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Titre : Goûts royaux

Auteur : Paul Verlaine Recueil : Femmes, 1890

Louis Quinze aimait peu les parfums. Je l’imite Et je leur acquiesce en la juste limite. Ni flacons, s’il vous plaît, ni sachets en amour ! Mais, ô qu’un air naïf et piquant flotte autour D’un corps, pourvu que l’art de m’exciter s’y trouve ; Et mon désir chérit et ma science approuve Dans la chair convoitée, à chaque nudité L’odeur de la vaillance et de la puberté Ou le relent très bon des belles femmes mûres. Même j’adore — tais, morale, tes murmures — Comment dirais-je ? ces fumets, qu’on tient secrets, Du sexe et des entours, dès avant comme après La divine accolade et pendant la caresse, Quelle qu’elle puisse être, ou doive, ou le paraisse. Puis, quand sur l’oreiller mon odorat lassé, Comme les autres sens, du plaisir ressassé, Somnole et que mes yeux meurent vers un visage S’éteignant presque aussi, souvenir et présage, De l’entrelacement des jambes et des bras, Des pieds doux se baisant dans la moiteur des draps, De cette langueur mieux voluptueuse monte Un goût d’humanité qui ne va pas sans honte, Mais si bon, mais si bon qu’on croirait en manger ! Dès lors, voudrais-je encor du poison étranger, D’une flagrance prise à la plante, à la bête Qui vous tourne le cœur et vous brûle la tête, Puisque j’ai, pour magnifier la volupté, Proprement la quintessence de la beauté ?