire Lorsque viendra le petit jour.

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    Grégory Rateau

    @gregoryRateau

    Beyrouth « Ce ne peut être que la fin du monde, en avançant. » Rimbaud Un taxi noir, Celui d’après minuit, Mon chauffeur slame, Mixe de plusieurs langues, Et ses sourcils de loup-garou, Dans les nuits fauves de Beyrouth, Cette montagne dressée au loin, Constellation d’un Pollock en transe, Je décroche À côté de mes pompes, Tel un somnambule, La ville jappe, Puis bat la mesure en rythme, Par la fenêtre Des fils électriques tressés à l’infini, Tout va trop vite, Ça défile, Appartements percés de part en part, Éclats de balle, Des trous de la taille d’un obus, Un goût de poussière, Odeur de pneus brûlés, Ma tête prête à exploser, Comme si des doigts essayaient de me faire avouer Mais quoi ? Je délire, Un gamin court après la voiture, Le feu passe au rouge, Des scooters nous tournent autour, Haine de l’étranger, Je fonce Sur les bords de mer, La lune fait du sur-place, Le ciel pris de folie, Des lucioles rebondissent sur le sable, Des chars défilent, Tremblement, La terre entame son solo de jazz, Je rêve d’une femme, La peau claire, Aux cheveux noirs, Mais j’ai droit à la lampe d’un militaire, Braquée sur mon désir, Il nous fait ranger sur le bas-côté, Fouille au corps, Vérification des papiers, Le loup-garou ne veut pas aller plus loin, Je longe la plage, Des couples se cachent dans des voitures Tous phares éteints, Dans l’eau, elle est là, La femme à la peau claire, Aux cheveux noirs, Elle n’a pas peur des flammes, Des reflets brûlants sur les vagues, Nous plongeons Sous l’eau, une autre nuit, Une longue phrase, Sans un mot, « A love » suprême.

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

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    1909 La dame avait une robe En ottoman violine Et sa tunique brodée d’or Était composée de deux panneaux S’attachant sur l’épaule Les yeux dansants comme des anges Elle riait elle riait Elle avait un visage aux couleurs de France Les yeux bleus les dents blanches et les lèvres très rouges Elle avait un visage aux couleurs de France Elle était décolletée en rond Et coiffée à la Récamier Avec de beaux bras nus N’entendra-t-on jamais sonner minuit La dame en robe d’ottoman violine Et en tunique brodée d’or Décolletée en rond Promenait ses boucles Son bandeau d’or Et traînait ses petits souliers à boucles Elle était si belle Que tu n’aurais pas osé l’aimer J’aimais les femmes atroces dans les quartiers énormes Où naissaient chaque jour quelques êtres nouveaux Le fer était leur sang la flamme leur cerveau J’aimais j’aimais le peuple habile des machines Le luxe et la beauté ne sont que son écume Cette femme était si belle Qu’elle me faisait peur

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    Chef de section Ma bouche aura des ardeurs de géhenne Ma bouche te sera un enfer de douceur et de séduction Les anges de ma bouche trôneront dans ton cœur Les soldats de ma bouche te prendront d’assaut Les prêtres de ma bouche encenseront ta beauté Ton âme s’agitera comme une région pendant un tremblement de terre Tes yeux seront alors chargés de tout l’amour qui s’est amassé dans les regards de l’humanité depuis qu’elle existe Ma bouche sera une armée contre toi une armée pleine de disparates Variée comme un enchanteur qui sait varier ses métamorphoses L’orchestre et les chœurs de ma bouche te diront mon amour Elle te le murmure de loin Tandis que les yeux fixés sur la montre j’attends la minute prescrite pour l’assaut

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

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    Guirlande de Lou Je fume un cigare à Tarascon en humant un café Des goumiers en manteau rouge passent près de l’hôtel des Empereurs Le train qui m’emporta t’enguirlandait de tout mon souvenir nostalgique Et ces roses si roses qui fleurissent tes seins C’est mon désir joyeux comme l’aurore d’un beau matin * Une flaque d’eau trouble comme mon âme Le train fuyait avec un bruit d’obus de 120 au terme de sa course Et les yeux fermés je respirais les héliotropes de tes veines Sur tes jambes qui sont un jardin plein de marbres Héliotropes ô soupirs d’une Belgique crucifiée * Et puis tourne tes yeux ce réséda si tendre Ils exhalent un parfum que mes yeux savent entendre L’odeur forte et honteuse des Saintes violées Des sept Départements où le sang a coulé * Hausse tes mains Hausse tes mains ces lys de ma fierté Dans leur corolle s’épure toute l’impureté Ô lys ô cloches des cathédrales qui s’écroulent au nord Carillons des Beffrois qui sonnent à la mort Fleurs de lys fleurs de France ô mains de mon amour Vous fleurissez de clarté la lumière du jour * Tes pieds tes pieds d’or touffes de mimosas Lampes au bout du chemin fatigues des soldats — Allons c’est moi ouvre la porte je suis de retour enfin — C’est toi assieds-toi entre l’ombre et la tristesse — Je suis couvert de boue et tremble de détresse Je pensais à tes pieds d’or pâle comme à des fleurs — Touche-les ils sont froids comme quelqu’un qui meurt * Les lilas de tes cheveux qui annoncent le printemps Ce sont les sanglots et les cris que jettent les mourants Le vent passe au travers doux comme nos baisers Le printemps reviendra les lilas vont passer * Ta voix, ta voix fleurit comme les tubéreuses Elle enivre la vie ô voix ô voix chérie Ordonne ordonne au temps de passer bien plus vite Le bouquet de ton corps est le bonheur du temps Et les fleurs de l’espoir enguirlandent tes tempes Les douleurs en passant près de toi se métamorphosent — Écroulements de flammes morts frileuses hématidroses — En une gerbe où fleurit La Merveilleuse Rose Tarascon, 24 janvier 1915

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    La Loreley À Bacharach il y avait une sorcière blonde Qui laissait mourir d’amour tous les hommes à la ronde Devant son tribunal l’évêque la fit citer D’avance il l’absolvit à cause de sa beauté Ô belle Loreley aux yeux pleins de pierreries De quel magicien tiens-tu ta sorcellerie Je suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits Ceux qui m’ont regardé évêque en ont péri Mes yeux ce sont des flammes et non des pierreries Jetez jetez aux flammes cette sorcellerie Je flambe dans ces flammes ô belle Loreley Qu’un autre te condamne tu m’as ensorcelé Évêque vous riez Priez plutôt pour moi la Vierge Faites-moi donc mourir et que Dieu vous protège Mon amant est parti pour un pays lointain Faites-moi donc mourir puisque je n’aime rien Mon cœur me fait si mal il faut bien que je meure Si je me regardais il faudrait que j’en meure Mon cœur me fait si mal depuis qu’il n’est plus là Mon cœur me fit si mal du jour où il s’en alla L’évêque fit venir trois chevaliers avec leurs lances Menez jusqu’au couvent cette femme en démence Va-t’en Lore en folie va Lore aux yeux tremblants Tu seras une nonne vêtue de noir et blanc Puis ils s’en allèrent sur la route tous les quatre La Loreley les implorait et ses yeux brillaient comme des astres Chevaliers laissez-moi monter sur ce rocher si haut Pour voir une fois encore mon beau château Pour me mirer une fois encore dans le fleuve Puis j’irai au couvent des vierges et des veuves Là-haut le vent tordait ses cheveux déroulés Les chevaliers criaient Loreley Loreley Tout là-bas sur le Rhin s’en vient une nacelle Et mon amant s’y tient il m’a vue il m’appelle Mon cœur devient si doux c’est mon amant qui vient Elle se penche alors et tombe dans le Rhin Pour avoir vu dans l’eau la belle Loreley Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    Le poulpe Jetant son encre vers les cieux, Suçant le sang de ce qu’il aime Et le trouvant délicieux, Ce monstre inhumain, c’est moi-même.

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    Guillaume Apollinaire

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    @guillaumeApollinaire

    Le serpent Tu t’acharnes sur la beauté. Et quelles femmes ont été Victimes de ta cruauté ! Ève, Euridice, Cléopâtre ; J’en connais encor trois ou quatre. Guillaume Apollinaire, Le Bestiaire, ou Cortège d’Orphée, 1911

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    Guillaume Apollinaire

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    Mon Lou la nuit descend Mon Lou la nuit descend tu es à moi je t’aime Les cyprès ont noirci le ciel a fait de même Les trompettes chantaient ta beauté mon bonheur De t’aimer pour toujours ton cœur près de mon cœur Je suis revenu doucement à la caserne Les écuries sentaient bon la luzerne Les croupes des chevaux évoquaient ta force et ta grâce D’alezane dorée ô ma belle jument de race La tour Magne tournait sur sa colline laurée Et dansait lentement lentement s’obombrait Tandis que des amants descendaient de la colline La tour dansait lentement comme une sarrasine Le vent souffle pourtant il ne fait pas du tout froid Je te verrai dans deux jours et suis heureux comme un roi Et j’aime de t’y aimer cette Nîmes la Romaine Où les soldats français remplacent l’armée prétorienne Beaucoup de vieux soldats qu’on n’a pu habiller Ils vont comme des bœufs tanguent comme des mariniers Je pense à tes cheveux qui sont mon or et ma gloire Ils sont toute ma lumière dans la nuit noire Et tes yeux sont les fenêtres d’où je veux regarder La vie et ses bonheurs la mort qui vient aider Les soldats las les femmes tristes et les enfants malades Des soldats mangent près d’ici de l’ail dans la salade L’un a une chemise quadrillée de bleu comme une carte Je t’adore mon Lou et sans te voir je te regarde Ça sent l’ail et le vin et aussi l’iodoforme Je t’adore mon Lou embrasse-moi avant que je ne dorme Le ciel est plein d’étoiles qui sont les soldats Morts ils bivouaquent là-haut comme ils bivouaquaient là-bas Et j’irai conducteur un jour lointain t’y conduire Lou que de jours de bonheur avant que ce jour ne vienne luire Aime-moi mon Lou je t’adore Bonsoir Je t’adore je t’aime adieu mon Lou ma gloire Nîmes, le 29 décembre 1914

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    Rosemonde Longtemps au pied du perron de La maison où entra la dame Que j’avais suivie pendant deux Bonnes heures à Amsterdam Mes doigts jetèrent des baisers Mais le canal était désert Le quai aussi et nul ne vit Comment mes baisers retrouvèrent Celle à qui j’ai donné ma vie Un jour pendant plus de deux heures Je la surnommai Rosemonde Voulant pouvoir me rappeler Sa bouche fleurie en Hollande Puis lentement je m’allai Pour quêter la Rose du Monde

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    Scène nocturne du 22 avril 1915 Gui chante pour Lou Mon ptit Lou adoré Je voudrais mourir un jour que tu m’aimes Je voudrais être beau pour que tu m’aimes Je voudrais être fort pour que tu m’aimes Je voudrais être jeune jeune pour que tu m’aimes Je voudrais que la guerre recommençât pour que tu m’aimes Je voudrais te prendre pour que tu m’aimes Je voudrais te fesser pour que tu m’aimes Je voudrais te faire mal pour que tu m’aimes Je voudrais que nous soyons seuls dans une chambre d’hôtel à Grasse pour que tu m’aimes Je voudrais que nous soyons seuls dans mon petit bureau près de la terrasse couchés sur le lit de fumerie pour que tu m’aimes Je voudrais que tu sois ma sœur pour t’aimer incestueusement Je voudrais que tu eusses été ma cousine pour qu’on se soit aimés très jeunes Je voudrais que tu sois mon cheval pour te chevaucher longtemps, longtemps Je voudrais que tu sois mon coeur pour te sentir toujours en moi. Je voudrais que tu sois le paradis ou l’enfer selon le lieu où j’aille Je voudrais que tu sois un petit garçon pour être ton précepteur Je voudrais que tu sois la nuit pour nous aimer dans les ténèbres Je voudrais que tu sois ma vie pour être par toi seule Je voudrais que tu sois un obus boche pour me tuer d’un soudain amour Lilith et Proserpine (aux enfers) Nous nous aimons sauvagement dans la nuit noire Victimes de l’ascèse et produits du désespoir Chauves-souris qui ont leurs anglais comme les femmes Le Petit Lou Faut pas parler comm’ ça, on dit coulichonnette Lilith J’ai créé la mer Rouge contre le désir de l’homme Proserpine J’ai fait sortit de son lit le Léthé J’en inonde le monde comme d’un hippomane L’oiseau d’éternité du moutier de Heisterbach Je suis l’éternité Mort belle de la Beauté Je mords la mirabelle de l’Été Flambant Phénix de la Charité Pélican de la prodigalité Aigle cruel de la Vérité Rouge-gorge de la sanglante clarté Corbeau de la sombre bonté Qu’est devenu le moine hébété La prière Abaissement qui élève Le maître fut l’élève Aimer n’être pas aimé Fumée, belle fumée La joie Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Je commande et mande Je nais du mal à Samarcande Mais il ne faut pas que j’attende Le Remords Toutes deux, appelez-moi votre père Et l’Art est notre fils multiforme Je m’ouvre la poitrine, Entrez ! c’est notre demeure il y a une horloge qui sonne les heures La 45e batterie du 38e Les chevaux hennissent Éteignez les lumières Les caissons sont chargés Empêchez les hommes de dormir Entends miauler les tigres volants de la guerre Gui Je pense à toi ma lou et ne pense pas à dormir Le Ptit Lou Je suis dans ton dodo et de loin près de toi Le monde ou bien Les gens du monde Mon ptit Lou je veux te reprendre Oublie tes soldats pour mes fêtes. L’Avenir Lou et Gui et vous Toutou faut que vous voyez tous trois De merveilleux rivages Une ville enchantée comme Cordoue En Andalousie. Les gens simples séduits par votre cœur Et votre fantaisie Vous donneront des fleurs, des cannes à sucre Vous pourrez voir encore plus loin si vous voulez La nature des tropiques Une ville blanche; à vingt minutes de la ville un petit pays sur la mer avec de belles maisons dans des parcs Vous louerez un palais où de toutes les fenêtres Lou touchera les palmes avec ses mains Les chevreaux, les ânes, les mules ravissanres Comme des femmes Et aussi expressives quand au regard seront avec vous Gui L’avenir m’intéresse et mon amour surtout Mais l’art et les artistes futurs ne m’intéressent pas. À Paris, il y aura la Seine Et le regard de mon ptit Lou Chœur des jeunes filles mortes en 1913 Quand les belles furent au bois Chacune tenait une rose Et voilà qu’on revient du bois N’avons plus rien entre les doigts Et les jeunes gens de naguère S’en vont ne se retournent pas Ceux qui nous aimèrent naguère Emportent la rose à la guerre Ô mort mène-nous dans le bois Pour retrouver la rose morte Et le rossignol dans le bois Chante toujours comme autrefois

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    Guillaume de Lacoste Lareymondie

    @guillaumeDeLacosteLareymondie

    Passion Massacré au plaisir d’une foule, étendu en travers du chemin et foulé de mégères hurlantes – sur son corps lacéré, répandu, où tout un peuple noir de mouches bleues prospère, sur sa dépouille ensanglantée, chacun a pu compter les plaies des coups. il gît dans la poussière, il pleure, et encor se redresse affaibli, nu, décharné et putride, et bute à chaque pierre, et s’effondre à nouveau sous le fouet qui le lime dans le long craquement de ses os et les cris des badauds ébaubis en quête de sublime. et ses chairs sont pourries, verdâtres – ses yeux gris qu’il ne relève plus crachent leur larme ultime, sa mère ne le reconnaît pas – jésus-christ.

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    Guillaume Dufour

    @guillaumeDufour

    C’est dans cette fleur qui sent si bon C’est dans cette fleur qui sent si bon et d’où monte un beau ciel de nuées que bat mon cœur Aromatiques enfants de cet œillet plus vivant que vos mains jointes ma bien AIMÉE et plus pieux encore que vos ongles La mielleuse figue octobrine seule a la douceur de vos lèvres qui ressemble à sa blessure lorsque trop mûr le noble fruit que je voudrais tant cueillir paraît sur le point de choir ô figue ô figue désirée bouche que je veux cueillir blessure dont je veux mourir Et puis voici l’engin avec quoi pêcheur JE Capture l’immense monstre de ton œil Qu’un art étrange abîme au sein des nuits profondes Nice, le 8 octobre 1914

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    Guy de Maupassant

    Guy de Maupassant

    @guyDeMaupassant

    Au bord de l’Eau I Un lourd soleil tombait d’aplomb sur le lavoir ; Les canards engourdis s’endormaient dans la vase, Et l’air brûlait si fort qu’on s’attendait à voir Les arbres s’enflammer du sommet à la base. J’étais couché sur l’herbe auprès du vieux bateau Où des femmes lavaient leur linge. Des eaux grasses, Des bulles de savon qui se crevaient bientôt S’en allaient au courant, laissant de longues traces. Et je m’assoupissais lorsque je vis venir, Sous la grande lumière et la chaleur torride, Une fille marchant d’un pas ferme et rapide, Avec ses bras levés en l’air, pour maintenir Un fort paquet de linge au-dessus de sa tête. La hanche large avec la taille mince, faite Ainsi qu’une Vénus de marbre, elle avançait Très droite, et sur ses reins, un peu, se balançait. Je la suivis, prenant l’étroite passerelle Jusqu’au seuil du lavoir, où j’entrai derrière elle. Elle choisit sa place, et dans un baquet d’eau, D’un geste souple et fort abattit son fardeau. Elle avait tout au plus la toilette permise ; Elle lavait son linge ; et chaque mouvement Des bras et de la hanche accusait nettement, Sous le jupon collant et la mince chemise, Les rondeurs de la croupe et les rondeurs des seins. Elle travaillait dur ; puis, quand elle était lasse, Elle élevait les bras, et, superbe de grâce, Tendait son corps flexible en renversant ses reins. Mais le puissant soleil faisait craquer les planches ; Le bateau s’entr’ouvrait comme pour respirer. Les femmes haletaient ; on voyait sous leurs manches La moiteur de leurs bras par place transpirer Une rougeur montait à sa gorge sanguine. Elle fixa sur moi son regard effronté, Dégrafa sa chemise, et sa ronde poitrine Surgit, double et luisante, en pleine liberté, Écartée aux sommets et d’une ampleur solide. Elle battait alors son linge, et chaque coup Agitait par moment d’un soubresaut rapide Les roses fleurs de chair qui se dressent au bout. Un air chaud me frappait, comme un souffle de forge, A chacun des soupirs qui soulevaient sa gorge. Les coups de son battoir me tombaient sur le coeur ! Elle me regardait d’un air un peu moqueur ; J’approchai, l’oeil tendu sur sa poitrine humide De gouttes d’eau, si blanche et tentante au baiser. Elle eut pitié de moi, me voyant très timide, M’aborda la première et se mit à causer. Comme des sons perdus m’arrivaient ses paroles. Je ne l’entendais pas, tant je la regardais. Par sa robe entr’ouverte, au loin, je me perdais, Devinant les dessous et brûlé d’ardeurs folles ; Puis, comme elle partait, elle me dit tout bas De me trouver le soir au bout de la prairie. Tout ce qui m’emplissait s’éloigna sur ses pas ; Mon passé disparut ainsi qu’une eau tarie : Pourtant j’étais joyeux, car en moi j’entendais Les ivresses chanter avec leur voix sonore. Vers le ciel obscurci toujours je regardais, Et la nuit qui tombait me semblait une aurore ! II Elle était la première au lieu du rendez-vous. J’accourus auprès d’elle et me mis à genoux, Et promenant mes mains tout autour de sa taille Je l’attirais. Mais elle, aussitôt, se leva Et par les prés baignés de lune se sauva. Enfin je l’atteignis, car dans une broussaille Qu’elle ne voyait point son pied fut arrêté. Alors, fermant mes bras sur sa hanche arrondie, Auprès d’un arbre, au bord de l’eau, je l’emportai. Elle, que j’avais vue impudique et hardie, Était pâle et troublée et pleurait lentement, Tandis que je sentais comme un enivrement De force qui montait de sa faiblesse émue. Quel est donc et d’où vient ce ferment qui remue Les entrailles de l’homme à l’heure de l’amour ? La lune illuminait les champs comme en plein jour. Grouillant dans les roseaux, la bruyante peuplade Des grenouilles faisaient un grand charivari ; Une caille très loin jetait son double cri, Et, comme préludant à quelque sérénade, Des oiseaux réveillés commençaient leurs chansons. Le vent me paraissait chargé d’amours lointaines, Alourdi de baisers, plein des chaudes haleines Que l’on entend venir avec de longs frissons, Et qui passent roulant des ardeurs d’incendies. Un rut puissant tombait des brises attiédies. Et je pensai : « Combien, sous le ciel infini, Par cette douce nuit d’été, combien nous sommes Qu’une angoisse soulève et que l’instinct unit Parmi les animaux comme parmi les hommes. » Et moi j’aurais voulu, seul, être tous ceux-là ! Je pris et je baisai ses doigts ; elle trembla. Ses mains fraîches sentaient une odeur de lavande Et de thym, dont son linge était tout embaumé. Sous ma bouche ses seins avaient un goût d’amande Comme un laurier sauvage ou le lait parfumé Qu’on boit dans la montagne aux mamelles des chèvres. Elle se débattait ; mais je trouvai ses lèvres : Ce fut un baiser long comme une éternité Qui tendit nos deux corps dans l’immobilité. Elle se renversa, râlant sous ma caresse ; Sa poitrine oppressée et dure de tendresse, Haletait fortement avec de longs sanglots ; Sa joue était brûlante et ses yeux demi-clos, Et nos bouches, nos sens, nos soupirs se mêlèrent. Puis, dans la nuit tranquille où la campagne dort, Un cri d’amour monta, si terrible et si fort Que des oiseaux dans l’ombre effarés s’envolèrent. Les grenouilles, la caille, et les bruits et les voix Se turent ; un silence énorme emplit l’espace. Soudain, jetant aux vents sa lugubre menace, Très loin derrière nous un chien hurla trois fois. Mais quand le jour parut, comme elle était restée, Elle s’enfuit. J’errai dans les champs au hasard. La senteur de sa peau me hantait ; son regard M’attachait comme une ancre au fond du coeur jetée. Ainsi que deux forçats rivés aux mêmes fers, Un lien nous tenait, l’affinité des chairs. III Pendant cinq mois entiers, chaque soir, sur la rive, Plein d’un emportement qui jamais ne faiblit, J’ai caressé sur l’herbe ainsi que dans un lit Cette fille superbe, ignorante et lascive. Et le matin, mordus encor du souvenir, Quoique tout alanguis des baisers de la veille, Dès l’heure où, dans la plaine, un chant d’oiseau s’éveille, Nous trouvions que la nuit tardait bien à venir. Quelquefois, oubliant que le jour dût éclore, Nous nous laissions surprendre embrassés, par l’aurore. Vite, nous revenions le long des clairs chemins, Mes deux yeux dans ses yeux, ses deux mains dans mes mains. Je voyais s’allumer des lueurs dans les haies, Des troncs d’arbre soudain rougir comme des plaies, Sans songer qu’un soleil se levait quelque part, Et je croyais, sentant mon front baigné de flammes, Que toutes ces clartés tombaient de son regard. Elle allait au lavoir avec les autres femmes ; Je la suivais, rempli d’attente et de désir. La regarder sans fin était mon seul plaisir, Et je restais debout dans la même posture, Muré dans mon amour comme en une prison. Les lignes de son corps fermaient mon horizon ; Mon espoir se bornait aux noeuds de sa ceinture. Je demeurais près d’elle, épiant le moment Où quelque autre attirait la gaieté toujours prête ; Je me penchais bien vite, elle tournait la tête, Nos bouches se touchaient, puis fuyaient brusquement. Parfois elle sortait en m’appelant d’un signe ; J’allais la retrouver dans quelque champ de vigne Ou sous quelque buisson qui nous cachait aux yeux. Nous regardions s’aimer les bêtes accouplées, Quatre ailes qui portaient deux papillons joyeux, Un double insecte noir qui passait les allées. Grave, elle ramassait ces petits amoureux Et les baisait. Souvent des oiseaux sur nos têtes Se becquetaient sans peur, et les couples des bêtes Ne nous redoutaient point, car nous faisions comme eux. Puis le coeur tout plein d’elle, à cette heure tardive Où j’attendais, guettant les détours de la rive, Quand elle apparaissait sous les hauts peupliers, Le désir allumé dans sa prunelle brune, Sa jupe balayant tous les rayons de Lune Couchés entre chaque arbre au travers des sentiers, Je songeais à l’amour de ces filles bibliques, Si belles qu’en ces temps lointains on a pu voir, Éperdus et suivant leurs formes impudiques, Des anges qui passaient dans les ombres du soir. IV Un jour que le patron dormait devant la porte, Vers midi, le lavoir se trouva dépeuplé. Le sol brûlant fumait comme un boeuf essoufflé Qui peine en plein soleil ; mais je trouvais moins forte Cette chaleur du ciel que celle de mes sens. Aucun bruit ne venait que des lambeaux de chants Et des rires d’ivrogne, au loin, sortant des bouges, Puis la chute parfois de quelque goutte d’eau Tombant on ne sait d’où, sueur du vieux bateau. Or ses lèvres brillaient comme des charbons rouges D’où jaillirent soudain des crises de baisers, Ainsi que d’un brasier partent des étincelles, Jusqu’à l’affaissement de nos deux corps brisés. On n’entendait plus rien hormis les sauterelles, Ce peuple du soleil aux éternels cris-cris Crépitant comme un feu parmi les prés flétris. Et nous nous regardions, étonnés, immobiles, Si pâles tous les deux que nous nous faisions peur ; Lisant aux traits creusés, noirs, sous nos yeux fébriles, Que nous étions frappés de l’amour dont on meurt, Et que par tous nos sens s’écoulait notre vie. Nous nous sommes quittés en nous disant tout bas Qu’au bord de l’eau, le soir, nous ne viendrions pas. Mais, à l’heure ordinaire, une invincible envie Me prit d’aller tout seul à l’arbre accoutumé Rêver aux voluptés de ce corps tant aimé, Promener mon esprit par toutes nos caresses, Me coucher sur cette herbe et sur son souvenir. Quand j’approchai, grisé des anciennes ivresses, Elle était là, debout, me regardant venir. Depuis lors, envahis par une fièvre étrange, Nous hâtons sans répit cet amour qui nous mange Bien que la mort nous gagne, un besoin plus puissant Nous travaille et nous force à mêler notre sang. Nos ardeurs ne sont point prudentes ni peureuses ; L’effroi ne trouble pas nos regards embrasés ; Nous mourons l’un par l’autre, et nos poitrines creuses Changent nos jours futurs comme autant de baisers. Nous ne parlons jamais. Auprès de cette femme Il n’est qu’un cri d’amour, celui du cerf qui brame. Ma peau garde sans fin le frisson de sa peau Qui m’emplit d’un désir toujours âpre et nouveau, Et si ma bouche a soif, ce n’est que de sa bouche ! Mon ardeur s’exaspère et ma force s’abat Dans cet accouplement mortel comme un combat. Le gazon est brûlé qui nous servait de couche, Et désignant l’endroit du retour continu, La marque de nos corps est entrée au sol nu. Quelque matin, sous l’arbre où nous nous rencontrâmes, On nous ramassera tous deux au bord de l’eau. Nous serons rapportés au fond d’un lourd bateau, Nous embrassant encore aux secousses des rames. Puis, on nous jettera dans quelque trou caché, Comme on fait aux gens morts en état de péché. Mais alors, s’il est vrai que les ombres reviennent, Nous reviendrons, le soir, sous les hauts peupliers, Et les gens du pays, qui longtemps se souviennent, En nous voyant passer, l’un à l’autre liés, Diront, en se signant, et l’esprit en prière : « Voilà le mort d’amour avec sa lavandière. »

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    Guy de Maupassant

    Guy de Maupassant

    @guyDeMaupassant

    Désirs Le rêve pour les uns serait d’avoir des ailes, De monter dans l’espace en poussant de grands cris, De prendre entre leurs doigts les souples hirondelles, Et de se perdre, au soir, dans les cieux assombris. D’autres voudraient pouvoir écraser des poitrines En refermant dessus leurs deux bras écartés ; Et, sans ployer des reins, les prenant aux narines, Arrêter d’un seul coup les chevaux emportés. Moi ; ce que j’aimerais, c’est la beauté charnelle : Je voudrais être beau comme les anciens dieux, Et qu’il restât aux coeurs une flamme éternelle Au lointain souvenir de mon corps radieux. Je voudrais que pour moi nulle ne restât sage, Choisir l’une aujourd’hui, prendre l’autre demain ; Car j’aimerais cueillir l’amour sur mon passage, Comme on cueille des fruits en étendant la main. Ils ont, en y mordant, des saveurs différentes ; Ces arômes divers nous les rendent plus doux. J’aimerais promener mes caresses errantes Des fronts en cheveux noirs aux fronts en cheveux roux. J’adorerais surtout les rencontres des rues, Ces ardeurs de la chair que déchaîne un regard, Les conquêtes d’une heure aussitôt disparues, Les baisers échangés au seul gré du hasard. Je voudrais au matin voir s’éveiller la brune Qui vous tient étranglé dans l’étau de ses bras ; Et, le soir, écouter le mot que dit tout bas La blonde dont le front s’argente au clair de lune. Puis, sans un trouble au coeur, sans un regret mordant, Partir d’un pied léger vers une autre chimère. – Il faut dans ces fruits-là ne mettre que la dent : On trouverait au fond une saveur amère. Guy de Maupassant, Des vers

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