Titre : Chanson
Auteur : Claude Mermet
Pour les hommes
Si tu te plains que ta femme est trop bonne,
L'ayant gardée trois semaines en tout,
Attends un an, et tu perdras à coup
L'occasion de t'en plaindre à personne.
Mais si elle est malicieuse et fière,
Par mon conseil, ne l'en estime moins ;
Je prouverai toujours par bons témoins
Que la mauvaise est bonne ménagère.
Si par nature elle est opiniâtre,
Commande-lui toute chose à rebours ;
Et tu seras servi suivant le cours
De ton dessein, sans frapper ni sans battre.
Si elle dort la grasse matinée,
C'est ton profit, d'autant qu'elle n'a pas
Tel appétit, quand ce vient au repas,
Et son dormir lui vaut demi-dîner.
Si elle fait la malade par mine,
Va lui percer la veine doucement
Sans la blesser, et tu verras comment
Tel aiguillon lui porte médecine.
Si elle est vieille ou malade sans cesse,
Tu la sauras, sage, contre-garder,
Attendant mieux, et tu pourras garder,
Pour un besoin, la fleur de ta jeunesse.
Si tu te plains que ta femme se passe
De faire enfants, par faute d'un seul point,
Sois patient ; mieux vaut ne s'en voir point,
Que d'en avoir qui font honte à leur race.
Mais si tu dis que la charge te pèse
D'enfants petits, dont la tête te deult,
Ne te soucie, il n'en a pas qui veut :
Ils t'aideront à vivre en ta vieillesse.
Si quelquefois du vin elle se donne ;
Cela lui fait sa malice vomir ;
C'est un pavot qui la fait endormir ;
Femme qui dort ne fait mal à personne.