Guillaume Riou
@guillaumeRiou
Partie de campagne Le ruisseau tresse le soleil. La transparence de ta jupe attise mon désir. Ma main serpente dans l'herbe tendre et joue avec le feu.@guillaumeRiou
Partie de campagne Le ruisseau tresse le soleil. La transparence de ta jupe attise mon désir. Ma main serpente dans l'herbe tendre et joue avec le feu.@helenePicard
La bonne joie Souvent, je m’attendris, vraiment, jusqu’à pleurer En m’imaginant nue et dans sa stricte vie, Votre chair jeune et douce et j’éprouve l’envie, Les sens calmes et purs, d’aller la respirer. C’est puissant, c’est divin, c’est neuf… Je m’extasie… Quoi! vous avez un coeur dans votre cher côté, Un coeur de tiède sang, de force et de santé, Un coeur qui bat, profond, à la place choisie? J’adore votre forme exacte et son contour, L’éclat matériel de votre belle lèvre, Votre vigueur qui monte et vous fait de la fièvre Et précipite en vous le besoin de l’amour. Combien c’est net et bon, combien cela m’enchante!… Je pense à votre faim, à votre beau sommeil, Je me dis: « il est plein de sève et de soleil, Et la joie est sur lui comme l’eau sur la plante. » Vous avez mon amour, la poigante douceur De l’animal qui boit, qui marche et qui désire Et même, sans vos pleurs, vos rêves, votre rire, Vous avez, par le sang, une haute splendeur. Je vous loue, éblouie et grave, car vous Etes… J’écoute votre pas, j’entends votre soupir… « Ah! comme il est vivant! » me dis-je… « Il doit mourir… » Mon adoration fond en larmes secrètes… Et c’est un plaisir sain, vrai, robuste, émouvant, Je n’y mets pas d’ardeur cache et sensuelle, Et je ris tendrement lorsque je me rappelle Vos cheveux, une fois, emmêlés par le vent…@jacquesGourvennec
Madame la poésie Ô ! mon élue, ma muse, ma douce et passionnée, mon venin vénéré… Qu’en as-tu fait de ma braguette ? Et quel autre barbon aura su tant t’aimer ? Et quelle âme prochaine auras-tu morcelée ? Quel autre mieux que moi.... Quel autre mal chroniqu', sous ta jupe levée, aura su me convaincre ? Combien de rêves et de fantasmes... Déraciné du cœur ? Garde moi, mon amour, en ton ventre mouillé, ta plus douce colère… Ton visage de pierre et ta larme de sang… Nous veillerons le soir des poussières de lampes Un fanal de chair, tant nos cendres perverses, à portée de tes dents… Quand va l’oeil du tendre humer tes profondeurs Quand va lustrer le pourpre, une langue qui meure, aux pieds d’une statue. Combien de rien et de si peu, de supplices et de feux Tant mon sexe dressé en nage de ton cul… Pour que ta bouche s’ouvre, à l’unique saveur. Combien de temps chéris, après tous nos silences, pour que le croque-mort, trinque à notre candeur… Enivré du mépris… Quelle autre belle Amie, quelle autre muse tendre, aussi pure que brèves, à mon mal chéri ? Ne seras-tu que cendre, aux belles nuits d’antan, aux couleurs vermeilles ? Est-ce donc à présent, plus que larme et regrets ? Est-ce un souvenir froid, à mon masque d’acier, que mon âme dérange en ta douce demeure ? Entends déjà le chant, c’est notre fièvre belle… Des princes des poèmes… Ecoute, c’est les pleurs… Ecoute une parole, et le crime et le trouble. Entends cette rumeur Ecoute ses violons dérisoires et moqueurs, n’écoute qu’un seul choeur… Regarde, là, Cruelle… Regarde, c’est la mort Toutes ses dents noircies à mon âme traînante, un sourire enjôleur… L’œil poudré de cendre, magnifique au brillant de tes cuisses tendues… Tant ouvertes à jamais... Ouvre grand mon amour, sois la porte béante, Rends jalouse l’église, dont les pierres me hantent… Sois au dôme ton cul, à la crypte ton ventre, aux cantiques ton chant, au calice le cœur… Empoigne mon trépan, bande-le d'une stance, brûle un cierge à ta bouche… Hume, levés tes yeux… C’est le sel et le vent, c’est le cri de la mer C’est ton chant mon amour, dans ta main qui me branle… Plus riche d’une obole, à ta gorge apaisée, échangée d'une langue… Quel autre lait si doux à ta lèvre embaumée, emportera les pleurs ?@jacquesTahureau
Baisers Ne vois-tu pas comme l'Aurore, Cette envieuse, recolore Desja d'un éclat jaunissant L'avant jour partout blondissant ? Hélas ! hélas ! que peu me dure Cette tant heureuse avanture ! O combien m'est court le déduit De cette tant mignarde nuit ! Puis doncques que le jour nous presse, Adieu, ma petite maîtresse, Adieu, ma gorgette et mon sein, Adieu, ma délicate main, Adieu donq, mon teton d'albâtre, Adieu, ma cuissette folâtre, Adieu, mon oeil, adieu, mon coeur, Adieu, ma friande douceur ! Mais avant que je me départe, Avant que plus loin je m'escarte, Que je taste encore ce flanc Et le rond de ce marbre blanc. Tu pleures, hé ! Ma douce folle, Tends moy les bras que je t'accolle, Et que pour ton dueil apaiser Je te donne encore un baiser...@joachimDuBellay
Baiser Quand ton col de couleur rose Se donne à mon embrassement Et ton oeil languit doucement D’une paupière à demi close, Mon âme se fond du désir Dont elle est ardemment pleine Et ne peut souffrir à grand’peine La force d’un si grand plaisir. Puis, quand s’approche de la tienne Ma lèvre, et que si près je suis Que la fleur recueillir je puis De ton haleine ambroisienne, Quand le soupir de ces odeurs Où nos deux langues qui se jouent Moitement folâtrent et nouent, Eventent mes douces ardeurs, Il me semble être assis à table Avec les dieux, tant je suis heureux, Et boire à longs traits savoureux Leur doux breuvage délectable. Si le bien qui au plus grand bien Est plus prochain, prendre on me laisse, Pourquoi me permets-tu, maîtresse, Qu’encore le plus grand soit mien? As-tu peur que la jouissance D’un si grand heur me fasse dieu? Et que sans toi je vole au lieu D’éternelle réjouissance? Belle, n’aie peur de cela, Partout où sera ta demeure, Mon ciel, jusqu’à tant que je meure, Et mon paradis sera là.@louisAragon
Les approches de l'amour et du baiser Elle s'arrête au bord des ruisseaux EUe chante Elle court EUe pousse un long cri vers le ciel Sa robe est ouverte sur le paradis EUe est tout à fait charmante EUe agite un feuiUard au dessus des vaguelettes EUe passe avec lenteur sa main blanche sur son front pur Entre ses pieds fuient les belettes Dans son chapeau s'assied l'azur@louiseLabe
Baise m’encor, rebaise-moi et baise Baise m’encor, rebaise-moi et baise ; Donne m’en un de tes plus savoureux, Donne m’en un de tes plus amoureux : Je t’en rendrai quatre plus chauds que braise. Las ! te plains-tu ? Çà, que ce mal j’apaise, En t’en donnant dix autres doucereux. Ainsi, mêlant nos baisers tant heureux, Jouissons-nous l’un de l’autre à notre aise. Lors double vie à chacun en suivra. Chacun en soi et son ami vivra. Permets m’Amour penser quelque folie : Toujours suis mal, vivant discrètement, Et ne me puis donner contentement Si hors de moi ne fais quelque saillie.@louiseLabe
Ode sur les baisers de Louise Labé N'adresse plus tes vœux aux Muses du passé; n'invoque plus Bacchus en vain, ni Apollon, et ne va plus chercher ton inspiration, comme le fit Pindare, à la source Dircé. Demande bien plutôt à la blanche Louise ces baisers de nectar qui respirent la rose, la tendre marjolaine et la violette éclose : breuvages d'Orient à la saveur exquise ! Ces baisers ne sont pas de ceux qu'on goûte à peine, ou qui s'en vont mourir tout juste au bout des lèvres : brisant toute défense, ils pénètrent en fièvre dans le cœur qui s'échauffe à leur suave haleine. Et aussitôt la chair devient toute brûlante; l'âme a brisé ses liens et s'en vient, délivrée, expirer doucement pour Louise Labé, goûtant la pure extase en sa bouche accueillante. Que tu veuilles chanter la femme toute en fièvre qui repousse l'amant, par trop entreprenant, d'une hésitante main; ou celle qui se plaint des traces qu'on verra de morçures aux lèvres; Que tu veuilles chanter le mouvement stellaire, le retour des saisons, ou l'éclat emprunté dont Diane, la Lune, habille sa beauté; ou la clarté astrale aux régions polaires : Ton poème sera inspiré des baisers de Louise Labé, elle qui sait chanter! Poète couronné, les oreilles zélées des Grecs et des Romains, tu sauras les charmer!@mauriceOreste
Erotica Symbole de la passion, De parfaite tendresse Créature d'amour De beauté sans pareille Ange au coeur sensible Aux lèvres succulentes La flamme de tes yeux Prophétise la douceur. L'érotisme chez toi Comble de bonheur Le charme de ton sourire Séduit tous les coeurs Ta beauté exquise Excite les désirs Ton allure, ta démarche Laissent toujours pensif. Ceux qui t'ont connue Fondent sur eux-mêmes Ils parlent du charme sensuel Emanant de toi Des plaisirs érotiques Dont tu es l'objet De tes doux baisers Qui donnent de l'extase. Ame pantelante, Tu embellis les rêves, On crie sans cesse ton nom Dans l'épaisseur des nuits Tu es la source d'amour Où l'on étanche sa soif A l'encre de tes yeux On trempe ses regards. Ta renommée vole Jusqu'au bout de la terre De toute part on accourt Pour faire ta connaissance Tu es irrésistible, Fille aux yeux doux L'on ne peut s'arrêter De t'aimer jusqu'au bout. L'espoir de te faire l'amour Envahit tous les coeurs, Ils croquent leurs rêves Dans des écuelles fragiles Victimes de nuits blanches De pollutions nocturnes, Ils font de ton nom Leur bréviaire. Grâce te soit rendue Fille de vingt ans Car il n'est point d'homme Qui ne se plie à tes pieds Pour t'avoir au lit A longueur de journées Et faire de toi la proie D'obsession sexuelle.@mauriceOreste
Fringale D'amour J’allais mon petit chemin Quand soudain tu apparus L’air serein, cœur ouvert Prêt à y mettre l’amour. Quand tu passes cet endroit, Candace, petite marabout Aux yeux de chandelle Brièvement belle et éperdue Tu aiguises tout mon être… Un regard tendre, des yeux doux Les pétales blancs de ta bouche Dans tes gencives violettes Evoquent l’ivresse et le plaisir Cueillis sur l’herbe mouillée… A l’ombre des palmiers Où les arbres et les fleurs Accueillent à cœur-joie Ta première aventure sexuelle. Entends-tu, Candace… Les cris ardents de mon cœur Laisses-moi t’aimer au long du jour Car la nuit noire des ténèbres Emportera nos caresses et souvenirs. Coup de cœur, amour charnel Qui dure un jour ou une année; Cueillons ensemble des jours heureux, Des moments d’amour, des heures de délice Que rien n’égale… Oh! Candace, belle et généreuse, Je m’extasie devant ton charme, Tes ronronnements orgastiques Et tes tours de reins incessants; Les plaisirs qui émanent de toi Transportent hors du monde sensible Pour faire rêver en plein jour.@mauriceOreste
Lit de roses Dans un jardin de roses Le sommeil t'emporte Aux quatre coins de ton lit Se dressent des bouquets Faits de roses trémières: Tagète jaune, blanche Vives couleurs mariées A l'arôme de menthe. Un bouquet de rose-rouge Sous ton oreiller blanc Deux autres de rose blanche Au pied de ton lit Des oeillets parfumés Çà et là dans ta chambre Feront de toi ce soir La reine de printemps. Voici que vient la nuit, Chaude d'élégance Une nuit voluptueuse Pleine de charmes, Séduisante, sereine. . . Qui donne de l'extase. Sur ton lit de roses Tu es étendue, Ton corps élancé Dans ta couleur d'ébène Aux sourires charmants, Interroge mes sens. Ton portrait alléchant Dans ta tunique rouge Ah! Quelle convoitise; En te dévisageant J'imagine déjà Avec quelle volupté Je te possèderai. Sur ta peau de satin Tombent des nénuphars, Pétales blancs, rouges Rosés de plaisirs; Au milieu de ton lit Tu prends ton bain de roses Doux et sentimental Au parfum grisant et suave. Sur tes lèvres succulentes Je dépose des baisers Vrais bouquets de printemps, T'enlaçant dans mes bras Sans penser à demain; Ivres de caresses, Le sommeil nous emporte Dans ton grand lit de roses.@michelHouellebecq
Je n’avais que Dix-Sept ans Je n’avais que dix-sept ans, Mourir sans faire l’amour Me paraissait bien triste. Faut-il toucher la mort Pour connaître la vie ? Nous avons tous des corps` Fragiles, inassouvis. Fin de soirée, Les vagues glissent Sur le métal du casino Et le ciels vire à l’indigo, Ta robe est très haut sur tes cuisses. Camélia blanc dans une tresse Des cheveux lourds et torsadés, Ton corps frémit sous les caresses Et la lune est apprivoisée.@olivierDeMagny
À Anne pour baiser Anne je vous supplie, à baiser aprennez, A baiser aprennez, Anne, je vous supplie, Car parmi les plaisirs qu'en amour on publie, Les baisers sont divins quand ils sont bien donnez Je suis, et comme moi plusieurs sont étonnez, Ayant ainsi la bouche en beautés acomplie, Et de si bonne odeur l'ayant ainsi remplie, Qu'à baiser un peu mieux vous ne vous adonnez. Ce n'est pas tout que d'être ensemble bec à bec, Les lèvres se pressant d'un baiser toujours sec, Il faut que l'une langue avec l'autre s'assemble, Ores à son ami doucement la donnant, Ores de son ami doucement la prenant, La suçant, étreignant, et mordant tout ensemble.@oscarWilde
Le jardin d’éros Nous voici en plein printemps, au cœur de juin ; pas encore les travailleurs hâlés ne se hâtent sur les prairies des hauteurs, où l’opulent automne, saison usurière, ne vient que trop tôt offrir aux arbres l’or qu’il a mis de côté, trésor qu’il verra disperser par la folle prodigalité de la brise. Il est bien tôt, vraiment ! l’asphodèle, enfant chérie du Printemps, s’attarde pour piquer la jalousie de la rose ; la campanule, elle aussi, tient déployé son pavillon d’azur. Et, pareil à un fêtard égaré, perdu, que ses frères ont laissé là, pour s’enfuir des bosquets, d’où les a chassés la grive, messagère de juin, seul, un pâle narcisse reste là, tout apeuré, tapi dans un coin d’ombre, où des violettes, presque inquiètes de leur propre beauté, se refusent à regarder face à face l’or du soleil, par effroi d’une trop forte splendeur. Ah ! c’est bien là, ce me semble, — que viendraient se poser les pieds de Perséphoné, quand elle est lasse des prairies sans fleurs de Pluton, — là que danseraient les adolescents arcadiens, là qu’un homme pourrait trouver le mystère secret de l’éternelle volupté, ce secret que les Grecs ont connu. Ah ! vous et moi, nous pourrions le découvrir ici, pour peu que l’Amour et le sommeil y consentent. Ce sont là les fleurs qu’Héraklèsen deuiisema sur la tombe d’Hylas, l’ancolie, avec toutes ses blanches colombes agitées d’un frisson, quand la brise les a froissées d’un baiser trop rude, la mignonne chélidoine qui, dans son jupon jaune, chante le crépuscule du soir, et le lilas en robe de grande dame, — mais laissons-les fleurir à l’écart, laissons là-bas, les spirales de la rose trémière, aux rouges dentelures, agiter sans bruit leurs clochettes, sans quoi l’abeille, son petit carillonneur, irait chercher plus loin quelque autre divertissement ; l’anémone qui pleure dès l’aube, comme une jolie fillette devant son galant, et ne laisse, qu’à grand’peine les papillons ouvrir toutes grandes, auprès d’elle, leurs ailes bigarrées, laissons-la languir dans la pâle virginité, La neige hivernale lui plaira mieux que des lèvres comme les tiennes, dont la brûlure ne saurait que la flétrir. Va-t’en plutôt cueillir cette fleur amoureuse qui s’épanouit solitaire, et que le vent, entremetteur, poudre de baisers savoureux qui ne sont pas de lui. Les liserons aux fleurs en forme de trompette, et qu’aiment tant les jeunes filles ; la reine des prés, à la teinte de crème, plus blanche que la gorge de Junon, odorante autant que l’Arabie entière ; l’hyacinthe, que les pieds de Diane chasseresse hésiteraient à fouler, même à la poursuite du plus beau des daims tachetés, la marjolaine en bouton, dont un seul baiser suffirait à embaumer les lèvres de la déesse de Cythère, et rendre jaloux Adonis, — cela, c’est pour ton front, — et pour te faire une ceinture, — voici ce flexible rameau de clématite pourpre, dont la couleur somptueuse efface de son éclat le roi de Tyr, — et ces digitales aux corolles retombantes, — mais pour cet unique narcisse, que laissa tomber de sa robe la saison printanière, lorsqu’elle entendit avec effarement, dans les bois où elle régnait, résonner le chant ardent, orageux de l’oiseau d’été. Ah ! qu’il te soit un souvenir subtil de ces jours charmants de pluie et de soleil, alors qu’avril riait a travers ses larmes, en voyant la précoce primevère quitter d’un pied furtif les racines tortueuses des chênes, et envahir la forêt, au point que malgré ses feuilles jaunies et froissées, elle se couvrait d’un or étincelant. Non, lu peux le cueillir aussi. Il n’a pas même la moitié de ton charme, ô toi l’idole de mon âme, et quand tes pieds seront las, les anchuses tisseront leurs tapis les plus brillants ; pour toi, les chèvrefeuilles oublieront leur orgueil et voileront leur lacis confus, et tu marcheras sur les pensées bariolées. Et je couperai un roseau dans le ruisseau de là-bas, et je rendrai jaloux les dieux des bois ; le vieux Pan se demandera quel est ce jeune intrus qui s’enhardit à chanter dans ces retraites plus creuses où jamais homme ne devrait risquer un pied le soir, par crainte de surprendre Artémis et sa troupe aux corps de marbre. Et je te coulerai pourquoi la jacinthe se revêt d’une aussi morne parure de gémissements plaintifs ; pourquoi l’infortuné rossignol s’interdit de lancer son chant eh plein jour, et préfère pleurer seul, alors que dort la rapide hirondelle et que les riches font la fête ; et pourquoi le laurier tremble en voyant des lueurs d’éclair à l’Orient. Et je chanterai comment la triste Proserpine fut mariée à un grave, à un sombre maître et seigneur. Des prairies infernales semées de lotus j’évoquerai Hélène aux seins d’argent, et aussi tu verras cette beauté fatale, pour qui deux puissantes armées se heurtèrent d’un choc terrible, dans l’abîme de la guerre. Puis je te chanterai ce conte grec où Cynthia s’éprend du jeune Endymion, et s’enveloppant d’un voile gris de brouillards, se bute vers les cimes du Latmos, dès que le soleil quitte son lit de l’Océan, pour s’élancer à la poursuite de ces pieds pâles et légers qui se fondent sous son étreinte. Et si ma flûte est capable de verser une douce mélodie, nous pourrons voir face à face celle qui, en des temps bien lointains, habita parmi les hommes, près de la mer Égée, et dont la triste demeure au portique ravagé, au mur dépouillé de sa frise, aux colonnes croulées, domine les ruines de cette cité charmante, ceinte de violettes. Esprit de beauté, reste encore un peu : ils ne sont pas tous morts, tes adorateurs de jadis ; il en vit encore un petit nombre, de ceux pour qui le rayonnement de ton sourire est préférable à des milliers de victoires, dussent les nobles victimes tombées à Waterloo se redresser furieuses contre eux ; reste encore, il en survit quelques-uns, qui pour toi donneraient leur part d’humanité, et te consacreraient leur existence. Moi, du moins, j’ai agi ainsi. J’ai fait de tes lèvres ma nourriture de tous les jours, et dans tes temples j’ai trouvé un festin somptueux, tel que n’eût pu me le donner ce siècle affamé, en dépit de ses doctrines toutes neuves, où tant de scepticisme s’offre sous une forme si dogmatique. Là, ne coule aucun Cephise, aucun Ilissus ; là ne se retrouvent point les bois du blanc Colonos. Jamais sur nos blêmes collines ne croit l’olivier, jamais un pâtre simple ne fait gravir à son taureau mugissant les hautes marches de marbre ; on ne voit point par la ville les rieuses jeunes filles t’apporter la robe brodée de crocus. Pourtant, reste encore. Car l’enfant qui t’aima le mieux, dont le seul nom devrait être un souvenir capable de te retenir, dort dans un repos silencieux, au pied des murs de Rome, et la mélodie pleure d’avoir perdu sa lyre la plus douce ; nul ne saurait manier le luth d’Adonais, et le chant est mort sur ses lèvres. Non, à la mort de Keats, il restait encore aux Muses une voix argentine pour chanter sa thrénodie, mais hélas ! nous la perdîmes trop tôt, en cette nuit déchirée par la foudre, en cette mer rageuse, Panthéa vint réclamer comme son bien celui qui l’avait chantée, et fermer la bouche qui l’avait louée; depuis lors, nous allons dans la solitude, nous n’avons plus que ce cœur ardent, cette étoile matinale de l’Angleterre ressuscitée, dont le clair regard, derrière notre trône croulant, et les ruines de la guerre, vit les grandes formes grecques de la jeune Démocratie surgir dans leur puissance comme Hespérus, et amener la grande République. À lui du moins tu as enseigné le chant. Et il t’a accompagné en Thessalie, et il a vu la blanche Atalante, aux pieds légers, à la virginité impassible et sauvage, chasser le sanglier armé de défenses. Son luth, aussi doux que le miel, a ouvert la caverne dans la colline creuse, et Vénus rit de savoir qu’un genou fléchira encore devant elle. Et il a baisé les lèvres de Proserpine et chanté le requiem du Galiléen. Ce front meurtri, taché de sang et de vin, il l’a découronné. Les Dieux de jadis ont trouvé en lui leur dernier, leur plus ardent adorateur, et le signe nouveau s’efface et pâlit devant son vainqueur. Esprit de Beauté, reste encore avec nous. Elle n’est point encore éteinte, la torche de la poésie. L’étoile qui surgit par-dessus les hauteurs de l’Orient défend invinciblement ses armoiries argentées, contre les ténèbres qui s’épaississent, contre la fureur des ennemis. Oh ! reste encore avec nous, car, au cours de la nuit longue et monotone, Morris, le doux et simple enfant de Chaucer, l’aimable héritier des pipeaux mélodieux de Spencer, a souvent charmé par ses tendres airs champêtres l’âme humaine en ses besoins et ses détresses, et des champs de glace, lointains et dénudés, a rapporté assez de belles fleurs pour faire ensemble un paradis terrestre. Nous les connaissons tous, Gudrun, la fiancée des hommes forts, et Aslaug, et Olfason, nous les connaissons tous, et comment combattait le géant Grettir, et comment mourut Sigurd, et quel enchantement tenait le roi captif, quand Brynhild luttait avec les puissances qui déclarent la guerre à toute passion. Ah ! que de fois, pendant les heures d’été, les longues heures monotones, alors que le midi, s’amourachant d’une rose de Damas, oublie de reprendre sa marche vers l’Ouest, si bien que la lune, pâle usurpatrice, élargissant sa tache, change son mince croissant en un disque d’argent, et réprimande son char paresseux, — que de fois, dans l’herbe fraîche et drue, bien loin du jeu de cricket et des bruyants canotiers, à Bagley, où les campanules devancent un peu l’époque de l’accouplement pour les merles et s’attardent à attendre l’hirondelle, où le bourdonnement d’innombrables abeilles vibre dans la feuillée, je suis resté à m’abandonner aux contes rêveurs que tisse sa fantaisie. Et à travers leurs infortunes imaginaires, et leurs douleurs fictives, j’ai pleuré sur moi-même, puis retrouvé la bonne humeur dans une simple gaîté, en voyageant sur cette mer aux mille teintes. Je sentais en moi la force et la splendeur de la tempête, sans avoir à en subir les désastres, car le chanteur est divin. Le petit rire que fait entendre l’eau en tombant, n’est point aussi musical, et l’or liquide qui s’accumule en piles serrées dans la mignonne cité de cire n’a pas tant de douceur. Les vieux roseaux à demi desséchés qui se balançaient en Arcadie, dès que ses lèvres les touchent, exhalent une harmonie toute nouvelle. Esprit de beauté, attarde-toi encore un peu, bien que les marchands trompeurs du commerce profanent de leurs routes de fer notre île charmante, et qu’ils rompent les membres de l’Art sur des roues tournoyantes, hélas ! bien que les usines bondées propagent l’ignorance, ver rongeur qui tue l’âme, oh ! reste encore. Car il est au moins un homme, — il tire son nom de Dante et du séraphin Gabriel, et son double laurier brûle d’une flamme impérissable pour éclairer ton autel. Celui-là t’aime bien, qui vit le vieux Merlin se prendre au piège de Viviane, et les anges aux pieds blancs descendre les marches d’or. Il t’aime si bien que l’univers doit se couvrir de vêtements aux couleurs somptueuses, et le Chagrin prendre un diadème de pourpre, ou, sans cela, il cesserait d’être le Chagrin ; et le Désespoir devrait dorer ses cornes, et la Douleur, pareille à Adon, serait belle même dans son excès. Tel est l’empire qu’exercent les Peintres, tel est l’héritage que possède notre solennel Esprit, car avec toute sa pitié, son amour, sa lassitude, il est un miroir plus fidèle de son siècle que ne le sont les Peintres dont le talent ne peut prétendre à un but plus haut que la copie des banalités, incapable qu’il est de représenter l’âme avec ses terribles problèmes. Mais ils sont en petit nombre, et tout romanesque s’est dissipé. Les hommes peuvent faire des prophéties au sujet du soleil, des leçons sur les taches, enseigner comment les atomes sans âme parcourent isolément un vide infini, comme de chaque arbre a fui la nymphe éplorée, pourquoi nulle naïade ne montre plus sa tête parmi les roseaux d’Angleterre. À mon gré, ces modernes Actéons se vantent trop tôt d’avoir surpris les secrets de la Beauté : faut-il, parce que nous avons analysé l’arc-en-ciel et dépouillé la lune de son mystère le plus ancien, le plus chaste, que moi, le dernier Endymion, je perde tout espoir, parce que des yeux impertinents ont lorgné ma maîtresse à travers un télescope ? À quoi nous sert-il que ce siècle scientifique ait fait irruption par nos portes avec tout son cortège de miracles modernes ? Peut-il apaiser un amant au cœur brisé ? Peut-il, en toute sa durée, faire quoi que ce soit pour rendre une existence plus belle, la faire plus divine un seul jour ? Mais maintenant le siècle d’argile reparaît, ramené par un cycle horrible : la Terre a engendré une nouvelle et bruyante progéniture de Titans ignorants, que leur origine impure lance encore une fois contre l’auguste hiérarchie qui siégeait sur l’Olympe. Ils ont fait appel à la Poussière, et c’est de cet arbitre infécond qu’ils doivent attendre la sentence. Qu’ils tâchent, s’ils en sont capables, de faire sortir de la lutte naturelle et du hasard sans raison la nouvelle règle de l’idéal pour l’homme ! Il me semble que ce n’était point là mon héritage, car j’avais été nourri d’une façon tout opposée. Mon âme va des hauteurs suprêmes de la vie vers un but plus élevé. Vois, pendant que nous parlions, la Terre a détourné du Dieu sa face, et la barque d’Hécate a surgi avec sa charge argentée, jusqu’à ce qu’enfin le jour jaloux en éteignît toutes les torches. Je n’ai point remarqué la fuite des heures ; pour les jeunes Endymions, les doigts paralysés du Temps égrènent en vain son rosaire de soleils. Regardez comme l’iris jaune penche languissamment sa gorge en arrière, pour appeler le baiser de son page perfide, la libellule, alors que celle-ci, pareille à une veine bleue sur le poignet blanc d’une jeune fille, dort sur la primevère neigeuse qui est née cette nuit et qui commence à s’enflammer du rouge ardent de la honte, et va mourir en pleine lumière. Allons-nous-en. Déjà se profilent sur le pâle bouclier du ciel décoloré les brillantes fleurs de l’amandier. Le râle des prés, tapi dans l’herbe encore respectée de la faux, répond à l’appel de sa compagne ; les courlis réveillés en sursaut franchissent d’un vol irrégulier le ruisseau couvert de brouillards, et dans son lit de roseaux, l’alouette, joyeuse de voir poindre le jour, éparpille dans l’herbe les perles de la rosée, et toute tremblante d’extase, va saluer le Soleil, qui bientôt, sous sa complète armure d’or, va sortir de cette tente couleur orangée, que voici dressée là-bas vers l’Orient en feu. Vois, la frange rouge apparaît sur les hauteurs attentives. Voici le Dieu, et dans son amour pour lui, la bruyante alouette est déjà hors de vue et remplit de ses chants cette vallée de silence. Ah ! il y a dans le vol de cet oiseau plus d’une chose qu’on ne saurait apprendre dans une cornue. Mais l’air fraîchit. Partons, car bientôt les bûcherons seront ici. Quelle nuit de juin nous avons vécue !@patriciaDuflot
Fais-moi Fais-moi rire Fais-moi jouir Fais-moi frémir. Pétris-moi, malaxe-moi, Retourne-moi, aplatis-moi, Arrondis-moi, caresse-moi, Reforge-moi, refonde ma gorge et Mes omoplates. Mes vallées. Fais-moi frémir. Fais-moi rire, monstrueusement, Secrètement. Rageusement. Explosivement. Fais-moi jouer et pâlir Fais-moi rougir De tout le corps. Verser les larmes de mon corps, Le sel, la sueur de mon cerveau. Le suc de mes lèvres et la Fontaine tout en miel. Malaxe-moi, resserre-moi, Enserre-moi, attache-moi, Tue-moi et ressuscite-moi. Fais-moi rugir, rougir, Crier à n’en plus finir. Fais-moi jouir et M’endormir. Rire du sommeil des justes. Fais-moi être Et oublier Qui je suis.@patriciaDuflot
Feuille de vigne Ton cou est beau De ta peau je ferai un collier d’argent A la pointe du jour Mon dard exhale son parfum Bouquet de myrtilles au creux de mes reins Tu es pour moi Une grappe Au suc cristallin Tes yeux sont beaux Ton sexe Comme un rubis Notre lit C’est de la Vigne en fleur, Verdure, floraison Maturation La sève coule au bout du jonc Et s’illumine.@paulEluard
Le baiser Un coq à la porte de l'aube Un coq battant de cloche Brise le temps nocturne sur des galets de promptitude Un lancer de ramages Entre deux transparences inégales On ne va pas si tôt lever la tête Vers la lumière qui s'assemble Mais la baisser Sur une bouche plus vorace qu'une murène Sur une bouche qui se cache sous les paupières Et qui bientôt se cachera derrière les yeux Porteuse de rêves nouveaux La plus douce des charrues Inutile indispensable Elle sait la place de chaque chose Dans le silence Collier rompu des mots rebelles Une autre bouche pour litière Compagne des herbes fiévreuses Ennemie des pièges Sauvage et bonne formée pour tous Et pour personne Bouche oublieuse du langage Bouche éclairée par les mirages de la nuit Le premier pas sur cette route franche Monotone comme un enfant Mille orchidées à l'infini Brillant brûlant pont vivant Image écho reflet d'une naissance perpétuelle Cest gagner un instant Pour ne plus jamais douter de durer.@paulVerlaine
À Madame *** Quand tu m’enserres de tes cuisses La tête ou les cuisses, gorgeant Ma gueule de bathes délices De ton jeune foutre astringent, Où mordant d’un con à la taille Juste de tel passe-partout Mon vit point, très gros, mais canaille Depuis les couilles jusqu’au bout. Dans la pinete et la minette Tu tords ton cul d’une façon Qui n’est pas d’une femme honnête ; Et nom de Dieu, t’as bien raison ! Tu me fais des langues fourrées, Quand nous baisons, d’une longueur, Et d’une ardeur démesurées Qui me vont, merde ! au droit du cœur, Et ton con exprime ma pine Comme un ours téterait un pis, Ours bien léché, toison rupine, Que la mienne a pour fier tapis Ours bien léché, gourmande et saoûle Ma langue ici peut l’attester Qui fit à ton clitoris boule- de-gomme à ne plus le compter Bien léché, oui, mais âpre en diable, Ton con joli, taquin, coquin, Qui rit rouge sur fond de sable ; Telles les lèvres d’Arlequin.@paulVerlaine
Au bal Un rêve de cuisses de femmes Ayant pour ciel et pour plafond Les culs et les cons de ces dames Très beaux, qui viennent et qui vont. Dans un ballon de jupes gaies Sur des airs gentils et cochons ; Et les culs vous ont de ces raies, Et les cons vous ont des manchons ! Des bas blancs sur quels mollets fermes Si rieurs et si bandatifs Avec, en haut, sans fins, ni termes Ce train d’appâts en pendentifs, Et des bottines bien cambrées Moulant des pieds grands juste assez Mènent des danses mesurées En pas vifs, comme un peu lassés Une sueur particulière Sentant à la fois bon et pas, Foutre et mouille, et trouduculière, Et haut de cuisse, et bas de bas, Flotte et vire, joyeuse et molle, Mêlée à des parfums de peau A nous rendre la tête folle Que les youtres ont sans chapeau. Notez combien bonne ma place Se trouve dans ce bal charmant : Je suis par terre, et ma surface Semble propice apparemment Aux appétissantes danseuses Qui veulent bien, on dirait pour Telles intentions farceuses, Tournoyer sur moi quand mon tour, Ce, par un extraordinaire Privilège en elles ou moi, Sans me faire mal, au contraire, Car l’aimable, le doux émoi Que ces cinq cent mille chatouilles De petons vous caracolant A même les jambes, les couilles, Le ventre, la queue et le gland ! Les chants se taisent et les danses Cessent. Aussitôt les fessiers De mettre au pas leurs charmes denses, Ô ciel ! l’un d’entre eux, tu t’assieds Juste sur ma face, de sorte Que ma langue entre les deux trous Divins vague de porte en porte Au pourchas de riches ragoûts. Tous les derrières à la file S’en viennent généreusement M’apporter, chacun en son style, Ce vrai banquet d’un vrai gourmand. Je me réveille, je me touche ; C’est bien moi, le pouls au galop… Le nom de Dieu de fausse couche ! Le nom de Dieu de vrai salop !@paulVerlaine
Filles I Bonne simple fille des rues Combien te préféré-je aux grues Qui nous encombrent le trottoir De leur traîne, mon décrottoir, Poseuses et bêtes poupées Rien que de chiffons occupées Ou de courses et de paris Fléaux déchaînés sur Paris ! Toi, tu m’es un vrai camarade Qui la nuit monterait en grade Et même dans les draps câlins Garderait des airs masculins, Amante à la bonne franquette, L’amie à travers la coquette Qu’il te faut bien être un petit Pour agacer mon appétit. Oui, tu possèdes des manières Si farceusement garçonnières Qu’on croit presque faire un péché (Pardonné puisqu’il est caché) Sinon que t’as les fesses blanches De frais bras ronds et d’amples hanches Et remplaces que tu n’as pas Par tant d’orthodoxes appas. T’es un copain tant t’es bonne âme, Tant t’es toujours tout feu, tout flamme S’il s’agit d’obliger les gens Fût-ce avec tes pauvres argents Jusqu’à doubler ta rude ouvrage, Jusqu’à mettre du linge en gage ! Comme nous t’as eu des malheurs, Et tes larmes valent nos pleurs Et tes pleurs mêlés à nos larmes Ont leurs salaces et leurs charmes, Et de cette pitié que tu Nous portes sort une vertu T’es un frère qu’est une dame Et qu’est pour le moment ma femme… Bon ! Puis dormons jusqu’à potron- Minette, en boule et ron, ron, ron ! Serre-toi que je m’acoquine Le ventre au bas de ton échine Mes genoux emboîtant les tiens Tes pieds de gosse entre les miens. Roule ton cul sous ta chemise Mais laisse ma main que j’ai mise Au chaud sous ton gentil tapis. Là ! Nous voilà cois, bien tapis. Ce n’est pas la paix, c’est la trêve. Tu dors ? Oui. Pas de mauvais rêve. Et je somnole en gais frissons, Le nez pâmé sur tes frissons. II Et toi, tu me chausses aussi, Malgré ta manière un peu rude Qui n’est pas celle d’une prude Mais d’un virago réussi. Oui, tu me bottes, quoique tu Gargarises dans ta voix d’homme Toutes les gammes de rogomme, Buveuse à coudes rabattus ! Ma femme ! Sacré nom de Dieu ! À nous faire perdre la tête Nous foutre tout le reste en fête Et, nom de Dieu, le sang en feu. Ton corps dresse, sous le reps noir, Sans qu’assurément tu nous triches Une paire de nénais riches Souples, durs, excitants, faut voir ! Et moule un ventre jusqu’au bas Entre deux friands haut-de-cuisse, Qui parle de sauce et d’épice Pour quel poisson de quel repas ! Tes bas blancs — et je t’applaudis De n’arlequiner point des formes- Nous font ouvrir des yeux énormes Sur des mollets que rebondis ! Ton visage de brune où les Traces de robustes fatigues Marquent clairement que tu brigues Surtout le choc des mieux râblés, Ton regard ficelle et gobeur Qui sait se mouiller puis qui mouille Où toute la godaille grouille Sans reproche, ô non ! mais sans peur, Toute ta figure — des pieds Cambrés vers toutes les étreintes Aux traits crépis, aux mèches teintes, Par nos longs baisers épiés- Ravigote les roquentins Et les ci-devant jeunes hommes Que voilà bientôt que nous sommes, Nous électrise en vieux pantins, Fait de nous de vrais bacheliers Empressés auprès de ta croupe Humant la chair comme une soupe, Prêts à râler sous tes souliers ! Tu nous mets bientôt à quia, Mais, patiente avec nos restes, Les accommode, mots et gestes, En ragoût où de tout il y a. Et puis quoique mauvaise au fond, Tu nous a de ces indulgences ! Toi, si teigne entre les engeances, Tu fais tant que les choses vont. Tu nous gobe (ou nous le dis) Non de te satisfaire, ô goule ! Mais de nous tenir à la coule D’au moins les trucs les plus gentils. Ces devoirs nous les déchargeons, Parce qu’au fond tu nous violes, Quitte à te fiche de nos fioles Avec de plus jeunes cochons.@paulVerlaine
Gamineries Depuis que ce m’est plus commode De baiser en gamin, j’adore Cette manière et l’aime encore Plus quand j’applique la méthode Qui consiste à mettre mes mains Bien fort sur ton bon gros cul frais, Chatouille un peu conçue exprès, Pour mieux entrer dans tes chemins. Alors ma queue est en ribote De ce con, qui, de fait, la baise, Et de ce ventre qui lui pèse D’un poids salop — et ça clapote, Et les tétons de déborder De la chemise lentement Et de danser indolemment, Et de mes yeux comme bander, Tandis que les tiens, d’une vache, Tels ceux-là des Junons antiques. Leur fichent des regards obliques, Profonds comme des coups de hache, Si que je suis magnétisé Et que mon cabochon d’en bas, Non toutefois sans quels combats ? Se rend tout à fait médusé. Et je jouis et je décharge Dans ce vrai cauchemar de viande A la fois friande et gourmande Et tour à tour étroite et large, Et qui remonte et redescend Et rebondit sur mes roustons En sauts où mon vit à tâtons Pris d’un vertige incandescent Parmi des foutres et des mouilles Meurt, puis revit, puis meurt encore, Revit, remeurt, revit encore Par tout ce foutre et que de mouilles ! Cependant que mes doigts, non sans Te faire un tas de postillons, Légers comme des papillons Mais profondément caressants Et que mes paumes de tes fesses Froides modérément tout juste Remontent lento vers le buste Tiède sous leurs chaudes caresses.@paulVerlaine
Goûts royaux Louis Quinze aimait peu les parfums. Je l’imite Et je leur acquiesce en la juste limite. Ni flacons, s’il vous plaît, ni sachets en amour ! Mais, ô qu’un air naïf et piquant flotte autour D’un corps, pourvu que l’art de m’exciter s’y trouve ; Et mon désir chérit et ma science approuve Dans la chair convoitée, à chaque nudité L’odeur de la vaillance et de la puberté Ou le relent très bon des belles femmes mûres. Même j’adore — tais, morale, tes murmures — Comment dirais-je ? ces fumets, qu’on tient secrets, Du sexe et des entours, dès avant comme après La divine accolade et pendant la caresse, Quelle qu’elle puisse être, ou doive, ou le paraisse. Puis, quand sur l’oreiller mon odorat lassé, Comme les autres sens, du plaisir ressassé, Somnole et que mes yeux meurent vers un visage S’éteignant presque aussi, souvenir et présage, De l’entrelacement des jambes et des bras, Des pieds doux se baisant dans la moiteur des draps, De cette langueur mieux voluptueuse monte Un goût d’humanité qui ne va pas sans honte, Mais si bon, mais si bon qu’on croirait en manger ! Dès lors, voudrais-je encor du poison étranger, D’une flagrance prise à la plante, à la bête Qui vous tourne le cœur et vous brûle la tête, Puisque j’ai, pour magnifier la volupté, Proprement la quintessence de la beauté ?@paulVerlaine
Idylle high-life La galopine À pleine main Branle la pine Au beau gamin. L’heureux potache Décalotté Jouit et crache De tout côté. L’enfant rieuse À voir ce lait Et curieuse De ce qu’il est, Hume une goutte Au bord du pis, Puis dame ! en route, Ma foi, tant pis ! Pourlèche et baise Le joli bout, Plus ne biaise Pompe le tout ! Petit vicomte De je-ne-sais, Point ne raconte Trop ce succès, Fleur d’élégances, Oaristys De tes vacances Quatre-vingt-dix : Ces algarades Dans les châteaux, Tes camarades, Même lourdeaux, Pourraient sans peine T’en raconter À la douzaine Sans inventer ; Et les cousines, Anges déchus, De ses cuisines Et de ces jus Sont coutumières, Pauvres trognons, Dès leurs premières Communions ; Ce, jeunes frères, En attendant Leurs adultères Vous impendant.@paulVerlaine
Morale en raccourci Une tête blonde et de grâce pâmée, Sous un cou roucouleur de beaux tétons bandants, Et leur médaillon sombre à la mamme enflammée, Ce buste assis sur des coussins bas, cependant Qu’entre deux jambes, très vibrantes, très en l’air, Une femme à genoux vers quels soins occupée, Amour le sait — ne montre aux dieux que l’épopée Candide de son cul splendide, miroir clair De la Beauté qui veut s’y voir afin d’y croire. Cul féminin, vainqueur serein du cul viril, Fût-il éphébéen, fût-il puéril. Cul féminin, cul sur tous culs, los, culte et gloire !@paulVerlaine
Partie carrée Chute des reins, chute du rêve enfantin d’être sage, Fesses, trône adoré de l’impudeur, Fesses, dont la blancheur divinise encor la rondeur, Triomphe de la chair mieux que celui par le visage ! Seins, double mont d’azur et de lait aux deux cîmes brunes, Commandant quel vallon, quel bois sacré ! Seins, dont les bouts charmants sont un fruit vivant, savouré Par la langue et la bouche ivres de ces bonnes fortunes ! Fesses, et leur ravin mignard d’ombre rose un peu sombre Où rôde le désir devenu fou, Chers oreillers, coussin au pli profond pour la face ou Le sexe, et frais repos des mains après ces tours sans nombres ! Seins, fins régals aussi des mains qu’ils gorgent de délices, Seins lourds, puissants, un brin fiers et moqueurs, Dandinés, balancés, et, se sentant forts et vainqueurs, Vers nos prosternements comme regardant en coulisse ! Fesses, les grandes sœurs des seins vraiment, mais plus nature, Plus bonhomme, sourieuses aussi, Mais sans malices trop et qui s’abstiennent du souci De dominer, étant belles pour toute dictature ! Mais quoi ? Vous quatre, bons tyrans, despotes doux et justes, Vous impériales et vous princiers, Qui courbez le vulgaire et sacrez vos initiés, Gloire et louange à vous, Seins très saints, Fesses très augustes !@paulVerlaine
Pour Rita J’abomine une femme maigre, Pourtant je t’adore, ô Rita, Avec tes lèvres un peu nègre Où la luxure s’empâta. Avec tes noirs cheveux, obscènes A force d’être beaux ainsi Et tes yeux où ce sont des scènes Sentant, parole ! le roussi, Tant leur feu sombre et gai quand même D’une si lubrique gaîté Éclaire de grâce suprême Dans la pire impudicité Regard flûtant au virtuose Es-pratiques dont on se tait : « Quoi que tu proposes, ose Tout ce que ton cul te dictait » ; Et sur ta taille comme d’homme, Fine et très fine cependant, Ton buste, perplexe Sodome Entreprenant puis hésitant, Car dans l’étoffe trop tendue De tes corsages corrupteurs Tes petits seins durs de statue Mais tes jambes, que féminines Leur grâce grasse vers le haut Jusques aux fesses que devine Mon désir, jamais en défaut, Dans les plis cochons de ta robe Qu’un art salop sut disposer Pour montrer plus qu’il ne dérobe Un ventre où le mien se poser ! Bref, tout ton être ne respire Que faims et soifs et passions… Or je me crois encore pire : Faudrait que nous comparassions. Allons, vite au lit, mon infante, Çà livrons-nous jusqu’au matin Une bataille triomphante A qui sera le plus putain.@paulVerlaine
Reddition Je suis foutu. Tu m’as vaincu. Je n’aime plus que ton gros cu Tant baisé, léché, reniflé Et que ton cher con tant branlé, Piné — car je ne suis pas l’homme Pour Gomorrhe ni pour Sodome, Mais pour Paphos et pour Lesbos, (Et tant gamahuché, ton con) Converti par tes seins si beaux, Tes seins lourds que mes mains soupèsent Afin que mes lèvres les baisent Et, comme l’on hume un flacon, Sucent leurs bouts raides, puis mou, Ainsi qu’il nous arrive à nous Avec nos gaules variables C’est un plaisir de tous les diables Que tirer un coup en gamin, En épicier ou en levrette Ou à la Marie-Antoinette Et cætera jusqu’à demain Avec toi, despote adorée, Dont la volonté m’est sacrée, Plaisir infernal qui me tue Et dans lequel je me tue A satisfaire ta luxure. Le foutre s’épand de mon vit Comme le sang d’une blessure… N’importe ! Tant que mon cœur vit Et que palpite encore mon être Je veux remplir en tout ta loi, N’ayant, dure maîtresse, en toi Plus de maîtresse, mais un maître.@paulVerlaine
Régals Croise tes cuisses sur ma tête De façon à ce que ma langue, Taisant toute sotte harangue, Ne puisse plus que faire fête À ton con ainsi qu’à ton cu Dont je suis l’à-jamais vaincu Comme de tout ton corps, du reste, Et de ton âme mal céleste, Et de ton esprit carnassier Qui dévore en moi l’idéal Et m’a fait le plus putassier Du plus pur, du plus lilial Que j’étais avant ta rencontre Depuis des ans et puis des ans. Là, dispose-toi bien et montre Par quelques gestes complaisants Qu’au fond t’aimes ton vieux bonhomme Ou du moins le souffre faisant Minette (avec boule de gomme) Et feuille de rose, tout comme Un plus jeune mieux séduisant Sans doute mais moins bath en somme Quant à la science et au faire. Ô ton con ! qu’il sent bon ! J’y fouille Tant de la gueule que du blaire Et j’y fais le diable et j’y flaire Et j’y farfouille et j’y bafouille Et j’y renifle et oh ! j’y bave Dans ton con à l’odeur cochonne Que surplombe une motte flave Et qu’un duvet roux environne Qui mène au trou miraculeux Où je farfouille, où je bafouille Où je renifle et où je bave Avec le soin méticuleux Et l’âpre ferveur d’un esclave Affranchi de tout préjugé. La raie adorable que j’ai Léchée amoroso depuis Les reins en passant par le puits Où je m’attarde en un long stage Pour les dévotions d’usage, Me conduit tout droit à la fente Triomphante de mon infante. Là, je dis un salamalec Absolument ésotérique Au clitoris rien moins que sec, Si bien que ma tête d’en bas Qu’exaspèrent tous ces ébats S’épanche en blanche rhétorique, Mais s’apaise dès ces prémisses. Et je m’endors entre tes cuisses Qu’à travers tout cet émoi tendre La fatigue t’a fait détendre.@paulVerlaine
Tableau populaire L’apprenti point trop maigrelet, quinze ans, pas beau, Gentil dans sa rudesse un peu molle, la peau Mate, œil vif et creux, sort de sa cotte bleue, Fringante et raide au point, sa déjà grosse queue Et pine la patronne, une grosse encore bien, Pâmée au bord du lit dans quel maintien vaurien, Jambes en l’air et seins au clair, avec un geste ! A voir le gars serrer les fesses sous sa veste Et les fréquents pas en avant que ses pieds font ; Il appert qu’il n’a pas peur de planter profond Ni d’enceinter la bonne dame qui s’en fiche, (Son cocu n’est-il pas là confiant et riche ?) Aussi bien arrivée au suprême moment Elle s’écrie en un subit ravissement : « Tu m’as fait un enfant, je le sens, et t’en aime D’autant plus « — » Et voilà les bonbons du baptême ! « Dit-elle, après la chose ; et tendre à croppetons, Lui soupèse et pelote et baise les roustons.@paulVerlaine
Vas unguentatum Admire la brèche moirée Et le ton rose-blanc qu’y met La trace encor de mon entrée Au paradis de Mahomet. Vois, avec un plaisir d’artiste, Ô mon vieux regard fatigué D’ordinaire à bon droit si triste, Ce spectacle opulent et gai, Dans un mol écrin de peluche Noire aux reflets de cuivre roux Qui serpente comme une ruche, D’un bijou, le dieu des bijoux, Palpitant de sève et de vie Et vers l’extase de l’amant Essorant la senteur ravie, On dirait, à chaque élément. Surtout contemple, et puis respire, Et finalement baise encor Et toujours la gemme en délire, Le rubis qui rit, fleur du for Intérieur, tout petit frère Epris de l’autre et le baisant Aussi souvent qu’il le peut faire, Comme lui soufflant à présent… Mais repose-toi, car tu flambes. Aussi, lui, comment s’apaiser, Cuisses et ventre, seins et jambes Qui ne cessez de l’embraser ? Hélas ! voici que son ivresse Me gagne et s’en vient embrasser Toute ma chair qui se redresse… Allons, c’est à recommencer !