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Titre : À Victor Hugo

Auteur : Alexis-Félix Arvers Recueil : Mes heures perdues, 1833

D’illusions fantastiques Quel doux esprit t’a bercé ? Qui t’a dit ces airs antiques, Ces contes du temps passé ? Que j’aime quand tu nous chantes Ces complaintes si touchantes, Ces cantiques de la foi, Que m’avait chantés mon père, Et que chanteront, j’espère, Ceux qui viendront après moi. Quand le soir, à la chaumière, La lampe unit tristement La pâleur de sa lumière Au vif éclat du sarment, Assis dans le coin de l’âtre, Sans doute tu vis le pâtre Rappeler des anciens jours, Récits d’amour, de constance. Et redire à l’assistance Ces airs qu’on retient toujours. Il a de vieilles ballades, Il a de joyeux refrains : Et pour les brebis malades Des remèdes souverains : Il connaît les noirs présages : Perçant le voile des âges Son œil lit dans l’avenir, Il donne des amulettes, Et prédit aux bachelettes Quand l’amour doit leur venir. Il ta montré la relique Et la croix qu’un pénitent A la sainte basilique A fait bénir en partant. Il t’a dit les eaux fangeuses Où dans les nuits orageuses Errent de pâles lueurs, Puis sur l’autel de la Vierge Il a fait brûler un cierge A la mère des douleurs. Il a deviné ta peine, Il t’a conseillé parfois D’aller faire une neuvaine A Notre-Dame-des-Bois ; De partir pour la Galice ; Ou, vêtu du noir cilice D’aller, pieux voyageur, Déposer ton humble hommage Au pied de la vieille image De Saint Jacques-le-Majeur. Dans une chapelle basse, Devers la Saint-Jean d’été, Il t’a fait baiser la châsse Dont l’antique sainteté Donne à la foi populaire Le précieux scapulaire Qui du malin nous défend, Et sans travail, ni souffrance, Abrège la délivrance Des femmes en mal d’enfant. Il t’a fait dans les bruyères Voir, de loin, les lieux maudits Où l’on dit que les sorcières S’assemblent les samedis ; Où pour d’impurs sortilèges A leurs festins sacrilèges S’asseoit l’archange déchu ; Où le voyageur qui passe S’enfuit en voyant la trace Qu’y grava son pied fourchu. Mais à l’angle de deux routes Il te recommande à Dieu : Il part ; et toi tu l’écoutes Après qu’il t’a dit adieu. Puis tu reviens et nous chantes Ces complaintes si touchantes, Ces cantiques de la foi Que m’avait chantés mon père, Et que chanteront, j’espère. Ceux qui viendront après moi.