Titre : Une rencontre
Auteur : Jean-Pierre Villebramar
« je l’ai prise entre mes bras blancs
elle a pleuré comme un enfant »
d’après Pierre Mac Orlan
Un soir d’hiver, il était un oiseau.
La nuit tombée, et ma fenêtre, ouverte.
Il entra.
Dans la chambre, il faisait bon et doux, et la lampe éclairait, comme il convient
qu’éclaire une lampe, quand vient la nuit, et qu’il fait froid dehors.
Il faisait nuit, il faisait froid.
Dehors.
L’oiseau parlait oiseau et moi humain ; point n’est besoin de se comprendre pour parler,
ni de parler pour se comprendre. Au fil des jours, s’apprivoisant.
Le plus souvent lors d’une promenade, chacun heureux d’une présence.
Chacun pensant à l’autre, moi dans ma tête humaine, lui dans la sienne.
Un jour, l’oiseau me parla de sa vie ; moi de la mienne.
Je sus qu’il avait des enfants, et un mari.
Alors l’appelai « Elle ». Et elle « Lui ».
Ainsi sommes-nous devenus. « Elle » et « Lui ».
Nous retrouvant à heure fixe.
Tous les jours.
Puis nous quittant à heure fixe ; cela facilite grandement les échanges.
Je n’ai pas eu à apprendre l’heure en langue oiseau, ni Elle, en humain.
Ainsi tissant nos relations ; comme en un nid ; sans doute
aime-t-elle un compagnon humain, moi une oiseau. Le plus souvent, nous suffit le silence.
Au fil des ans, ma relation est devenue profonde et douce en sa présence, profonde et douloureuse,
elle partie. N’ayant ni l’un ni l’autre appris : elle, le langage des hommes, moi le sien.
De ce fait, ne sachant pas vraiment si elle ressent de même. Cependant, je la vois sourire.
Pour Elle, qui se contente de m’accompagner sur les sentiers, cela suffit.
Je crois.
Nous apprenons. Un peu de mon passé pour Elle, un peu du sien, pour moi.
J’ignore quelles conclusions elle en tire, ni même s’il y a lieu d’en tirer des conclusions.
Pour moi, j’en ai déduit que je l’aimais.
Cet oiseau qui entra dans ma vie, un jour.
Cet humain qui entra dans la sienne. Le même.
Et la fenêtre que je ferme, quand il fait froid dehors,
que la nuit tombe.
« As of some one gently rapping, rapping at my chamber door
only this, and nothing more. »
Edgar Allan Poe