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Titre : Les reparties de Nina

Auteur : Arthur Rimbaud Recueil : Poésies, 1826

LUI – Ta poitrine sur ma poitrine, Hein ? nous irions, Ayant de l’air plein la narine, Aux frais rayons Du bon matin bleu, qui vous baigne Du vin de jour ?… Quand tout le bois frissonnant saigne Muet d’amour De chaque branche, gouttes vertes, Des bourgeons clairs, On sent dans les choses ouvertes Frémir des chairs : Tu plongerais dans la luzerne Ton blanc peignoir, Rosant à l’air ce bleu qui cerne Ton grand oeil noir, Amoureuse de la campagne, Semant partout, Comme une mousse de champagne, Ton rire fou : Riant à moi, brutal d’ivresse, Qui te prendrais Comme cela, – la belle tresse, Oh ! – qui boirais Ton goût de framboise et de fraise, O chair de fleur ! Riant au vent vif qui te baise Comme un voleur ; Au rose, églantier qui t’embête Aimablement : Riant surtout, ô folle tête, À ton amant !…. ……………………………………………….. – Ta poitrine sur ma poitrine, Mêlant nos voix, Lents, nous gagnerions la ravine, Puis les grands bois !… Puis, comme une petite morte, Le coeur pâmé, Tu me dirais que je te porte, L’oeil mi-fermé… Je te porterais, palpitante, Dans le sentier : L’oiseau filerait son andante Au Noisetier… Je te parlerais dans ta bouche.. J’irais, pressant Ton corps, comme une enfant qu’on couche, Ivre du sang Qui coule, bleu, sous ta peau blanche Aux tons rosés : Et te parlant la langue franche – ….. Tiens !… – que tu sais… Nos grands bois sentiraient la sève, Et le soleil Sablerait d’or fin leur grand rêve Vert et vermeil ……………………………………………….. Le soir ?… Nous reprendrons la route Blanche qui court Flânant, comme un troupeau qui broute, Tout à l’entour Les bons vergers à l’herbe bleue, Aux pommiers tors ! Comme on les sent tout une lieue Leurs parfums forts ! Nous regagnerons le village Au ciel mi-noir ; Et ça sentira le laitage Dans l’air du soir ; Ca sentira l’étable, pleine De fumiers chauds, Pleine d’un lent rythme d’haleine, Et de grands dos Blanchissant sous quelque lumière ; Et, tout là-bas, Une vache fientera, fière, À chaque pas… – Les lunettes de la grand-mère Et son nez long Dans son missel ; le pot de bière Cerclé de plomb, Moussant entre les larges pipes Qui, crânement, Fument : les effroyables lippes Qui, tout fumant, Happent le jambon aux fourchettes Tant, tant et plus : Le feu qui claire les couchettes Et les bahuts : Les fesses luisantes et grasses Du gros enfant Qui fourre, à genoux, dans les tasses, Son museau blanc Frôlé par un mufle qui gronde D’un ton gentil, Et pourlèche la face ronde Du cher petit….. Que de choses verrons-nous, chère, Dans ces taudis, Quand la flamme illumine, claire, Les carreaux gris !… – Puis, petite et toute nichée, Dans les lilas Noirs et frais : la vitre cachée, Qui rit là-bas…. Tu viendras, tu viendras, je t’aime ! Ce sera beau. Tu viendras, n’est-ce pas, et même… Elle – Et mon bureau ?