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Titre : Au coeur de mon amour

Auteur : Paul Éluard Recueil : Capitale de la douleur, Mourir de na pas mourir, 1926, 1926

Un bel oiseau me montre la lumière Elle est dans ses yeux, bien en vue. Il chante sur une boule de gui Au milieu du soleil. * * * * * Les yeux des animaux chanteurs Et leurs chants de colère ou d’ennui M’ont interdit de sortir de ce lit. J’y passerai ma vie. L’aube dans des pays sans grâce Prend l’apparence de l’oubli. Et qu’une femme émue s’endorme, à l’aube, La tête la première, sa chute l’illumine. Constellations, Vous connaissez la forme de sa tête. Ici, tout s’obscurcit: Le paysage se complète, sang aux joues, Les masses diminuent et coulent dans mon cœur Avec le sommeil. Et qui donc veut me prendre le cœur? * * * * * Je n’ai jamais rêvé d’une si belle nuit. Les femmes du jardin cherchent à m’embrasser— Soutiens du ciel, les arbres immobiles Embrassent bien l’ombre qui les soutient. Une femme au cœur pâle Met la nuit dans ses habits. L’amour a découvert la nuit Sur ses seins impalpables. Comment prendre plaisir à tout? Plutôt tout effacer. L’homme de tous les mouvements, De tous les sacrifices et de toutes les conquêtes Dort. Il dort, il dort, il dort. Il raye de ses soupirs la nuit minuscule, invisible. Il n’a ni froid, ni chaud. Son prisonnier s’est évadé—pour dormir. Il n’est pas mort, il dort. Quand il s’est endormi Tout l’étonnait, Il jouait avec ardeur, Il regardait, Il entendait. Sa dernière parole:«Si c’était à recommencer, je te rencontrerais sans te chercher.» Il dort, il dort, il dort. L’aube a eu beau lever la tête, Il dort.