Le fils des armures À Léopold Flameng.
Tous les ducs morts sont là, gloire d’acier vêtue,
Depuis Othon le Saint jusqu’à Job le Frugal ;
Et devant eux, riant son rire musical,
L’enfant à soulever des armes s’évertue.
Chaque armure, où l’aïeul se survit en statue
Sous la fière couronne et le cimier ducal,
Joyeuse reconnaît d’un regard amical
Sa race, qui déjà joue avec ce qui tue.
Plongé dans un fauteuil de cuir rouge, gaufré
De fleurs d’or, l’écuyer, grand vieillard balafré,
Feuillette un très-ancien traité de balistique.
Et les vieux casques ont des sourires humains,
Cependant qu’au milieu de la chambre gothique
L’enfant chevauche sur une épée à deux mains.
il y a 9 mois
François Coppée
@francoisCoppee
Mon Père Tenez, lecteur ! – souvent, tout seul, je me promène
Au lieu qui fut jadis la barrière du Maine.
C’est laid, surtout depuis le siège de Paris.
On a planté d’affreux arbustes rabougris
Sur ces longs boulevards où naguère des ormes
De deux cents ans croisaient leurs ramures énormes.
Le mur d’octroi n’est plus ; le quartier se bâtit.
Mais c’est là que jadis, quand j’étais tout petit,
Mon père me menait, enfant faible et malade,
Par les couchants d’été faire une promenade.
C’est sur ces boulevards déserts, c’est dans ce lieu
Que cet homme de bien, pur, simple et craignant Dieu,
Qui fut bon comme un saint, naïf comme un poète,
Et qui, bien que très pauvre, eut toujours l’âme en fête,
Au fond d’un bureau sombre après avoir passé
Tout le jour, se croyant assez récompensé
Par la douce chaleur qu’au coeur nous communique
La main d’un dernier-né, la main d’un fils unique,
C’est là qu’il me menait. Tous deux nous allions voir
Les longs troupeaux de boeufs marchant vers l’abattoir,
Et quand mes petits pieds étaient assez solides,
Nous poussions quelquefois jusques aux Invalides,
Où, mêlés aux badauds descendus des faubourgs,
Nous suivions la retraite et les petits tambours.
Et puis enfin, à l’heure où la lune se lève,
Nous prenions pour rentrer la route la plus brève ;
On montait au cinquième étage, lentement ;
Et j’embrassais alors mes trois soeurs et maman,
Assises et cousant auprès d’une bougie.
– Eh bien, quand m’abandonne un instant l’énergie,
Quand m’accable par trop le spleen décourageant,
Je retourne, tout seul, à l’heure du couchant,
Dans ce quartier paisible où me menait mon père ;
Et du cher souvenir toujours le charme opère.
Je songe à ce qu’il fit, cet homme de devoir,
Ce pauvre fier et pur, à ce qu’il dut avoir
De résignation patiente et chrétienne
Pour gagner notre pain, tâche quotidienne,
Et se priver de tout, sans se plaindre jamais.
– Au chagrin qui me frappe alors je me soumets,
Et je sens remonter à mes lèvres surprises
Les prières qu’il m’a dans mon enfance apprises.
il y a 9 mois
F
François Fabié
@francoisFabie
Les genêts Les genêts, doucement balancés par la brise,
Sur les vastes plateaux font une boule d’or ;
Et tandis que le pâtre à leur ombre s’endort,
Son troupeau va broutant cette fleur qui le grise ;
Cette fleur qui le fait rêver d’amour, le soir,
Quand il roule du haut des monts vers les étables,
Et qu’il croise en chemin les grands boeufs vénérables
Dont les doux beuglements appellent l’abreuvoir ;
cette fleur toute d’or, de lumière et de soie,
En papillons posée au bout des brins menus,
Et dont les lourds parfums semblent être venus
De la plage lointaine où le soleil se noie…
Certes, j’aime les prés où chantent les grillons,
Et la vigne pendue aux flancs de la colline,
Et les champs de bleuets sur qui le blé s’incline,
Comme sur des yeux bleus tombent des cheveux blonds.
Mais je préfère aux prés fleuris, aux grasses plaines,
Aux coteaux où la vigne étend ses pampres verts,
Les sauvages sommets de genêts recouverts,
Qui font au vent d’été de si fauves haleines.
*
* *
Vous en souvenez-vous, genêts de mon pays,
Des petits écoliers aux cheveux en broussailles
Qui s’enfonçaient sous vos rameaux comme des cailles,
Troublant dans leur sommeil les lapins ébahis ?
Comme l’herbe était fraîche à l’abri de vos tiges !
Comme on s’y trouvait bien, sur le dos allongé,
Dans le thym qui faisait, aux sauges mélangé,
Un parfum enivrant à donner des vertiges !
Et quelle émotion lorsqu’un léger froufrou
Annonçait la fauvette apportant la pâture,
Et qu’en bien l’épiant on trouvait d’aventure
Son nid plein d’oiseaux nus et qui tendaient le cou !
Quel bonheur, quand le givre avait garni de perles
Vos fins rameaux émus qui sifflaient dans le vent,
– Précoces braconniers, – de revenir souvent
Tendre en vos corridors des lacets pour les merles.
*
* *
Mais il fallut quitter les genêts et les monts,
S’en aller au collège étudier des livres,
Et sentir, loin de l’air natal qui vous rend ivres,
S’engourdir ses jarrets et siffler ses poumons ;
Passer de longs hivers dans des salles bien closes,
A regarder la neige à travers les carreaux,
Éternuant dans des auteurs petits et gros,
Et soupirant après les oiseaux et les roses ;
Et, l’été, se haussant sur son banc d’écolier,
Comme un forçat qui, tout en ramant, tend sa chaîne,
Pour sentir si le vent de la lande prochaine
Ne vous apporte pas le parfum familier.
*
* *
Enfin, la grille s’ouvre ! on retourne au village ;
Ainsi que les genêts notre âme est tout en fleurs,
Et dans les houx remplis de vieux merles siffleurs,
On sent un air plus pur qui vous souffle au visage.
On retrouve l’enfant blonde avec qui cent fois
On a jadis couru la forêt et la lande ;
Elle n’a point changé, – sinon qu’elle est plus grande,
Que ses yeux sont plus doux et plus douce sa voix.
» Revenons aux genêts ! – Je le veux bien ? » dit-elle.
Et l’on va côte à côte, en causant, tout troublés
Par le souffle inconnu qui passe sur les blés,
Par le chant d’une source ou par le bruit d’une aile.
Les genêts ont grandi, mais pourtant moins que nous ;
Il faut nous bien baisser pour passer sous leurs branches,
Encore accroche-t-elle un peu ses coiffes blanches ;
Quant à moi, je me mets simplement à genoux.
Et nous parlons des temps lointains, des courses folles,
Des nids ravis ensemble, et de ces riens charmants
Qui paraissent toujours si beaux aux coeurs aimants
Parce que les regards soulignent les paroles.
Puis le silence ; puis la rougeur des aveux,
Et le sein qui palpite, et la main qui tressaille,
Au loin un tendre appel de ramier ou de caille…
Comme le serpolet sent bon dans les cheveux !
Et les fleurs des genêts nous font un diadème ;
Et, par l’écartement des branches, haut dans l’air.
Paraît comme un point noir l’alouette au chant clair
Qui, de l’azur, bénit le coin d’ombre où l’on aime !…
Ah ! de ces jours lointains, si lointains et si doux,
De ces jours dont un seul vaut une vie entière,
– Et de la blonde enfant qui dort au cimetière, –
Genêts de mon pays, vous en souvenez-vous ?
il y a 9 mois
François Villon
@francoisVillon
Ballade de la belle Heaulmière Aux filles de joie.
« Or y pensez, belle Gantière,
Qui m’escolière souliez estre,
Et vous, Blanche la Savetière,
Ores est temps de vous congnoistre.
Prenez à dextre et à senestre ;
N’espargnez homme, je vous prie :
Car vieilles n’ont ne cours ne estre,
Ne que monnoye qu’on descrie.
« Et vous, la gente Saulcissière,
Qui de dancer estes adextre ;
Guillemette la Tapissière,
Ne mesprenez vers vostre maistre ;
Tous vous fauldra clorre fenestre,
Quand deviendrez vieille, flestrie ;
Plus ne servirez qu’un vieil prebstre,
Ne que monnoye qu’on descrie.
« Jehanneton la Chaperonnière,
Gardez qu’ennuy ne vous empestre ;
Katherine la Bouchière,
N’envoyez plus les hommes paistre :
Car qui belle n’est, ne perpetre
Leur bonne grace, mais leur rie.
Laide vieillesse amour n’impetre,
Ne que monnoye qu’on descrie.
ENVOI.
« Filles, veuillez vous entremettre
D’escouter pourquoy pleure et crie
C’est que ne puys remède y mettre,
Ne que monnoye qu’on descrie. »
il y a 9 mois
François Villon
@francoisVillon
Les regrets de la belle heaulmière Jà parvenue à vieillesse.
Advis m’est que j’oy regretter
La belle qui fut heaulmière,
Soy jeune fille souhaitter
Et parler en ceste manière :
« Ha ! vieillesse felonne et fière,
Pourquoy m’as si tost abatue ?
Qui me tient que je ne me fière,
Et qu’à ce coup je ne me tue ?
« Tollu m’as ma haulte franchise
Que beauté m’avoit ordonné
Sur clercz, marchans et gens d’Eglise :
Car alors n’estoit homme né
Qui tout le sien ne m’eust donné,
Quoy qu’il en fust des repentailles,
Mais que luy eusse abandonné
Ce que reffusent truandailles.
« A maint homme l’ay reffusé,
Qui n’estoit à moy grand saigesse,
Pour l’amour d’ung garson rusé,
Auquel j’en feiz grande largesse.
A qui que je feisse finesse,
Par m’ame, je l’amoye bien !
Or ne me faisoit que rudesse,
Et ne m’amoyt que pour le mien.
« Jà ne me sceut tant detrayner,
Fouller au piedz, que ne l’aymasse,
Et m’eust-il faict les rains trayner,
S’il m’eust dit que je le baisasse
Et que tous mes maux oubliasse ;
Le glouton, de mal entaché,
M’embrassoit… J’en suis bien plus grasse !
Que m’en reste-il ? Honte et peché.
« Or il est mort, passé trente ans,
Et je remains vieille et chenue.
Quand je pense, lasse ! au bon temps,
Quelle fus, quelle devenue ;
Quand me regarde toute nue,
Et je me voy si très-changée,
Pauvre, seiche, maigre, menue,
Je suis presque toute enragée.
« Qu’est devenu ce front poly,
Ces cheveulx blonds, sourcilz voultyz,
Grand entr’œil, le regard joly,
Dont prenoye les plus subtilz ;
Ce beau nez droit, grand ne petiz ;
Ces petites joinctes oreilles,
Menton fourchu, cler vis traictis,
Et ces belles lèvres vermeilles ?
« Ces gentes espaules menues,
Ces bras longs et ces mains tretisses ;
Petitz tetins, hanches charnues,
Eslevées, propres, faictisses
A tenir amoureuses lysses ;
Ces larges reins, ce sadinet,
Assis sur grosses fermes cuysses,
Dedans son joly jardinet ?
« Le front ridé, les cheveulx gris,
Les sourcilz cheuz, les yeulx estainctz,
Qui faisoient regars et ris,
Dont maintz marchans furent attaincts ;
Nez courbé, de beaulté loingtains ;
Oreilles pendans et moussues ;
Le vis pally, mort et destaincts ;
Menton foncé, lèvres peaussues :
« C’est d’humaine beauté l’yssues !
Les bras courts et les mains contraictes,
Les espaulles toutes bossues ;
Mammelles, quoy ! toutes retraictes ;
Telles les hanches que les tettes.
Du sadinet, fy ! Quant des cuysses,
Cuysses ne sont plus, mais cuyssettes
Grivelées comme saulcisses.
« Ainsi le bon temps regretons
Entre nous, pauvres vieilles sottes,
Assises bas, à croppetons,
Tout en ung tas comme pelottes,
A petit feu de chenevottes,
Tost allumées, tost estainctes ;
Et jadis fusmes si mignottes !…
Ainsi en prend à maintz et maintes. »
il y a 9 mois
G
Gaston Couté
@gastonCoute
Le petit qui pleura Un gosse qui n’a pas sept ans
Chiale au sortir du vieux faubourg
Où ça serti la peine et l’amour
Et je m’arrête, là longtemps :
Moi, dont le coeur saigne ce soir
Tout rouge, en un silence atroce.
Je m’arrête sur le trottoir
A regarder chialer ce gosse…
Refrain
Pleure, pleure mon petit gâs
Dis, pourquoi pleures-tu ? Pour rien !
Mais pleure : ça me fait du bien !
Pleure pour moi, qui ne peux pas !
il y a 9 mois
G
Gaston Couté
@gastonCoute
L’école Les p’tiots matineux sont ’jà par les ch’mins
Et, dans leu’ malett’ de grousse touél’ blue
Qui danse et berlance en leu’ tapant l’cul,
I’s portent des liv’s à coûté d’leu pain.
L’matin est joli coumm’ trent’-six sourires,
Le souleil est doux coumm’ les yeux des bêtes…
La vie ouvre aux p’tiots son grand liv’ sans lett’es
Oùsqu’on peut apprend’ sans la pein’ de lire :
Ah ! les pauv’s ch’tiots liv’s que ceuss’ des malettes !
La mouésson est mûre et les blés sont blonds ;
I’ s’ pench’nt vars la terr’ coumm’ les tâcherons .
Qui les ont fait v’ni’ et les abattront :
Ça sent la galette au fournil des riches
Et, su’la rout’, pass’nt des tireux d’pieds d’biche.
Les chiens d’ deux troupets qui vont aux pâtis,
Les moutons itou et les mé’s barbis
Fray’nt et s’ent’erlich’nt au long des brémailles
Malgré qu’les bargers se soyin bouquis
Un souér d’assemblé’, pour eune garçaille.
Dans les ha’s d’aubier qu’en sont ros’s et blanches,
Les moignieaux s’accoupl’nt, à tout bout de branches,
Sans s’douter qu’les houmm’s se mari’nt d’vant l’maire,
Et i’s s’égosill’nt à quérrier aux drôles
L’Amour que l’on r’jitt’ des liv’s’de l’école
Quasi coumme eun’ chous’ qui s’rait pas à faire.
A l’oré’ du boués, i’ s’trouve eun’ grand crouéx,
Mais les peupéiers sont pus grands dans l’boués.
L’fosséyeux encave un mort sous eun’ pierre,
On baptise au bourg : les cloches sont claires
Et les vign’s pouss’ vart’s, sur l’ancien cim’tiére !
Ah ! Les pauv’s ch’tiots liv’s que ceuss’ des malettes !
Sont s’ment pas foutus d’vous entrer en tète
Et, dans c’ti qu’est là, y a d’quoué s’empli l’coeur !
A s’en empli l’coeur, on d’vienrait des hoummes,
Ou méchants ou bons – n’importe ben coumme! –
Mais, vrais coumm’ la terre en friche ou en fleurs,
L’souleil qui fait viv’e ou la foud’ qui tue.
Et francs, aussi francs que la franch’ Nature,
Les p’tiots ont marché d’leu’s p’tit’s patt’s, si ben
Qu’au-d’ssus des lopins de seigle et d’luzarne,
Gris’ coumme eun’ prison, haut’ coumme eun’ casarne
L’Ecole est d’vant eux qui leu’ bouch’ le ch’min.
L’mét’ d’école les fait mett’e en rangs d’ougnons
Et vire à leu’têt’ coumme un général :
» En r’tenu’, là-bas !… c’ti qui pivott’ mal !… »
Ça c’est pou’ l’cougner au méquier d’troufion.
On rent’ dans la classe oùsqu’y a pus bon d’Guieu :
On l’a remplacé par la République !
De d’ssus soun estrad’ le met’ leu-z-explique
C’qu’on y a expliqué quand il ‘tait coumme eux.
I’leu’ conte en bieau les tu’ri’s d’ l’Histouére,
Et les p’tiots n’entend’nt que glouère et victouére :
I’ dit que l’travail c’est la libarté,
Que l’Peuple est souv’rain pisqu’i’ peut voter,
Qu’les loués qu’instrument’nt nous bons députés
Sont respectab’s et doiv’nt êt respectées,
Qu’faut payer l’impôt… » Môssieu, j’ai envie ! …
– Non ! .., pasque ça vous arriv’ trop souvent ! »
I veut démontrer par là aux enfants
Qu’y a des régu’s pour tout, mêm’ pou’la vessie
Et qu’i’ faut les suiv’déjà, dret l’école.
I’pétrit à mêm’ les p’tits çarvell’s molles,
I’rabat les fronts têtus d’eun’ calotte,
I’ varse soun’ encr’ su’ les fraîch’s menottes
Et, menteux, fouéreux, au sortu’ d’ses bancs
Les p’tiots sont pus bons qu’â c’qu’i’ les attend:
Ça f’ra des conscrits des jours de r’vision
Traînant leu’ drapieau par tous les bordels,
Des soldats à fout’e aux goul’s des canons
Pour si peu qu’les grous ayin d’la querelle,
Des bûcheux en grippe aux dents des machines,
Des bons citoyens à jugeotte d’ouée :
Pousseux d’bull’tins d’vote et cracheux d’impôts,
Des cocus devant l’Eglise et la Loué
Qui bav’ront aux lév’s des pauv’s gourgandines,
Des hounnètes gens, des gens coumme i’faut
Qui querv’ront, sarrant l’magot d’un bas d’laine,
Sans vouer les étouel’s qui fleuriss’nt au ciel
Et l’Avri’ en fleurs aux quat’ coins d’la plaine !…
Li ! l’vieux met’ d’école, au fin bout d’ses jours
Aura les ch’veux blancs d’un déclin d’âg’ pur ;
I’ s’ra ensarré d’l’estime d’tout l’bourg
Et touch’ra les rent’s du gouvernement…
Le vieux maît’ d’écol’ ne sera pourtant
Qu’un grand malfaiseux devant la Nature !..
il y a 9 mois
G
Georges Fourest
@georgesFourest
Petits lapons Tout nos malheurs viennent de ne sçavoir demeurer enfermez dans une chambre.
Blaise Pascal.
Dans leur cahute enfumée
bien soigneusement fermée
les braves petits lapons
boivent l’huile de poisson !
Dehors on entend le vent
pleurer ; les méchants ours blancs
grondent en grinçant des dents
et depuis longtemps est mort
le pâle soleil du Nord !
Mais dans la brume enfumée
bien soigneusement fermée
les braves petits Lapons
boivent l’huile de poisson…
Sans rien dire, ils sont assis,
père, mère, aïeul, les six
enfants, le petit dernier
bave en son berceau d’osier :
leur bon vieux renne au poil roux
les regarde, l’air si doux !
Bientôt ils s’endormiront
et demain ils reboiront
la bonne huile de poisson,
et puis se rendormiront
et puis, un jour, ils mourront !
Ainsi coulera leur vie
monotone et sans envie…
et plus d’un poète envie
les braves petits Lapons
buveurs d’huile de poisson !
il y a 9 mois
G
Grégory Rateau
@gregoryRateau
Ma banlieue Elle se dresse
De toutes ses flaques bileuses
Relents d’herbes souillées
Ce bout de nulle part
Ce Pôle nord parisien
De mon sous-sol humide
Je la contemple aux heures creuses
Quand les nuages forment comme un deuxième ciel
Je trace alors une ligne droite
Vers la grande ville
Et dans ce lointain poussif
J’idéalise toutes ses lumières
Par-delà le périph
J’entrevois même ses boulevards
Des peaux ocre qui fusionnent dans la même toile
Des femmes voilées dans des trench-coats très bien ficelés
Mais soudain, la lumière décline
Seule la grisaille persiste
Cette même teinte uniforme encore et toujours
Elle me rentre dans les poumons
Ce sentiment récurrent d’être de trop
D’être loin de tout
De mon centre
De l’enfant
En équilibre constant sur ce point mort
Dont le projet d’ensemble me restera inconnu
Face à des toboggans statiques
Des chaises de bistrot déformées
A force d’accueillir les mêmes chômeurs sans cesse affalés
A contempler depuis les coulisses
Ces affiches surannées
Scotchées moult et moult fois par-dessus d’autres affiches
Des témoins oubliés
Qui ont fait vœux de silence
il y a 9 mois
Guillaume Apollinaire
@guillaumeApollinaire
Enfance Au jardin des cyprès je filais en rêvant,
Suivant longtemps des yeux les flocons que le vent
Prenait à ma quenouille, ou bien par les allées
Jusqu’au bassin mourant que pleurent les saulaies
Je marchais à pas lents, m’arrêtant aux jasmins,
Me grisant du parfum des lys, tendant les mains
Vers les iris fées gardés par les grenouilles.
Et pour moi les cyprès n’étaient que des quenouilles,
Et mon jardin, un monde où je vivais exprès
Pour y filer un jour les éternels cyprès.
il y a 9 mois
Guillaume Apollinaire
@guillaumeApollinaire
Le brasier J’ai jeté dans le noble feu
Que je transporte et que j’adore
De vives mains et même feu
Ce Passé ces têtes de morts
Flamme je fais ce que tu veux
Le galop soudain des étoiles
N’étant que ce qui deviendra
Se mêle au hennissement mâle
Des centaures dans leurs haras
Et des grand’plaintes végétales
Où sont ces têtes que j’avais
Où est le Dieu de ma jeunesse
L’amour est devenu mauvais
Qu’au brasier les flammes renaissent
Mon âme au soleil se dévêt
Dans la plaine ont poussé des flammes
Nos cœurs pendent aux citronniers
Les têtes coupées qui m’acclament
Et les astres qui ont saigné
Ne sont que des têtes de femmes
Le fleuve épinglé sur la ville
T’y fixe comme un vêtement
Partant à l’amphion docile
Tu subis tous les tons charmants
Qui rendent les pierres agiles
Je flambe dans le brasier à l’ardeur adorable
Et les mains des croyants m’y rejettent multiple innombrablement
Les membres des intercis flambent auprès de moi
Éloignez du brasier les ossements
Je suffis pour l’éternité à entretenir le feu de mes délices
Et des oiseaux protègent de leurs ailes ma face et le soleil
Ô Mémoire Combien de races qui forlignent
Des Tyndarides aux vipères ardentes de mon bonheur
Et les serpents ne sont-ils que les cous des cygnes
Qui étaient immortels et n’étaient pas chanteurs
Voici ma vie renouvelée
De grands vaisseaux passent et repassent
Je trempe une fois encore mes mains dans l’Océan
Voici le paquebot et ma vie renouvelée
Ses flammes sont immenses
Il n’y a plus rien de commun entre moi
Et ceux qui craignent les brûlures
Descendant des hauteurs où pense la lumière
Jardins rouant plus haut que tous les ciels mobiles
L’avenir masqué flambé en traversant les cieux
Nous attendons ton bon plaisir ô mon amie
J’ose à peine regarder la divine mascarade
Quand bleuira sur l’horizon la Désirade
Au delà de notre atmosphère s’élève un théâtre
Que construisit le ver Zamir sans instrument
Puis le soleil revint ensoleiller les places
D’une ville marine apparue contremont
Sur les toits se reposaient les colombes lasses
Et le troupeau de sphinx regagne la sphingerie
À petits pas Il orra le chant du pâtre toute la vie
Là-haut le théâtre est bâti avec le feu solide
Comme les astres dont se nourrit le vide
Et voici le spectacle
Et pour toujours je suis assis dans un fauteuil
Ma tête mes genoux mes coudes vain pentacle
Les flammes ont poussé sur moi comme des feuilles
Des acteurs inhumains claires bêtes nouvelles
Donnent des ordres aux hommes apprivoisés
Terre
Ô Déchirée que les fleuves ont reprisée
J’aimerais mieux nuit et jour dans les sphingeries
Vouloir savoir pour qu’enfin on m’y dévorât
il y a 9 mois
Guy de Maupassant
@guyDeMaupassant
Enfant, pourquoi pleurer ? Enfant, pourquoi pleurer, puisque sur ton passage
On écarte toujours les ronces du chemin?
Une larme fait mal sur un jeune visage,
Cueille et tresse les fleurs qu’on jette sous ta main.
Chante, petit enfant, toute chose a son heure;
Va de ton pied léger, par le sentier fleuri;
Tout paraît s’attrister sitôt que l’enfant pleure,
Et tout paraît heureux lorsque l’enfant sourit.
Comme un rayon joyeux ton rire doit éclore,
Et l’oiseau doit chanter sous l’ombre des berceaux,
Car le bon Dieu là-haut écoute dès l’aurore
Le rire des enfants et le chant des oiseaux.
il y a 9 mois
Guy de Maupassant
@guyDeMaupassant
Promenade à seize ans La terre souriait au ciel bleu. L’herbe verte
De gouttes de rosée était encor couverte.
Tout chantait par le monde ainsi que dans mon coeur.
Caché dans un buisson, quelque merle moqueur
Sifflait. Me raillait-il ? Moi, je n’y songeais guère.
Nos parents querellaient, car ils étaient en guerre
Du matin jusqu’au soir, je ne sais plus pourquoi.
Elle cueillait des fleurs, et marchait près de moi.
Je gravis une pente et m’assis sur la mousse
A ses pieds. Devant nous une colline rousse
Fuyait sous le soleil jusques à l’horizon.
Elle dit : « Voyez donc ce mont, et ce gazon
Jauni, cette ravine au voyageur rebelle ! »
Pour moi je ne vis rien, sinon qu’elle était belle.
Alors elle chanta. Combien j’aimais sa voix !
Il fallut revenir et traverser le bois.
Un jeune orme tombé barrait toute la route ;
J’accourus ; je le tins en l’air comme une voûte
Et, le front couronné du dôme verdoyant,
La belle enfant passa sous l’arbre en souriant.
Émus de nous sentir côte à côte, et timides,
Nous regardions nos pieds et les herbes humides.
Les champs autour de nous étaient silencieux.
Parfois, sans me parler, elle levait les yeux ;
Alors il me semblait (je me trompe peut-être)
Que dans nos jeunes coeurs nos regards faisaient naître
Beaucoup d’autres pensers, et qu’ils causaient tout bas
Bien mieux que nous, disant ce que nous n’osions pas.
il y a 9 mois
Gérard de Nerval
@gerardDeNerval
L'enfance Qu'ils étaient doux ces jours de mon enfance
Où toujours gai, sans soucis, sans chagrin,
je coulai ma douce existence,
Sans songer au lendemain.
Que me servait que tant de connaissances
A mon esprit vinssent donner l'essor,
On n'a pas besoin des sciences,
Lorsque l'on vit dans l'âge d'or !
Mon cœur encore tendre et novice,
Ne connaissait pas la noirceur,
De la vie en cueillant les fleurs,
Je n'en sentais pas les épines,
Et mes caresses enfantines
Étaient pures et sans aigreurs.
Croyais-je, exempt de toute peine
Que, dans notre vaste univers,
Tous les maux sortis des enfers,
Avaient établi leur domaine ?
Nous sommes loin de l'heureux temps
Règne de Saturne et de Rhée,
Où les vertus, les fléaux des méchants,
Sur la terre étaient adorées,
Car dans ces heureuses contrées
Les hommes étaient des enfants.
il y a 9 mois
Gérard de Nerval
@gerardDeNerval
La cousine L’hiver a ses plaisirs ; et souvent, le dimanche,
Quand un peu de soleil jaunit la terre blanche,
Avec une cousine on sort se promener…
– Et ne vous faites pas attendre pour dîner,
Dit la mère. Et quand on a bien, aux Tuileries,
Vu sous les arbres noirs les toilettes fleuries,
La jeune fille a froid… et vous fait observer
Que le brouillard du soir commence à se lever.
Et l’on revient, parlant du beau jour qu’on regrette,
Qui s’est passé si vite… et de flamme discrète :
Et l’on sent en rentrant, avec grand appétit,
Du bas de l’escalier, – le dindon qui rôtit.
il y a 9 mois
Gérard de Nerval
@gerardDeNerval
Le temps I
Le Temps ne surprend pas le sage ;
Mais du Temps le sage se rit,
Car lui seul en connaît l’usage ;
Des plaisirs que Dieu nous offrit,
Il sait embellir l’existence ;
Il sait sourire à l’espérance,
Quand l’espérance lui sourit.
II
Le bonheur n’est pas dans la gloire,
Dans les fers dorés d’une cour,
Dans les transports de la victoire,
Mais dans la lyre et dans l’amour.
Choisissons une jeune amante,
Un luth qui lui plaise et l’enchante ;
Aimons et chantons tour à tour !
III
» Illusions ! vaines images ! «
Nous dirons les tristes leçons
De ces mortels prétendus sages
Sur qui l’âge étend ses glaçons ; «
» Le bonheur n’est point sur la terre,
Votre amour n’est qu’une chimère,
Votre lyre n’a que des sons ! «
IV
Ah ! préférons cette chimère
A leur froide moralité ;
Fuyons leur voix triste et sévère ;
Si le mal est réalité,
Et si le bonheur est un songe,
Fixons les yeux sur le mensonge,
Pour ne pas voir la vérité.
V
Aimons au printemps de la vie,
Afin que d’un noir repentir
L’automne ne soit point suivie ;
Ne cherchons pas dans l’avenir
Le bonheur que Dieu nous dispense ;
Quand nous n’aurons plus l’espérance,
Nous garderons le souvenir.
VI
Jouissons de ce temps rapide
Qui laisse après lui des remords,
Si l’amour, dont l’ardeur nous guide,
N’a d’aussi rapides transports :
Profitons de l’adolescence,
Car la coupe de l’existence
Ne pétille que sur ses bords !
(1824)
il y a 9 mois
Gérard de Nerval
@gerardDeNerval
L’enfance Qu’ils étaient doux ces jours de mon enfance
Où toujours gai, sans soucis, sans chagrin,
je coulai ma douce existence,
Sans songer au lendemain.
Que me servait que tant de connaissances
A mon esprit vinssent donner l’essor,
On n’a pas besoin des sciences,
Lorsque l’on vit dans l’âge d’or !
Mon coeur encore tendre et novice,
Ne connaissait pas la noirceur,
De la vie en cueillant les fleurs,
Je n’en sentais pas les épines,
Et mes caresses enfantines
Étaient pures et sans aigreurs.
Croyais-je, exempt de toute peine
Que, dans notre vaste univers,
Tous les maux sortis des enfers,
Avaient établi leur domaine ?
Nous sommes loin de l’heureux temps
Règne de Saturne et de Rhée,
Où les vertus, les fléaux des méchants,
Sur la terre étaient adorées,
Car dans ces heureuses contrées
Les hommes étaient des enfants.
il y a 9 mois
H
Henri Michaux
@henriMichaux
Avis aux jeunes ménages Dès qu'on oublie ce que sont les hommes, on se laisse aller à leur vouloir du bien.
C'est pourquoi, sans doute, on conseille de se recueillir de temps à autre, de faire retraite.
Qui n'a pas de femmes ne songe qu'à les caresser.
Qui femme a, la caresse, mais ne songe qu'à la battre.
Eh bien, qu'il la batte... pourvu qu'elle ne s'en aperçoive pas.
Cependant mieux vaut encore la tuer.
Après, ça ira mieux.
Vous vous sentirez plus d'aplomb comme si vous veniez de fumer une bonne pipe, une vraie bonne pipe.
Elle aussi d'ailleurs et elle vous appréciera davantage, vous trouvant moins préoccupé, plus vivant, plus aimable, car vous le serez, c'est immanquable.
Mais il faudra peut-être la retuer de temps en temps.
La paix dans le ménage est à ce prix.
Vous le savez maintenant.
Vous ne pouvez plus reculer...
D'ailleurs, elle-même vous tue peut-être depuis le premier jour que vous avez passé ensemble.
Pour une femme un peu délicate, un peu nerveuse, c'est presque un besoin.
il y a 9 mois
Henri-Frédéric Amiel
@henriFredericAmiel
Treize ans Treize ans ! et sur ton front aucun baiser de mère
Ne viendra, pauvre enfant, invoquer le bonheur ;
Treize ans ! et dans ce jour nul regard de ton père
Ne fera d'allégresse épanouir ton cœur.
Orpheline, c'est là le nom dont tu t'appelles,
Oiseau né dans un nid que la foudre a brisé.
De la couvée, hélas ! seuls, trois petits, sans ailes,
Furent lancés au vent, loin du reste écrasé.
Et, semés par l'éclair sur les monts, dans les plaines,
Un même toit encor n'a pu les abriter,
Et du foyer natal, malgré leurs plaintes vaines,
Dieu, peut-être longtemps, voudra les écarter.
Pourtant console-toi ! pense, dans tes alarmes,
Qu'un double bien te reste, espoir et souvenir ;
Une main dans le ciel pour essuyer tes larmes ;
Une main ici-bas, enfant, pour te bénir.
il y a 9 mois
Henri-Frédéric Amiel
@henriFredericAmiel
Un grain de sagesse Tout paraît simple à la jeunesse,
Tout est facile pour l'espoir ;
Que nous avons de peine à voir
Nos bornes et notre faiblesse !
Rien n'est impossible à vingt ans...
Hélas ! pour un grain de sagesse
Combien faut-il de cheveux blancs ?
il y a 9 mois
H
Honoré Harmand
@honoreHarmand
Amuse-toi, Jeunesse Amuse-toi, folle jeunesse
En ignorant la noire tresse
Des cheveux épais du malheur.
Eloigne-toi de la chimère,
Libellule O ! Combien légère
Dont nos yeux gardent la couleur.
Couleur d'azur où tous les astres
Se meuvent au gré des contrastes
Qui composent cet « Ici-bas ».
Ris donc ; sans en chercher la cause,
Comme un papillon qui se pose
Sur une fleur qu'il n'aime pas.
Et comme la cigale chante
Une complainte si touchante
Que l'Homme s'arrête en chemin
Pour jouir de la mélodie.
Ecoute, c'est ta maladie :
Qui sait dont sera fait « Demain » ?
Autrement écrirait un sage,
Mais du passé la franche image
Gravée au profond de mon moi
Trente ans après semble me dire :
Poète ne crains pas d'écrire
Jeunesse heureuse amuse-toi !
il y a 9 mois
I
Isabelle Callis-Sabot
@isabelleCallisSabot
Ma fille mon enfant Ma fille mon enfant, comme le temps défile,
Comme cruellement s’envole la candeur !
Te voilà parvenue à l’âge difficile
Où l’on doute de tout, où l’on ferme son cœur.
Tu ne me parles plus, tu fuis dans ton silence,
Et moi, sans le montrer, je souffre et te comprends ;
Car je revis avec une douleur intense
Mes erreurs de jeunesse à travers tes tourments.
Je voudrais t’avouer mes soucis, mes problèmes,
Mes révoltes passées, mes vieux rêves déçus,
Pour t’aider à mûrir, à sortir de toi-même…
Mais en tiendrais-tu compte et m’écouterais-tu ?
il y a 9 mois
I
Isabelle Callis-Sabot
@isabelleCallisSabot
Mon fils, mon grand garçon Mon fils, mon grand garçon, le temps passe trop vite,
Tu renies notre amour, tu veux partir, déjà,
Tu rêves que tu fuies, et qu’enfin tu nous quittes ;
Pourtant, pour t’accueillir, je serai toujours là.
Tu t’enfonces, te perds dans une absurde errance,
Tu refuses d’emblée que l’on guide tes pas ;
Sache que pour t’aider, te redonner confiance
Ou bercer tes chagrins, je serai toujours là.
Tu te crois malheureux, souvent tu te rebelles,
Tu te venges d’un sort que tu dis bien ingrat,
Mais la vie te sourit, passionnante et si belle…
Pour te le rappeler, je serai toujours là.
il y a 9 mois
I
Isabelle Callis-Sabot
@isabelleCallisSabot
Poème à mes enfants Vous avez déserté le jardin de l’enfance,
Votre vie est ailleurs, loin de moi, loin d’ici ;
Pourtant je pense à vous, toujours, en permanence,
Je tremble à chaque instant de crainte ou de souci.
Je vous protège encore et malgré les distances,
Je vous couvre en secret d’attentions, de douceur,
De tendresse et de soin, d’amour et de confiance,
Je prie pour vos succès et pour votre bonheur.
Quelques fois, je l’avoue, mon cœur souffre en silence,
Devant la chambre vide imbue de souvenirs…
Il ne regrette rien… il pleure votre absence
Et l’envie qu’il aurait de vous voir revenir.
il y a 9 mois
I
Isabelle Callis-Sabot
@isabelleCallisSabot
Souvenir Il y avait dans mon enfance
Un grand figuier près du ruisseau ;
Je lui parlais en confidence
Du ciel du vent et des oiseaux.
Il abritait sous son feuillage
Mes jeux mes rêves ma candeur,
Mon insouciance mon jeune âge
Et tous les secrets de mon cœur.
Auprès de lui, sage et docile,
De longues heures je passais ;
La nuit tombait, douce et tranquille,
Au loin le rossignol chantait…
il y a 9 mois
Jacques Delille
@jacquesDelille
Couplets sur la jeunesse Demandés par des jeunes gens de Saint-Diez,
Qui donnaient une fête aux jeunes personnes de la ville.
Le printemps vient, que tout s'empresse
À fêter l'âge des amours :
Quand sied-il mieux de chanter la jeunesse
Que dans la saison des beaux jours ?
xxTout s'embellit par la jeunesse,
Pour nous le fer arme ses mains ;
Elle eut ses fêtes dans la Grèce,
Elle eut ses jeux chez les Romains.
xxToi-même à la fête des Grâces,
Vieillesse, parais à ton tour ;
Comme l'hiver chauffe tes glaces
Aux rayons naissants d'un beau jour.
xxÔ toi, jeunesse séduisante,
Ne refuse pas son doux prix
Au poète heureux qui te chante ;
Tu peux le payer d'un souris.
xxSi la vieillesse obtient pour elle
Quelque jour les mêmes faveurs,
Pour rendre la fête plus belle,
Jeunesse, fais-en les honneurs.
xxAlors si j'y parais moi-même,
Honore-moi d'un doux accueil ;
Et que le chantre heureux qui t'aime
Soit favorisé d'un coup-d'œil.
xxAinsi la complaisante Aurore,
Au front jeune, au regard serein,
Permet que le soir se colore
De quelques rayons du matin.
xxMais, qu'entends-je ? Une voix chérie
Prête à mes vers ses sons touchants ;
Ce lieu charmant est sa patrie,
Il a double droit à mes chants.
il y a 9 mois
Jacques Prévert
@jacquesPrevert
Des jeunes... Ils ne veulent pas entrer dans la carrière de leurs aînés qui n'y sont plus
Il ne veulent pas, dans la poussière, suivre la trace de leurs vertus!
-
Leurs vertus, ça les fait marrer
Leur poussière, ça les fait tousser.
-
Enfin, ils ne savent pas ce qu'il veulent!
-
Si.
Ils ne veulent rien savoir de votre savoir.
il y a 9 mois
J
Jean Aicard
@jeanAicard
La jeunesse Oui, nous sommes les fiers, nous sommes la jeunesse !
Le siècle nous a faits tristes, vaillants et forts ;
Condamnant sans pitié la peur et la faiblesse,
Nous plaignons les vivants sans gémir sur les morts.
S'il tombe de nos yeux quelques vains pleurs de femme,
Nous les laissons couler paisibles ; mais, après,
Meilleurs, nous voulons voir plus haut monter notre âme,
Des larmes à l'espoir, du progrès au progrès !
Nous aimons la justice et la clémence sainte ;
Nous poursuivons le mal plus que le malfaiteur ;
Nous embrassons le pauvre en une ferme étreinte,
Afin qu'il sente un cœur de frère sur son cœur !
Arraché au repos, lancés dans la bataille
Par un pouvoir secret... qui nous importe peu,
Nous vivons ! et chacun de nous lutte, et travaille
À dresser sur l'autel la Liberté, son dieu !
Loin de l'humilité, la doctrine inféconde
Qui fait courber le front à l'auguste Vertu,
C'est pour vivre debout et citoyens du monde,
Que nos pères, martyrs saignants, ont combattu !
Et nous qu'ils ont grandis, au fond des cieux splendides
Nous pouvons, par-dessus les monts de l'horizon
Et par-dessus l'amas des préjugés stupides,
Entrevoir l'éclatant lever de la Raison.
Nos aînés sont tous là, devant nous, sur la route,
Mais l'un d'eux quelquefois s'arrête pour mourir ;
Parfois l'un d'entre nous, pâle, chancelle et doute,
Et la foule en révolte est lasse de souffrir !
Alors, vous le savez, vous, soldat jeune encore,
Penseur au chant superbe et mâle travailleur,
Vous dont l'âme rayonne en attendant l'aurore
Qui doit illuminer notre nuit de malheur !
Alors, serf du devoir, confiant dans son âge,
Un volontaire est là qui sort des rangs épais,
Et jette un cri vibrant d'amour et de courage,
Poète du combat, combattant de la paix !
il y a 9 mois
Jean de La Fontaine
@jeanDeLaFontaine
L'enfant et le maître d'école Dans ce récit je prétends faire voir
D'un certain sot la remontrance vaine.
Un jeune enfant dans l'eau se laissa choir,
En badinant sur les bords de la Seine.
Le Ciel permit qu'un saule se trouva,
Dont le branchage, après Dieu, le sauva.
S'étant pris, dis-je, aux branches de ce saule,
Par cet endroit passe un Maître d'école.
L'Enfant lui crie : "Au secours ! je péris. "
Le Magister, se tournant à ses cris,
D'un ton fort grave à contre-temps s'avise
De le tancer : "Ah! le petit babouin !
Voyez, dit-il, où l'a mis sa sottise !
Et puis, prenez de tels fripons le soin.
Que les parents sont malheureux qu'il faille
Toujours veiller à semblable canaille !
Qu'ils ont de maux ! et que je plains leur sort ! "
Ayant tout dit, il mit l'enfant à bord.
Je blâme ici plus de gens qu'on ne pense.
Tout babillard, tout censeur, tout pédant,
Se peut connaître au discours que j'avance :
Chacun des trois fait un peuple fort grand ;
Le Créateur en a béni l'engeance.
En toute affaire ils ne font que songer
Aux moyens d'exercer leur langue.
Hé ! mon ami, tire-moi de danger :
Tu feras après ta harangue.
il y a 9 mois
Jean de La Fontaine
@jeanDeLaFontaine
Le laboureur et ses enfants Travaillez, prenez de la peine :
C'est le fonds qui manque le moins.
Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.
« Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage
Que nous ont laissé nos parents :
Un trésor est caché dedans.
Je ne sais pas l'endroit ; mais un peu de courage
Vous le fera trouver : vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'oût
Creusez, fouillez, bêchez ; ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse. »
Le père mort, les fils vous retournent le champ,
Deçà, delà, partout : si bien qu'au bout de l'an
Il en rapporta davantage.
D'argent, point de caché. Mais le père fut sage
De leur montrer, avant sa mort,
Que le travail est un trésor.